On commence à s’en rendre compte, les questionnements sur l’évolution de la science et des technologies, et la convergence de la science avec la science-fiction, fascinent particulièrement en ce moment les artistes, et en particulier dans le metal. Mais quoi de mieux qu’un groupe de death metal technique et progressif pour élaborer tout un concept autour de la notion de conscience dans la robotique ? Surtout dans le cas d’Allegaeon qui a toujours fait des avancées scientifiques son terrain de jeu de prédilection, toujours à la pointe des dernières découvertes, parfois même un peu trop, comme nous le démontrera le guitariste Greg Burgess via une de ses anecdotes dans l’entretien qui suit.
Et en termes d’avancées, musicales cette fois, Allegaeon n’est pas en reste, comme le prouve son nouvel opus Proponent For Sentience qui apporte son lot de nouveautés, entre une sonate découpée en trois chansons jouées avec un orchestre et des influences flamenco du plus bel effet (et qui ont quasiment sauvé le groupe). Mais c’est surtout l’arrivée du nouveau chanteur Riley McShane qui, volontairement sur la retenue sur cet opus, offre les plus grandes perspectives d’évolution pour les américains. Mais laissons Burgess nous en parler en détail dans le long entretien qu’il nous a accordé ci-après.
« Le fait que je puisse être dans une pièce à jouer et entendre [Riley] chanter du Andrea Bocelli dans le couloir, c’est tellement… J’ai encore plus confiance en nous maintenant que jamais, voilà ce que je vais dire. C’est juste un musicien sensationnel. »
Radio Metal : Lorsque l’ancien chanteur Ezra Haynes a annoncé son départ du groupe, il a déclaré que « pour le moment, il y a des choses qui requiert [sa] totale attention. » De quoi parlait-il ?
Greg Burgess (guitare) : Oh, mec… [Petits rires] Je ne veux pas… J’ai l’impression que tout ce que je dirais sur le pourquoi de son départ reviendrait à lui manquer de respect, donc je préfère ne pas commenter. Désolé [petits rires].
Parce que c’est quelque chose de personnel pour lui ?
Ouais.
Proponent For Sentience est donc le premier album avec Riley McShane dans le groupe. Qu’a-t-il apporté à l’album et à l’alchimie du groupe ?
Tout d’abord, Riley est un musicien fantastique. Je ne peux dire suffisamment de choses positives au sujet de Riley. Le fait est, déjà, qu’il peut vraiment chanter, faire des cris mélodiques, il y a du chant de gorge mongole sur l’album, le chant microtonal… Je veux dire qu’en dehors du fait de simplement crier, pratique dans laquelle sa tessiture est incroyable, de graves vraiment brutaux aux aigus, en passant par les mediums et tout le reste… Je veux dire qu’il est vraiment complet. Le fait que je puisse être dans une pièce à jouer et l’entendre chanter du Andrea Bocelli dans le couloir, c’est tellement… J’ai encore plus confiance en nous maintenant que jamais, voilà ce que je vais dire. C’est juste un musicien sensationnel, et nous sommes vraiment reconnaissants de l’avoir.
Dirais-tu que grâce à ses capacités, vous êtes parvenus à élargir les limites de votre musique ?
Ouais, absolument ! C’était un étrange… L’essentiel de l’album, toutes les chansons originales, c’était déjà tout fait avant qu’il ne soit dans le groupe. Mais lorsqu’il est arrivé, j’étais tellement fan de son autre groupe Son Of Aurelius et je savais de quoi il était capable. C’était un peu comme : « Mec, j’adorerais vraiment t’utiliser au maximum de ton potentiel et faire appel à certaines de ces autres techniques que tu as, simplement pour avoir une plus large palette. »
Tu as mentionné l’avoir entendu chanter du Andrea Bocelli, et il y a aussi la chanson « All Hail Science » avec ce chant à la manière des moines mongols. Comment a-t-il appris à maitriser toutes ces différentes techniques ?
Tu sais, je ne pourrais pas te dire ! Je ne pourrais vraiment pas. Je veux dire que Riley et moi sommes amis depuis… Oh, mec, depuis 2010, lorsque son autre groupe est apparu et j’étais là : « Les gars, vous devriez loger chez moi. » Je veux dire que j’adore tous ces gars sincèrement, ils sont parmi mes meilleurs amis. Nous sommes amis depuis lors et nous avons tissés des liens. J’ai entendu Béla Fleck And The Flecktones il y a de très nombreuses années lorsque je vivais à Cincinnati, pour passer mon diplôme en musique, et ils avaient un chanteur qui faisait du chant de gorge mongol avec eux, et j’étais époustouflé par cette technique. Je ne sais pas comment j’ai appris… Je pense peut-être sur un des podcasts que son autre groupe a fait, ils ont mentionné le chant de gorge, et j’étais là : « Oh mon Dieu ! Tu peux faire ça ! » Et j’ai commencé à m’intéresser à cette technique. Il m’envoyait des albums de chant de gorge à écouter, et je ne savais pas… C’est le genre de trucs… Je n’ai aucune idée comment il a fait. Je ne questionne pas ces choses, ce sont juste de bonnes choses ! [Rires]
Il y a très peu de chant clair sur l’album. Même si votre musique est assez extrême, les mélodies, surtout avec les guitares, en sont une part très importe. Du coup, pourquoi ne pas avoir davantage utilisé ses capacités en chant clair ?
Eh bien, nous le voulions, mais Riley essayait d’être respectueux envers notre fan base et ne voulait pas leur imposer un trop gros changement si rapidement. Il l’a fait avec Son Of Aurelius, car ils étaient purement un groupe de tech-death et puis ils sont partis dans une direction plus prog-rock avec leur dernier album Under A Western Sun, et ça n’a pas été tellement bien reçu. Les gens sont très… Les gens, pour la plupart, n’aiment pas le changement, et ça a été mal accueilli. Du coup, il était très nerveux à l’idée de faire du chant clair sur l’album, de peur que les gens nous lâchent comme des malpropres. Donc ça a été fait de façon très éparse, juste pour voir comment ça se passe. Si ça se passe très bien, et ça semble vraiment bien se passer, alors nous continuerons à expérimenter avec ça. Mais, je veux dire, je ne veux jamais oublier d’où nous venons, tu vois ce que je veux dire ? Je pense qu’il y aura toujours ce segment de la population qui n’aimera pas le chant clair et ce serait bien si nous pouvions faire quelques trucs uniquement pour eux. Mais la musique s’écrira comme elle voudra s’écrire, je suppose.
Mais en tant qu’artiste, ne te sens-tu pas limité par le fait que les fans s’attendent à quelque chose et que tu ne puisses pas faire autre chose que tu pourrais vouloir faire ?
Oh, absolument ! Au bout du compte, ce que j’ai envie de composer gagnera, mais tu dois avoir du respect pour les gens qui sont responsables de t’avoir amené là où tu es. Ce n’est pas quelque chose que nous prenons à la légère. Je suis très reconnaissant envers les gens qui nous ont vraiment écoutés et qui ont aidé à nous amener où nous sommes arrivés. J’ai le sentiment que nous avons une responsabilité envers ces gens de continuer à sortir de la musique qu’ils apprécieront et si ça signifie restreindre ce que je veux faire, alors ça ne va pas me rendre fou, si tu vois ce que je veux dire [petits rires]. Ça peut aller, mais il y aura du chant clair à partir d’aujourd’hui. Je veux dire, ce que sera le ratio de chant clair par rapport aux cris et aux trucs death metal, ça reste à voir. Mais, oui [rires]. Je suppose que la réponse à la question est oui, mais… Je veux dire que nous ferons ce que nous voudrons, au final, mais je veux simplement respecter les gens qui nous ont amenés où nous sommes.
Il n’y a pas longtemps, j’ai parlé à Mikael Åkerfeldt d’Opeth qui a un point de vue très différent par rapport à ça, il pense qu’il n’a absolument aucune responsabilité envers les fans, et c’est pourquoi il fait tout ce qu’il veut, même si ça les rend furieux.
Ouais, mais il fait ça depuis plus longtemps. Nous devrions reprendre cette conversation lorsque nous aurons fait ça depuis aussi longtemps que Mike [rires]. Parce qu’à ce stade, il se peut que je dise : « Oh, je n’en ai plus rien à foutre, peu importe, je vais faire ce que je veux ! »
« Lorsque Ryan [Glisan] est parti, c’était très dur, et il y avait des gens qui disaient que nous étions finis. […] Les gens m’écrivaient, m’envoyaient des emails disant ‘tu dois tout remballer, tu ne feras jamais rien sans lui,’ et j’étais là : ‘Bon, va te faire foutre !’ [Petits rires] »
En fait, Riley a été annoncé tout de suite après le départ d’Ezra du groupe. Etait-il un choix évident et immédiat pour vous ?
Riley a déjà chanté avec nous en tant que remplaçant temporaire. Il y a eu des soucis avec Ezra pendant de nombreuses années et contre lesquels nous luttions tous, et c’était complètement transparent avec Ezra, tout a été discuté avec lui, et il a dû prendre du temps pour gérer certaines de ces choses, et durant ce temps, j’ai amené Riley pour le suppléer, et il a simplement fait… Comme je l’ai dit avant, il a un talent incroyable, donc le fait que nous l’avions là à notre disposition, c’était facile. Je pense que pendant six mois avant qu’Ezra ne se retire, j’ai passé des auditions vocales à la demande du management, car je suppose que tout le monde l’a vu venir. J’ai donc auditionné quelques personnes, et tout le monde a fait du très bon boulot, mais Riley était vraiment dès le départ mon choix numéro un. Donc, lorsqu’est arrivé le moment de… je veux dire que Riley a fait une tournée avec nous, quelques mois avant qu’Ezra ne parte, et nous sommes revenus, nous avons fait un festival avec Ezra, c’était la dernière fois qu’il a joué avec nous, et puis nous avons ramené Riley chez lui et je pense que trois jours plus tard, il était clair que nous allions demander à Ezra de se retirer, et donc j’ai passé l’appel presque immédiatement après. Ouais, c’était un revirement très rapide, mais ça faisait longtemps que ça perdurait.
Votre précédent album avait aussi introduit de nouveaux membres dans le groupe. Comment as-tu vécu tous ces changements dans le groupe ces dernières années ?
C’est vraiment dur, et je pense que ça l’est aussi pour les fans. Ouais, nous n’avons jamais eu de line-up consécutif sur deux albums, ça n’est jamais arrivé. C’est incroyablement déchirant, à certains égards, même pour nous dans le groupe. Nous n’aimons pas avoir à changer de membres. Et d’un autre côté, ça fait passer les membres restant pour des méchants, comme si nous étions des tyrans [petits rires] et qu’il était difficile de travailler avec nous. Mais le côté positif est que du sang neuf apporte une nouvelle créativité et de nouvelles idées, et ça revitalise un peu le groupe. Lorsque Ryan [Glisan] est parti, c’était très dur, et il y avait des gens qui disaient que nous étions finis. Les gens, soit ils se rendent comptent que j’ai fait la moitié du travail de composition et s’en fichaient, soit Ryan était pour eux un membre clé du groupe, et ça, pour moi, c’était super dur. Les gens m’écrivaient, m’envoyaient des emails disant « tu dois tout remballer, tu ne feras jamais rien sans lui, » et j’étais là : « Bon, va te faire foutre ! » [Petits rires] « Je vais le faire ! » Donc à ce stade, c’était un peu, du genre : « Bon, je veux quelqu’un dans ce groupe qui a vraiment envie d’être là et qui a une très bonne attitude et le talent pour le faire. » Depuis que nous avons fait ça et intégré des gars qui veulent vraiment le job et sont vraiment enthousiastes d’être là et incroyablement talentueux, tout s’est très, très bien passé ! Et je n’ai pas à me plaindre !
Tu as déclaré que vous étiez « un peu paniqués lorsqu’est venu le moment de donner une suite à Elements Of The Infinite. » Pourquoi ?
Pour de multiples raisons. D’un, nous tournions plus pour Elements que jamais auparavant. Nous avons eu une série de malchance au cours de notre histoire avec les tournées, et pendant les premières années, nous n’avons pas du tout tourné. Ce n’était pas parce que nous ne voulions pas, c’était juste parce que les situations n’y étaient pas favorables ou simplement nous avions des soucis financiers, nous ne pouvions pas nous payer un véhicule ou peu importe. Donc lorsque les choses se sont mises en place, c’était après Formshifter, genre l’été avant que nous allions enregistrer Elements, nous étions quasiment non-stop sur les routes, à faire quelques premières parties mais principalement en tête d’affiche, partant nous promouvoir nous-même. Et ça s’est poursuivi avec Elements, tout le cycle. Nous étions paniqués parce que nous ne savions pas si nous avions assez de temps pour composer l’album. C’était une des raisons. Une autre raison est que Elements était de loin le plus gros album que nous ayons jamais fait, et notre fan base a doublé, le public a explosé, relativement, à divers endroits, et c’était un peu éprouvant pour les nerfs de donner une suite à ça, si ça a du sens.
Au final, est ce que le stress supplémentaire a été bénéfique ?
[Réfléchit] C’est une drôle de question parce que… Je veux dire que c’est possible. Mais ça n’a pas du tout donné le sentiment d’être bénéfique ! Mike [Stancel] et moi, nous avons fini la tournée et nous nous sommes regardés, disant : « Mec, je ne sais pas ce que nous allons faire avec ce prochain album ! Nous n’avons encore aucune musique de composée. » Et le management était là : « Ouais, vous allez y aller dans quelques mois pour enregistrer. » Et j’étais là : « Mec, je ne sais pas ce qu’il va se passer ! » Et puis, quelques jours plus tard, j’étais là : « Oh ouais, tout va bien ! » Parfois tu as le syndrome de la page blanche et tu ne peux rien composer, et la pire chose que tu puisses faire c’est forcer des trucs qui ne sont simplement pas bons, qui ne servent pas le groupe et ne servent pas les fans. Tu veux sortir des choses en lesquelles tu crois, et ce que nous étions en train de composer était pourri et nous l’avons jeté. Mais lorsque l’inspiration a frappé, ça a frappé fort. Je crois que nous avons écrit dix-sept chansons pour Proponent For Sentience et ensuite, c’est devenu : « Mec, ça fait dans les deux heures de musique, il faut qu’on y fasse quelque chose. On ne peut pas en avoir autant. Sur chaque album, nous nous sommes mis d’accord contractuellement pour dix chansons. Il faut qu’on réduise ça. » Donc ça, c’était dur. Et lorsque tu as autant de musique, c’est accablant. Il a fallu que nous ayons une main assurée et commencions à éliminer des chansons qui… Nous étions tous fiers des chansons ! Il n’y avait aucune chanson pour lesquelles nous nous disions : « Bon sang, cette chanson n’est pas bonne. » Mais nous étions là : « Mettons la de côté et nous la sortirons sur le prochain album. » Donc nous avons une bonne portion du prochain album qui est déjà écrite.
Tu as déclaré que « si [vous faites] quelque chose plusieurs fois sur un album, [vous vous retenez] de le refaire sur le suivant. » Comment parvenez-vous à renouveler votre musique et vos techniques tout en sonnant toujours comme vous-même ?
C’est cet adage : « Tu n’arrêtes jamais d’apprendre. Plus tu vieillis, plus tu te rends compte que tu ne sais rien » [petits rires]. Il faut que tu sois très introspectif et très autocritique. Je veux dire, je ne peux que parler pour moi-même : plus je deviens bon à la guitare, plus je me sens mauvais en tant que guitariste, parce que mon oreille se développe et j’entends chaque petite chose. Ça devient très dur ! Et puis tu peux regarder ce que tu as fait sur l’album précédent, « bon sang, on a fait bien trop de trucs comme ça. » Sur Formshifter, nous avons fait bien trop de mouvements en pédale, et puis sur Elements, j’ai trouvé que nous avons abusé des sweepings, et cet album, je faisais du tapping, c’était un peu la technique sur laquelle je me suis concentré, genre d’une corde à l’autre, en sautant une corde. Va arriver un moment où nous aurons épuisé toutes les idées, et alors ce sera : « Bon, revenons sur nos pas et peut-être intéressons-nous à nouveau à certains plans en pédale, à certaines figures de sweeping, et utilisons-les. » C’est plus le fait que je suis autocritique qu’autre chose. Ce sont des outils, ce sont comme les couleurs pour le peintre, et la façon dont tu assembles ces couleurs c’est la façon dont ta musique sonnera. Donc je veux simplement remplir ma boite à outils avec autant de choses que possible. Je veux avoir plein de couleurs de façon à ne pas être limité dans ma créativité et ma composition. Je veux avoir le choix entre un maximum d’éléments que je pourrais avoir envie d’exprimer. C’est de la connaissance, c’est de l’autocritique et c’est être extrêmement dur avec soi-même. Et je pense qu’Allegaeon peut faire mieux ! Nous n’arrêterons jamais de penser que « c’est bien mais nous pouvons faire mieux. » Lorsque ceci s’arrêtera, alors je pense que nous aurons un problème.
Se restreindre à ne pas faire quelque chose qu’on a déjà fait, c’est ta façon de te forcer à sortir des sentiers battus et être créatif…
Ouais, absolument. Et même si on en arrive à « mec, nous allons nous répéter, » alors ça devient un défi : comment peut-on se répéter mais tout en faisant en sorte que ce soit complètement neuf ? Est-ce que ça signifie qu’on doit changer de tonalité et jouer dans une tonalité vraiment tordue et faire en sorte que ce soit un challenge pour nous de cette façon ? Je veux dire que c’est la beauté de la musique, le fait que c’est sans limite. Pas tellement les notes parmi lesquelles tu dois choisir, car il n’y en a que douze dans la musique occidentale, mais c’est la façon dont tu les arrange et comment tu les exécutes. La musique est une chose merveilleuse !
« Nous n’arrêterons jamais de penser que ‘c’est bien mais nous pouvons faire mieux.’ Lorsque ceci s’arrêtera, alors je pense que nous aurons un problème. »
L’album bénéficie encore une fois d’orchestrations et apparemment, dès le début, tu voulais que ce genre d’éléments soient très présents dans l’album. Mais au final, lorsqu’on écoute l’album, ça apporte un plus à la musique mais ce n’est pas sur-employé comme certains groupes de metal ont tendance à faire. Quelle est ton approche des orchestrations ?
Les chansons doivent se tenir d’elles-mêmes si tu retires tous les trucs orchestraux. Nous sommes un groupe. Ce n’est pas un orchestre accompagné d’un groupe. Ce doit être un groupe accompagné d’un orchestre. Mon partenaire de composition, Joe Ferris, est celui qui orchestre nos idées. Par exemple, je peux écrire en MIDI des idées de mélodie ou bien j’ai une idée de chœur avec des cordes et tout, et en gros, il va regarder ça avec un esprit bien plus orchestrateur que moi. Il est là : « Oh ouais, c’est cool, développons ça, » et il va prendre cette idée et l’étoffer pour la faire sonner plus vraie et tout. Il était dans des groupes de metal avant, je crois qu’il était aussi dans un groupe de punk, et il comprend comment ça fonctionne. Je veux dire que nous adorons Dimmu Borgir et nous adorons Fleshgod Apocalypse, et j’ai le sentiment que la façon dont ils utilisent l’orchestre est un peu différente de nous, mais c’est le même type de chose : tu es là pour faire… C’est la somme des parties. Les parties ensemble rendent le tout meilleur. Et c’est une question de qui se distinguera dans quelle partie. Comme la partie d’ouverture de « Proponent for Sentience I – The Conception », la guitare et le groupe passent complètement au second plan par rapport à ce que fait Joe et, après que tous les thèmes aient été affichés, alors c’est le moment où le groupe prend le relais et l’orchestre passe au second plan. C’est juste une question de savoir qu’est-ce qui sera la vedette sur le moment. Et tu veux être ouvert à ce qui sera le mieux pour la chanson dans sa globalité.
En fait, certaines des chansons ont commencé avec des idées que tu as écrites pour des parties orchestrales. Quelle différence cela fait dans le résultat final, par rapport à une chanson qui commence avec une idée de riff ?
Pas énormément ! Ayant un background classique et ayant étudié différents compositeurs et ce genre de choses, parfois c’est juste ce qui te touche. Ce n’est pas vraiment différent, au bout du compte. C’est le résultat final qui importe, si ça a du sens. Comment tu y arrives est vraiment sans conséquence pour l’idée générale. Je veux dire que les thèmes de « Proponent For Sentience », je les ai en fait composés en 2007. Et l’intro de « The Algorithm », le second mouvement, était en fait la musique d’intro de nos concerts pendant quelques années. Il y a longtemps, j’avais fait ça en mettant un micro sur le kit de batterie de notre batteur de l’époque, Jordon Belfast. Il jouait et nous avons enregistré les guitares sur mon petit ordinateur, mais tous les trucs orchestraux étaient joués par moi sur un clavier et les chœurs, c’était ma famille qui était assise autour d’un microphone, enregistrant le chœur encore et encore, de façon à ce qu’il devienne plus gros. Donc les thèmes de cet album ont sept ans, même plus vieux que ça maintenant, neuf ans.
Est-ce que tu t’y identifies toujours après tant de temps ?
Ouais, bon, je veux dire que nous sommes arrivés à un stade où j’étais là : « Maintenant que j’ai Joe et qu’il est un membre tellement important de l’équipe Allegaeon, et maintenant que nous avons Brandon [Park] et que nous pouvons vraiment jouer avec les samples… » Nous ne pouvions jamais faire ça avant. Avant que Bandon n’arrive, c’était un iPod, et nous jouions au clic et nous nous lancions, et avec un peu de chance ça ne déraillait pas. Maintenant, ce n’est tellement pas compliqué que c’est possible de le faire. Et avec la technologie, ça t’offre plus d’options, je dirais.
Ceci est un album conceptuel, une nouvelle fois basé sur la science, et plus spécifiquement la robotique. Peux-tu nous en dire plus sur cette histoire ?
Le concept est basé sur quelques interviews que Stephen Hawking a données. Il a fait une interview avec la BBC et puis il en a accordé une autre à John Oliver, qui est un peu un genre de présentateur d’émission d’infotainement du soir, si ça a du sens, pour les gens qui ne savent pas qui est John Oliver. Ce qui est drôle, c’est qu’il est également anglais [petits rires], c’est juste qu’il vit ici. Dans ces interviews que Stephen Hawking a données, il a abordé ses théories sur l’intelligence artificielle et comment elle allait surpasser l’humanité, lorsque tu as une forme de vie non biologique qui peut se reproduire et évoluer bien plus rapidement que l’humanité. Une forme de vie biologique a besoin de beaucoup de temps pour que ses cellules apprennent, et que ça soit transmis de génération en génération jusqu’à ce qu’elle évolue enfin. C’est très différent d’une machine qui peut le faire instantanément, ou presque. Donc l’idée étant qu’elles peuvent évoluer si rapidement qu’elles peuvent dépasser l’humanité, et le titre Proponent For Sentience possède une dichotomie. D’un côté, je suis partisan de cette conscience parce que, comme là, la technologie me permet de parler à mon merveilleux ami en France [petits rires], et ça peut aider notre espèce, via la médecine, l’exploration et tout. Et puis, d’un autre côté, l’humanité est un peu une grosse conne ! L’humanité est capable de très mauvaises choses. A savoir si nous méritons de survivre… Si une autre forme de vie devient consciente, elle aurait absolument le pouvoir de dire : « Vous n’avez pas le droit. Vous portez atteinte à cette planète et au bien de la vie dans sa globalité, et nous devons vous en soustraire. »
Il y a donc, dans le titre, un regard misanthropique et puis il y a un regard plein d’espoir. Nous voulons la technologie pour ces deux concepts radicalement différents. Et l’histoire qui parcourt l’album est, tu vois, que ça commence en listant les attributs positifs de l’humanité, notre architecture, la musique, la science, simplement devenir une meilleur meilleure version de nous-même. Et puis, dans le second mouvement, en vivant aux US, nous avons une quantité stupide d’armement militaire, et il est très possible que ces créatures soient employées à des fins militaires, ce qui n’est pas l’essentiel du pourquoi nous les voulons. Et puis, dans le troisième mouvement, elles gagnent une sensibilité et, en gros, réécrivent les trois lois de la robotique, et disent que c’est mieux pour le tout que nous ne soyons plus là. Et ensuite, il y a différentes ramifications dans tout l’album [pesant le pour et le contre] au sujet de ces machines qui prennent conscience et le fait qu’on ne mérite pas d’être ici. Et puis il y a les effets sur le cerveau et comment tout ça s’imbrique, un peu comme Matrix ou Ghost In The Shell, la conscience étant transférée à différentes machines et ce genre de choses.
Crois-tu à un futur à la Matrix ou Terminator ?
[Petits rires] C’est une vraie possibilité, n’est-ce pas ? La question n’est pas de savoir si je crois que ça doit arriver ou pas, c’est juste une issue probable, tu vois ce que je veux dire ? Ça ne veut pas dire que ça va arriver mais ça pourrait très bien arriver. Avec la façon dont la technologie avance aujourd’hui, c’est une très forte possibilité. Si les ordinateurs un jour gagnent une conscience, alors ça pourrait être le cas, et malheureusement pour nous. Et c’était ce que disait Stephen Hawking. Si tu demandes de quel côté de la dichotomie j’existe [petits rires], tout dépend du jour où tu le demandes. Lorsque tu as des attaques terroristes partout dans le monde, évidemment, c’est une chose horrible, peu importe qui en est la victime, ce n’est pas bien, il n’y a aucune excuse à ce type de comportement. Au final, nous sommes tous adultes et nous devrions pouvoir nous poser et parler rationnellement, mais ce n’est pas le cas, ce n’est pas ainsi qu’est la réalité. C’est une dichotomie étrange dans laquelle nous existons.
« Si une autre forme de vie devient consciente, elle aurait absolument le pouvoir de dire : ‘Vous n’avez pas le droit. Vous portez atteinte à cette planète et au bien de la vie dans sa globalité, et nous devons vous en soustraire.' »
Et as-tu été inspiré par ces types de films ?
Absolument ! Je pense que le film Ex Machina vient tout juste de sortir. Je ne l’ai pas regardé avant d’avoir fini d’enregistrer mais c’était très poignant et ça m’a touché de près après que nous ayons fait cet album. J’adore la science-fiction. Et la majorité des faits scientifiques a pris racine dans la science-fiction à un moment donné. Lorsque nous avons sorti la chanson « The God Particle », [la particule de dieu, le boson de Higgs], n’avait pas encore été trouvé, et ensuite ils l’ont vraiment trouvé. C’est la chose la plus géniale qui soit à propos de la science, c’est une volonté constante d’apprendre et de s’améliorer. Je trouve que c’est la chose la plus merveilleuse qui soit. Tu peux toujours chanter à propos de Satan et toutes ces conneries [rires] mais, au final, ça ne fait rien pour personne, ça ne te pousse pas à réfléchir, généralement, ça se contente d’être. Et puis les paroles horrifiques et ce genre de choses, ça peut faire des histoires sympas mais je ne pense pas que ce soit très complexe dans le cheminement de pensée, là encore ça se contente d’être. Pas que ce soit négatif, ce n’est pas une mauvaise chose, ce n’est juste pas ce qui m’intéresse, pour ainsi dire.
De façon plus générale, la science a toujours été un thème important dans ta carrière. Quelle est ta relation personnelle à la science ?
Ce n’est vraiment rien en particulier. C’est simplement une réelle fascination et un intérêt sain, ou peut-être un intérêt malsain, suivant à qui tu demandes [petits rires]. Mais ouais, c’est juste un truc fascinant. Les études qui sont publiées, tu les lis et genre, « mec, c’est trop cool. » Et puis tu penses : « Nous pourrions écrire une chanson à ce sujet ! » Et tu te retrouves à écrire une chanson sur ça. C’est comme lorsque nous avons écrit la chanson « Secrets Of The Sequence », c’était la dernière chanson sur notre album de 2012 Formshifter, et je crois que deux semaines après que nous ayons terminé d’enregistrer, l’album n’était pas encore sorti, des scientifiques ont réfuté tout le truc à propos duquel nous avions écrit. C’était basé sur le fait que des scientifiques pensaient qu’ils avaient découverts des gènes dans des vers qui contrôlaient le vieillissement, donc ils ont retiré ces gènes des vers et ils ont doublé leur durée de vie. C’était un truc étrange, et comme je l’ai dit, deux semaines après que nous ayons fini d’enregistrer l’album, ils l’ont réfuté. Mais je ne sais pas, c’est juste vraiment cool ! C’est un truc qui évolue constamment. Ca mène à plus de questions, ce qui mène à une meilleure compréhension, ce qui mène à encore plus de questions, et c’est juste… Je ne sais pas. C’est fascinant !
Comment l’art et la science sont-ils liés, à ton avis ?
[Réfléchit] Je pense que ça fait appel à des fonctions similaires des hémisphères gauche et droit du cerveau. Je veux dire que je ne le sais pas avec certitude mais ce serait difficile pour moi de ne pas croire que les centres du cerveau qui s’intéressent à la science sont les mêmes qui contrôlent la créativité en art. Mais il se peut que ce soit complètement faux [rires].
Riley a en fait écrit certaines paroles. Est-il autant porté sur la science et la science-fiction que toi ?
Carrément ! Il n’a pas fallu faire beaucoup d’efforts pour le pousser dans notre direction. Il était comme : « Oh, c’est cool ! » Je veux dire qu’il savait ce qu’il en était. Comme je l’ai dit, nous sommes amis depuis longtemps, donc il savait tout sur Allegaeon et nos centres d’intérêts. Pour les performances live, c’était quelque chose qui lui a demandé quelques concerts avant de pouvoir dire « oh, okay, je vois ce que vous faites les mecs, ouais, j’ai pigé, » et ensuite c’était immédiat. Mais pour ce qui est de l’écriture et des intérêts, c’était une seconde nature pour lui. Je pense que c’est très intéressant lorsque tu plonges là-dedans. Je suis là : « Voilà le concept de l’album. Voilà de quoi parle cette chanson-ci, voilà de quoi parle cette chanson-là. Je peux t’envoyer les sources qui ont fait germer les idées. » Et il lisait mes sources et puis écrivait les chansons à partir de celles-ci.
La chanson éponyme est divisée en trois parties, l’ouverture et la clôture de l’album, et une pile au milieu. Et celles-ci ont donné le cadre global du concept. Mais comment vous êtes-vous retrouvés avec ces trois parties ?
Le second mouvement, « Proponent For Sentience II – The Algorithm”, était en fait le premier à être terminé. Comme je l’ai dit lors d’une précédente question, l’intro de cette chanson existe depuis début 2007. A l’origine, ce n’était qu’un seul morceau et, en raison de tous les trucs orchestraux, c’était la chanson d’ouverture. Ça ne me plaisait pas trop d’ouvrir l’album avec ce morceau lent. Ayant grandi en étant un gamin fan de thrash, j’aime jouer vite, c’est simplement comme ça que je fonctionne, et donc, mettre une chanson lente dans un album est quelque chose que j’ai appris avec le temps, grâce à notre producteur Dave Otero. Il est là : « Il faut vraiment que tu ralentisses un peu de temps en temps, simplement pour offrir quelque chose de nouveau à l’oreille. » Et j’étais là : « Oh, ok, c’est logique. » Donc, en gardant ça en tête – nous en avions discuté pendant que nous enregistrions Elements –, lorsque nous nous sommes mis sur l’album, je me disais : « Ok, je vais écrire une chanson lente pour avoir quelque chose. » Et ensuite, avec ce qu’elle est devenue, je me suis dit : « Bon, je suppose que c’est la chanson d’ouverture. » Et ça m’a vraiment agacé, je ne voulais pas du tout ça. Et puis, j’étais là : « Hey Joe, voyons si on peut l’accélérer, d’accord ? » Donc nous avons pris l’intro et l’avons accélérée. Nous avons fait des variations sur les thèmes d’ouverture qui sont devenus « Proponent I », et je disais : « Bon sang, j’aime bien ! Mais c’est différent. » C’est vraiment différent du second. « Et si nous faisions une chanson en deux parties ? D’accord ? Et nous aurons deux mouvements de la même chose, et je vais écrire une nouvelle chanson à partir de ça. »
J’ai donc fait ça et ensuite, Mike avait l’intro d’une chanson qui est devenu « Proponent III », genre le truc avec le délai et puis les machins en shred, et il n’arrivait pas à finir la chanson. Il disait : « Je ne sais pas quoi faire avec ce truc. » Et je l’adorais, j’étais là : « Mec, est-ce que je peux la prendre ? » [Petits rires] « Laisse-moi la récupérer et je vais la finir pour toi ! » Nous faisons souvent ça. Il était là : « Ouais, absolument, tente ta chance ! » Et puis, au final, j’étais là : « Oh, je pourrais complètement faire une troisième partie avec ça ! » Et donc j’ai commencé à prendre des thèmes de la première partie et la seconde, les ajouter et les saupoudrer sur la troisième partie. Voilà vraiment comment ça s’est fait. Donc la troisième partie était la dernière qui ait été faite, la seconde était la première qui ait été faite, et ça s’est fait très rapidement. Je pense que les parties deux et trois se sont faites en deux jours à essayer de les structurer comme il faut. Ça fait partie de ces choses qui se sont produites naturellement, et celles-ci sont celles dont tu es le plus fier. Les trois mouvements sont quelque chose dont je suis extrêmement fier. Et simplement la façon dont on pouvait prendre les petits thèmes, comme « voilà le chœur de la partie deux, je vais le mettre à la fin de la partie trois, et puis le thème principal qui est dans la partie une, c’est aussi dans la partie deux, et puis je vais la saupoudrer dans les solos de la partie trois et en faire aussi toute l’outro », simplement en reliant tout, et consolider tout ça était super gratifiant ! Et au final, ça fait une sonate en trois parties : rapide, lent, rapide.
La chanson « Grey Matter Machanics – Appasonata Ex Machina » comprend de la guitare flamenco. Peux-tu nous parler un peu de cette influence en particulier et ton background avec ce type de musique ?
J’ai un diplôme en guitare classique du conservatoire de musique de Cincinnati. Donc là-bas, évidemment, j’ai étudié la musique classique, j’ai étudié un peu de jazz, et dans le programme classique, nous avons beaucoup abordé la musique latine. Nous avons abordé beaucoup de techniques en flamenco et nous avons beaucoup étudié la musique flamenco. Ça n’a jamais été quelque chose que… Je veux dire que j’adore le flamenco mais j’ai toujours aimé la nouvelle vague de flamenco, qui est moins dans le style dansant venant d’Espagne et plus une version modernisée. C’est toujours basé sur la guitare mais c’est plus comme, il y a un refrain, et puis il y a des trucs en solo, et puis ça revient au refrain, genre une petite mélodie… Donc je savais comment faire toutes les techniques et j’ai joué un peu de ça ici et là.
« C’est la chose la plus géniale qui soit à propos de la science, c’est une volonté constante d’apprendre et de s’améliorer. […] Tu peux toujours chanter à propos de Satan et toutes ces conneries [rires] mais, au final, ça ne fait rien pour personne, ça ne te pousse pas à réfléchir. »
Et nous avons fait une tournée avec Arsis et Exmortus. Je ne sais pas si tu as entendu parler d’Arsis et Exmortus mais ce sont des musiciens incroyables ! C’était Exmortus, ensuite nous jouions après eux, et nous étions pris en sandwich entre ces deux fantastiques groupes. Arsis était l’un de mes groupes préférés. Je veux dire qu’encore aujourd’hui, j’adore ce groupe. Donc c’était comme un rêve qui se réalisait pour moi de partir sur cette tournée, mais nous n’avons pas bien joué sur toute cette tournée. Et y aller et avoir l’impression de se faire complètement défoncer chaque soir, c’était embarrassant ! Je suis rentré chez moi de cette tournée, et je n’étais pas vraiment sûr si je voulais continuer avec Allegaeon. J’étais tellement démotivé par moi-même, par mon jeu, je n’étais pas content du groupe et comment nous nous sommes conduits sur cette tournée. C’était un cauchemar ! J’ai passé un mois à être torturé tous les jours [petits rires]. Donc je suis revenu à la maison et je n’ai pas regardé une guitare électrique pendant un mois. Je n’ai fait que jouer de la guitare classique. Je me disais que peut-être il était temps que je ne fasse que de la guitare classique pendant un moment et peut-être arrêter Allegaeon ou faire autre chose. Et pendant cette période, j’ai découvert Ben Woods et son groupe Flametal, où il mélange [la musique flamenco et le metal]. C’est un extraordinaire guitariste de flamenco ici en Californie. En fait, il joue avec Steve Stevens qui est le guitariste de Billy Idol. Et j’ai entendu ça, et j’étais là : « Bon sang, c’est génial de mélanger ces deux styles comme ça. Je me demande si je pourrais faire quelque chose comme ça. »
Donc c’était complètement, à cent pour cent, inspiré par Ben Woods. C’est sorti comme ça, j’ai fini la chanson et je me demandais : « Je ne sais pas ce que je vais en faire. » Car je n’étais toujours pas sûr à propos d’Allegaeon, et j’en suis arrivé à prendre conscience que : « Qu’est-ce que tu vas faire d’autre avec ta vie ? Tu n’as aucune compétence ! » [Rires] « Tes compétences avec les gens sont affreuses, tu ne peux rien faire ! Tu peux jouer de la guitare, c’est à peu près tout ce que tu peux faire. Pour le meilleur ou pour le pire, c’est ce que tu as. C’est ton destin dans la vie. Toute ta vie est faite pour tourner, tu as passé un diplôme en guitare, fais avec ! Tu es dans une mauvaise passe en ce moment mais tu trouveras le moyen d’en sortir. » Donc j’ai envoyé le morceau aux gars et ils ont adoré ! Et j’étais là : « Oh, ok ! » Et voilà vraiment comment ça s’est fait. Je n’étais toujours pas sûr si il allait se retrouver sur l’album parce qu’il semblait très différent de tout ce que nous avions fait auparavant, mais les autres gars étaient assez inflexibles, ils voulaient que nous la jouions.
Penses-tu que tu vas faire davantage de choses comme ça à l’avenir ?
J’adorerais ! Je veux dire que j’ai vraiment apprécié. C’était super de déployer mes ailes. Tu sais, j’ai étudié le jazz manouche, j’ai eu des cours de Django Reinhardt, donc j’adorerais expérimenter peut-être avec le jazz manouche sur des chansons, mais ça reste à voir. Mais maintenant que je sais que les gens apprécient vraiment l’aspect flamenco, j’ai vraiment hâte de m’améliorer et devenir un meilleur guitariste de flamenco, car là c’est surtout un guitariste classique qui essaie d’émuler le flamenco [rires], si tu me demandes mon avis. Ça paraît être un bon défi et j’adorerais m’améliorer là-dedans.
Est-ce d’ailleurs pour cette raison que vous avez sorti cette chanson en premier pour cet album, un peu pour tâter le terrain ?
Ouais, déjà, c’est très différent et c’était une des premières chansons que nous avions faite. Donc nous la jouions déjà en tournée, du coup nous l’avions déjà vu être plutôt bien reçue. Et c’était tellement différent. Il y a une raison pour que nous sortions les trois chansons que nous avons sorties, c’est qu’elles sont assez différentes de ce nous avions fait auparavant. Le reste de l’album est du Allegaeon assez standard. C’était comme : « Essayons des choses différentes et voyons comment les gens réagissent. Et s’ils ne réagissent pas, alors nous pouvons ajuster et sortir des trucs d’Allegaeon plus standard. » Mais les réactions ont été très bonnes, donc nous nous disions : « Oh, continuons à expérimenter un peu. »
Sur « Cognitive Computations », je crois qu’on trouve les seules parties de chant clair de Riley. Comment vous êtes-vous retrouvés à faire ça ? Y a-t-il un lien avec le concept ?
Cette chanson est très liée au concept mais la partie est venue vraiment parce que… Nous avons convaincu Björn [« Speed » Strid] de chanter avec nous et cette décision a été prise avant que Riley ne rejoigne le groupe. Et Riley n’avait jamais vraiment écouté de Soilwork avant, donc il connaissait très mal le style vocal de Björn. Donc lorsque j’ai dit « ouais, il faut que nous écrivions quelque chose que Björn chanterait, » il a écrit cette partie claire dans « Cognitive Computations » pour Björn, et ensuite il me l’a envoyée, et j’étais là : « J’adore mais ce n’est pas ce pour quoi Björn est connu. » Je veux dire que ça ne fait aucun doute qu’il aurait pu le faire mais je me disais : « C’est une partie pour Riley, je veux la conserver exactement comme ça, mais je veux revenir à la case départ pour trouver autre chose que Björn pourrait faire. » C’était la chanson que nous avions prévu pour lui, donc ensuite, c’est devenu « réorganisons ‘Proponent III’ pour Speed et nous garderons ‘Cognitive’ telle quelle. » Voilà donc pourquoi. C’était à l’origine une partie pour Björn qui, je trouvais, ne mettait pas en valeur Björn avec tout ce dont il est capable pour nous en mettre plein la vue.
Donc tu viens juste de mentionner la contribution de Björn mais il y a Benjamin Ellis de Scar Symmetry sur « Proponent For Sentience III » également. Peux-tu nous en dire plus sur ces collaborations ?
Ouais, Ben Ellis, je suis fan de lui depuis des années. Ce qui est drôle, c’est que je ne savais pas qu’il était anglais [petits rires]. Lorsque Ryan est parti en 2011, il a fallu que je trouve un nouveau guitariste et en cherchant, j’ai vu une vidéo de Ben en train de jouer et j’étais époustouflé. Je n’avais aucune idée dans quel groupe il jouait, je n’avais aucune idée d’où il vivait, je l’ai juste contacté et j’étais là : « Hey mec, je suis dans un groupe qui s’appelle Allegaeon, je cherche un nouveau guitariste. Tu es incroyable et j’adorerais t’intégrer. » Et puis avant qu’il n’ait même eu le temps de répondre, j’étais là : « Je viens de voir que tu es du Royaume-Uni ! » [Petits rires] « Evidemment, ça ne marchera pas. » Et puis j’ai découvert qu’il était dans Bloodshot Dawn. J’adorais Bloodshot Dawn mais je n’avais aucune idée que Ben était dans le groupe. Donc nous sommes devenus amis depuis lors. Je veux dire que je suis un énorme admirateur de son travail, et il savait qui Allegaeon était. C’était donc un hasard que nous venions tout juste de former notre amitié, vraiment. Per Nilsson, de Scar Symmetry, est mon guitariste préféré, donc le fait qu’il soit dans Scar Symmetry, c’est parfait parce que son style et celui de Per Nilsson sont complémentaires. J’étais là : « Mec, c’est juste parfait ! » Je sais qu’il n’est pas un membre officiel mais il tourne avec eux, c’est comme un membre live, et ça ne pose aucun problème à Per qu’on dise qu’il fait partie de Scar Symmetry, donc… C’était facile, genre : « Scar Symmetry, c’est génial, alors faisons ça ! »
Et pour Björn, c’est un de mes vocalistes préférés depuis toujours. L’album A Predator’s Portrait de Soilwork a changé ma vie. Je veux dire que je m’étais mis à In Flames à ce moment-là, Whoracle sera à tout jamais un de mes albums préférés, mais lorsque j’ai entendu A Predator’s Portrait, j’étais complètement scié, et ensuite je me suis procuré leur discographie, The Chainheart Machine, Steelbath Suicide, et je pense qu’environ une semaine après les avoir trouvés, Natural Born Chaos est sorti. Donc j’étais au paradis de Soilwork pendant des années. Et encore aujourd’hui, j’aime énormément Soilwork. The Living Infinite et The Ride Majestic sont des albums incroyables. Donc lorsque nous étions posés, en pleine réunion de groupe – ça, c’était bien avant que Riley n’entre en scène –, je disais : « Qu’est-ce que vous pensez, les mecs, d’inviter un chanteur à chanter avec Ezra ? » Et nous balancions des noms, nous avons cité tout le monde, de John Bush d’Armored Saint et Anthrax, à Nergal de Behemoth, nous balancions tout, et Corey [Archuleta] a mentionné Björn, et j’ai dit : « Ouaip, c’est ça ! C’est notre mec ! C’est lui qu’il nous faut ! » Donc c’était en fait l’idée de Corey mais dès que c’est sorti de sa bouche, c’était genre « ouaip, voilà exactement qui il nous faut. » Il a été très courtois et ça a été un plaisir de travailler avec lui.
« Nous avons fait une tournée avec Arsis et Exmortus […], ce sont des musiciens incroyables ! […] Mais nous n’avons pas bien joué sur toute cette tournée. Et y aller et avoir l’impression de se faire complètement défoncer chaque soir, c’était embarrassant ! Je suis rentré chez moi de cette tournée, et je n’étais pas vraiment sûr si je voulais continuer avec Allegaeon. »
Il y a une reprise de la chanson de Rush « Subdivisions ». Qu’est-ce que ce groupe et cette chanson représentent pour vous ?
Nous sommes de grands fans de Rush ! Rush est vraiment un de ces groupes intemporels. Je pense que Rush, c’est le genre de groupe où si tu aimes Rush, tu adores Rush. Et si tu n’aimes pas Rush, c’est à cause de la voix de Geddy Lee [rires]. C’est un groupe extrêmement talentueux et ce qu’ils font est si génial que ça semble facile, tu ne te rends pas compte, bien souvent, à quel point ils sont bons. Je veux dire que le rock progressif en général représente une grande part de qui je suis en tant que musicien, ça représente une grande part de qui Riley est en tant que musicien, donc lorsqu’est venu le moment de faire un titre bonus – « Subdivisions » était à l’origine un titre bonus pour le Japon –, nous allions au départ faire « When Satan Rules This World » de Deicide parce que c’est la seule reprise qu’Allegaeon ait jamais faite, et lorsque Riley nous a rejoint, c’était genre : « Oh mec, tu peux chanter ! J’imagine que ça ouvre nos possibilités. » Nous ne voulions pas donner un original au Japon, car il y a [une idée reçue] sur les titres bonus, comme « oh, c’est surement qu’elle n’était pas assez bonne pour être sur l’album. » Ce n’était pas du tout ça, c’était plutôt que si nous devions donner un original, nous voulons que tout le monde puisse l’avoir, pas seulement un pays ou un endroit, c’est pour tout le monde. Donc nous avons dit : « Oh, faisons une reprise. » Et c’était quelque chose qui nous est venu dans un second temps, [car au départ] je voulais vraiment faire une chanson de Yes parce que je suis un énorme fan de Yes.
Je pense que Riley a mentionné Rush et puis Brandon, notre batteur, était là : « Je vais pouvoir jouer du Neil Peart ? Ouais ! Faisons ça ! » Et puis, moi : « Super ! Allons-y ! Je suis un grand fan de Rush. » Ensuite : « Quelle chanson vous voulez faire ? » Et nous voulions éviter les trucs plus grand public. Je ne voulais pas faire « Spirit Of Radio », je ne voulais pas faire « Tom Sawyer », car elles ont déjà été faites, je ne voulais pas faire ça. Tout le monde choisit Moving Pictures, c’est un peu l’album préféré de tout le monde ; je veux dire, c’était leur plus gros succès. Je voulais vraiment éviter ça parce que si nous devions le faire, d’une part, ils ont tellement de super chansons ! Tu vois ce que je veux dire ? Et si nous allions faire une chanson, [nous nous disions que] ce pourrait être cool de donner une chanson que peut-être personne n’a entendue avant. Je veux dire que « Subdivisions » est l’un de leurs hits mais lorsqu’on parle de Rush, ils ont eu tant de super chansons, et qu’est-ce qu’un hit pour eux ? C’est genre, ouais, ils joueront « Spirit Of Radio », ils joueront « Tom Sawyer » et ils joueront « Limelight », voilà leurs hits, et « YYZ ». Ces chansons sont les hits que les gens connaissent. Certaines des autres chansons, seulement les fans hardcore de Rush les connaitront. Et j’étais là : « Je veux faire quelque chose qu’un fan hardcore connaîtra et que quelqu’un qui n’est peut-être pas familier avec Rush découvrira, et peut-être qu’il apprendra à aimer Rush. Je veux faire preuve d’autant de respect envers Rush que possible parce que nous adorons le groupe, mais nous allons le faire à notre façon, et si nous pouvons éventuellement rendre la pareille à Rush pour toutes les supers choses qu’ils ont faites pour nous, et peut-être leur apporter de nouveaux fans en jouant quelque chose qui n’est peut-être pas un hit, alors tout le monde y gagne. » Et en fait, nous avons enregistré deux chansons, nous avons fait « Animate » tiré de Counterparts, et nous avons fait « Subdivisions ». Et « Subdivisions » s’est retrouvée sur l’album. Metal Blade nous a vraiment poussés à la mettre sur l’album parce que je crois que le Japon nous a lâchés et ils ne voulaient pas sortir l’album. Donc c’était comme : « Ok, nous avons un morceau supplémentaire. » Ils étaient là : « Mettons le dessus. » Ils voulaient vraiment nous pousser à élargir notre public, plus ou moins.
Allez-vous sortir un jour la reprise d’ « Animate » que vous avez enregistrée ?
Ouais, absolument ! Je crois qu’ils disaient pour quelque part l’année prochaine, ou ça allait être donné pour un… Je n’en suis pas vraiment sûr ! Je sais que ça va sortir. Je dis à tout le monde que nous avons enregistré une autre chanson de Rush au même moment pour que les gens ne se disent pas : « Oh, bon sang, ces mecs font la même chose à chaque fois, ils choisissent une chanson de Rush. » [Petits rires] Mais non, c’était au même moment que nous avons enregistré ces trucs.
Et la reprise de Deicide, allez-vous finir par la faire ?
J’adorerais ! Je suis un énorme fan de Deicide. Moi et Mike adorons tout l’album Once Upon A Cross, il est tellement excellent. J’adorerais faire ça. Ouais, on verra ! Ça serait génial à faire.
C’est marrant parce qu’il y a un sacré écart entre Rush et Deicide, au niveau style…
Ouais, c’est deux extrémités opposés du spectre, vraiment ! Mais la musique reste de la musique, mec ! Si c’est bon, c’est bon !
Les groupes aujourd’hui ont tendance à sortir des lyrics videos. Au lieu de ça, vous avez sorti des performance videos. Pourquoi ?
Simplement parce que c’était facile. “Grey Matter Mechanics” et “Subdivisions” ont été enregistrées à la suite le même jour. Pendant que nous étions au studio ce jour-là, nous étions en fait en train d’enregistrer la basse quand tout ceci a été fait. C’était donc, genre : « Faisons-le. » Notre VRP a en fait pris l’avion pour venir nous filmer de sa propre poche ! Je ne sais pas si Metal Blade l’a payé pour ça ; notre VRP est vraiment un bon gars et il croit en nous. Donc c’était facile. Nous avons fait la majorité d’entre elles lorsque nous étions là et nous avons filmé une autre vidéo qui, je crois, sort la semaine prochaine, pour une autre chanson, pour « All Hail Science ». Et puis la performance video pour « Proponent For Sentience III – The Extermination », c’était en fait l’idée de Ben Ellis, il était là : « Mec, est-ce que tu vas en faire une ? Parce que j’adorerais me filmer en train de jouer avec vous les mecs. » J’étais là : « Ouais ! Bien sûr, faisons ça ! » Corey était en train de conduire le groupe Mother Feather sur le Warped Tour à ce moment-là, donc c’est pour ça qu’il n’était pas dans la vidéo, il n’avait pas de basse et il conduisait toute la nuit et dormait le jour. Et puis Brandon travaille dans une ferme, et il était tellement complètement claqué d’avoir travaillé à la ferme qu’il n’avait pas le temps de se filmer non plus. Voilà donc pourquoi il n’y a que moi et Mike, et puis Riley. Et j’ai dit : « Hey mec, je pense que Björn sera trop occupé aussi pour être dans cette vidéo. Est-ce que ça vous dit de faire une marionnette avec une chaussette ou quelque chose comme ça ? » [Petits rires] C’est juste nous en train de faire les imbéciles.
Tu l’as mentionné plus tôt, vous avez déjà travaillé sur le prochain album. Est-ce que vous avez l’impression d’être dans un élan créatif en ce moment ?
Pas tellement. Je veux dire que nous avions plein de chansons en rab. Je pense que j’ai écrit trois chansons depuis lors et que Mike en a écrit deux ou trois. Donc je crois que nous ne sommes pas loin d’avoir composé un album complet maintenant. Mais je pense que notre plan est de continuer à composer et voir quelles sont les meilleures chansons. L’autre option, et j’adorerais faire ça, serait de faire un autre album conceptuel qui ferait deux disques, un double album complet. Mais il faut que j’en parle à Metal Blade parce que ça coûte cher et je ne sais pas s’ils accepteraient de nous donner le budget pour ça. Et puis il y a un truc contractuel, est ce que ça compte comme deux albums ? Parce que moi, je compte ça comme un seul… Pas que j’en aie quelque chose à faire [petits rires]. Tant que je peux jouer, je m’en fiche. Rien n’est gravé dans le marbre. Nous avons discuté de tout ça dans le groupe et je l’ai mentionné à Metal Blade mais c’était des mois et des mois avant même que nous ne commencions à enregistrer. Je pense avoir mentionné ça lorsque nous étions sur notre dernière tournée et nous étions à Los Angeles. Ils auraient dit n’importe quoi pour que je ferme mon clapet et aille faire un album à ce stade [rires]. Et si celui-ci marche bien, alors peut-être que ça les incitera davantage à faire quelque chose. Donc, qui sait ce qu’ils diront. Ce sont eux les patrons ! Je me plierai à leur décision. Mais ouais, nous sommes proches d’avoir un disque complet de musique alors que notre nouvel album n’est même pas encore sorti [petits rires]. C’est super parce qu’alors nous aurons encore deux années complètes pour composer un autre disque !
Est-ce que tu as été inspiré par The Living Infinite de Soilwork pour faire un double album ?
Ça ne fait pas de mal ! [Rires] Cet album est génial ! J’adore cet album. Ouais, si Soilwork peut le faire, pourquoi pas nous ? Je veux dire que je sais qu’ils ont quelques années de plus que nous et quelques fans en plus, mais allez !
Iron Maiden et Metallica l’ont bien fait…
Oh, tu sais quoi ? Je ne crois pas que je savais ça ! Quel album de Metallica a deux disques ?
Le nouveau !
Oh, tu vois, regarde qui ne fait pas attention… Ce mec.
Interview réalisée par téléphone le 25 août 2016 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Nicolas Gricourt & Aline Meyer.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Photos promo : Matthew Zinke.
Site officiel d’Allegaeon : www.metalblade.com/allegaeon
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