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Interview   

Lamb Of God : la confiance règne


Lamb Of God a quelque peu temporisé ces dernières années, renouant un temps avec le patronyme Burn The Priest pour sortir un album de reprise à l’occasion des vingt ans du groupe. Le guitariste-compositeur Mark Morton en a même profité pour se purger de toutes ces idées musicales inadaptées à sa formation principale et qui lui encombraient la tête, sortant l’album solo Anesthetics et l’EP Ether pour lesquels il n’a pas manqué d’enthousiasme. Entre-temps, Lamb Of God a perdu un membre fondateur, le batteur Chris Adler, mais a gagné du sang neuf, un Art Cruz fan du groupe et de son prédécesseur.

Un nouveau chapitre s’ouvre pour Lamb Of God et c’est naturellement que le nouvel album porte le nom du groupe. Il ne faut pour autant pas y voir une redéfinition du groupe. Au contraire, Lamb Of God revient plus que jamais confiant et conscient de ses atouts, comme nous l’explique Mark Morton ci-après. L’horloge tourne et Lamb Of God reste inébranlable, entouré de quelques copains, puisant dans des thèmes politiques sans pour autant chercher à imposer une opinion. Morton nous en parle ci-après.

« Être loin de ma famille et me réveiller à sept cents kilomètres de l’endroit où je me suis endormi, ça me fatigue. […] Certains adorent être sur la route, d’autres être en studio. Randy adore les tournées, moi j’adore enregistrer. »

Radio Metal : Ce nouvel album sort cinq ans après VII: Sturm Und Drang, ce qui en fait la plus longue attente entre deux albums de Lamb Of God. Durant cette période, vous avez célébré les vingt ans du groupe et tu as sorti ton propre album solo. Est-ce que tu penses que ça vous a fait du bien de prendre un peu de temps avant de vous lancer sur ce huitième album ?

Mark Morton (guitare) : Oui, je pense que ça nous a fait du bien. Enfin, je ne crois pas que nous l’avons fait intentionnellement. Ce qui s’est passé est que nous étions en tournée pour l’album Sturm Und Drang et on nous a proposé de rejoindre la tournée d’adieu de Slayer, et c’était une opportunité que nous n’avons pas voulu laisser passer. C’était une véritable chance et un grand honneur d’y prendre part. De ce fait, notre tournée Sturm Und Drang s’est retrouvée prolongée. Nous avons commencé la pré-production entre les étapes de la tournée alors que, normalement, Willie [Adler] et moi écrivons les chansons au fil de l’eau et ensuite, nous nous réunissons tous en une fois pour écouter ce que Willie et moi avons créé et nous choisissons ce sur quoi nous allons travailler. Cette fois, Willie, notre producteur Josh Wilbur et moi travaillions une ou deux semaines entre chaque étape de la tournée. Le période de pré-production s’en est donc trouvée rallongée. Ce qui nous aurait pris un mois d’habitude nous a finalement pris presque un an, car nous travaillions de manière fragmentée. Ça nous a permis de réfléchir plus longtemps, d’avoir une période d’incubation plus longue pour les chansons et de les travailler plus longtemps que d’habitude. Pour cette raison, je pense que ça nous a été réellement profitable et c’était appréciable.

Est-ce que tu penses que ça a été bénéfique pour l’album que vous jouiez vos plus grands tubes pendant la tournée ainsi que de voir Slayer sur scène chaque soir entre les sessions de pré-production ?

Je ne sais pas. Nous avons tant accompagné Slayer en tournée et joué avec eux à différentes occasions que je ne pense pas que nous ayons été influencés directement par leur tournée d’adieu. Nous avions déjà une relation de longue date avec eux, mais ça ne veut pas dire que Slayer n’a pas eu une grande influence sur nous. Ils nous ont en effet inspirés, autant sur le plan créatif que par la manière dont ils gèrent leur carrière. Leur longévité et le côté imposant de leur œuvre sont quelque chose auquel nous portons attention en tant que groupe. Ça a été un véritable honneur qu’ils nous aient invités à participer à une si grosse portion de cette tournée. Nous en sommes très reconnaissants.

Quand on avait discuté de ton album solo, « Anesthetic », tu nous avais dit que tu avais l’impression d’avoir « un peu plus de clarté et d’attention pour ce dont Lamb Of God a besoin ». Comment est-ce que ça s’est traduit dans ton approche de ce nouvel album de Lamb Of God et sur le résultat final ?

C’est difficile à dire. J’ai trouvé ça rafraîchissant d’écrire une grande partie de cette musique. Entre les deux projets solos, « Anesthetic » et « Ether », j’ai eu l’impression d’avoir purgé plein d’idées qui traînaient dans ma tête. La majorité de ces musiques n’aurait jamais été envisagée dans le contexte de Lamb Of God, car c’est différent, plus commercial, plus rock. En même temps, avoir toutes ces chansons en tête, les travailler, trouver des idées pour celles-ci, les enregistrer et les sortir m’a permis de faire table rase sur un plan créatif pour cet album. J’ai vraiment pu me plonger dans le nouvel album de Lamb Of God et me concentrer dessus, en particulier sur ce dont il avait besoin. D’un point de vue créatif, je me suis senti très impliqué et focalisé.

Ce nouvel album s’intitule simplement Lamb Of God. Quand un groupe fait ça, c’est souvent pour faire une déclaration. Quelle est cette déclaration, à ce stade de votre carrière, en tant que groupe, ayant passé le cap des vingt ans ?

Ça semblait simplement être la bonne chose à faire. J’ai l’impression que nous entrons dans un nouveau chapitre avec le groupe. Je pense que nous sommes confiants et à l’aise avec là où en est le groupe aujourd’hui. Sur le plan créatif, nos compositions sont aussi bonnes voire meilleures qu’elles ne l’ont jamais été. Le temps a passé. Nous avions déjà songé à utiliser le nom du groupe comme titre d’album, mais c’était plus parce que nous n’avions pas de meilleure idée sur le moment. Cette fois, nous avions plein d’idées de titres, mais ça semblait être le bon moment pour sortir un album sobrement intitulé Lamb Of God, donc c’est ce que nous avons fait.

Qu’est-ce qui donne une telle confiance au groupe aujourd’hui ?

Nos vingt ans d’expérience, le sentiment d’avoir encore beaucoup de choses à dire sur le plan créatif et musical, et l’impression que le groupe est plus important qu’il ne l’a jamais été. Parmi les membres, les relations sont plus saines qu’elles ne l’ont jamais été. Nous nous amusons à nouveau avec le groupe et nous aimons beaucoup en faire partie. Evidemment, nous sommes un peu devenus un groupe de vétérans, nous avons tous la quarantaine, excepté Art bien sûr. Notre nouveau batteur a quinze ans de moins que la plupart d’entre nous, mais les membres originaux du groupe ont passé la quarantaine et ça fait longtemps que nous jouons. A ce stade, nous sommes confiants dans notre manière de faire les choses et nous croyons en notre talent artistique.

En 2018, vous avez célébré les vingt ans du groupe en sortant « Legion: XX », un album de reprises de vos premières influences, sous le nom original du groupe, Burn The Priest. Est-ce que tu penses que vous replonger dans vos racines a eu une influence d’une manière ou une autre sur le nouvel album ?

Non. Ça faisait longtemps que nous voulions sortir un album de reprises. Nous avons eu l’opportunité de le faire et ça coïncidait à peu près avec les vingt ans de la sortie de l’album de Burn The Priest – le premier album a été enregistré en 97 et est sorti en 98, si ma mémoire est bonne. Nous trouvions que les circonstances étaient favorables pour que nous fassions quelque chose sous le nom de Burn The Priest, or c’était une idée qui nous trottait dans la tête depuis un petit moment. Honnêtement, ça a été très amusant à faire et c’était juste une célébration de notre carrière.

« Art a un excellent point de vue qui lui permet de dire : « En tant que fan, je pense que je voudrais entendre ça. » C’est un grand atout que nous devons utiliser parce qu’il a cette expérience unique d’avoir été fan du groupe avant de le rejoindre. »

Je t’ai posé cette question parce que, d’après le dossier de presse, ce nouvel album était encore plus collaboratif que les précédents. On peut donc se demander si ça venait du fait que vous vous étiez remémoré la manière dont vous travailliez à vos débuts ?

Je ne pense pas que cet album ait été plus ou moins collaboratif que les autres. Seulement dans le sens où Willie et moi… Pendant quelques albums, Willie et moi ramenions nos propres compositions, donc ce que vous entendiez était soit une chanson écrite par Willie, soit par moi. On a fait ça avec deux ou trois albums et, même pendant cette période, il y avait quelques hybridations, il y a certaines chansons sur lesquelles nous travaillions ensemble, mais je pense que désormais le ratio a changé. Sur les deux derniers albums, Willie et moi avons travaillé ensemble sur la plupart des compositions, et il n’y a que quelques chansons que nous avons écrites individuellement. C’est en ce sens le ratio a changé, c’est-à-dire dans la manière dont Willie et moi composons. Autrement, le processus a toujours été le même : Willie et moi composons les parties de guitare, et Randy [Blythe] et moi écrivons les paroles.

Randy a récemment déclaré que composer une chanson pour Lamb Of God « n’est généralement pas une expérience plaisante à vivre ». Est-ce que tu partages son ressenti ?

Non, pas du tout ! Composer, enregistrer et être en studio, c’est ce que je préfère dans notre métier ! Composer, c’est quelque chose que je fais tout le temps. Si j’ai décidé d’apprendre la guitare, c’est vraiment pour écrire des chansons. Le processus d’écriture et celui en studio en particulier me donnent l’impression que les possibilités sont infinies. Tu peux créer tout un univers musical et sonore, et le modeler à ta guise. Il n’y a pas d’erreur puisque si tu te rates, tu peux réessayer encore et encore jusqu’à obtenir exactement ce que tu voulais. Le problème pour moi, c’est de savoir quand m’arrêter. Composer et enregistrer sont les deux raisons pour lesquelles je joue de la musique, c’est ce que je préfère. Comme mes albums solos le prouvent, dès que j’ai du temps libre, je commence à travailler sur autre chose. J’adore créer de la musique. Les tournées… J’éprouve du plaisir à être en tournée, j’aime voir le sourire sur le visage des gens et sentir l’énergie de la foule. J’adore aussi parcourir le monde, c’est génial, mais tourner devient vite épuisant. Être loin de ma famille et me réveiller à sept cents kilomètres de l’endroit où je me suis endormi, ça me fatigue. C’est assez courant, si tu parles à des musiciens dans d’autres groupes. Certains adorent être sur la route, d’autres être en studio. Randy adore les tournées, moi j’adore enregistrer.

C’est le premier album de Lamb Of God avec le nouveau batteur Art Cruz qui a remplacé le membre fondateur Chris Adler. Le groupe n’avait pas connu de changement de line-up depuis que vous vous êtes renommés Lamb Of God en 1999. Comment est-ce que ça a affecté la dynamique du groupe, sur les plans créatif et personnel ?

Ça n’a rien changé. Du moins, pas sur le plan créatif. Comme je l’ai dit précédemment, la plupart des compositions sont formées à partir de parties de guitare que Willie et moi apportons. Sur les deux ou trois derniers albums, les textes viennent en majorité de Randy, mais par le passé c’est Randy et moi qui gérions l’écriture des paroles. Donc, niveau composition, rien n’a changé. Chris et Art sont deux batteurs différents. Chris est un super batteur. Il est très créatif et a un super style, il a énormément de talent. Il en va de même pour Art. Les différences sont donc subtiles. Ce qui est génial avec Art, c’est qu’il a grandi et appris à jouer de la batterie en écoutant Lamb Of God. Il connaît bien la patte du groupe. Il n’avait aucun mal à comprendre comment les chansons étaient conçues. Les relations interpersonnelles, la dynamique entre les différents membres du groupe n’ont jamais été meilleures, comme je l’ai déjà dit, et Art apporte énormément d’énergie et d’excitation dans le groupe. Nous traînons tous ensemble quand nous ne jouons pas ou ne faisons pas de concert. Même quand nous travaillons sur des trucs, nous restons ensemble. C’est un vrai plaisir de l’avoir dans le groupe. Je suis très fier qu’il soit dans le groupe. Je ne dis pas ça pour lancer une pique à qui que ce soit. Comme je l’ai dit, Chris Adler est un gars très talentueux. J’ai hâte de voir ce qu’il va faire musicalement à l’avenir, comme beaucoup d’autres, je pense.

Est-ce que tu as compris, dans son communiqué, quand Chris a dit qu’il ne voulait pas « suivre une recette » et qu’il se sentait « enfermé dans une certaine formule créative » ?

Je suppose que c’est sa manière de voir les choses. Il est clair que je ne partage pas son sentiment.

Art a dit que Lamb Of God était son groupe préféré et que Chris Adler était l’un de ses batteurs préférés. Je suis sûr qu’il a intégré le groupe avec beaucoup d’enthousiasme et de respect, mais est-ce que tu penses qu’il a également poussé les autres membres du groupe à voir Lamb Of God à travers ses yeux de fan ?

Oui, c’est intéressant. Art a effectivement le point de vue d’un ancien fan du groupe. Personnellement, je n’ai jamais été « fan » du groupe. Enfin, je trouve que nous faisons du super heavy metal, mais je suis un peu trop proche du groupe [petits rires], vu que j’en ai toujours fait partie. Quand nous écrivons les chansons et cherchons des idées, en échangeant entre nous, en essayant de savoir quoi faire de telle ou telle partie, Art a un excellent point de vue qui lui permet de dire : « En tant que fan, je pense que je voudrais entendre ça. » C’est un grand atout que nous devons utiliser parce qu’il a cette expérience unique d’avoir été fan du groupe avant de le rejoindre, et ça, c’est plutôt cool.

« C’est une tradition dans le metal et le punk de parler de situations et de convictions politiques, et cet album s’inscrit dans cette tradition. […] Vu tout ce qu’il se passe actuellement, il semble que le monde était prêt pour un nouvel album engagé. »

L’album a été enregistré au Studio 606 de Dave Grohl, sur la légendaire console du vieux studio Sound City. Est-ce qu’on ressent le poids de l’histoire quand on enregistre sur un tel équipement ?

Oui, absolument. C’est dur de ne pas ressentir une forme de magie quand tu es assis devant la console de mixage sur laquelle les albums de Tom Petty, Nevermind de Nirvana, des albums de Fleetwood Mac, etc. ont été enregistrés. Le premier album de Rage Against the Machine a également été enregistré sur cette console. Nous étions en présence de la grandeur, mec ! C’était une expérience vraiment sympa.

Est-ce que tu penses que cet album, ou n’importe quel autre album de Lamb Of God, pourrait avoir l’aura historique de Nevermind ou du premier de Rage Against The Machine avec le temps ?

Je ne sais pas. C’est notre huitième album. Nevermind était le deuxième album de Nirvana, le premier Rage Against The Machine était leur premier album bien sûr, donc… Ces albums qui ont fait percer les groupes très tôt ont un côté mystique. Je suis très fier de ce disque, je pense qu’il est au moins aussi bon que n’importe quel autre de nos albums, voire meilleur que beaucoup d’entre eux. Nous vivons une autre époque. La capacité de concentration des gens s’est réduite. Le curseur n’est plus le même que pour les albums auxquels tu fais référence. Même à l’époque de nos premiers albums, le contexte global, le paysage musical était très différent, et on ne mesurait pas le succès et les attentes de la même manière.

Tu veux dire qu’on ne peut plus faire d’album légendaire ?

Eh bien, je serais tenté de te demander ce que tu entends par légendaire. Bien sûr que l’on peut faire des albums légendaires, mais selon quel critère ? D’un point de vue purement créatif, oui, bien sûr. Même des albums indémodables qui touchent les gens par-delà les limites de genres, c’est totalement possible d’encore en faire. Je pense que c’est ce que chacun devrait essayer de faire quand il enregistre un album.

Vous avez une nouvelle fois travaillé avec Josh Wilbur. Ça fait dix ans que vous collaborez, et tu as même enregistré ton album solo avec lui. Comment parvenez-vous à ne pas tomber dans la routine dans votre relation de travail avec lui ?

Je pense que nous avons bel et bien une routine. Nous avons une manière de travailler qui fonctionne très bien. En revanche, je ne crois pas que nous soyons tombés dans une routine créative. Il y a une différence entre avoir des habitudes, une organisation, un style sur lequel on travaille et être dans une routine. Sur le plan créatif, nos chansons sont issues de nos expériences de vie collectives et de là où nous en sommes aujourd’hui, ce qui fait que ça change au fil du temps et de la vie. Les sujets que Randy et moi abordons actuellement dans nos textes sont différents de ce que nous avons pu aborder il y a six, huit ou dix ans. En ce sens, notre musique a évolué en même temps que nous ; nos goûts changent, et notre style de jeu et de chant évolue. Ça se fait tout seul. En ce qui concerne Josh, c’est l’un de mes meilleurs amis en dehors du travail. J’adore faire des albums avec lui. Nous avons une totale confiance l’un envers l’autre, en tant qu’amis mais également professionnellement, et c’est quelque chose de difficile à trouver ou à remplacer. Il est plus que mon producteur. C’est un partenaire créatif et, comme je l’ai dit, un ami très proche. Notre relation dépasse le cadre professionnel. Nous sommes très investis dans notre musique et nous y mettons beaucoup de notre personne. Ce n’est jamais… Comme tu l’as dit avant, nous ne suivons jamais une recette ou une routine. C’est toujours très authentique et honnête.

Chino Moreno et Greg Puciato ont collaboré avec vous sur l’album précédent, cette fois c’est Jamey Jasta et Chuck Billy. Sachant en plus que tu as sorti un album solo plein d’invités prestigieux, on dirait que, dernièrement, vous êtes pas mal portés sur les collaborations. Ces collaborations, c’est juste pour vous amuser ou cherchez-vous à véhiculer un message de fraternité autour de Lamb Of God ?

Ce n’est pas… Enfin, oui, nous aimons faire participer nos amis. Jamey et Chuck font partie de la famille, Hatebreed et Testament font partie de la famille. Ça va bien au-delà d’autres groupes que nous considérons peut-être comme sympathiques ou avec qui nous avons joué en festival ou en tournée. Hatebreed et Testament font partie de notre famille. C’est donc tout naturel de leur demander de participer à ce que nous faisons. Les chansons réclamaient leurs parties. La chanson « Routes » en particulier, avec Chuck, était faite pour sa voix. Et il se trouve qu’elle a été inspirée par un voyage que Randy avait fait à la réserve indienne de Standing Rock où un conflit concernant un gazoduc avait lieu, et il voulait donc qu’un Amérindien chante sur ce titre. De la même manière, la chanson à laquelle Jamey a participé est dans une veine très hardcore, et si c’est ce que tu recherches, Jamey est ton homme.

On dirait que Randy ne cesse de développer sa voix, comme les titres « Overlord », issu de l’album précédent, et « Bloodshot Eyes », issu du dernier, le prouvent. Même s’il utilise sa voix heavy criée habituelle sur la majorité des chansons, penses-tu qu’une part de lui a envie d’être reconnue pour plus que ça ?

C’est plus une question pour Randy, mais je dirais que non. Je pense que Randy est aussi à l’aise avec le chant que les cris. Je ne pense pas que lui ou quiconque dans le groupe aspire à transformer Lamb Of God en un groupe à chant clair. Nous savons ce que nous faisons et nous aimons notre style. Randy est capable de chanter de manière mélodique, ce qu’il a déjà pu prouver par le passé, et quand une chanson ou une partie de chanson en a besoin, il le fait. Je pense qu’il aime bien faire ça. Il a d’ailleurs fait du chant clair sur la chanson « The Truth Is Dead » sur mon album Anesthetic. Encore une fois, il aime faire les deux, selon ce qui convient à chaque chanson.

« L’art est avant tout une affaire de ressenti. C’est fait pour être vécu et interprété. Que ce soit une chanson, des paroles ou une pochette, je ne vais pas te faire l’insulte de t’expliquer comment tu es censé l’interpréter. C’est la beauté de ce que nous faisons. Une fois enregistré et publié, ça ne m’appartient plus, ça t’appartient. »

Ce nouvel album est très politique sur le plan des paroles, puisque vous y examinez l’état du monde actuel : est-ce de là que provient toute la rage déversée sur ce disque ?

C’est une tradition dans le metal et le punk de parler de situations et de convictions politiques, et cet album s’inscrit dans cette tradition. Il y a énormément de choses à dire de nos jours. Ce n’est pas la première fois que nous nous orientons vers des thématiques plus politiques sur un album ; nous l’avons déjà fait. Nous oscillons toujours entre la politique et les sujets personnels. Il y a des fois où Randy et moi avons délibérément décidé de ne pas parler de politique et de parler à la place de conflits et de chaos plus personnels. Cette fois, vu tout ce qu’il se passe actuellement, il semble que le monde était prêt pour un nouvel album engagé.

Plus spécifiquement, « Reality Bath », comme le titre le laisse suggérer, est une chanson sur des faits réels, comme les fusillades de masse ou les forêts tropicales qui disparaissent. As-tu l’impression que les gens ont tendance à être tellement déconnectés de la réalité qu’il devient nécessaire de la leur plaquer au visage ?

Je ne pense pas que nous ayons la moindre arrière-pensée ou quoi que ce soit de ce genre. Nous écrivons juste sur ce que nous voyons et sur ce qui se passe dans le monde. Si les gens veulent écouter les paroles et en retirer quelque chose, c’est génial. S’ils veulent juste secouer leur tête et profiter de la musique, c’est super aussi. Je ne crois pas que nous nous sentions investis d’une grande responsabilité sociale, à vouloir imposer aux gens une conviction ou les faire changer d’opinion. Cette chanson en particulier, sur le plan des paroles, est l’une de mes préférées de l’album. C’est Randy qui l’a écrite et je la trouve géniale. Je trouve qu’elle en dit long sur ce qu’il se passe dans le monde. J’ai adoré la manière dont il évoque la folie des fusillades de masse à travers les yeux d’un enfant. C’est vraiment puissant. Les gens peuvent en retirer ce qu’ils veulent.

Randy n’hésite pas à clamer ses opinions politiques. Est-ce que tu les partages ?

Nous n’en parlons pas beaucoup pour être honnête. Je pense que ça dépend du sujet. « Opinion politique » peut signifier beaucoup de choses. J’imagine que Randy et moi sommes d’accord sur beaucoup choses, et probablement que nous sommes en désaccord sur d’autres. Quand il critique Donald Trump, par exemple, c’est compréhensible [rires].

La pochette de l’album dépeint un tas d’horloges et l’album commence avec la chanson « Memento Mori », en référence au rappel artistique ou symbolique de l’inéluctabilité de la mort. Quelle est ta relation avec le passage du temps et, au final, avec la mort ?

Mec, j’ai quarante-sept ans ! Quand tu as vécu une vie comme la mienne, la mort peut survenir n’importe quand, pour être honnête. Je ne passe pas beaucoup de temps à m’en soucier. Ma relation avec le temps et la mort… Je n’ai pas connu la mort dans cette vie, donc je n’ai pas vraiment de relation avec elle. Des personnes dont j’étais très proche sont mortes, et ça fait vraiment chier, mais ça fait partie de la vie, non ? Si tu veux vivre, tu dois accepter la mort. J’espère que ça n’arrivera pas aujourd’hui, car j’ai une très belle vie actuellement.

Qu’est-ce que les horloges sur la pochette signifient pour toi ?

Ça, c’est aux auditeurs de l’interpréter. Je ne suis pas du genre à expliquer aux gens comment interpréter une œuvre d’art. Ce serait du gâchis ! Je gâcherais absolument tout si je te disais ce tu dois en penser. C’est la même chose pour la musique sur l’album : elle aura autant d’interprétations que d’auditeurs. C’est la beauté de l’art : un million de personnes différentes peuvent l’interpréter de millions de manières différentes. Je trouve que c’est vraiment nul quand des artistes ou n’importe qui se posent et te disent ce que tu es censé penser. C’est comme si tu visitais un musée avec quelqu’un qui t’explique comment interpréter une œuvre de Rothko. Ne me dis pas comment interpréter un Rothko ou un Picasso ou une œuvre de n’importe quel autre artiste ! Je ne dis pas que nous sommes Rothko ou Picasso ; je dis juste que l’art est avant tout une affaire de ressenti. C’est fait pour être vécu et interprété. Que ce soit une chanson, des paroles ou une pochette, je ne vais pas te faire l’insulte de t’expliquer comment tu es censé l’interpréter. C’est la beauté de ce que nous faisons. Une fois enregistré et publié, ça ne m’appartient plus, ça t’appartient.

Interview réalisée par téléphone le 12 mai 2020 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Nicolas Gricourt.
Traduction : Brice Losson.
Photos : Travis Shinn.

Site officiel de Lamb Of God : www.lamb-of-god.com.

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