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Interview   

La nébuleuse Cult Of Luna


Johannes Persson - Cult Of LunaCult Of Luna fait partie de ces groupes qui cultivent le mystère et même parfois en jouent. On se souvient comment les Suédois ont tourné tout le monde en bourrique en basant la promo de l’album Eternal Kingdom sur un mensonge, seulement révélé quatre ans plus tard. Il leur aura également fallu trois ans (!) pour enfin évoquer officiellement les départs du claviériste Anders Teglund et du guitariste Erik Olofsson. Enfin, ce fut sans trop savoir sur quel pied danser que les fans ont pris connaissance du communiqué du 17 décembre 2013, où le groupe expliquait que le concert au festival Beyond The Redshift de Londres, le 10 mai 2014, marquerait « la fin d’une ère » et qu’après ça, ils allaient « lentement disparaître avant de réapparaître sous une forme dans un futur indéfini. » « Peut-être allons-nous sortir un autre album dans un an ou peut-être dans une décennie, honnêtement nous ne savons pas » renchérissait un second communiqué le même jour, rendant les fans toujours plus perplexes.

C’est donc forcément une bonne surprise que de voir Cult Of Luna revenir cette année avec un nouvel album. Un projet inédit, même, pour le groupe puisqu’il s’est associé à la chanteuse Julie Christmas pour le concevoir. Un album qui poursuit son élévation, après avoir touché aux hauteurs de la mégalopole moderne sur Vertikal. Avec Mariner, c’est dans l’espace que l’exploration se poursuit, plus que jamais avec ce « flou artistique » propice à l’imagination, l’éveil des sentiments et l’interprétation personnelle.

Nous avons joint le guitariste-chanteur et leader du groupe Johannes Persson pour faire (un peu) la lumière sur tout ceci.

Cult Of Luna

« Nous sommes dans une situation privilégiée. Nous sommes plutôt bien reconnus et nous n’avons pas tellement besoin de travailler pour ça [petits rires]. »

Radio Metal : En décembre 2013, vous avez annoncé que vous alliez « lentement disparaître » après le festival Beyond The Redshift en mai 2014, pour faire un genre de pause ; tout du moins, c’est ce qu’on a compris à la lecture du communiqué. De quoi il s’agissait, en fait ?

Johannes Persson (chant & guitare) : Je ne sais pas exactement comment je l’ai formulé mais je ne pense pas avoir écrit que nous allions prendre une pause, peut-être que je l’ai fait mais ce que j’avais l’intention d’écrire était que nous n’avions rien prévu pour le futur, ce qui en l’occurrence était vrai. Et, en fait, c’est toujours vrai aujourd’hui : je ne suis pas certain de ce que nous allons faire à l’avenir. Lorsque tu es dans un groupe et que tu es dans le cycle de sortie et de composition d’albums, tu sais toujours ce que tu feras après, tu as toujours quelque chose de prévu. Mais nous sommes plus âgés aujourd’hui et ce groupe n’est pas notre gagne-pain et nous ne faisons que ce que nous aimons, ce qui signifie que personne ne nous met la pression pour faire quoi que ce soit. Et c’est ce que je voulais dire. A ce moment, nous n’avions rien de prévu et c’était véridique. Mais ensuite nous avons commencé à prévoir des choses [petits rires]. Donc, ça n’a jamais voulu dire qu’il s’agissait d’une pause mais à ce stade, je ne savais pas ce qui allait se passer.

Est-ce difficile pour un groupe comme Cult Of Luna de rester actif et prévoir des choses comme peut-être vous le faisiez avant ?

Ouais, parce que plus tu as de gens [dans ton groupe], plus c’est difficile de se maintenir en place et avec le même état d’esprit. Si tu rajoutes à l’équation des boulots sérieux et des enfants qu’aucun de nous n’avait des années en arrière, alors ça devient bien plus difficile que lorsque nous avions commencé.

Est-ce peut-être aussi parce que vous en êtes à un stade dans votre carrière où vous ne voulez pas prévoir et forcer quoi que ce soit d’un point de vue créatif, de façon à ce que les choses viennent d’elles-mêmes ?

Ouais ! Ceci dit, il y a une chose : nous ne voyons même pas ça comme une « carrière » parce que si tu le fais, alors tu as besoin de pousser les choses, faire évoluer le groupe et ce genre de trucs. Je pense que nous sommes dans une situation privilégiée. Nous sommes plutôt bien reconnus et nous n’avons pas tellement besoin de travailler pour ça [petits rires]. Donc ouais, je pense que ça se résume au fait que tout est une question de passion et c’est la raison pour laquelle nous faisons ça. En fait, j’aimerais ralentir un peu les choses pour travailler de façons différentes. Par exemple, maintenant que nous vivons dans des villes différentes, nous travaillons chacun de notre côté, et pour l’avenir j’adorerais faire les choses de façon collective et c’est clair que ça ralentirait le processus mais je trouve que c’est une manière de travailler bien plus amusante.

En fait, tu as raison, tu n’as pas exactement dit que vous feriez une « pause » mais de la façon dont le communiqué était formulé, les gens se sont dits que le groupe resterait en sommeil pendant un bon moment, peut-être aussi parce que déjà Vertikal était sorti cinq ans après Eternal Kingdom. Mais en fait, vous avez commencé à tourner à nouveau vers la fin du mois d’août 2015 et vous avez sorti un split EP avec The Old Wind, et vous voilà aujourd’hui de retour avec un nouvel album que personne n’a vu venir !

[Réfléchit] Eh bien, le fait de se remettre à tourner, c’était presque un an et demi après que j’ai écrit ça [petits rires], donc oui effectivement. A ce moment, lorsque j’ai écrit ça, je ne savais même pas ce qu’il allait advenir de l’idée avec Julie et si nous allions un jour faire un album ou pas, ça aurait donc été stupide de ma part de dire quoi que ce soit à ce sujet.

En fait, vous aviez déjà cette idée de collaboration ?

Ouais, le truc c’est que la façon dont ça s’est passé, c’était que nous avions planifié le festival Beyond The Redshift et je voulais vraiment qu’elle joue mais elle ne pouvait pas pour diverses raisons, mais voilà comment nous avons commencé à discuter. Et ensuite, nous nous sommes rendus compte : « Écoute, nous allons faire une pause pendant un moment et je sais que nous n’allons rien faire du tout pendant un certain temps, et je sais que nous n’allons pas beaucoup tourner, donc pourquoi n’écririons-nous pas un album que de toute façon nous ne pourrons pas présenter en tournée ? » Et c’est grosso-modo ainsi que ça a démarré. Elle a aimé l’idée et nous avons commencé à travailler ; nous avons travaillé assez lentement. Début 2015, nous savions qu’il fallait vraiment que nous le fassions, et nous l’avons fait. Et ensuite, nous avons commencé à répéter et composer pour de vrai, et puis nous avons commencé à enregistrer cet été.

Quelle était ta relation à Julie et son travail avant d’avoir cette idée ?

Je la connaissais, je connaissais Battle Of Mice et Made Out Of Babies et j’étais un énorme fan de son album solo The Bad Wife. Nous avons été les programmateurs de ce festival, Beyond The Redshift, donc je savais exactement… Tu sais, je voulais qu’elle joue parce que je suis un grand fan, voilà tout, en gros. Et puis une chose menant à une autre, nous avons désormais presque un album avec elle, ce qui est assez étrange.

Cult Of Luna

« Je n’aime pas être totalement transparent en tant que groupe parce que ça gâche le récit d’un album. »

On va y revenir un peu plus tard. Est-il possible que ce communiqué à propos du groupe qui disparaîtrait ait été orchestré pour semer le trouble chez les gens et cultiver un sens du mystère, dans la mesure où c’est quelque chose que le groupe aime faire ?

[Hésite] Ouais, peut-être… Bon, je ne peux pas t’en vouloir, nous avons un passif lorsqu’il s’agit de déconner avec l’esprit des gens [petits rires] mais non, ce n’était rien de ça. En fait, je… Bon, en un certain sens… Tout d’abord, pour répondre franchement à ta question : non. Ce n’était pas un stratagème élaboré pour sortir un album deux ans plus tard, absolument pas. Mais quand même, je n’aime pas être totalement transparent en tant que groupe parce que ça gâche le récit d’un album… Je veux dire que je comprends bien qu’un groupe qui souhaite faire carrière devrait essayer d’être présent autant que possible sur les réseaux sociaux et dans les magazines ; je comprends pourquoi les maisons de disques veulent que des journalistes rendent visitent aux groupes en studio, genre : « Ok, maintenant ils sont en studio, oh là ils composent, oh maintenant ils vont sortir cette chanson, etc. » Je ne suis pas très fan de ça parce que ça retire le mystère du récit. C’est comme, si je veux vraiment voir un film, je trouve que ça détruit un peu le mystère de l’histoire si tu te retrouvais à suivre le shooting du film : « Oh maintenant ils font cette scène. » Je n’aime pas la façon dont il faut que les groupes travaillent. Je préfère travailler sans avoir des yeux rivés sur nous, et ensuite nous sortirons ce que nous sortirons directement… Je sais que là, nous avons sorti la première chanson « A Greater Call », mais en fait, je suis contre ça. Je comprends pourquoi le label veut la sortir mais j’aurais préféré juste sortir l’album « bam, c’est sorti ! », sans le dire à personne. Faire ça, par exemple [petits rires], faire une interview avec toi là tout de suite, car l’album va sortir dans un mois, j’aurais préféré ne pas le faire, j’aurais préféré tout faire après sa sortie, mais c’est quand même comme ça que ça doit fonctionner.

Est-ce pour cette raison que vous n’avez pas publiquement parlé des départs d’Anders Teglund et Erik Olofsson avant récemment ?

Non, effectivement, nous ne l’avons pas fait car je ne voyais pas de raison de le faire avant. Anders est parti du groupe avant la sortie de Vertikal et ce qui importe… Nous ne sommes pas tout le temps tenus d’informer tout le monde de ce qui se passe dans le groupe. Tant que nous jouons les chansons sur scène, que nous sortons toujours des albums… La seule raison pour laquelle j’ai écrit ça, c’était parce que les gens commençaient à poser des questions. Donc, bon, si tu veux savoir, voilà ce qui s’est passé mais nous ne sommes pas le genre de groupe à faire des communiqué de presse pour tout ce qui se passe, ça ne fait simplement pas partie de qui nous sommes.

Même dans ce communiqué, les raison des départs d’Anders et Erik ne sont pas très claires. A propos d’Anders, tu dis qu’il a « quitté le groupe de façon inattendue » et que le raisonnement derrière cette décision te posait problème, même si tu le respectais. Quel était ce raisonnement que tu évoques ?

Ça, c’est entre nous et lui. Une chose que je n’aime pas faire, c’est parler pour quelqu’un d’autre. Donc je pense que tu devrais interroger Anders si tu veux une réponse à cette question. Avec Erik, c’était bien plus facile parce que ça se résume à ce dont nous avons parlé plus tôt, tu sais, plus tu vieillis… Une journée n’a que vingt-quatre heures et tu ne peux abattre qu’une certaine quantité de travail et dépenser une certaine quantité d’énergie. Ça n’a pas fonctionné pour lui. Et ça faisait un moment que ça ne fonctionnait pas pour lui mais il nous a prévenus et nous étions au courant presque un an avant qu’il ne quitte le groupe. Il allait tout faire jusqu’au Beyond The Redshift, c’était prévu pour que ce soit son dernier concert, et nous le savions depuis longtemps. Nous avons donc eu pas mal de temps pour nous y préparer. En fait, nous travaillons encore avec lui pour ce qui est des livrets d’albums. D’ailleurs, j’étais avec lui le week-end dernier, nous avons répété pour la tournée à venir et ensuite nous avons traîné ensemble, c’est comme ça que ça se passe généralement.

Tu as dit qu’il a été « forcé de partir », donc penses-tu que ça pourrait changer à l’avenir et qu’on pourrait le voir revenir dans le groupe, dans la mesure où vous avez décidé de ne pas le remplacer ?

Ouais, je ne sais pas, c’est une autre question qu’il faudra que tu lui poses. Quoi qu’il en soit, c’était un peu triste parce qu’il était depuis longtemps dans le groupe, tu sais, il était là sur la première démo. Nous avons une longue histoire, nous avons grandi avec ce groupe, ça fait depuis – je ne me souviens plus – 1998 ou 1999 que nous jouons ensemble, ça fait presque vingt ans. Il y a donc un lien spécial entre nous et nous avons traversé des choses. C’est comme une relation personnelle mais nous l’avons arrêté en bons termes, c’est ce qui importe le plus.

Cult Of Luna - Mariner

« La partie la plus dure dans le fait d’être dans un groupe, c’est d’essayer de faire la même chose mais différemment. »

Revenons maintenant à l’album Mariner. Si je ne me trompe pas, c’est votre première grande collaboration avec quelqu’un en dehors du groupe, n’est-ce pas ? Comment c’était et comment avez-vous travaillé avec Julie ?

Eh bien, je le crois oui [petits rires]. En fait, ça dépend, nous avons quelques invités sur certains albums. [Mais ouais], ça s’est fait très facilement. Nous avons écrit des ébauches des chansons sur l’ordinateur, c’est très facile, et ensuite, nous les lui avons envoyées. Nous avons travaillé avec son producteur, Andrew [Schneider], et [il] nous a proposé des idées pour éventuellement modifier les chansons et certaines de ces idées nous plaisaient, d’autre ont été jetées. C’était donc une plutôt bonne collaboration. J’étais assez inquiet, genre… A un moment donné, je me suis rendu compte : « Ok, peut-être que ce n’est pas une bonne idée d’ajouter un facteur supplémentaire à l’équation, il pourrait y en avoir trop. » Mais ça a plutôt bien marché, en fait !

Est-ce que vous aviez une idée claire de la direction que vous vouliez prendre avec Julie ?

Nous savions ce que nous allions faire musicalement et nous lui avons dit : « Nous sommes un peu sur un voyage avec notre musique. Nous avons traversé un genre d’environnement rural pendant deux albums et ensuite nous avons été à la ville sur le dernier album et le dernier EP, et nous savions à partir de là que nous allions continuer dans l’espace, voilà donc ce que nous allons faire musicalement. Nous n’allons pas interférer avec les paroles que tu vas écrire, tu peux faire ce que tu veux, tu es totalement libre. » Donc, en fait, je ne sais même pas de quoi parlent les paroles que Julie a écrit, je ne pourrai donc pas te répondre là-dessus mais nous savions que nous allions nous inspirer d’un voyage intérieur et extérieur dans l’espace.

Dirais-tu qu’elle a apporté une nouvelle perspective ou dimension à votre musique ?

Ouais ! On peut clairement l’entendre. C’est quelque chose de complètement différent. C’était étrange, enfin, « étrange » n’est peut-être pas le bon mot, c’était inhabituel de travailler ainsi, tu sais, on ne savait jamais à quoi s’attendre.

Est-ce que cette expérience vous a donné soif d’autres collaborations avec d’autres artistes ?

Je n’ai pas du tout réfléchi à ça. Je ne pense pas que Cult Of Luna collaborera… Je ne sais même pas ! Je ne peux pas répondre parce qu’encore une fois, nous n’avons pas de plan tout de suite, mais qui sait ? Je veux dire que je peux m’imaginer écrire de la musique avec d’autres gens, tu sais, en faisant quelque chose de mon côté, mais je pense… Bon, peut-être, qui sait ? Nous allons continuer à faire de la musique pour nous-mêmes, je pense, et adviendra ce qui adviendra.

Tu as dit que, même si on n’allait pas le voir en live, Erik faisait « encore partie de l’univers Cult Of Luna ». En dehors du fait qu’il a réalisé l’artwork de l’album, qu’est-ce que ça signifie ? Etait-il aussi impliqué dans la musique ?

Non, pas du tout. Mais la façon dont il travaille sur les illustrations d’album, je pense qu’elle parle d’elle-même. L’aspect visuel de chaque album est extrêmement important pour la façon dont il sera perçu. Donc, en ce sens, il a toujours une énorme influence sur notre art. Et aussi, pour ce qui est de « l’univers Cult Of Luna », nous trainons ensemble mais [c’est aussi le cas] avec plein de gens avec lesquels nous avons travaillé auparavant. Nous sommes toujours bons amis avec tous les techniciens sons et tout ça. Il y a plein de gens impliqués dans ce genre de collectif [petits rires] et nous sommes bons amis avec chacun d’entre eux.

Quelle a été l’implication de Kristian Karlsson pour ce premier album en tant que membre officiel de Cult Of Luna ?

C’est un génie musical ! Non seulement il a composé les parties de clavier mais il a aussi grosso-modo écrit tout une chanson, ce qui est vraiment cool. C’est bien d’avoir un nouveau point de vue sur l’écriture.

Quelle chanson a-t-il écrit ?

Ça, je le garde pour moi et c’est à toi de le découvrir ! [Petits rires] Je veux dire que c’est difficile de dire qu’untel a « écrit » ceci parce qu’une chanson, c’est un travail collectif. Nous ne sommes pas ce genre de groupe, tu sais. En aucun cas une personne écrit une chanson de Cult Of Luna tout seul, c’est impossible, parce qu’il se passe tellement de choses que tu as besoin de l’aide de tout le monde.

Cult Of Luna

« Non seulement il faut que j’aime [la chanson], mais je pense qu’il faut que ce soit extraordinaire, il faut que ça touche une corde sensible chez moi […]. C’est presque comme s’il fallait que ce soit écrit par quelqu’un d’autre, que je ne puisse ressentir que c’est moi qui l’ai écrit. »

Dans la biographie promotionnelle, il y a une déclaration qui démarre par : « A la fin de Vertikal, nous nous tenions dans la dureté froide de la ville mécanique et nous levions les yeux vers les étoiles. Nous nous sommes perdus, sidérés par leur grâce et avons pensé que ‘peut-être la réponse se trouvait au-dessus de nous’. » Est-ce que Mariner a été conçu comme une suite directe, ou peut-être même en réaction, à Vertikal ?

Non, comme je l’ai dit plus tôt, nous savions que nous allions devoir poursuivre les recherches et trouver de nouvelles façons de nous inspirer, de limiter notre musique et aussi changer notre musique. Donc ça fait depuis de nombreuses années que nous savions qu’à partir de la campagne, dans Somewhere Along The Highway et Eternal Kingdom, nous allions aller à la ville. Et en fait, si tu regardes l’artwork de Vertikal II, nous parlions… Si tu regardes le ciel dans une ville, tu verras plein de lumières qui illuminent le ciel et c’était un peu… L’artwork de Vertikal II était inspiré des projecteurs qui atteignent le ciel au-dessus de la ville. Donc déjà à ce moment-là, nous savions que nous regardions au-dessus de nous et que nous allions poursuivre à partir de là.

Mais lorsque tu dis : « peut-être la réponse se trouvait au-dessus de nous », à quelle réponse fais-tu allusion ?

Tout ça, c’est un voyage. Bon, tu peux voir ça sous deux angles différents. D’abord, tu peux voir ça comme une analogie ; si tu as du mal à trouver des réponses ou si tu es coincé dans quelque chose, peut-être que c’est une bonne façon d’essayer de trouver un nouveau terrain. Même s’il se peut que tu ne sois pas sûr de ce qui en ressortira, ça peut être bien de simplement aller là où tu n’as jamais été auparavant, mais c’est aussi un peu comme un voyage intérieur. Ensuite, si on parle concrètement de voyage extérieur, je pense que ça peut être… Je suis un énorme fan de science et j’ai une vision un peu pessimiste de la façon dont les hommes traitent la Terre, notre maison. Étant donné la façon dont nous nous comportons en ce moment, peut-être avons-nous dépassé le point de non-retour. Si l’humanité devait survivre, peut-être qu’il faudra que nous nous trouvions une nouvelle maison. Et je pense que ces deux aspects est ce à quoi je faisais référence en écrivant ceci.

Tu as dit que tu avais une vision pessimiste. Est-ce que c’est ça cet album, une échappatoire ?

Ouais, tout à fait ! Une échappatoire ou, tout du moins, un moyen pour essayer de trouver quelque chose. Ouais, c’est certain.

Je parlais de suite directe par rapport à Vertikal aussi parce que dans cet album, vous utilisez les mêmes genres de sons synthétiques que l’on entend sur Vertikal mais d’une façon plus planante et un peu psychédélique…

Je pense que les claviers ont pris une part de plus en plus importante dans notre musique à compter du premier album. Il y a beaucoup de claviers dans Eternal Kingdom aussi, je ne pense pas que les gens aient conscience que c’est du clavier et non des guitares. Mais c’est devenu très apparent sur Vertikal. En fait, c’est juste un instrument que nous utilisons encore mais nous avons essayé de l’incorporer dans une idée de son plus psychédélique et planant.

Mais entre Vertikal et Mariner, ces sons sont plus semblables que ce que vous avez utilisé sur les albums précédents. Ce qui est intéressant, c’est le fait que sur Vertikal, ils étaient utilisés de façon plus industrielle, alors qu’avec Mariner l’utilisation est plus psychédélique. On dirait qu’ils s’adaptent aux thèmes des deux albums.

Ouais, c’est pourquoi nous avons des thèmes et que j’aime écrire des albums qui ont des frontières claires. La partie la plus dure dans le fait d’être dans un groupe, c’est d’essayer de faire la même chose mais différemment. C’est déjà assez difficile d’être dans un groupe pendant un court laps de temps, mais si tu le fais pendant presque vingt ans, c’est vraiment très difficile de se renouveler. C’est donc pourquoi je pense que, pour ma part, c’est très important que, même avant de commencer à composer, tu saches où tu veux aller parce que si tu te limites, alors tu te forces à prendre des décisions en fonction. Si tout est libre, si tu peux tout faire, alors tu sortiras avec quelque chose de disparate et tu n’auras pas un sentiment d’unité dans l’album. Un album, pour moi, ce n’est pas un paquet de chansons que tu te contentes d’écrire. Pour moi et pour nous, c’est un peu une histoire qui doit avoir ses vallées et ses sommets, il faut qu’il y ait du contraste. Tu dois savoir où tu vas et c’est pour ça que j’aime me limiter lorsque je compose de la musique.

Dans la biographie promotionnelle, la déclaration que j’ai mentionnée plus haut se poursuit en parlant d’exploration de « l’immensité de l’espace » et termine avec : « Nous avons continué et disparu. C’est notre histoire. » Encore une fois, c’est très énigmatique. Qu’est-ce que ça signifie ?

[Réfléchis] Je pense que tout savoir n’est peut-être pas la meilleure façon de vivre quelque chose. Je pense que je vais laisser ça ouvert aux interprétations et aux discussions [petits rires]. Parce que, tu sais, je ne veux pas que tout soit super clair. Je sais ce que je veux dire et lorsque j’écris des trucs, ce n’est pas par hasard mais quand même, ce serait comme dire aux gens quoi penser ou comment apprécier les choses. L’art, pour moi, c’est comme si tu regardes un film et en parle après coup, ça rend l’expérience encore plus forte. Mais si tu as toutes les réponses, eh bien, ok, ça pourra rester un bon film mais il n’aura pas cette profondeur supplémentaire, bon, en fait, pas une profondeur supplémentaire mais une autre dimension.

Cult Of Luna live 2013

« Salvation est aussi très important pour moi, mais c’est en fait avec Somewhere Along The Highway que j’ai ressenti que nous avions composé avec notre cœur, point barre. »

Puisque l’album s’appelle Mariner et qu’il a ce thème de l’exploration spatiale, est-ce que ça pourrait être une référence au vieux programme spatial Mariner de la NASA ?

Non, mais je pense que les deux font référence à la même chose. En fait, un marin, c’est quelqu’un qui… Bon, ce n’est pas forcément le cas mais de nombreux marins ont quitté la sécurité de leur patrie et sont partis en mer pour trouver de nouvelles terres d’accueil, à la découverte du monde dont ils ne connaissaient rien. Je pense que ça renvoie à la même chose. En fait, je n’étais pas au courant qu’un programme spatial… La seule chose que je suis sur Twitter, en gros… Ce n’est pas la seule chose, mais la majeure partie des choses que je suis sur Twitter, c’est la NASA et les trucs sur la science [petits rires] mais je n’étais pas au courant pour le programme Mariner, non.

Tu as mentionné le fait que les marins quittaient la sécurité de leur patrie. Est-ce que tu te sens en danger lorsque tu fais de l’exploration musicale ?

Non, je ne pense pas qu’il faille être en danger. Ne pas savoir n’est pas nécessairement la même chose qu’être en danger. Je ne sais même pas ce que je ressens, je me contente d’écrire. [Réfléchis] Je crois que pour moi, c’est toujours une expérience directe. On peut parler d’analogies et on peut parler de profondeur et tout ça, mais au bout du compte, il suffit que j’aime. Ce n’est pas plus compliqué ; genre, je jette énormément de musique. Pour chaque album, j’ai peut-être l’équivalent de quatre albums en riffs et en chansons supplémentaires que je jette avant même de les montrer à mes amis. Non seulement il faut que j’aime, mais je pense qu’il faut que ce soit extraordinaire, il faut que ça touche une corde sensible chez moi ; moi seul sait lorsque ça se produit. C’est presque comme s’il fallait que ce soit écrit par quelqu’un d’autre, que je ne puisse ressentir que c’est moi qui l’ai écrit.

Vous avez été de la campagne, au niveau de la terre, – avec Somewhere Along The Highway et Eternal Kingdom – jusqu’aux hauteurs d’une ville – avec Vertikal -, et Vertikal était aussi un regard vers le futur. Et maintenant, avec Mariner, vous vous élevez encore plus haut pour atteindre l’espace. Et on pourrait aussi y voir une temporalité puisque lorsque l’on regarde l’espace, on regarde en fait dans le passé de l’univers. Faut-il donc dresser un lien entre l’élévation des thèmes et cet aspect temporel entre ces albums ou bien suis-je en train de sur-analyser ?

[Réfléchis] Je suis en train de réfléchir pour voir si je peux suivre ton raisonnement…

Je sais, c’est un peu compliqué [petits rires].

Non, non, ce n’est peut-être pas si compliqué. Comme je l’ai dit plus tôt, le lien est évident. Je ne sais pas si tu sur-analyse ou pas [petits rires] mais c’est ce que j’aime dans ces choses que je fais, le fait que les gens peuvent avoir leur propre interprétation et en faire un récit. En fait, si tu lis les paroles d’une des dernières chansons de Vertikal, je pense qu’au moins tu peux trouver une sorte de connexion à ton hypothèse. Si tu lis les paroles de « In Awe Of », je pense que tu y verras même plus qu’une connexion.

Tu as dit que le festival Beyond The Redshift à Londres « marquerait la fin d’une ère ». Avec cette nouvelle ère qui démarre a priori avec Mariner, à quoi peut-on s’attendre ?

Rien ! [Petits rires] Ce que nous pensions, c’était que ce serait la fin du cycle de tournée de Vertkial. Bon, ouais, ensuite nous avons fait la tournée américaine et aussi quelques concerts en Russie, mais c’était la fin de Vertikal, de la session Vertikal. Nous voulions simplement nous assurer que nous devions faire quelque chose de nouveau maintenant. Mais comme tu l’as dit, nous en avons fait plus après coup, mais désormais nous allons clairement vers quelque chose de différent.

Soit dit en passant, comment était ce concert particulier du festival Beyond The Redshift à Londres avec notamment votre ancien chanteur Klas Rydberg qui vous a rejoint ?

Ça allait ! Je m’en souviens à peine. Je crois que nous avons eu quelques difficultés techniques qui ont fait foirer tout le truc pour certains membres du groupe mais le show en tant quel tel, c’était génial !

Cult Of Luna live 2013

« Si je devais aller voir quelqu’un qui connait les aspects techniques du growl, il serait probablement horrifié de ce que je fais et me dirait d’arrêter tout de suite, parce que je me détruis la voix. »

Plus récemment, vous avez joué l’album Somewhere Along The Highway en intégralité. Qu’est-ce que cet album représente pour toi et le groupe ?

Je pense que c’est le premier album où j’ai eu l’impression que nous avions notre propre style. Salvation est aussi très important pour moi, mais c’est en fait avec Somewhere Along The Highway que j’ai ressenti que nous avions composé avec notre cœur, point barre. Et nous l’avons composé très, très vite et nous l’avons enregistré dans une petite maison au milieu de nulle part, c’était donc une période intense, c’était très spécial. Pour moi, c’est aussi très personnel. J’étais à un moment de ma vie où je manquais d’assurance, j’étais plus ou moins en train de me définir en tant que personne et je pense que c’est pour ça que je ne me lasse jamais de jouer ces chansons. Et maintenant, lorsque nous avons répété les chansons, c’est un peu étrange parce que techniquement, elles sont bien plus difficiles à jouer que ce nous jouons aujourd’hui. C’est presque comme si ça ne venait pas de nous, que ce n’était pas nos chansons, que ce n’était pas nous qui les avions écrites, car elles sont très complexes. Mais ça s’est fait tellement vite, je crois que nous l’avons composé en trois mois et ensuite nous l’avons enregistré en une semaine. Nous n’avions donc même pas le temps de trop y réfléchir, nous l’avons juste fait. C’est aussi un peu le début de Cult Of Luna tel qu’il est aujourd’hui, parce qu’à ce stade, j’ai commencé à faire plus de voix, moi et Klas nous partagions à cinquante-cinquante le chant, et ensuite nous avons continué jusqu’à arriver où nous en sommes aujourd’hui.

Comment te sens-tu par rapport à ton chant aujourd’hui ?

C’est variable en fonction des concerts. Je ne suis pas un super… J’ai plus ou moins compris ce que je devais faire pour que ça sonne à chaque fois correctement, mais je ne peux pas en faire trop. Si je devais aller voir quelqu’un qui connait les aspects techniques du growl, il serait probablement horrifié de ce que je fais et me dirait d’arrêter tout de suite, parce que je me détruis la voix. Mais nous ne sommes pas un groupe qui tourne énormément mais, tu sais, faire un concert de deux heures, ça met la voix à rude épreuve.

Il semblerait par ailleurs qu’il y ait de plus en plus de voix claire dans Cult Of Luna…

Ouais, nous avons travaillé avec ça depuis Somewhere Along The Highway, avec Fredrik [Kihlberg] qui fait quelques chansons. Personnellement, je ne pourrais même pas essayer de faire du chant clair avec ma voix, elle est incontrôlable lorsqu’elle est aussi déglinguée qu’après avoir tourné ou fait quelques concerts. Mais Fredrik a une voix sympa, je l’aime vraiment et ça donne un aspect différent au groupe.

L’artwork de Mariner semble être un clin d’œil à celui de Somewhere Along The Highway avec cet agencement avec un carré. Était-ce voulu ?

Je ne pense pas qu’il faille l’interpréter ainsi parce que ce carré est aussi sur le vinyle de Vertikal. Je crois juste que c’est Erik qui a été inspiré par Peter Saville de Factory Records et ses illustrations. Est-ce que tu connais les œuvres de Peter Saville ? Tu devrais aller voir ce qu’il fait, tu pourrais clairement voir qu’Erik s’en est inspiré. Tout le monde s’inspire de quelque chose et Erik a fait du très, très bon boulot en s’inspirant de différentes sources et en faisant quelque chose de singulier.

Tu as mentionné le fait que Mariner serait « un album que [v]ous ne pourr[iez] pas présenter en tournée. » Du coup on ne vous verra pas tourner avec Julie ?

Non, ce n’était pas prévu que cet album soit soutenu par une tournée. Donc il n’y a strictement aucune tournée de prévue… Mais encore une fois, si je dis [qu’il n’y aura pas de versions live de ces chansons] et que tout d’un coup nous faisons un concert dont nous ne sommes pas au courant à l’heure actuelle… Peut-être que ça arrivera mais il n’y a rien de prévu. Et aussi, c’est très difficile de ne serait-ce que regrouper les membres du groupe et faire venir Julie qui est sur un autre continent, je vois juste… Heureusement, la vie est suffisamment longue, donc peut-être que nous le ferons dans dix ans, peut-être que nous le ferons dans un an, je ne sais pas.

Interview réalisée par téléphone le 8 mars 2016 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Daphnée Wilmann.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Photos promo : Pär Olofsson.
Photos live : Julien Perez.

Site internet officiel de Cult Of Luna : cultofluna.squarespace.com



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