Messaline est un groupe intéressant et ce n’est pas l’entretien qui suit avec Eric « Chattos » Martelat, chanteur et parolier du combo, qui va vous prouver le contraire. Passionné d’histoire et assoiffé de connaissance, l’artiste revient en profondeur sur le sens présent derrière les deux mots qui donnent leur titre au dernier album de Messaline, Illusions Barbares, dont les textes trouvent souvent leur contexte dans la période médiévale mais s’inscrivent tout de même dans la période contemporaine. « On peut comprendre cet album sur le côté onirique et ancienne quête templière, mais aussi du côté violence qu’on peut avoir dans notre actualité, dans notre société contemporaine » explique ainsi Eric Martelat au cours de cet entretien qui brasse large et où il est question aussi bien de féminisme, de Daesh ou de Game Of Thrones !
En perpétuelle réflexion, Eric Martelat revient également avec une grande humilité sur ses textes qu’il souhaite toujours tragi-comiques et avec une nuance de gris pour ne pas sombrer dans le manichéisme et éviter ainsi l’accueil de la posture présomptueuse. Il explique en outre la relation forte qu’entretient Messaline avec la figure incontournable du rock français qu’est Christian Décamps du groupe Ange.
« Je pense qu’on a le choix dans la vie malgré le fait qu’on dise des fois que c’est déterminé. Le funambule, il n’a pas forcément le choix, il faut qu’il avance. »
Radio Metal : Votre nouvel album est sorti en avril de cette année. Quelles réactions vous sont parvenues pour le moment du côté du public ou de la presse ?
Eric « Chattos » Martelat (chant/paroles) : L’album est effectivement sorti début avril au niveau local. On a pu avoir les réactions du public qui vient nous voir en concert. Il est vraiment sorti fin avril chez Brennus puis chez les disquaires. La première réaction, c’est qu’on a changé de son et que ce dernier est devenu plus « costaud ». Puis qu’il est bien dans la lignée des autres albums, un peu plus pêchu par moments. Les réactions sont très positives. Nous on est mal placés pour le dire mais les gens pensent que c’est notre meilleur album.
Vos textes ont souvent un contexte médiéval et le titre de l’album est Illusions Barbares. Malgré ce contexte, est-ce que les paroles sont inspirées de l’actualité ?
Tout à fait, indirectement. On a été rattrapé par l’actualité. J’ai trouvé le titre de l’album au mois d’octobre dernier, juste avant de rentrer en studio. J’aime bien rentrer en studio en sachant déjà le nom de l’album. Je trouvais que c’était deux mots qui sonnaient bien, les illusions barbares, des rêves violents qu’on peut avoir. Des fois, lorsqu’on rêve, on a notre inconscient qui fonctionne encore, qui nous dicte des choses. On rêve de trucider sa belle-mère ou d’assassiner son patron. Il y a donc un côté très contemporain. On peut le prendre aussi sur les illusions des barbares, c’est-à-dire des rêves de barbares en disant qu’on tend vers un absolu qu’on ne peut pas atteindre. Les illusions barbares, c’est forcément par rapport aux Templiers puisqu’on a un triptyque qui est sur ce thème-là. Les croisades sont des illusions barbares, on essaie de convertir des gens qui n’ont pas forcément la même foi que nous. Lorsqu’on était en plein mix, le 7 janvier dernier, il y a eu les attentats à Charlie Hebdo, on s’est dit qu’on était rattrapé par l’actualité et que ce qui se passait de façon contemporaine, que ça soit les attentats à Paris en janvier ou maintenant avec Daech, en Jordanie ou autre, on est vraiment dans des illusions barbares. On peut comprendre cet album sur le côté onirique et ancienne quête templière, mais aussi du côté violence qu’on peut avoir dans notre actualité, dans notre société contemporaine.
Pourquoi est-ce que le Templier sur la pochette a des ailes ?
On ne voulait pas trop rester sur un côté historique, terre-à-terre. Si on avait représenté notre Templier de façon normale avec du sang sur son bouclier, on aurait pu se dire que c’était un concept-album sur un truc qui se passe au Moyen Âge. Le rajout des ailes permet d’avoir un élément un peu onirique avec un côté heroic fantasy, de rester dans les illusions. Le barbare, c’est le templier terre-à-terre qui fait sa croisade et pour les illusions, on a les ailes. On ne voulait pas mettre des ailes d’ange, pour que ça ne soit pas trop connoté comme croisade chrétienne. Déjà qu’il y a le Templier avec la croix, si on avait rajouté des ailes ou des plumes d’ange, on aurait vraiment été dans un champ lexical très chrétien alors qu’on veut parler de toutes les religions. Mettre des ailes ressemblant plus à des ailes de dragon nous ramenait plus sur un côté heroic fantasy. La pochette est la fusion de Kingdom Of Heaven de Ridley Scott et Game of Thrones, on est vraiment sur les deux, du côté réaliste de Kingdom Of Heaven et du côté imaginaire, heroic fantasy de Game of Thrones.
Il y a un diptyque sur l’album, les chansons « Fouille De Sarcophage » et « Barbie Tue Rick » qui se suivent et qui ont un titre entre parenthèses : « Crimes Au Paradis (Partie 1 et 2) ». Comment est-ce que ces deux morceaux sont liés ? Quel est le concept derrière ?
Avec Messaline, on essaie de raconter des histoires, soit de personnages historiques qui ont existé, soit des personnages hystériques qu’on invente. Là, on était vraiment dans les personnages inventés. Le pitch est tout simple, c’est une fille qui part dans les années 80 avec ses parents aux États-Unis pour le rêve américain des parents, qui veulent refaire leur vie là-bas. Ils atterrissent à Los Angeles, la cité des anges. La petite, qui s’appelle Barbara, grandit et arrive à l’âge de sortir. Elle va dans différents clubs, comme le Whisky à Gogo, le Rainbow etc. Elle tombe sur des marginaux, sur des gens extraordinaires qui ont eu une vie d’artiste. Elle ne se fait plus appeler Barbara mais Barbie, elle se fait décolorer, comme ce genre de filles qu’on peut voir souvent à Los Angeles. Elle se fait refaire les seins. En traînant dans ces clubs-là, elle tombe amoureuse du seul salaud de la bande qui lui dit qu’il ne quittera jamais sa femme. Elle tombe enceinte, elle se fait avorter et de dépression elle finit par tomber dans les médicaments. Elle se fait avorter dans la première partie du diptyque, « Fouille De Sarcophage ». Dans la deuxième partie, elle se venge de toutes les misères que ce mec lui fait voir. Elle se shoote au benzo en plus de tous ses anti-dépresseurs, aux barbituriques. Barbie, à la fin, tue ce mec qui s’appelle Rick, donc « Barbie Tue Rick ». C’est pour ça aussi que musicalement, on commence par un morceau qui est très hard rock américain pour remettre dans le contexte de l’histoire puis on a un petit break avec un petit bout de texte de Baudelaire, puis toute l’envolée lyrique avec les chœurs qui montrent que ça ne va plus très bien dans sa tête et elle bute le mec. La musique met en illustration les textes. C’est une histoire complète qui se déroule en deux titres.
Ce n’est pas la première fois que vous mettez en scène des personnages féminins dans vos chansons, le nom du groupe fait d’ailleurs référence à une femme. Ce ne sont pas forcément des femmes qui nous sont montrées avec un point de vue très machiste, très masculin. Au contraire, ce sont des femmes plutôt fortes. Est-ce que c’est voulu ?
Je ne suis pas sûr que ça soit voulu au départ, mais c’est tout à fait le cas. Un journaliste m’avait déjà fait la réflexion sur l’album précédent où les morceaux qui parlaient des femmes, parlaient de femmes fortes comme Anne Bonny qui était la première femme pirate (le morceau s’appelait « La Pire Pirate »). Je parlais aussi de Lilith, la première femme avant Eve. C’est un peu pareil dans cet album-là, Barbie, à un moment donné, fait tout pour être la godiche, blonde décolorée, etc. mais finalement elle est forte car elle arrive à mettre une balle au mec. Il y a aussi Mehlinn-Hâ qui tombe amoureuse du chevalier Gontrand, qui assume le fait de tomber amoureuse d’un Templier, d’un moine-guerrier. C’est plus dans ce titre que les femmes ont la part belle. Après c’est vrai que je ne me dis pas ça quand j’écris. Mais inconsciemment, je me dis que dans le rock il y a eu trop de textes avec des femmes qui passaient au second plan. Comme j’écris en français, j’ai peut-être aussi inconsciemment en tête les textes et les clips de rap où les femmes sont considérées comme des putes qui se frottent devant des grosses bagnoles avec des billets de banque qui dégoulinent. Peut-être qu’inconsciemment je n’ai pas envie de reproduire ce schéma où la femme est vraiment prise pour un objet sexuel.
Est-ce que tu te considérerais comme féministe ?
Je ne sais pas, parce que les féministes veulent que la femme soit l’égale de l’homme. Alors que moi je pense que ça fait bien quarante ans que les femmes sont supérieures à l’homme et qu’objectivement, elles portent la culotte depuis très très longtemps. Elles font un peu les mijaurées, mais je pense que les décisions importantes dans la vie de couple ou autre sont prises par les femmes. Par exemple, c’est la femme qui porte l’enfant, si elle décide de ne pas le garder, c’est elle qui a le dernier mot. C’est dans ce sens que je ne suis pas féministe car je pense que c’est un combat d’arrière-garde parce que je pense que les femmes ont le pouvoir depuis très longtemps.
« Je vais sur Internet, j’emprunte des bouquins pour lire d’autres choses […], pour être un petit peu crédible dans ce que j’écris, mais aussi par soif de connaissance. »
Sur un sujet complètement différent, il y a « Les Crayons Du Soleil ». C’est un texte très particulier puisqu’il nous parle d’un dessinateur de BD. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus ?
Ce n’est pas du tout autobiographique, même si je suis dans mon domaine (le dessin de presse). Quand j’ai voulu écrire ce truc-là, je suis parti de l’idée de l’angoisse de la feuille blanche en parlant de quelqu’un qui fait de la BD en noir et blanc. Il est tellement dans son truc à faire du noir et blanc que ça devient de plus en plus noir, avec de moins en moins de blanc dans ses cadres. Il sombre dans une sorte de dépression. Finalement, ce qui le sauve, c’est sa muse, ça peut être une apparition, ça peut être une fille qui arrive comme ça. Cette muse lui donne des crayons de couleur qui lui redonne la joie de vivre, qui fait rentrer le soleil et la lumière dans sa cave. Peut-être qu’il a déjà un trou dans la cave, tu vois ce que je veux dire, l’expression, il est un peu fou déjà et le fait de lui apporter des crayons de couleur et de lui mettre du baume au cœur, ça le remet dans le droit chemin. Sur ce titre-là, la femme n’est pas là de façon directe puisqu’on parle d’un auteur de BD qui est en dépression. Mais finalement, c’est elle la rédemptrice, c’est elle qui sauve le mec. Elle a encore le beau rôle dans l’histoire.
Ensuite il y a « Funambule » qui évoque la thématique des risques qu’il faut prendre dans la vie pour avancer. Est-ce que c’est un texte un peu autobiographique, qui parle des risques que toi tu as pris en tant que musicien, ou autre, pour avancer et qui t’ont fait te sentir un peu comme un funambule, c’est-à-dire à rien de l’échec ?
Il y a pas mal de textes qui sont écrits à la première personne, mais ce n’est pas pour ça que c’est forcément moi ou Eric Martelat qui sommes ciblés. Ce sont parfois des « je » des personnages qui sont dans le morceau. Pour le coup, dans « Funambule », je pense que tout le monde peut se reconnaître. Pour avancer dans la vie, il faut prendre des risques. La vie, c’est une histoire de choix, on arrive souvent à des crossroads, à des croisements de route. À un moment donné, on prend à gauche alors qu’il aurait fallu prendre à droite. Puis on essaie de récupérer le truc en reprenant à gauche après. Plus j’avance dans la vie, plus je me rends compte que la vie c’est ça. Je pense qu’on a le choix dans la vie malgré le fait qu’on dise des fois que c’est déterminé. Le funambule, il n’a pas forcément le choix, il faut qu’il avance. Si il n’avance plus, il est à l’équilibre à un moment donné, mais il peut tomber. Pour avancer dans la vie, il faut quand même continuer à tracer sa route. Une fois que le funambule a choisi sa voie, il a choisi le fait de partir sur son fil, il faut aller jusqu’au bout. Une fois que tu as fait ton choix, tu ne peux plus reculer, sinon tu te casses la gueule.
Il y a des morceaux comme « Cadavre-esquisse » ou « Barbie Tue Rick » où beaucoup de jeux de mots sont présents. D’où vous vient ce goût pour les jeux de mots ?
Je pense que c’est pour dédramatiser le morceau ou le thème. Dans « Barbie Tue Rick », ce n’est quand même pas super drôle, la nana elle dessoude le mec parce qu’elle se fait avorter et que le mec n’en a rien à foutre. Ça met un ballon d’oxygène dans le truc. Parfois les textes sont tragi-comiques et même sur des textes plus sérieux, qui parlent de la vie par exemple, j’essaie de contrebalancer en mettant des jeux de mots pour ne pas rester dans le côté donneur de leçons. Le problème, c’est que si je n’écrivais que des textes en donnant mon point de vue avec des phrases bien carrées, j’aurais l’impression de passer pour un donneur de leçons. Je n’en ai pas trop envie car je suis qui pour me permettre de donner des leçons aux autres ? Quand j’essaie de donner des pistes, j’essaie de désamorcer la bombe en mettant des petits jeux de mots pour dire « Voilà, c’est ce que je dis », mais en même temps je mets quand même le nez rouge. C’est pour éviter le côté trop présomptueux, trop arrogant.
D’après une interview, tu lis souvent l’Express, le Canard Enchaîné et tu regardes beaucoup de documentaires sur Arte. Le tout t’inspirant pour tes paroles. Est-ce que c’est important pour toi lorsque tu écris un texte d’être le mieux documenté possible, d’avoir un travail aussi précis sur les paroles que sur la musique ?
Tout à fait, c’est exactement ça. J’aime bien être confronté à l’actualité, je lis un petit peu les hebdos, etc. J’aime bien les reportages historiques sur Arte qui me donnent des fois des pistes de travail comme dans le disque d’avant sur Machiavel ou même sur l’album d’encore avant. Les émissions que je vois sur ces personnages historiques me donnent envie de me renseigner plus. Ça me donne une piste, puis je vais sur Internet, j’emprunte des bouquins pour lire d’autres choses sur ces trucs-là, pour être un petit peu crédible dans ce que j’écris, mais aussi par soif de connaissance. Je suis un peu boulimique d’informations, de culture. Je trouve qu’il y a un truc extraordinaire pour des anciens rats de bibliothèques comme moi, c’est internet. C’est un accès à la culture, parfois mal exploité par les gens, mais tu peux passer des heures et des heures à lire des choses. Parfois il faut trier, si tu restes sur Wikipédia, tu vas tourner en rond et tu vas lire des conneries. Peut-être que le guitariste aime bien cette partie création où il passe des heures à chercher des riffs, à travailler l’instrument. Moi j’adore passer du temps à bouquiner, à chercher des trucs, pour connaître un peu le sujet. Ça me nourrit, ça m’enrichit aussi. J’en tire aussi des bénéfices. Peut-être que d’autres gens en tirent des bénéfices parce que ça leur fait plaisir d’écouter notre musique. Moi en amont ce qui me fait plaisir aussi, c’est de faire des recherches, de découvrir les choses.
Tu penses qu’il y a des groupes qui bâclent leurs textes ?
Je pense que c’est le cas, que ça soit en anglais ou en français, surtout dans ce style-là. Dans le heavy metal ou le hard rock, souvent les textes sont bâclés. Quand certains musiciens se font interviewer, on voit vraiment que c’est la plaie pour eux de mettre des textes sur de la musique. En anglais, ils peuvent faire du yaourt. C’est dommage. Après, il y en a qui sont là pour taper du pied et pas pour faire une dissertation de philosophie. C’est mon challenge d’écrire des trucs intelligents. Je me dis qu’au fil des albums cela devient la marque du groupe donc je continuerai à essayer d’être le plus précis possible dans mes textes même si parfois, quand j’écoute des trucs en français, je me dis que ça ne casse pas trois pattes à un canard.
Dans vos textes, qui ont un contexte médiéval et parfois heroic fantasy, il y a pas mal de violence et de sexe. Il y aurait donc un petit parallèle à faire, tu l’as même fait tout à l’heure, avec la série Game of Thrones. Est-ce que tu te sens proche, dans l’écriture, de cette série-là ?
Je ne sais pas si je suis proche dans l’écriture puisque je n’ai jamais lu G.R.R Martin, les bouquins Game Of Thrones, mais je suis un grand fan de la série. C’est une relecture, entre guillemets, de l’univers de Tolkien, en plus contemporain. Tolkien a écrit Le Seigneur Des Anneaux à une période bien précise, il y a un côté très manichéen, le bien, le mal, etc. et c’est très première moitié du vingtième siècle. Forcément il l’a écrit à son époque, il a commencé Le Seigneur Des Anneaux juste avant la guerre de 40. Il a une écriture qui est vraiment dans le contexte de son époque. Je trouve que Martin a fait pareil, c’est une écriture qui est vraiment dans le contexte contemporain des années 2000. C’est de l’heroic fantasy mais c’est une écriture qui a été faite à un instant T. Je trouve ça ultra-intéressant. Plus tu avances dans la vie, plus tu as de choix à faire et tu te rends compte que ce n’est pas si manichéen que ça. Il n’y a pas le bien d’un côté et le mal de l’autre. Tu as des potes que tu connais depuis vingt ans qui vont te faire une crasse au bout de vingt ans ou il y a des mecs que tu n’aimais pas trop il y a vingt ans, tu les revois quelques années plus tard, ils ont changé et sont devenus des personnes super. La notion entre le bien et le mal est vachement bien traitée dans Game Of Thrones, un mec que tu vois à l’écran et que tu sens comme un pourri pourtant tu arrives à te prendre d’affection pour lui à la troisième saison. Ce n’est pas tout blanc ni tout noir, il y a des gris clairs, des gris foncés et puis il y a la vie autour. On peut projeter ça dans le côté contemporain.
« La notion entre le bien et le mal est vachement bien traitée dans Game Of Thrones, un mec que tu vois à l’écran et que tu sens comme un pourri pourtant tu arrives à te prendre d’affection pour lui à la troisième saison. »
Ce qui est intéressant avec cette série, c’est qu’elle rencontre un succès fou, à tel point qu’elle dépasse certains films au cinéma. Pourtant, cette série n’est pas « mainstream » du tout, elle est très violente et véhicule des thèmes ultra tendancieux comment l’inceste ou la torture. Le rythme n’est par ailleurs pas très rapide puisqu’il ne se passe pas énormément de choses par épisode. Comment pourrais-tu expliquer le succès d’une recette comme celle-là ?
Je pense qu’on s’associe vachement aux personnages. On s’accroche d’abord au petit nain Tyrion Lannister, puis au frère qui est le régicide car on finit par s’apercevoir qu’il n’est pas si mal que ça. Il y a plein de personnages, de belles femmes, de beaux acteurs. Il y a toute une mythologie qui se met en place. Finalement, comme tu le dis, il y a des scènes terribles de torture, il y a de l’inceste. Pour être réaliste, tu as l’impression d’avoir le procès d’Outreau dans Alice Au Pays Des Merveilles. Dans ton inconscient, ça fait brasser beaucoup de choses. Et en même temps on est dans le côté Daesh, avec les idoles qui sont brûlées et avec les pays orientaux où la nana qui lève des armées avec ses dragons. Et il y a le côté plus réaliste comme Outreau, avec l’inceste, etc. où tout le monde est un peu mouillé, les notables et tout ça… Je pense que ça interpelle notre inconscient, ça nous fait penser à plein de trucs qu’on a entendus dans l’actualité en plus du côté heroic fantasy qui nous fait un peu voyager. C’est très bien vu de ce côté-là car ça touche plein de publics.
Ce qui est intéressant avec Game Of Thrones c’est que, comme tu le disais, ça passionne et que chacun a son personnage préféré. Du coup, qui est ton personnage préféré ?
Sans réfléchir, je suis entre Jon Snow et Tyrion Lannister qui part avec un petit handicap. Dès le départ, il est dans la « mauvaise » famille. Mais je trouve qu’il fait des choix, on reparle de choix comme avant, hyper honnêtes, il est ultra attachant. Et toi, ça serait qui ?
Il y a Tyrion pour tu ce que tu viens de dire et j’aime beaucoup le personnage de Jaime Lannister aussi. Quand tu as passé la première saison où c’est une pourriture, tu découvres ce qu’il y a derrière.
Exactement, tu vois qu’il a peut-être tué le roi pour les bonnes raisons. On sent que le personnage est vachement plus attachant maintenant.
Pour revenir un peu au groupe, Messaline est au départ né des cendres d’un groupe de progressif qui s’appelait Absurde. Est-ce qu’il vous reste des influences prog quand vous écrivez ? Est-ce que c’est un style que vous écoutez toujours ?
J’écoute toujours les premiers albums de Marillion qui sont vraiment super. Il y a le côté technique de certains trucs de prog qu’on aime bien pour le hard rock. J’aime beaucoup Porcupine Tree et Steven Wilson. Mais c’est vrai que je n’écoute plus trop les groupes de prog qui sortent. J’en ai tellement écouté et le guitariste aussi que ça doit ressortir de temps en temps sur nos compos. En vieillissant et en faisant des concerts, on a vu que l’efficacité d’un morceau de quatre minutes, c’est quand même plus sympa qu’un morceau de quinze minutes. J’en écoute encore un petit peu, mais je ne ferai pas deux cents kilomètres pour acheter un album de Yes.
Il y a quelqu’un qui a été assez important dans la carrière de Messaline, même s’il n’est pas un membre direct du groupe, il s’agit de Christian Décamps du groupe Ange. Est-ce que tu peux me parler un peu de la relation que vous avez avec lui ?
C’est quelqu’un que je connais depuis très longtemps, il nous a suivis déjà à l’époque d’Absurde quand on faisait du prog. On avait fait des premières parties d’Ange à l’époque. Lorsqu’on a arrêté Absurde et qu’on a fait Messaline, pour le premier album Christian nous avait proposé d’écrire le texte et la musique d’un morceau pour nous donner un coup de main. Par la suite, c’est une sorte d’affiliation qui est restée. On a fait quelques dates avec eux. Sur le troisième album Éviscérer Les Dieux, on a fait un duo ensemble. Lui tenait qu’on chante en même temps dans le studio pour que ça soit quand même un instant partagé, j’avais trouvé ça super.
Sur cet album-là, on ne devait pas du tout travailler ni avec Christian ni avec son guitariste, mais les circonstances ont fait que c’est arrivé. Dans le morceau où Christian intervient qui s’appelle « Instinct Animal », il y a à la fin une messe noire déclamée par le personnage qui devait être au départ faite par un copain qui a une voix de stentor, avocat, tout ça. Il n’a pas pu venir le jour où cela devait être fait en studio, on avait repoussé la date. Entre temps, j’avais eu Christian au téléphone qui avait demandé où on en était au niveau de l’enregistrement et je lui avais dit qu’on avait un petit problème de timing avec un copain. Il m’a proposé de faire cette voix. Nous on était super content forcément. On lui a envoyé les fichiers et il m’a renvoyé le truc fait trois jours après. C’était un petit peu pareil pour le guitariste, c’était non prévu au départ pour Hassan, mais il nous restait un solo à faire sur l’album. Je me souvenais qu’il m’avait dit qu’il n’y aurait pas de problème si je voulais qu’il fasse un truc pour nous et je me suis dit que c’était le bon moment. Christian est quelqu’un de très important pour notre groupe car il nous a fait découvrir auprès du fan club d’Ange qui est assez important en France. C’est vachement bien pour nous et ça fait toujours plaisir d’avoir un monument du rock français avec nous.
Vous êtes un groupe de hard et de heavy avec du chant en français. Quelle est votre relation avec les publics étrangers ?
On a des chroniques de temps en temps à l’étranger. C’est compliqué parce que la spécificité de Messaline, c’est quand même les textes en français et toute la démarche conceptuelle qu’il y a derrière. En Allemagne et en Espagne, c’est plus délicat, ils se focalisent sur la musique et sur le côté exotique du chant. On vend quelques disques en Allemagne ou dans le reste de l’Europe, quelques-uns au Japon pour le côté exotique. Mais sur le marché étranger, on est quasiment inexistant de par le concept même du groupe qui est quand même plus misé sur la mise en musique de textes en français que sur un côté global. Ce n’est pas notre objectif premier de vendre des albums à l’étranger.
Interview par téléphone réalisée le 27 mai 2015 par Philippe Sliwa.
Retranscription : Gabriel Jung.
Introduction : Amaury Blanc.
Page Facebook Officielle de Messaline : Facebook.com/pages/Messaline-OFFICIAL.
« Je ne suis pas féministe car je pense que c’est un combat d’arrière-garde parce que je pense que les femmes ont le pouvoir depuis très longtemps. »
C’est très très naïf comme réflexion. Ce n’est pas parce qu’elles décident de la liste de courses à la maison qu’elles ont pris le pouvoir. Quelle proportion de femmes parmi les représentants politiques? Aux postes de pouvoir? Il y a principalement des hommes, vieux, blancs, hétéros, etc.
L’argument de l’avortement est assez déplacé, oui en théorie une femme peut en décider toute seule, mais c’est occulter toute la pression qu’il y a autour, les jugements, qu’ils viennent du corps médical, de la famille, ou autre. Oui oui, ça existe encore en 2015.
Il y aurait beaucoup à dire aussi des inégalités de salaire, du harcèlement, des violences conjugales, des viols, etc.
Alors quand on n’est pas directement concerné, et qu’on n’a visiblement pas creusé le sujet, mieux vaut s’abstenir de jugements du style « telle ou telle lutte est un combat d’arrière-garde ».
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