Tout semble aller pour le mieux pour Lacuna Coil, merci pour eux. La tournée de l’album Delirium (2016) a été un franc succès, culminant sur le concert-spectacle au O2 Shepherd’s Bush Empire de Londres en janvier de l’année dernière, en parallèle de la sortie du livre Nothing Stands In Our Way retraçant l’histoire du groupe. Après vingt ans de carrière, Lacuna Coil est suffisamment confortable pour ne plus s’inquiéter de la réception de ses choix d’orientation musicale ou de ses visuels. C’est ce qu’incarne leur dernier opus Black Anima. Articulé autour de thématiques touchant à la condition humaine telles que la mort, la vengeance et la réflexion sur l’évolution de soi, Black Anima s’inscrit dans le sillage de Delirium avec un goût pour l’extrême encore un peu plus prononcé…
L’introduction « Anima Nera » et les répétitions de motifs anxiogènes de Cristina Scabbia parviennent à créer une véritable tension avant de rentrer dans le vif du sujet via « Sword Of Anger ». Les premières notes du titre renvoient à une forme de djent/metalcore générique jouant sur le contraste entre le timbre féminin de Cristina et celui, bestial, d’Andrea Ferro, qui privilégie définitivement le growl. Indéniablement, Lacuna Coil veut démontrer d’emblée qu’il a durci le ton, et présente, comme on le constatera sur le reste du disque, son visage le plus hargneux, fort d’une production accentuant la lourdeur du riffing. En réalité, l’impression de puissance doit beaucoup aux modulations du chant de Cristina, en dépit d’un déploiement massif de la section rythmique. Les samples de l’introduction de « Reckless » abruptement coupés par une basse claquante renvoient inévitablement au Korn des années 90. Même certains phrasés aigus de Cristina remémorent certains gimmicks de Jonathan Davis. À nouveau, la composition convenue se trouve sauvée par la performance de la chanteuse. Lacuna Coil vient parfois s’égarer sur les territoires du hardcore avec certains riffs sur « Layers Of Time » plus entraînants. Le contraste de la brutalité des riffs avec un pont issu du metal symphonique est une recette qui fonctionne toujours, bien que peu subtile. En réalité, la méthode Lacuna Coil s’essouffle surtout lors de titres tels qu’« Under The Surface », répétition insipide des motifs des titres précédents sans réelle inspiration mélodique.
C’est probablement là le véritable point noir (sans mauvais jeux de mots…) de Black Anima, hérité de Delirium et accentué : à trop vouloir appuyer sur la brutalité, Lacuna Coil en oublie parfois d’affûter ce sens mélodique qui a fait sa réputation et lui a permis de jalonner sa carrière de hits. Pourtant, « Apocalypse » se détache par ses arrangements, enchevêtrements de voix et une progression moins monolithique, quitte à embrasser les terres d’un metal alternatif à la Bring Me The Horizon sur That’s The Spirit (2015). De même, « Save Me », et ses penchants pop qui rappelleraient presque l’époque Comalies, a le mérite de s’ancrer dans les têtes sans chercher à délivrer une agressivité factice. On louera également le plus expérimental et sombre « The End Is All I Can See » qui comprend la conjugaison la plus pertinente des deux chants et qui délivre sans doute l’impression lugubre la plus crédible de l’opus, quitte à reléguer la pseudo-catharsis de la conclusion « Black Anima » au second plan.
Black Anima est l’œuvre d’une formation sûre d’elle (trop ?) : Delirium lui a pavé le chemin. Il est effectivement plus puissant sur de nombreux aspects, rythmiquement et vocalement, à l’instar du chant hurlé d’Andreas bien intégré et plus appuyé. La prestation première de l’opus reste néanmoins celle de Cristina qui permet aux compositions en apparence standardisées de sortir du lot et parfois d’emporter l’auditeur avec elles. Black Anima est inégal sans être mauvais. Il est passable sous son plus mauvais jour et peut se révéler prenant par endroits, pour peu qu’on ne soit pas hermétique à l’univers d’un Lacuna Coil moderne, ou trop nostalgique de la grâce empreinte de naïveté des premières années.
Clip vidéo de la chanson « Reckless » :
Chanson « Layers Of Time » :
Album Black Anima, sortie le 11 octobre 2019 via Century Media Records. Disponible à l’achat ici