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Interview   

Laura Cox : la tête sur les épaules


Laura Cox est une guitariste française qui s’est fait connaître très tôt par ses vidéos sur YouTube, puis ses interventions dans le magazine Guitar Part. Par la suite, en 2013, elle devient la chanteuse et guitariste du Laura Cox Band, qui se raccourcit en Laura Cox dès le deuxième album. Avec sa formation, elle a écumé sans relâche les salles de concerts et festivals français et internationaux, agrandissant ainsi son importante liste de followers. Head Above Water, son troisième album qui vient de sortir, la voit pleinement endosser son rôle de leader, devenant la seule maîtresse à bord après le départ du guitariste Mathieu Albiac, et affirmer encore plus ses sonorités rock et blues.

Ce n’est pas si souvent qu’une guitariste, qui plus est française, et qui joue ce style de musique, arrive à se faire une place de choix dans ce milieu. Il était donc intéressant de discuter de tout cela avec elle. Comment a-t-elle réussi à en arriver là ? Comment a-t-elle abordé la genèse de cet album en solo ? Est-ce qu’elle se sent investie d’une mission en tant que représentante féminine dans ce milieu ? Est-ce facile de passer du monde virtuel aux concerts en live ? Laura a pris le temps de répondre en détail à toutes nos questions.

« On était tous dans une ambiance, un mood un peu plus calme, et j’ai écouté des classiques un peu moins hard, comme du Neil Young, du Fleetwood Mac, du Pink Floyd. J’étais moins dans ce côté headbanging et bouge-la-tête. Je pense qu’il y a aussi ces mois de confinement qui se ressentent dans l’atmosphère globale de l’album. »

Radio Metal : Généralement, j’aime bien commencer par une présentation. Peux-tu nous raconter un peu ton parcours en quelques mots – et je reviendrai dessus de toute façon ?

Laura Cox (chant & guitare) : Pour faire court, c’est simple, j’ai toujours été passionnée de guitare. J’ai commencé la guitare autour de quatorze ans. J’ai commencé à poster des vidéos sur YouTube qui ont bien pris, qui ont bien fonctionné, sans vraiment avoir de stratégie ni rien, sans penser que ça pourrait prendre. C’était la bonne surprise, de façon assez spontanée. Ensuite, j’ai monté mon groupe autour de 2014-2015, et là, nous sommes en train de sortir le troisième album. Je suis donc guitariste-chanteuse française. On tourne pas mal depuis la sortie du premier album en 2017.

Dans un premier temps, ton groupe s’appelait Laura Cox Band. Dès le deuxième album, tu es passée à Laura Cox, et j’ai l’impression que récemment, il y a eu des changements dans les musiciens qui t’accompagnent pour en faire un projet encore plus personnel…

Oui, c’est ça. Depuis que nous avons commencé le groupe, ça a assez évolué. Il y a eu du changement en termes de line-up, en termes d’appellation. Nous avons décidé de supprimer le « band » à partir du deuxième album. Tout le monde était d’accord, parce que nous nous sommes rendu compte que beaucoup de gens pensaient que nous étions un groupe de blues traditionnel, du fait que « band » est assez connoté groupe de blues, et ce n’est pas vraiment ce que nous faisons. Du coup, je me suis dit, autant repasser à Laura Cox. Là, les gens savent que j’ai un projet rock, que nous sommes un groupe. C’était plus simple. Nous avons retiré le « band » parce que c’était plus cohérent en termes de style et c’était plus simple. Et là dernièrement, j’ai eu envie de me poser d’autres challenges. Il y a eu un peu de mouvement au sein du line-up. Et aussi, pour des raisons personnelles, je me suis séparée de l’autre guitariste, Mathieu [Albiac], qui m’accompagnait jusqu’à maintenant sur scène. Nous avons aussi fait rentrer un clavier. L’arrivée du clavier n’a rien à voir avec le départ de Mathieu, mais oui, il y a eu pas mal de pas mal de changements, ce qui a fait que j’ai dû rebosser pas mal d’arrangements, bosser d’autres parties de guitare pour que ça sonne bien à une guitare. Ça m’a fait pas mal de boulot, mais c’est un challenge. Maintenant, j’essaie de voir de l’avant et je suis super excitée par cette sortie.

J’ai l’impression que sur Head Above Water, tu as une orientation un peu moins hard rock et plus blues rock. Est-ce que c’est ta volonté parce que tu es seule aux commandes maintenant ? Qu’est-ce qui t’a amenée à ça ?

C’est ça. Sur ce dernier album, nous sommes un peu moins hard, un peu plus du côté sudiste, parfois un peu country-rock. Ça reste rock, mais un peu moins hard pour ce dernier album. Je pense que, pour la première fois, j’ai pris un peu de recul. Je me suis vraiment demandé ce qui me plaisait le plus, ce que j’avais envie de faire. Je pense que ce qui a joué aussi, c’est tous ces mois sans concert, sans festival, avec confinement et tout. On était tous dans une ambiance, un mood un peu plus calme, et j’ai écouté des classiques un peu moins hard, comme du Neil Young, du Fleetwood Mac, du Pink Floyd. J’étais moins dans ce côté headbanging et bouge-la-tête. Je pense qu’il y a aussi ces mois de confinement qui se ressentent dans l’atmosphère globale de l’album.

Est-ce que c’est toi qui t’occupes de la composition complète de tes morceaux ?

Il n’y a pas vraiment de règle là-dessus, ça peut toujours varier en fonction des morceaux. Ce qui s’est passé sur cet album-là, c’est que nous l’avons fait différemment. Déjà parce que j’ai écrit à distance. J’ai écrit pas mal pendant le confinement, donc je n’étais pas, géographiquement parlant, au même endroit que le reste du groupe. J’ai passé beaucoup de temps au Portugal, près de l’océan. Ce qui s’est passé, c’est que j’ai fait énormément de maquettes, de démos. Quand je suis revenue en France, nous sommes allés en studio de répèt’ et nous avons arrangé ça ensemble. Il y a quelques riffs et quelques instrumentaux qui viennent de Mathieu – les chansons les plus hard –, mais pour cet album, globalement, j’ai été vachement plus indépendante et j’ai bossé beaucoup plus en solo. Après, c’est dur de parler pour la suite, mais je pense que nous continuerons à bosser comme ça, parce que ça s’est bien passé. Venir avec quasiment l’intégralité en répèt’ et arranger le tout avec tout le monde, ça s’est fait dans une bonne dynamique, donc je pense qu’on va continuer sur cette lancée.

« Toutes ces années, j’ai eu du mal à m’imposer, parce que je n’ai vraiment pas ça dans mon caractère. Je déteste être leadeuse. Et en fait, ces derniers mois, je me suis dit : ‘À un moment, si on veut avancer, il faut que quelqu’un prenne des décisions, sinon d’autres personnes les prendront à ma place.' »

J’ai l’impression que le rock et le blues sont des musiques qui demandent pas mal de partage entre les musiciens, avec peut-être un côté impro. Comment as-tu géré ça quant tu as amené les morceaux ?

Je sais que certains musiciens s’envoyaient leurs parties par WeTransfer, et ont même enregistré des albums à distance. Ce n’est pas du tout ce que je voulais. Je pense que nous gardons cet esprit live et cet esprit rock pendant l’enregistrement, parce que nous avons enregistré ça en live et tous ensemble. Pour la partie compo, j’avais bien en tête mes parties. Pour moi, elles étaient figées. Après, je leur ai quand même laissé la porte ouverte pour leurs parties et les arrangements. Ce n’était pas non plus du robotique complètement figé. Ça s’est vraiment finalisé en répèt’, où nous avons pris le temps d’étudier morceau par morceau ce qui allait bien avec quoi, ce qui passait, ce qui passait moins, et puis chacun créait ses parties. C’est parti de démos, mais nous avons quand même bien finalisé ça tous ensemble.

Tu l’as évoqué toi-même : tu es maintenant toute seule à la guitare. J’imagine que ça a changé pas mal de choses, puisque, en plus, tu chantes, ce qui rend les choses encore plus complexes…

Oui, ça a changé que j’avais encore plus la pression qu’avant ! [Rires] De toute façon, avant, je chantais [déjà] en même temps que je jouais. Mais là, effectivement, j’ai dû apprendre des parties que je ne jouais pas jusqu’à maintenant, essayer de compacter les deux parties de guitare en une pour avoir un résultat cohérent et qui rende bien sur scène… Ça m’a fait pas mal de boulot en plus. J’avais assez peur, mais finalement, je n’ai pas eu le choix : j’ai bossé, bossé, bossé, et puis c’est passé. Nous avons déjà fait trois ou quatre concerts en fin d’année dernière à une guitare plus un clavier, plus basse et batterie, et au final, ça s’est mieux passé que je ne le pensais. J’avais peur que nous nous ramassions, et je suis plutôt fière de ce que nous avons pu faire en un temps finalement assez limité. C’est à bosser plus en profondeur pour la nouvelle tournée qui commence en mars, mais je suis motivée parce que je me rends compte que oui, je peux. J’avais peur parce que j’avais toujours joué avec une autre guitare sur scène, et en fait, je peux le faire. Je peux le faire toute seule. Il faut juste plus de rigueur, pas trop de stress, être présente sur scène, et ça s’est bien passé. Donc je suis contente et rassurée par rapport à ça.

Comment envisages-tu le clavier qui s’est rajouté au groupe ? Est-ce que tu le considères comme une deuxième guitare, comme un accompagnement un peu différent ? Et pourquoi avoir ajouté un clavier ?

L’idée du clavier est arrivée quand nous avons enregistré l’album, parce que sur certaines compos, j’entendais du clavier. J’avais envie d’incorporer ça dès l’album. Il n’y en a pas beaucoup, c’est assez discret, mais c’est la première fois que nous intégrons ça dans les versions studio. Donc ça me paraissait naturel de le faire venir en live, et même de réarranger les chansons, parce que je pense que ça va leur donner un petit coup de frais – sans pour autant tout dénaturer, je ne veux pas faire peur aux gens ! [Rires] Je ne voulais pas que le clavier rejoue exactement les parties du guitariste qui est parti, parce que ce n’est pas l’idée. [Je voulais qu’il apporte] un peu de soutien et de « gras » sur les parties où je pars en solo, par exemple, et où il va falloir une rythmique derrière moi. [Le but est d’]apporter des espèces de nappes et de plages assez costaudes et assez rythmiques pour pouvoir faire que ça ne sonne pas vide. Je pense que, avec un son un peu overdrive, un peu saturé, c’est quelque chose qui fonctionne. Parfois, il reprend des petits licks, des petits solos ou des petites parties qu’on pourrait assimiler aux parties guitare, et parfois non, il a simplement créé ses parties et ça s’intègre vraiment bien à nos compos. C’est cool. Ça nous a permis de redécouvrir certains morceaux, et je pense que ça va faire du bien aussi aux gens qui entendent la même version sur scène depuis des années d’avoir des versions un peu plus récentes sur cette nouvelle tournée.

Tu ne joues pas que de la guitare : j’ai entendu un banjo, et il me semble qu’il y a aussi peut-être du lap steel. Est-ce que jouer ce type d’instrument en plus de la guitare t’est venu rapidement ? Et comment fais-tu en live, d’ailleurs ?

Alors ça, c’est le problème, parce que je ne peux pas me dupliquer ! [Rires] Je crois que j’ai acheté un banjo vers 2014 ou 2015 – 2014, peut-être. Le lap steel, c’est venu un peu plus récemment, mais ça reste des instruments à cordes. J’ai toujours aimé tout ce qui était country, bluegrass, et ce sont des instruments qui sont très présents dans ces styles de musique. J’avais envie d’ouvrir un peu notre style et d’incorporer des couleurs et des ambiances différentes. Sur les autres albums, j’avais déjà fait un peu de banjo, qui était assez discret sur certains morceaux, et là, j’avais envie de plus l’incorporer. C’est un challenge pour moi. Sur scène, justement, pour la nouvelle tournée, nous avons intégré un lap steel, donc il va y avoir du nouveau. Donc là je passe au lap steel et nous allons faire une config’ un peu plus calme pour quelques morceaux, sans guitare et tout. Le banjo, pour l’instant, je ne vais pas l’intégrer dans notre nouvelle tournée. Il va falloir voir, parce qu’il y a toujours la question : « Qui va jouer la guitare ? » Il y a encore ces questions-là, mais oui, le lap steel aura sa place sur le prochain set.

« Ça ne m’a pas dérangée de ne pas avoir de modèle féminin, mais je sais que c’est important pour, par exemple, des petites filles qui commencent la guitare. Si elles ne voient pas de femmes dans ce milieu, certaines se disent que ce n’est pas possible. Elles n’ont pas cette ouverture, la chance de vivre ou d’évoluer dans un univers et dans un climat qui leur laissent penser que tout est possible et que ça ne devrait pas être un problème. »

Je pense que si tu fais cette musique, c’est pour la partager avec les gens. Est-ce que tu penses tes compos pour les concerts, par rapport à ce qu’elles peuvent générer pour le public, ou est-ce que c’est une chose à laquelle tu ne réfléchis pas trop ?

Non, je fais les compos telles que je les entends, et ensuite nous nous disons qu’on peut toujours les réarranger, les étirer ou les modifier un peu pour qu’elles se prêtent mieux au jeu en live. La seule chose à laquelle j’ai pensé au moment d’enregistrer, c’était quelle chanson pourrait ouvrir ou terminer le set, ce genre de chose. Peut-être plus intro et outro, mais moins : « Comment ça va rendre sur scène ? » Donc non, j’ai tendance à composer comme je l’entends et ensuite à réfléchir à différents arrangements pour la scène, en répèt’ plus tard avec le groupe : faire durer certains passages, quand est-ce qu’on pourrait faire crier un peu les gens ou répéter des trucs. Ça, j’y réfléchis dans un second temps, quand nous commençons à bosser le set. Mais je comprends tout à fait ce que tu veux dire, dans le cas d’un groupe comme Airbourne, par exemple, tu vois que leur album est fait pour être joué en live. Ça se sent quand tu les vois sur scène.

Concernant le titre, Head Above Water, est-ce qu’il faut le voir comme « il y a eu une période compliquée, il faut garder la tête hors de l’eau », ou est-ce qu’il s’agit plus d’une sorte de réflexion globale, « il faut toujours garder la tête hors de l’eau, quoi qu’il se passe » ?

C’est les deux, et aussi le fait que j’ai été pas mal à l’étranger, au Portugal, pendant les confinements. J’ai composé près de l’océan, donc j’avais envie de ramener cette thématique de l’eau dans cet album. Sachant que le dernier était plus orienté autour du feu, je me suis dit qu’on allait passer à l’eau cette fois-ci ! Du coup, j’étais dans un état d’esprit un peu tranquille, un peu relax. Je parle parfois du lâcher-prise, parfois de la découverte de soi. C’est des thèmes un peu dans ce genre-là qu’on retrouve dans les chansons. Après, il y a des choses un peu plus mélancoliques, mais c’est un message global assez positif, qui dit : « Il faut te battre, maintenant tu sais qui tu es, va dans la bonne direction. » Tu sais qu’il y aura des mauvais moments, mais il y aura aussi de meilleures périodes. C’est pareil pour moi. Je pense que tout le monde peut se retrouver là-dedans, peu importe les problèmes qu’ils ont traversés. C’est un thème assez large dans lequel on peut se retrouver. Je parle aussi de moi là-dedans, mais ce n’est jamais très précis, pour que les gens puissent aussi se retrouver dedans.

Tous les textes viennent de toi, sur cet album ?

Oui, sur cet album, tous les textes sont de moi. Ce n’est pas la partie que je préfère ; je préfère m’occuper de l’instrumental. Ça dépend vraiment. Certaines compos sont plus difficiles que d’autres pour avoir des idées de paroles et de chant. Mais sur cet album, toutes les parties de chant sont de moi.

Pour le chant, est-ce quelque chose que tu as voulu faire dès le départ, ou bien tu t’es dit : « Pour faire un groupe, il faut quelqu’un qui chante », et finalement, tu t’y es collée ?

C’était plutôt la deuxième solution ! Quand nous avons formé le groupe, j’avais déjà ma chaîne YouTube, donc nous nous sommes dit que nous ne partions pas de zéro en appelant le projet Laura Cox. Je chantais déjà un peu, mais c’est vrai que ma priorité, c’était la guitare. Donc nous nous sommes dit que nous allions tester avec moi, que j’allais faire le chant principal et la guitare principale, et puis que nous verrions ce que ça donne. Finalement, j’y ai pris goût. Il y avait du boulot, mais il y avait matière à faire. L’idée de mener mon projet me plaisait aussi, même si je n’ai jamais été leadeuse dans l’âme. Je me suis dit : « On part là-dessus, on verra si ça marche », et finalement, nous avons eu de bons retours, donc je me suis accrochée à ça.

« J’ai commencé par la guitare acoustique parce que je me suis dit : ‘C’est sûrement le bon chemin. Et puis les filles font plus de guitare acoustique.’ Mais si ce que tu veux faire, c’est du rock, et que tu es une fille, va direct à la l’électrique, tu gagneras du temps. Il n’y a pas de règle. »

Du coup, est-ce qu’il a été difficile pour toi de prendre le rôle de leader d’un groupe ? A-t-il fallu que tu travailles là-dessus ?

En fait, j’assume complètement la position de leadeuse depuis très récemment – depuis l’enregistrement de l’album, on va dire. Nous l’avons enregistré en février dernier, donc ça va faire presque un an. À la base, j’avais un caractère assez introverti quand j’étais plus jeune. Et puis le fait d’être une femme, entourée majoritairement d’hommes qui sont plus âgés que toi, parfois, c’est compliqué de dire non, de dire vraiment ce qui te plaît, ce que tu as en tête. Je ne sais pas, toutes ces années, j’ai eu du mal à m’imposer, parce que je n’ai vraiment pas ça dans mon caractère. Je déteste être leadeuse. Et en fait, ces derniers mois, je me suis dit : « À un moment, si on veut avancer, il faut que quelqu’un prenne des décisions, sinon d’autres personnes les prendront à ma place. » Et je me rends compte que maintenant, tout est plus clair : la dynamique de travail est meilleure, nous avançons plus vite, parce que là, les choses sont claires. On sait que s’il y a une décision à prendre, ce sera la mienne. Avant, tout était assez flou, donc il y avait plus de conflits parce que nous ne savions pas trop qui écouter, où nous allions. Finalement, ça se passe de mieux en mieux, mais c’est récent. J’aurais dû me réveiller un peu avant [rires]. Ça a mis du temps.

Vois-tu le fait d’être une fille dans le rock comme une particularité ou est-ce que tu te dis : « Que je sois une fille ou pas, ça ne change rien » ? Quelles peuvent être les difficultés par rapport à ça ?

J’aimerais me dire que ça ne change rien. Quand j’ai commencé la guitare, je sais que je n’avais pas besoin d’idole féminine. Quand j’ai commencé, mes modèles et mes guitar heroes, c’étaient Slash, Mark Knopfler, Angus [Young], Joe Bonamassa… C’étaient des hommes, parce qu’au final, il n’y avait pas grand-chose qui existait ou qui m’intéressait en termes de guitaristes féminines. Ça ne m’a pas dérangée de ne pas avoir de modèle féminin, mais je sais que c’est important pour, par exemple, des petites filles qui commencent la guitare. Si elles ne voient pas de femmes dans ce milieu, certaines se disent que ce n’est pas possible. Elles n’ont pas cette ouverture, la chance de vivre ou d’évoluer dans un univers et dans un climat qui leur laissent penser que tout est possible et que ça ne devrait pas être un problème. Je pense que c’est important maintenant d’avoir de plus en plus de femmes sur scène pour arriver à un meilleur équilibre. Si je peux en être un peu, en quelque sorte, un des modèles et un des porte-parole, j’en suis très heureuse. Donc en soi, ça ne devrait pas être important, mais finalement, ça l’est. Et je pense aussi qu’en étant une femme, il faut quand même se battre un peu plus, parce qu’il y a souvent des critiques qui disent : « Oui, mais bon, tu réussis parce que tu es une fille. » Il y a souvent des critiques dans ce style-là. Je pense qu’il faut bosser un peu plus pour prouver qu’on a notre place ici. Mais je ne vais pas me plaindre, parce que je suis très contente du chemin que j’ai parcouru jusqu’à maintenant et de la tournure que ça prend.

Est-ce que tu te sens une « mission » de dire aux filles qu’elles peuvent y arriver ?

Au début, je pense que je n’avais pas le recul et la visibilité nécessaires pour me rendre compte qu’il y avait des filles à qui ça pouvait poser problème de ne pas avoir de modèles féminins. Maintenant, c’est vrai que je prends ça un peu plus à cœur. Je pense que c’est important que tout le monde ait cette chance, soit sur un pied d’égalité et puisse commencer la guitare. C’est vrai que le rock, c’est un milieu d’hommes, et c’est peut-être de la musique qui plaît majoritairement aux garçons. Mais si les filles se sentent aussi de commencer la guitare… Moi, j’ai commencé par la guitare acoustique parce que je me suis dit : « C’est sûrement le bon chemin. Et puis les filles font plus de guitare acoustique. » Mais si ce que tu veux faire, c’est du rock, et que tu es une fille, va direct à la l’électrique, tu gagneras du temps. Il n’y a pas de règle. Si je peux aider sous quelque forme que ce soit, je suis contente de le faire.

J’ai l’impression que le milieu est quand même plus ouvert – en tout cas, d’après ce que je vois dans le public. Toi-même, constates-tu une certaine mixité dans ton public ?

Une certaine – pas énorme ! Un peu plus maintenant, je dirais. Peut-être aussi qu’avec cet album, qui est un peu moins hard, nous allons attirer un peu plus de femmes. Je ne suis pas sûre. C’est vrai que ça se diversifie un peu, mais en live, on est bien sur du 70/30, même parfois plus, 75/25, en faveur des hommes. Nous nous rendons compte aussi qu’il y a des différences quand nous allons jouer dans différents pays. Je me suis rendu compte qu’en Espagne, globalement, le public que nous avions était vachement plus diversifié et mixte – et aussi plus jeune. En Pologne, aussi, j’ai trouvé qu’il y avait beaucoup plus de mixité. Après, quand c’est des festivals, évidemment, il y a plein de gens qui nous découvrent, donc c’est plus mixte que quand ce sont des clubs ou des salles où les gens viennent spécialement pour nous.

« Je suis moins dans l’optique guitar hero. Je préfère voir les chansons dans leur globalité, un peu plus l’aspect songwriting, avoir des chansons cohérentes. Le solo est important, mais j’en mets un peu moins partout, maintenant ! »

Qu’est-ce qui t’a donné envie, au départ, de prendre une guitare et de te mettre à jouer de cet instrument ?

Mes parents ne sont pas musiciens, mais mon père écoutait énormément de bonne musique, de rock, de country, quand j’étais petite. Je pense que le fait d’avoir écouté ça en boucle pendant des années… J’ai grandi avec cette culture, et ce sont des styles de musique où la guitare est vraiment omniprésente. En fin de collège, j’ai rencontré des amis qui étaient à fond dans le rock, et nous nous sommes motivés [mutuellement]. Quand j’étais en troisième, j’ai commencé la guitare, ça m’a paru assez naturel. J’aurais aimé commencer plus tôt, mais sachant que ma famille n’est pas musicienne, personne ne l’avait vraiment proposé. Chaque année, je pouvais choisir un sport à faire en activité extrascolaire, mais personne ne m’avait proposé la musique. C’est venu de moi-même, quand j’ai rencontré certains amis au collège. Je me suis dit : « Cette année, j’arrête le tennis et je commence la guitare ! » C’est arrivé comme ça.

J’ai l’impression qu’il y a souvent deux parcours différents pour les gens qui font de la musique : il y a ceux qui commencent avec du solfège et de la musique classique, et ceux qui sont plus rock et qui commencent sans passer par ça. Est-ce que c’est ce que tu as fait ?

Ce qui s’est passé, c’est que je me suis réveillée d’un coup. J’ai dit à ma mère que je voulais faire de la guitare, et par rapport aux inscriptions dans les écoles de musique et les conservatoires, l’année scolaire avait déjà débuté. On était en octobre, donc elle m’a pris des cours avec Acadomia, les cours de soutien scolaire à domicile. Ils font aussi des cours de musique, mais il n’y avait que guitare classique. Donc j’avais un prof qui venait une fois par semaine chez moi me donner des cours de guitare classique. J’étais contente de commencer la guitare, mais j’ai vite vu que ce n’était pas ça que je voulais faire. Mais j’étais motivée ; au moins, c’était de la guitare. J’étais très motivée et je jouais, mais après six mois de guitare classique acoustique, j’ai commencé l’électrique, et j’ai pris des cours dans une école de musique où on m’a aussi enseigné le solfège et un peu de théorie, mais surtout de la pratique. J’ai fait ça pendant quatre ans et ensuite j’ai continué par moi-même. Je t’avoue que la théorie, je ne suis jamais allée très loin. J’ai fait quatre ans de cours, mais la théorie et le solfège, il ne m’en reste absolument rien. Maintenant, je joue à l’oreille. Tout est plus au feeling. J’ai sûrement des lacunes par rapport à ça, mais j’arrive à me débrouiller au sein du groupe. Il y a quand même un décalage, parce que les autres membres du groupe sont tous diplômés d’écoles de musique, donc ils ont leur langage très théorique et spécifique. Nous ne nous comprenons pas toujours ! Moi je parle avec des mots très simples, et eux, je ne comprends pas toujours ce qu’ils me disent ! Parfois, la communication est longue à se faire. Mais jusqu’à maintenant, ça a bien marché comme ça, et je pense que j’ai encore de quoi progresser en allant dans cette direction. Il y a pas mal de choses à bosser, même sans bagage théorique.

J’imagine que, si tu as commencé par la guitare, c’est que tu avais un attrait pour les riffs et les solos. Mais maintenant, tu composes, tu chantes, tu fais de la guitare… Qu’est-ce que tu préfères aujourd’hui dans ton rôle ?

Quand j’ai commencé la guitare, je préférais faire des solos. C’était ma motivation, c’étaient des challenges, essayer de reproduire tel ou tel solo – « Sweet Child O’ Mine », « Sultans Of Swing », ce genre de chose. Maintenant, je suis moins… Je reste solos, mais je suis moins dans l’optique guitar hero. Je préfère voir les chansons dans leur globalité, un peu plus l’aspect songwriting, avoir des chansons cohérentes. Le solo est important, mais j’en mets un peu moins partout, maintenant !

Quand tu as commencé les vidéos YouTube, qu’est-ce qui t’a donné envie de te mettre à l’écran ?

À l’époque, j’apprenais, je prenais des cours, et je passais aussi énormément de temps sur YouTube à regarder ce qui se faisait. Il n’y avait pas énormément de monde, parce que c’était en 2008. Je pense que YouTube avait été créé depuis deux ou trois ans. Je regardais pas mal de youtubeurs qui faisaient des covers de classic rock et ça me motivait. Je me disais : « Tiens, j’ai vraiment envie de jouer comme eux », donc je me fixais des petits challenges. Et puis un jour, je me suis dit : « Je vais essayer de m’enregistrer et on va voir quel type de retour j’ai, si je peux avoir des conseils, des commentaires. » J’étais curieuse et assez excitée à l’idée de poster ces vidéos, et en même temps, c’était assez rassurant pour moi, étant introvertie, de rester chez moi et de me filmer. Si ça merdait, je pouvais recommencer autant de fois que je voulais, donc je ne me prenais pas la tête. En même temps, j’avais des retours. C’est juste que d’autres youtubeurs m’ont vraiment motivée à me dire : « OK, je veux faire pareil, on verra ce que ça donne. » Mais à l’époque, je ne pensais pas que ça prendrait cette ampleur. Je n’avais aucun plan en tête, aucune stratégie, rien du tout. Je pense que c’est pour ça que ça a marché. Ça doit être un mélange de bon timing, de travail et de beaucoup de temps passé dessus. Et au niveau du créneau, il n’y avait pas grand monde. Si je commençais maintenant, je ne suis pas sûre que ça prendrait. Il y a tellement de talent sur la toile que c’est dur de percer sur Internet maintenant.

« Quand j’ai pris ce petit virage et monté le groupe, c’était assez stressant, parce que je n’avais pas l’habitude de jouer avec de vrais musiciens. Et puis j’avais l’impression qu’après plusieurs années à poster sur YouTube, on m’attendait au tournant. »

Qu’en est-il du passage du virtuel au réel, c’est-à-dire faire des concerts et jouer en groupe ? Est-ce que tu le faisais déjà en parallèle de tes vidéos YouTube ou est-ce qu’il y a un moment où tu as basculé en disant : « Maintenant, on va vraiment partager en réel, avec les gens » ?

Ça a mis du temps. J’ai commencé à poster les vidéos en 2008 et c’est une formule qui m’allait. J’avais juste à rester chez moi. Je n’avais pas forcément l’envie de jouer avec des gens. Après, je ne dis pas que c’est la bonne solution, parce que ça m’a pris du temps. J’ai commencé le groupe, on l’a plus ou moins fondé vers 2014 et ça a vraiment commencé avec le premier album en 2017. Mais entre 2008 et 2014, je n’ai pas vraiment eu ces interactions avec de vrais musiciens, et je pense que c’est quelque chose qui me manque maintenant. C’est pour ça que les impros et les jams, ça me stresse : c’est parce que j’ai passé six ans dans ma chambre à jouer sur des backing tracks et à recréer des solos qui existaient déjà, note par note. Du coup, quand j’ai pris ce petit virage et monté le groupe, c’était assez stressant, parce que je n’avais pas l’habitude de jouer avec de vrais musiciens. Et puis j’avais l’impression qu’après plusieurs années à poster sur YouTube, on m’attendait au tournant. C’était le premier concert de ma vie et j’avais déjà quelques millions de vues. Je m’étais dit : « Ah… Je ne pars pas de zéro, donc il ne faut pas que je me merde ! » [Rires]

Effectivement, je ne suis pas sûr que tous les youtubeurs passent au réel, peut-être en raison de cette peur-là.

Je ne sais pas si c’est une peur. Je pense qu’il y a plein de gens qui ne sont pas intéressés, tout simplement, et qui préfèrent rester virtuels, sur Internet. Mais je suis contente et fière d’avoir réussi à prendre ce tournant et trouvé cet équilibre entre les deux. Je sais que j’ai été assez distante des réseaux et pas assez présente sur ma chaîne ces dernières années. Mais là, j’ai vraiment envie de poster plus de contenu. Je suis contente d’avoir le choix entre les deux et d’avoir cet équilibre. Ce sont vraiment deux choses qui sont complémentaires et qui n’ont absolument rien à voir, pour moi.

Tu as un groupe depuis longtemps. Est-ce qu’aujourd’hui, tu pourrais te passer de ces interactions et du plaisir qu’il y a à jouer avec des musiciens sur l’instant ?

Ce qui est sûr, c’est que je n’ai plus envie de tourner comme on le faisait ces dernières années – tous les week-ends, c’était vraiment aller-retour, aller-retour. Ce n’étaient pas des tournées très compactes sur quelques mois, c’était vraiment tourner tous les week-ends de l’année. J’ai envie d’adopter un autre rythme. Pourquoi pas six mois de tournée et puis six mois sans tournée, où je me focalise plus sur les réseaux sociaux ? Je pense que je vais plutôt organiser ça comme ça. J’ai envie de trouver un équilibre un peu différent.

Tu as donné énormément de concerts pendant un moment. Il y a peut-être un équilibre à trouver pour apprendre à se reposer ou se recentrer sur soi-même…

C’est ça. Avant, je pense que j’avais tellement la tête dans la tournée que je me laissais aller, sans réfléchir à ce que je voulais vraiment faire, où je voulais vraiment aller. Je n’avais pas vraiment le temps d’y penser. Et là, j’ai vraiment envie de réorganiser ça, comme je te le disais, avec des périodes de tournée plus définies. Tourner peut-être la moitié de l’année – ou peut-être même moins –, puis consacrer l’autre moitié à autre chose, pour que j’aie le temps de me recentrer, plus de temps pour la composition, pour développer les réseaux sociaux. Il y a plein de choses qui me motivent et qui m’intéressent. Je veux juste essayer d’organiser ça différemment, de façon plus intelligente.

« J’ai l’impression que plus c’est grand, moins tu vois vraiment les personnes dans le public. Quand tu joues dans des clubs, l’ambiance est parfois un peu plus… pas tendue, mais un peu plus pesante, parce que tu vois vraiment les gens en face de toi, leur regard. »

A propos des concerts, quels seraient tes plus grands souvenirs de tournée ?

Ce seraient surtout les festivals. Je pense que je retiendrai le Download – nous l’avions fait en 2018, mais sur une petite scène – et le Hellfest cet été. Ce sont vraiment mes deux meilleurs souvenirs de festival. Nous pouvions côtoyer… enfin, « côtoyer »… au moins voir nos idoles. Jouer sur les mêmes scènes, les mêmes festivals que mes groupes préférés, c’était vraiment quelque chose et ça prend une envergure différente. J’ai beaucoup aimé aussi notre été 2018. Nous avons joué en Corse, à Patrimonio, au festival de guitare où nous avions ouvert pour Texas. Le même été, en 2018, nous avions ouvert pour Jeff Beck en Norvège. Nous avons fait pas mal de belles choses. Cet été, pareil, Guitare en Scène avec Deep Purple et Scorpions, c’était vraiment cool. Donc mes meilleurs souvenirs, pour moi, c’est des festivals que nous avions ces derniers étés.

Est-ce que ces grandes scènes représentent un stress particulier ou est-ce que ça passe assez facilement ?

Ça dépend. J’ai l’impression que plus c’est grand, moins tu vois vraiment les personnes dans le public. Quand tu joues dans des clubs, l’ambiance est parfois un peu plus… pas tendue, mais un peu plus pesante, parce que tu vois vraiment les gens en face de toi, leur regard. Parfois, c’est plus stressant de jouer dans des plus petits endroits que dans des grands endroits où, en fait, tu ne vois personne, tu vois une masse de monde. C’est comme si tu étais un peu dans le flou, comme si tu jouais mais sans tes lentilles ! [Rires] Les deux sont différents. Pour moi, ce qui va vraiment différer, c’est l’ambiance. Du moment que le public est chaud, que ce soit petites ou grandes scènes, j’adore les deux. C’est vraiment l’ambiance qui nous aide à jouer et qui fait que ça va être plus ou moins stressant, je pense.

Je t’ai parlé de tes bons souvenirs de concert, et maintenant, je vais te parler du Printemps de Pérouges. Bon ou mauvais souvenir ?

En vrai, nous nous sommes tellement marrés, quand j’y repense… Ça dépend, parce que maintenant, c’est un bon souvenir. Sur le coup, nous savions que ça allait rester dans notre histoire, parce que cette date était tellement surréaliste. Sur le coup, c’était compliqué. Pour le Printemps de Pérouges, nous devions ouvrir pour Kiss, et il se trouve que c’était très compliqué. On nous avait déjà prévenus que nous n’étions pas sûrs d’avoir des balances parce que le groupe avait des exigences en termes de timing. C’était près de Lyon, nous sommes arrivés, et les conditions météorologiques étaient très mauvaises, donc Kiss ne pouvait pas balancer parce qu’il pleuvait trop. Il y avait trop de vent, c’était dangereux. On nous a dit : « Tant que Kiss ne balance pas, vous ne pouvez pas balancer. » Il y a eu beaucoup d’orages, de tempêtes et tout. Ça s’est traîné jusqu’en fin d’aprèm, où on nous a dit : « Bon, laissez tomber, vous ne jouerez pas, c’est trop dangereux. La scène est sous l’eau, la console est sous l’eau », mais a priori, c’était sauvable pour Kiss. On nous a donc dit que nous ne jouerions pas, mais au dernier moment, on nous a dit : « En fait si, c’est bon, allez-y, allez-y, jouez, déchargez ! » On nous a fait courir juste avant le concert, nous avons déchargé en catastrophe, nous n’avons pas fait de balance, je me suis changée derrière la scène… Nous n’étions pas prêts, parce qu’on nous a dit que nous n’allions pas jouer, donc je ne m’étais même pas échauffée. Nous nous sommes retrouvés à moitié changés sur scène, alors que ça faisait cinq ou six heures que nous poireautions dans le froid, que nous attendions qu’on nous donne des réponses. Finalement, nous avons fait ce concert, qui, musicalement, n’était pas terrible, parce que nous n’étions pas vraiment préparés, et puis l’ambiance était assez étrange. Nous avons déchargé dans la boue, nous étions avec des ponchos sacs-poubelle à courir un peu partout sous la flotte… Je n’étais pas échauffée, il faisait froid, j’étais aussi un peu contrariée par toutes ces conditions, du coup, j’ai commencé à perdre ma voix pendant le concert. Nous sommes sortis de scène, et il fallait s’y attendre, Kiss n’est jamais monté, parce qu’a priori les conditions étaient trop dangereuses. Tout était un peu sous l’eau, il y avait du vent… Donc nous avons fait le concert, mais eux ne sont jamais montés ! [Rires]

Vous avez joué sous la pluie…

Oui. Il y avait du vent, nous avions le pedal board sous l’eau, mais nous l’avons fait. Je crois que j’ai écourté un peu le set, parce que ça devenait un peu n’importe quoi en termes de conditions. Il pleuvait, les gens étaient sous l’eau… Mais bon, les fans de Kiss, ils sont motivés ! Donc ils étaient là, ils attendaient Kiss avec impatience, et en fait, ils ont appris qu’ils ne monteraient pas sur scène au moment où ils devaient arriver. Nous ne le savions pas non plus, c’était la surprise. Nous étions super excités à l’idée de les voir, nous aussi, et finalement… Sur cette date, je pense que l’organisation, la météo, tout était compliqué. Nous avons joué le jeu, nous avons fait comme nous avons pu !

« En France, on est quand même très chanceux d’avoir l’intermittence. Ils n’ont pas ça à l’étranger. Je pense qu’à l’étranger, c’est plus risqué de se lancer dans le vide et de commencer une carrière dans la musique. »

Le public a quand même été sympa avec vous ?

Oh oui ! C’est ça qui me faisait peur. Je me suis dit : « S’ils annoncent l’annulation de Kiss et que nous, on nous fait monter sur scène, on va se faire huer, parce que les gens ne sont pas là pour nous ! » Au final, Kiss a annoncé [l’annulation] après. J’ai été surprise, parce que les gens nous ont remerciés, en nous disant : « Au moins, on n’est pas venus pour rien. Je ne regrette pas d’être venu. » Mais ils avaient quand même la haine, je pense. Quand quelqu’un de l’orga est monté sur scène pour dire : « Rentrez chez vous, ils ne vont pas venir », je pense que là, ils se sont fait huer. Mais moi, je n’étais plus sur scène ! [Rires]

On en a beaucoup entendu parler dans la région lyonnaise, donc chapeau d’avoir joué !

Nous n’avons pas eu le choix, de toute façon. On m’a dit : « Tu montes sur scène », je ne peux pas répondre : « Ah bah non… » J’ai dit à mon manager : « Imagine, on fait le concert, et Kiss ne vient pas derrière ? » Il m’a dit : « Non, t’inquiète, vas-y, vas-y ! » Bon, OK, on y va ! [Rires] Maintenant, quand j’y repense, c’était marrant, mais les conditions étaient compliquées. J’espère qu’un jour, nous aurons peut-être l’occasion de vraiment ouvrir pour Kiss.

Les artistes français ont souvent du mal à s’exporter, même ceux qui chantent en anglais. Comment avez-vous développé ça ?

Je pense que ça nous a aidés que j’aie ma plateforme YouTube. Le public que j’avais sur YouTube, avant que je sorte mes albums, je ne pense pas qu’il ait été majoritairement français. Il y a énormément d’étrangers qui regardent ces vidéos là où le rock marche le mieux – donc pas en France ! Surtout aux Etats-Unis, en Angleterre, en Allemagne, en Amérique du Sud. Le fait d’avoir cette chaîne YouTube qui est beaucoup regardée à l’étranger, je pense que ça nous a aidés, parce que nous avions un petit moyen pour appuyer sur le tourneur, pour aller chercher d’autres tourneurs à l’étranger et leur dire : « Regardez, elle a quand même pas mal de visibilité à l’étranger aussi. » Et c’est aussi un style de musique qui plaît pas mal à l’étranger. Donc mon tourneur français a pu contacter des tourneurs allemands, polonais et anglais, qui pouvaient voir d’eux-mêmes que c’est un style de musique qui passerait bien. Nous avons pu développer ça comme ça, en trouvant différents tourneurs à l’étranger. Par exemple, aujourd’hui, l’Allemagne est la deuxième destination où nous tournons pas mal, il y a une bonne fanbase blues-rock là-bas. Il y a encore des pays où j’aimerais vraiment voyager et tourner, où nous cherchons encore des tourneurs. J’espère que ça va se débloquer cette année. Par exemple, tout ce qui est Australie ou Etats-Unis, nous n’avons jamais eu de tournée là-bas. C’est peut-être la prochaine étape. C’est quelque chose qui me plairait bien et qui sera peut-être envisageable pour cette année ou l’année prochaine.

En France, de manière générale, comme tu le dis, on n’est pas trop servis pour le rock. Mais j’ai le sentiment que, même globalement, la musique rock ou metal est de moins en moins à la mode, alors qu’il y a toujours une bonne fanbase qui la porte. Est-ce qu’il t’arrive de te poser la question de l’avenir de cette musique ? Est-ce que c’est finalement prendre un risque que de se lancer à fond dans une carrière rock en France ?

Je ne me suis jamais posé la question, parce que pour moi, c’était tellement naturel, et je voyais qu’il y avait un public derrière. On verra comment ça évolue les prochaines années. Après, en France, on est quand même très chanceux d’avoir l’intermittence. Ils n’ont pas ça à l’étranger. Je pense qu’à l’étranger, c’est plus risqué de se lancer dans le vide et de commencer une carrière dans la musique. En France, on a la chance d’être aidé à ce niveau-là dans tout ce qui est art. L’intermittence aide beaucoup, parce que parfois, je n’ai pas assez de cachets de concerts dans le mois pour en vivre. Il y a ce filet de sécurité qui fait que je peux vivre de ma musique, parce que je ne suis pas sûre que ça aurait été le cas si j’étais en Angleterre, par exemple. Donc on verra. Je continue tant que ça marche et je m’inquiéterai plus tard ! Pour l’instant, je sors un album, il y a encore de la demande. Les gens sont curieux, sont motivés, sont intéressés. Moi aussi, je suis vraiment motivée pour écrire le prochain album. On verra combien de temps ça va marcher, mais il y a quand même un public. Et puis, ce public blues-rock, j’ai l’impression que ce sont des gens fidèles, qui continuent à acheter de la musique en physique, et ça, c’est quand même important. Ce sont des gens qui achètent des billets de concert. C’est un public fidèle, donc c’est cool. Même si, comme tu dis, ce n’est pas le style de musique le plus à la mode, je ne me suis jamais dit : « Je vais faire de l’électro parce que ça marche mieux. » C’est trop loin de ce que j’aime. Mais même si ce n’est pas super populaire, il y a un public fidèle ici.

« Je vis de ma passion depuis fin 2017, depuis la sortie du premier album. Mais avant ça, j’avais un job à temps partiel. Je bossais dans un magasin de musique, je faisais plein de petits trucs à côté parce que je n’envisageais pas ça. Mais en fait si, c’est possible. »

En termes de matériel, quelle est ta relation avec Gibson ? C’est un endorsement ?

C’est ça, c’est un sponsor, un endorsement. J’ai signé avec eux fin 2019. En 2020, ils m’ont emmenée au NAMM, le Salon de la musique à Los Angeles. C’était fabuleux. Avec le guitariste Waxx, nous étions les seuls Français à être emmenés là-bas par Gibson, et c’était vraiment un honneur de participer à ça. Je sens que depuis que nous avons commencé cette collaboration… Il y a plusieurs niveaux de collaboration avec les marques et j’ai la chance d’être soutenue par Gibson US. Ça me fait vraiment plaisir et j’aime beaucoup la relation que nous avons. Je ne vais pas rentrer dans les détails, mais je suis très heureuse de jouer sur leurs instruments. Je sais qu’ils sont contents aussi de me compter parmi eux. C’est une collaboration que j’ai envie de continuer, qui me motive.

Quand tu as commencé la guitare, est-ce que tu imaginais en faire ta vie, ou est-ce qu’à un moment donné, tu t’es dit : « Pourquoi pas ? » Au final, aujourd’hui, est-ce ce dont tu rêvais ?

Non, ce n’était pas du tout ce que je prévoyais. Pour moi, ce n’était pas possible. Pas parce que je suis une fille ou quoi que ce soit. C’est juste que je me suis dit : « Être musicienne, ça ne va jamais le faire. C’est un job passion, ce n’est pas donné à tout le monde. » Donc j’ai fait des études, j’ai eu des petits boulots, et j’ai commencé à y croire seulement autour de 2015-2016, quand j’ai rencontré mon manager et booker. Lui avait un petit réseau de contacts, de festivals, et il m’a dit : « Je pense qu’il y a moyen que tu aies l’intermittence. Est-ce que tu veux que j’essaie de voir si je te trouve des concerts, si on arrive à monter un truc sympa ? » Je lui ai dit : « Ouais, vas-y, essaie. » Et ça a marché. Je vis de ma passion depuis fin 2017, depuis la sortie du premier album. Mais avant ça, j’avais un job à temps partiel. Je bossais dans un magasin de musique, je faisais plein de petits trucs à côté parce que je n’envisageais pas ça. Mais en fait si, c’est possible. Quand tu es bien entouré, avec un peu de chance et de travail, ça peut arriver. Et comme je le disais, j’ai la chance d’être en France pour ça.

Quels sont tes rêves ou tes objectifs pour la suite ?

Je suis sur la bonne voie, parce qu’il y a des rêves qui se sont réalisés cet été – le Hellfest et tout. Mes rêves, ça continue à être le Hellfest, peut-être un peu plus tard dans la journée. Continuer à écumer les gros festivals, ça fait plaisir, ça te laisse plein de souvenirs en tête, tu rencontres des gens. Continuer à tourner. J’espère que je resterai en forme physique et que je pourrai faire ça encore longtemps – simplement ça, juste continuer à faire de la musique. C’est mon plus grand rêve. Je ne demande pas les plus gros festivals du monde, je ne vais sûrement pas être disque d’or, mais continuer à pouvoir vivre de la musique, c’est déjà beaucoup. Je croise les doigts pour que ça dure.

Interview réalisée par téléphone le 16 janvier 2023 par Sébastien Dupuis.
Retranscription : Tiphaine Lombardello.
Photos : Ugo (2, 9), Le Turk (4), Christophe Crenel (7), Nicolas Gricourt (3, 5, 8, 10).

Site officiel de Laura Cox : www.lauracoxmusic.com

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  • Pat du 12 dit :

    Malgré tout le bien que je pense de Laura que j’ai eu l’occasion de voir en concert, son dernier album « Head above Water »est un peu trop transparent, les titres manquent de personnalité, impossible de savoir si c’est la production ou simplement les morceaux qui sont « faibles », en tous cas, pas sûr que la galette laisse une trace durable… dommage, y’a du potentiel…

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  • Toujours sympa les interviews.Un truc interessant Generalement ceux qui sortent des ecoles de musique en france ne jouent pas avec des gens qui ont très peu de connaissance theorique.La difference de communication est enorme..de moquerie aussi d’arrogance.Ceux qui ont vecu l experience comprendrons.Elle est la patronne cela change tout!!lol.Les connaissances et le vocabulaire theoriques sont pas enormes dans le monde du rock et du blues.Elle qui souhaite evoluer en tant que musicienne dans un truc plus intello plus commerciale plus calculé.Que c’est facile de communiquer quand tout le monde parle le meme language..
    Par contre d’après les echos elle a bien viré son ex boyfriend à la guitare (pour raison sentimentale?)..que je trouvais fort appreciable comme guitariste en live.
    Je parie que le 4 eme album va etre soit plus blues soit plus pop soit les 2!!

    [Reply]

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