
La musique semble être pour lui un prétexte pour faire passer un message et pour rétablir des vérités historiques, notamment à propos d’épisodes précis de la Seconde Guerre Mondiale : « La musique est un missile, les textes sont l’explosif ».
Il l’avouera lui même avec une humilité qui force le respect : « Personne ne ferait attention à nous si nos paroles ne faisaient parler d’elles. Nous ne sommes pas des génies de la musique dont les chansons seules peuvent être considérées comme des ?uvres d’art ».
Conformément à cet état d’esprit qui relèguerait presque la musique au second plan, nous aurons, au cours de cet entretien, plus parlé politique et histoire qu’Invictus, dernier opus du groupe et conclusion à la trilogie Iconoclast : The Final Resistance, composée notamment d’un documentaire. Une trilogie qui, quoi qu’on en pense d’un point de vue musical, aura eu le mérite d’orienter salutairement les projecteurs vers des héros que les livres d’histoire oublient trop souvent. Et c’est avec une passion des plus sincères qu’il s’offusquera du manque de prise de conscience de la souffrance des pays du tiers monde de la part de notre société de consommation.

« En Allemagne on insiste énormément sur le rôle de la résistance au sein de l’armée, sur des soldats honorables qui ont tenté d’assassiner Hitler. Mais ils n’étaient que des Nazis qui essayaient de tuer d’autres Nazis. Après leur coup d’Etat, ils avaient prévu de mettre en place un autre régime militaire. Aurait-il été meilleur que celui d’Hitler ? »
Cet album est la suite d’une trilogie composée de votre album précédent, Iconoclast (NDLR : sorti en 2008) ainsi que d’un live. Ce n’est pas commun d’inclure un live dans une série conceptuelle. Que signifie ce choix ?
Maik Weichert (guitare) : Iconoclast II n’est pas seulement un album live, c’est aussi un élément indispensable de cet ensemble, de ce concept. C’est un DVD avec un documentaire, et, d’une certaine façon, c’est le coeur de cette série. Avec ce documentaire, on avait envie de montrer comment les medias, la télé sont utilisés pour manipuler les gens.
Peux tu revenir sur les origines de cette trilogie et son objectif ?Avec Iconoclast, on avait envie de raconter des histoires un peu inhabituelles sur des héros célèbres ou inconnus ; on voulait surtout les présenter sous un angle différent. En écrivant cet album, on ne prévoyait pas du tout de sortir une suite. Ensuite, nous avons voulu faire un DVD, et on s’est dit qu’une approche iconoclaste serait de nouveau une bonne idée. En écrivant les paroles et la musique pour Invictus, notre nouvel opus, on s’est rendu compte que les thèmes et les paroles étaient assez proches de ceux d’Iconoclast. Les chansons parlent de nouveau de héros non conventionnels et nous permettent de revisiter certaines histoires du passé, tout en questionnant certains points de vue historiques. On a donc très logiquement décidé que ce serait une troisième partie, mais le concept de trilogie n’était vraiment pas prévu au départ.
Les personnages dont vous parlez, (comme par exemple ce Lieutenant Lengfeld, un Allemand qui a tenté de sauver un soldat américain pendant la seconde guerre mondiale et qui s’est fait tuer), et les épisodes historiques que vous mentionnez sont considérés par les médias et les livres d’histoire comme anecdotiques.C’était déjà le cas sur « Armia » sur Deaf To Our Prayers, qui parlait de la bataille de Varsovie en 1944. Penses-tu qu’il y a une injustice vis à vis du traitement de certaines tragédies ?
J’en suis convaincu. Beaucoup de faits historiques ou de héros sont utilisés par les politiciens pour justifier certaines décisions politiques ou pour influencer l’opinion des gens. Si certaines histoires ne correspondent pas ou ne servent pas leur programme et leurs idées, ils ne les utilisent pas. Ces faits ne sont plus racontés ou enseignés, ce qui conduit à leur disparition de la mémoire collective. L’insurrection de Varsovie est par exemple un évènement très important: beaucoup de musées la documentent, mais en Allemagne on n’y pense plus trop, parce que c’est une tâche dans l’histoire du pays.
L’album parle plusieurs fois d’Allemands qui se sont comportés en héros ou qui ont montré leur désaccord face au nazisme. Est-il important pour toi de montrer un visage différent des Allemands durant la seconde guerre mondiale ?Oui, c’est important, mais j’essaie avant tout de présenter des résistants qui ne sont pas célèbres. En Allemagne on insiste énormément sur le rôle de la résistance au sein de l’armée, sur des soldats honorables qui ont tenté d’assassiner Hitler. Mais ils n’étaient que des Nazis qui essayaient de tuer d’autres Nazis. Après leur coup d’Etat, ils avaient prévu de mettre en place un autre régime militaire. Aurait-il été meilleur que celui d’Hitler ? Je ne suis franchement pas convaincu par ce genre de héros, mais l’Allemagne continue de les célébrer: je crois que c’est mal et injuste. Il y avait aussi des gens ordinaires qui résistaient à l’oppression, comme les résistants français qui étaient très influents. Ce genre de Résistance, ainsi que les histoires qui y sont attachées ont bien plus de valeur et d’importance. En Allemagne également, de nombreux étudiants se sont mobilisés en distribuant des tracts pour dénoncer Hitler et sa politique. Ils se battaient pour leurs idées, et n’avaient pas du tout pour objectif d’obtenir un pouvoir total ou encore de diriger le pays. Ils voulaient juste être libres.
Vous devriez arrêter de faire de la musique, et enseigner dans les lycées à la place !Non, surtout pas ! Personne ne m’écouterait si je distribuais des tracts ou si j’écrivais un article. Mais en composant de la musique, on peut être certain que quelqu’un sera là pour nous écouter. Il y a des gens qui ne vont pas à l’université, et d’autres qui y vont mais qui sont fatigués de toujours entendre les mêmes histoires. Notre musique leur donne un nouvel angle d’approche.

« Qui, dans notre partie du monde, veut que ces gens aient accès aux voitures, frigos, etc. ? Si cela arrivait, le monde n’aurait plus que dix minutes à vivre avant d’exploser ou de s’effondrer. Nous devons les garder dans cet état de pauvreté pour sécuriser notre mode de vie très confortable. Tant que nous ne changerons pas quelque chose dans notre manière de concevoir et vivre notre richesse, il sera impossible de changer quoi que ce soit pour ces pauvres gens. C’est terriblement injuste. »
The Omen semble dénoncer l’ignorance d’un grand public vivant dans le confort, sans avoir conscience du malheur des autres. Penses-tu qu’aujourd’hui, il y a un vrai décalage entre ceux qui souffrent et les autres et que les deux mondes ne communiquent pas ?
Oui, complètement. En fait, ils communiquent, mais le « Premier » Monde se contente de donner des ordres au Tiers Monde. Il n’y a pas de discussion ou de dialogue: il est juste question d’établir une autorité sur les plus faibles ce qui est complètement malsain. Tous les jours, tu te lèves et tu allumes la lumière dans ta salle de bain: tu es au c?ur d’un système qui asservit la moitié de notre planète. Il est important de réaliser que la pauvreté du Tiers monde est la conséquence de notre richesse.
Avez-vous déjà été dans un pays comme le Nicaragua, où l’on peut voir de grosses maisons américaines côtoyer des bidonvilles ?Je n’ai jamais vraiment été au Nicaragua… j’y suis juste passé brièvement lorsque je suis allé au Costa Rica, puisque c’est juste de l’autre côté de la frontière. Mais je n’ai pas eu le temps d’y voir grand-chose. Mais nous sommes allés en Argentine, au Brésil, au Chili, et au Guatemala, où l’on peut voir le même genre de phénomène. Là-bas, le « Premier » et le Tiers Monde se trouvent à quelques mètres l’un de l’autre. A Rio, on peut regarder les favelas du haut des gratte-ciels. Ces mondes dépendent l’un de l’autre, c’est complètement fou quand on y pense.
Quelle est la raison de ce décalage selon toi ?La raison de ce décalage est l’exploitation de ces pays ou de ces régions. Qui, dans notre partie du monde, veut que ces gens aient accès aux voitures, frigos, etc. ? Si cela arrivait, le monde n’aurait plus que dix minutes à vivre avant d’exploser ou de s’effondrer. Nous devons les garder dans cet état de pauvreté pour sécuriser notre mode de vie très confortable. Tant que nous ne changerons pas quelque chose dans notre manière de concevoir et vivre notre richesse, il sera impossible de changer quoi que ce soit pour ces pauvres gens. C’est terriblement injuste.
Quand on écoute la musique de Heaven Shall Burn, on se rend compte que la musique illustre très bien les paroles. La violence et la mélancolie de vos titres sonne comme la traduction musicale de vos textes. C’est important pour vous d’entretenir ce lien fort ?Oui, dans notre musique, les principales émotions sont toujours la colère et la rage. On trouve parfois des passages calmes sur nos disques, mais ils rendent les passages furieux encore plus furieux. Il y a une connexion très marquée entre la musique et les paroles. Elles sont tellement remplies de rage que la musique doit transmettre la même émotion.

Oui, c’est exactement ça.

« . La musique encourage les gens à lire nos paroles, elle n’est qu’un medium pour mieux les transporter. Comme je le dis toujours, » La musique est un missile, les textes sont l’explosif ». L’un ne va pas sans l’autre. »
A l’inverse, si vous écriviez sur des sujets plus légers, la musique s’en ressentirait-elle ?
Je ne peux pas vraiment savoir, puisque je n’écris jamais sur des sujets légers. Quand nous avons créé notre groupe, il était déjà très clair qu’il nous servirait à exprimer nos opinions politiques. Nous ne sommes pas vraiment le genre de groupe qui parle de de dragons, de chevaliers ou de hobbits (rires) ! On ferait peut-être cela avec un autre groupe, mais certainement pas avec Heaven Shall Burn.
Vos paroles sont très intéressantes. Votre discours et vos textes sont particulièrement mis en avant dans les communiqués de presse et les biographies. Est-ce que c’est une mise en avant volontaire pour attirer l’attention des gens ?Ce n’est pas une technique pour vendre plus d’albums. La musique encourage les gens à lire nos paroles, elle n’est qu’un medium pour mieux les transporter. Comme je le dis toujours, » La musique est un missile, les textes sont l’explosif ». L’un ne va pas sans l’autre.
Tu penses qu’il serait plus difficile d’attirer du monde vers votre musique sans ça ?Oui, absolument. Personne ne ferait attention à nous si nos paroles ne faisaient parler d’elles. Nous ne sommes pas des génies de la musique comme Dream Theater ou Morbid Angel dont les chansons seules peuvent être considérées comme des ?uvres d’art.
Est-ce que donner une caution culturelle/intellectuelle à la musique, comme vous le faites, est un moyen de gagner une crédibilité dans l’esprit des gens? On a moins envie de critiquer la musique d’un groupe si son discours est pertinent…Oui, tout à fait. Je reçois beaucoup d’emails de gens m’expliquant qu’ils trouvent notre musique trop agressive, mais qu’ils ont entendu parler de nos paroles, les ont lues et les ont trouvées intéressantes. Ça ne leur fait pas apprécier notre musique pour autant, mais les paroles les ont au moins fait réfléchir un instant. Je pense que certaines personnes nous apprécient pour notre attitude, notre façon d’être. Mais il y a également beaucoup de personnes qui nous apprécient uniquement pour notre musique: après tout, tout le monde ne s’intéresse pas aux paroles de chansons.
La production de ce disque est semblable à celle d’Iconoclast, elle est extrêmement massive. Cette ressemblance est-elle intentionnelle pour entretenir la cohérence au sein du concept The Final Resistance ?Oui, en effet. L’idée derrière cela est qu’on ne change pas une équipe qui gagne. On a beaucoup répété et enregistré avec Tue Madsen, parce qu’on pensait qu’il était parfait pour ce job. Quand on connaît quelqu’un si bien, on peut d’emblée commencer à travailler à un haut niveau. Si l’on choisit un nouveau producteur, il faut d’abord apprendre à se connaître. Cela prend plus de temps qu’avec une personne avec laquelle tu as déjà travaillé. Si on utilise la même équipe pour réaliser plusieurs albums, le résultat est bien plus cohérent et le travail plus efficace: le son reste le même d’un disque à l’autre. On a même réussi à l’améliorer cette fois !
Un petit mot sur vos intros d’albums qui, à quelques notes près sont presque exactement les mêmes… C’est d’autant plus flagrant quand on compare Endzeit et The Omen. C’est fait exprès ? Pourquoi ?Oui, c’était voulu, parce que le rôle des intros est de connecter les parties entre elles. C’est pourquoi on a juste un peu varié le thème. On peut facilement écouter les deux albums à la suite, l’enchaînement est cohérent.

« . Personne ne ferait attention à nous si nos paroles ne faisaient parler d’elles. Nous ne sommes pas des génies de la musique comme Dream Theater ou Morbid Angel dont les chansons seules peuvent être considérées comme des ?uvres d’art.»
Vous avez annoncé au sujet de ce disque qu’il y a quelques innovations. Il y a effectivement de petites touches électroniques et quelques riffs et harmonies black metal. Néanmoins quand on écoute l’album, ces évolutions sont extrêmement discrètes. C’était également le cas avec un passage disco sur Iconoclast. Pourquoi une telle timidité, est-ce pour ne pas trop choquer vos fans ?
Pour être honnête, oui. J’imagine mal Heaven Shall Burn faire de la musique techno, ce n’est pas ce que nos fans veulent entendre. On a commencé à développer notre musique dans une certaine direction, et pour le moment on ne sait pas où elle conduit. Sur cet album, on en a fait un peu plus que la dernière fois et la prochaine fois, peut-être que l’évolution sera encore plus marquée. On verra bien où cela nous mène mais il est hors de question de changer radicalement pour faire de la techno par exemple ! Nos fans ne le comprendraient pas, et puis de toute façon, on serait mauvais dans ce style ! Personne n’en voudrait ! Personnellement, je détesterais vraiment qu’un de mes groupes préférés se mette soudainement à faire un tout autre type de musique.
Peux tu revenir sur la collaboration avec Sabine Weniger de Deadlock, pour le titre « Given In Death » ? Dans quelles conditions êtes vous rentrés en contact ?On a toujours été très amis avec ce groupe. On a fait des tournées ensemble et on vient du même coin en Allemagne. Quand on a écrit cette chanson, on a réalisé qu’elle était chargée d’émotion: on ne pouvait donc pas uniquement utiliser du chant hurlé. L’idée d’inclure une voix nous est alors venue, d’où ce projet de collaborer avec Deadlock. On a fait un essai et cela a très bien fonctionné. C’est la dernière chanson de notre album : quand tu atteins ce moment du CD, tu as entendu tellement de chansons agressives que tu es content d’en entendre une un peu plus calme !
C’est une bonne fin pour la trilogie, alors !Oui: après toute cette agressivité, c’est une bonne surprise.
A quand l’apparition d’un des membres de Heaven Shall Burn sur un album de Deadlock ?Pourquoi pas, nous n’y avons jamais pensé ! Il faudrait leur demander, mais je pense que cela rendrait bien. On aime tous la musique de Deadlock, c’est un groupe vraiment cool.
Interview réalisée par phoner le mardi 27 avril 2010.
Site Internet : Heaven Shall Burn

Encore une interview très interressante. Tu les collectionne Metallo!
Par contre, quid de commentaires… Dommage.