Un concours de circonstances. La reformation surprise de Putrid Offal en 2014 après une mise en sommeil de presque vingt ans se résumerait à une nostalgie et une envie de revivre l’aventure de jeunes années de ses membres, complétées par la rencontre d’un vieux fan. C’est donc sans réelle intention de reformer le groupe, mais plus simplement avec l’envie de jouer les morceaux de l’époque pour le plaisir, avec la curiosité d’entendre comment ils résonneraient avec le son actuel, que de fil en aiguille le groupe est remonté sur scène et a réenregistré la musique du passé. Mais le goût de la scène a pris le dessus et le groupe de death/grind a donné suite au travail des années 90 jusqu’à ce deuxième album, Sicknesses Obsessions.
S’il a déposé les armes pendant longtemps, le chanteur-guitariste Franck Peiffer nous confie dans l’entretien qui suit qu’il a toujours continué à suivre la scène locale et à supporter les camarades de l’époque. Nous sommes revenus longuement avec lui sur l’histoire du groupe, sur son amour irréversible pour le death old school et sur la fascination des Français pour la nécropsie et la pathologie. Pour autant pas question de céder à la facilité de faire dans le gore gratuitement comme le démontre ce nouvel opus. Putrid Offal est un groupe minutieux qui aborde son art avec intelligence.
« Nous avons toujours eu le truc de nous dire, à un moment donné : ‘Et si on se refaisait un peu les titres de l’époque ?’, mais sans réellement reconstruire le groupe en tant que tel. »
Radio Metal : Avant de commencer, j’aimerais faire un petit rappel historique. Putrid Offal est un groupe qui a presque trente ans d’existence. Les premières démos et les premiers splits sont sortis au début des années 1990. Vous vous êtes séparés en 1995, et vous êtes revenus en 2014 avec Suffering, puis en 2015 avec Mature Necropsy et la compilation Premature Necropsy. En fait, Mature Necropsy est, pour simplifier, le premier véritable album du groupe avec des versions réenregistrées de votre répertoire. Pour toi, quel est le vrai point de départ du groupe ? Est-ce que c’est vraiment au moment de sa formation, avant sa mise en sommeil, au début des années 1990, ou au moment de sa résurrection, aux alentours de 2014 ?
Franck Peiffer (chant & guitare) : Le vrai point de départ, c’est la formation dans les années 1990-1991. C’est vraiment la naissance du groupe. Après, la reformation en tant que telle, c’est une continuité de ce que nous avions fait. C’était un nouveau départ parce qu’il y a effectivement une suspension temporelle assez importante, mais pour moi, le point de départ, ce sont vraiment les années 1990, parce que c’est à partir de là que nous avons vraiment fixé les bases du groupe, avec les anciens membres du groupe. De toute façon, la reformation et tout ce qui a suivi derrière et que tu as décrit, c’est-à-dire Premature et Mature, ça restait dans la lignée de ce que nous avions créé dans les années 1990. Nous sommes vraiment dans une continuité. La première partie est la plus importante, pour moi.
Cette reformation était quand même une réelle surprise, à l’époque. Comment ça s’est décidé ? À quel moment vous êtes-vous dit que vous alliez réveiller la bête Putrid Offal ?
Le point de départ était vraiment un concours de circonstances. Je vois souvent Fred [Houriez] et nous n’avons jamais été vraiment éloignés les uns des autres. Nous avons toujours eu le truc de nous dire, à un moment donné : « Et si on se refaisait un peu les titres de l’époque ? », mais sans réellement reconstruire le groupe en tant que tel. Pour Phil [Reinhalter], c’est pareil, il fait partie de nos connaissances de l’adolescence. Nous avons vraiment un milieu, dans le Nord, où il y avait à l’époque Loudblast, Supuration, Nocturnal Fears, etc., donc nous avions vraiment un microcosme local qui était important au niveau de la région lilloise et valenciennoise. Nous nous voyions souvent et nous avons tous gardé des liens plus ou moins importants en fonction des personnes. Phil était à l’époque guitariste dans Forlorn Emotion. Il a continué de son côté et a formé un groupe qui s’appelle Division Alpha. Il a voulu créer son studio chez lui et il a commencé à monter ça seul. Et quand il a terminé son studio aux alentours de 2014, comme nous avions déjà émis l’idée de rejouer ensemble sans reformer le groupe, il nous a proposé de réenregistrer tous les morceaux de l’époque pour voir ce que ça pouvait donner avec le son actuel. À ce stade-là, nous nous sommes dit : « Allez, pourquoi pas ? » Nous n’avions plus de batteur, donc nous avons fait tout ça avec une boîte à rythmes que nous avons programmée. Nous avons enregistré les morceaux, et derrière, pour avoir un retour sur le travail, Phil les a fait écouter à droite et à gauche à des copains. C’est remonté aux oreilles de Nico [Williart], qui était le patron du label Kaotoxin Records à l’époque et qui était un grand fan de Putrid des années 1990. Quand il a entendu ça, il nous a contactés en nous disant : « Si ça vous intéresse, on met ça sur CD et on ressort ça sur vinyle et compagnie. » La seule contrepartie, pour éviter que ça se casse trop la gueule parce que son label ne faisait que commencer, c’était qu’il fallait promouvoir au maximum les supports, donc ça passait par le fait de faire des concerts. Nous nous sommes donc dit que c’était l’occasion, et à partir de là, nous nous sommes dit : « On va essayer de reformer le groupe. » Ça s’est fait comme ça, vraiment dans la foulée. C’était vraiment un concours de circonstances. Si nous n’étions pas tombés sur Nico, je pense que nous n’aurions jamais fait tout ça.
Donc à la base, vous vouliez rejouer ensemble, mais pas forcément enregistrer à nouveau…
Oui. Nous avons profité du studio de Phil, qui nous a donné le matériel et qui a aussi participé, parce que j’avais arrêté la guitare pendant quasiment toute cette période-là. Pendant vingt ans, je n’ai quasiment plus touché la gratte. À l’époque, en 1990, c’était moi qui faisais la guitare et le chant. Donc Phil, plutôt que d’attendre que je me remette à niveau pour pouvoir enregistrer ça correctement, m’a dit : « Moi, je suis guitariste. Vu que j’ai continué à jouer de la guitare, je peux te faire les guitares, si tu veux, et tu poses le chant. » C’est aussi ce qui a permis de refaire le groupe, tel qu’il est aujourd’hui, en termes de line-up. Nous avons donc enregistré, et nous avons gardé cette structure-là au niveau du line-up.
Pendant ces deux décennies, quel était ton rapport à la musique, à la scène death ou à la scène metal en général ? Étais-tu dans l’ombre ? Avais-tu décroché ? Que s’est-il passé après le split de Putrid Offal jusqu’à cette période-là ?
Ça s’est fait en deux temps. Après le split de Putrid, j’ai monté un autre groupe avec Fred qui s’appelle M.Pheral. C’était plus de l’indus, parce que nous avions vraiment eu du mal à retrouver un batteur ; nous étions un peu dans la mouvance Pitchshifter et compagnie, donc nous ne nous faisions pas chier avec un batteur. Nous faisions de la programmation, nous faisions du metal, mais vraiment typé indus. Ça a duré deux, trois ans, puis avec le boulot, nous avons décidé d’arrêter, chacun faisant sa vie de son côté. Et moi, à ce stade-là, j’ai complètement arrêté la musique. J’ai continué à aller voir des concerts, à aller voir les potes qui jouaient, mais je ne me suis vraiment plus impliqué dans des projets musicaux pendant cette période-là. Tout comme Fred, d’ailleurs. Que ce soit Fred ou moi, nous avons vraiment tout arrêté dans la musique. Nous jouions un peu chez nous, mais nous n’avions pas de projet particulier. Par contre, effectivement, nous avons continué à côtoyer Phil, les mecs de Loudblast, etc.
La façon dont tu décris le truc quand tu parles de la réunification du groupe, on a l’impression que c’était : « On reprend notre délire de jeunesse, on ne veut rien en faire de sérieux », mais que finalement, ça s’est fait de fil en aiguille, et c’est redevenu sérieux…
Oui, je l’ai vraiment vécu comme ça ! Il y avait effectivement ce truc de se dire : « On a tous des vies plus ou moins posées, au niveau familial tout est carré, tout le monde a un boulot… Donc, tiens, on va s’occuper ! » Et nous avions vraiment envie de rejouer ce que nous avions fait à l’époque, mais c’était vraiment pour du pur plaisir. Cet enchaînement avec Nico, avec Phil derrière, ça a relancé la machine, et au fur et à mesure, il y a eu des obligations. Comme je l’ai dit tout à l’heure, il fallait absolument promouvoir. Pour que Nico s’en sorte, il faut vendre, donc il faut faire de la promotion. Pour ce type de musique, le plus direct, c’est de faire des concerts. Forcément, il y a obligation de s’investir un peu plus que de se faire plaisir. Il faut s’entraîner, il faut répéter… Il a fallu complètement relancer la machine de A à Z.
« Pour ce type de musique, le plus direct [pour faire de la promo], c’est de faire des concerts. Forcément, il y a obligation de s’investir un peu plus que de se faire plaisir. Il faut s’entraîner, il faut répéter… Il a fallu complètement relancer la machine de A à Z. »
Avais-tu une appréhension de savoir si le public répondrait présent, de savoir s’il fallait peut-être plus se tourner vers les plus jeunes générations, car peut-être que ceux qui écoutaient du death dans les années 1990 ne seraient plus là ? Comment as-tu perçu ça ?
J’avais une grosse appréhension dans le sens où j’étais resté sur les bases des années 1990. C’est-à-dire qu’à l’époque, il n’y avait pas d’Internet, et nous avions très peu de retours sur ce que nous avions fait. C’est-à-dire qu’il y avait le tape trading et compagnie, il y avait les échanges de cassettes, les courriers postaux… J’avais quelques courriers de l’étranger, des échanges, etc., quelques retours de fanzines manuscrits mais au final, nous n’avions aucun retour – sans avoir la grosse tête – sur le « succès » du groupe sur la scène metal à l’époque. C’est ce qui nous a aussi aidés à arrêter le groupe. Comme nous ne savions pas si ça marchait ou pas, nous nous sommes dit : « On arrête. De toute façon, on n’a pas de pression pour arrêter ou pour continuer. » A cette époque-là, nous n’avions pas du tout de retours. Quand nous avons relancé, nous nous sommes dit : « Ok, Nico, il est fan, mais bon… » Et il nous a dit : « Si, si ! Vous allez voir, ça va remarcher ! Il y a beaucoup de gens qui vont apprécier ! » Pour nous, c’était assez aléatoire. Nous nous demandions vraiment quel était l’apport du groupe à l’époque. C’est vrai qu’au final, au fur et à mesure que nous avons commencé à faire des concerts, nous avions des facilités grâce à ça, notamment à l’Obscene Extreme, quand nous avons joué en République tchèque. C’est quand même notre deuxième concert après la reformation. Curby, l’organisateur du festival, était aussi un fan de l’époque ! Quand un mec de République tchèque te dit : « Moi, j’ai votre skeud de 1991, je veux que vous jouiez à mon festival ! », tu t’interroges, tu te dis : « Merde, je ne pensais pas qu’on avait été aussi loin ! » Donc effectivement, une grosse appréhension, et au final, avec le retour des premiers mois à la sortie de Mature, nous nous sommes rendu compte que nous avions laissé une petite trace. Nous n’avons commencé à nous en apercevoir qu’à cette période-là.
Ce sont des hypothèses, mais penses-tu que si à l’époque, tu avais eu accès à l’information comme on l’a actuellement avec Internet, où tu vois le retour du public quasiment immédiatement, il n’y aurait pas eu d’arrêt de Putrid Offal ?
Je ne saurais pas dire si nous nous serions arrêtés, mais disons que nous aurions eu plus de difficulté à prendre la décision, ça, c’est clair. À un moment donné, tu te dis : « On s’investit, on n’a pas de retours. Qu’est-ce qu’on fait ? On s’arrête ou on ne s’arrête pas ? On n’a pas de retours, donc on s’arrête. » Parce qu’à un moment, nous avions aussi des contraintes qui ont fait qu’il y avait un éloignement géographique. Nous étions tous de la région valenciennoise et j’ai dû m’expatrier dans le Calaisis pour aller chercher du boulot. Nous n’avions pas Internet, donc ça devenait compliqué, à un moment donné, avec la distance physique, géographique, de pouvoir continuer à faire un groupe. Ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Si tu prends le cas Putrid Offal aujourd’hui, je suis sur Calais, le batteur est sur Bruxelles, les deux autres sont dans le Valenciennois… On va dire que ce n’est pas si facile que ça pour pouvoir se rencontrer et répéter, mais c’est moins gênant que ce que pouvait être la distanciation physique dans les années 1990. Donc à savoir si nous aurions peut-être continué, je ne saurais pas te le confirmer, mais c’est vrai que, malheureusement, le fait de ne pas avoir de retour a facilité le fait que nous ayons arrêté. Ça, c’est clair.
Le deuxième album, Sicknesses Obsessions, est un album avec du contenu purement inédit, même si le public a déjà pu entendre des titres comme « Let There Be Rot », « Livor Mortis », et « Necrotic Mutilation » en live depuis 2016. C’est donc à nouveau un opus qui rassemble plusieurs années de travail. Sur combien de temps s’est étalée la composition de cet opus ?
C’est un choix que nous avons fait dès le départ. Comme il a fallu que nous jouions sur scène rapidement avec la sortie de Mature, quand on fait ce genre de style-là, quand tu veux jouer quarante, quarante-cinq minutes sur scène, il faut aussi du contenu. C’est ce qu’il nous manquait quand tu fais la somme totale des morceaux de Mature, nous ne pouvions pas jouer plus d’une demi-heure. Résultat des courses, il a fallu que nous composions tout de suite, dès le départ, à la sortie de Mature, pour pouvoir tenir un peu plus longtemps sur scène. Forcément, les morceaux que tu as cités font partie de ces titres que nous avons écrits tout de suite pour la scène et que nous avons continué à jouer, quasiment tout le temps, sur toutes les scènes que nous avons pu faire, pour justement avoir suffisamment de matière. Et nous avons continué à écrire jusqu’à quasiment 2019. Donc l’écriture s’est quasiment faite sur cinq ans. Mais pour te donner un ordre d’idée, pour Sicknesses, nous avons quand même écrit vingt-six titres en tout, or sur le CD, tu n’en retrouves que dix-sept. C’était un choix plus judicieux.
Ce surplus-là, va-t-il être réutilisé ? Ou ce sont des morceaux qui ont été mis de côté parce que ça ne correspondait pas à ce qui pouvait être sorti ?
Ça dépend du label. L’objectif était de faire une trentaine de morceaux, pour justement avoir suffisamment de marge pour faire le choix final et prendre vraiment les meilleurs. Mais sur les vingt-six titres que nous avons retenus à la fin, nous avons encore dû faire le choix parmi les vingt-six pour le CD. Ça veut dire qu’il y a quand même des titres qui auraient mérité d’y être. Si nous avons l’opportunité de faire des EP, ou des splits à droite à gauche, nous les utiliserons. Si l’actualité fait que nous n’avons pas d’autre possibilité, ils resteront en qualité de bonus pour plus tard, voire ne sortiront jamais. Ça dépendra de la tournure des événements par rapport à la pandémie qu’il y a actuellement. C’est compliqué à ce niveau-là.
« Ce que nous essayons de faire, c’est que même en ayant un son ‘crade’, on arrive à bien définir et bien écouter chaque partie, parce que nous estimons que chaque instrument a sa part dans le groupe et doit être entendu. »
Le death metal de Putrid Offal est assez caractéristique, et ce deuxième album est dans la même veine que le premier. On a toujours des inspirations de la scène death de la fin des années 1980 et début des années 1990, avec de petites touches subtiles en plus, comme le clavier et le chant grégorien que l’on retrouve sur cet opus avec « Skilled Ritual ». Il y aussi du chant féminin en arrière-plan, comme sur « Charnel House ». Comment définirais-tu le son, la patte death metal de Putrid Offal ?
Déjà, une des caractéristiques, c’est que je suis assez fan du death suédois. C’est-à-dire qu’il faut un son de guitare assez gras, mais qui reste suffisamment précis à l’écoute, et puis un côté assez brutal dans les morceaux. Il y a des morceaux purement grind comme « Glorify Me », qui dure à peu près une trentaine de secondes, et il y a « Charnel House » qui dure à peu près quatre minutes… Que le morceau soit court ou qu’il soit long, il s’agit de lui donner un aspect brutal tout en étant bien défini. La difficulté, quand tu navigues entre le death et le grind, c’est que parfois tu trouves des groupes de grind où c’est quasiment du bruit, c’est-à-dire que tu n’arrives pas à discerner la batterie de la basse, de la guitare… Ce que nous essayons de faire, c’est que même en ayant un son « crade », on arrive à bien définir et bien écouter chaque partie, parce que nous estimons que chaque instrument a sa part dans le groupe et doit être entendu. C’est vraiment une prépondérance que nous essayons de garder d’un album à l’autre, en ayant une production qui est suffisamment précise. Ce n’est pas évident, d’ailleurs, car nous en avons vraiment chié pour déterminer le son ! Ça a mis du temps, et même des « engueulades », parce qu’il a vraiment fallu faire des choix [rires]. C’était assez compliqué à ce niveau-là, mais l’objectif était d’avoir une ambiance crade, mais suffisamment précise à l’écoute.
Tu l’as dit, ça reste un death assez agressif. Derrière ces arrangements, avec les chœurs, les chants féminins etc., quelle est la volonté ? Est-ce que c’est de rendre l’album plus immersif ou c’est de rajouter plus de couleur aux compositions ? Parce que cela arrive assez ponctuellement sur l’ensemble de l’album…
En fait, nous avons fait un parallèle avec ce que nous avions fait aussi bien en 1991 qu’avec la réécriture de Mature. Quand tu fais un album de grind ou de death-grind assez brutal, l’important c’est que, quand tu veux l’écouter d’une seule traite, de manière complète, tu n’aies pas l’impression entre le premier morceau et le dernier morceau d’avoir entendu la même chose. L’objectif était, tout comme en 1991, que chaque titre ait vraiment son son, sa spécificité, soit de structure, soit d’apports comme « Garroting Way », avec le chant grégorien, ou avec « Skilled Ritual » aujourd’hui. C’était vraiment d’avoir des choses qui arrivent de manière épisodique, pour apporter quelque chose au titre, et ne pas l’avoir de manière récurrente sur l’ensemble du CD, parce qu’après, ça devient chiant, car tu le retrouves partout. Il s’agit de se dire : « Tiens, ce titre-là, il a telle spécificité. » Tu écoutes le suivant : « Tiens, il y en a une autre ! », soit par le chant, soit par la composition, la structure… Il s’agit d’écouter quinze ou seize titres et d’avoir vraiment quinze ou seize titres différents à l’écoute. C’est ce qui permet d’avoir, pour nous, une écoute beaucoup plus intéressante. Il fallait amener quelque chose en plus. L’objectif était aussi d’amener quelque chose qui était différent ce qu’on pouvait entendre actuellement, c’est-à-dire pas que de la guitare, pas que du chant guttural, et apporter quelque chose en plus. Le seul petit détail, c’est qu’avec le chant grégorien, nous voulions aussi faire un lien avec ce que nous avions fait en 1991. Il fallait trouver un morceau qui permette de faire ce lien « historique » entre les deux morceaux, pour faire la continuité.
Oui, parce que ce n’est pas très fréquent d’avoir du chant grégorien dans le death-grind !
Non ! [Rires] Je ne vais pas dire que c’est une spécialité de Putrid, car je ne sais pas si d’autres l’ont fait, mais c’est de se dire : « On l’a fait dans les années 90, on va le refaire aujourd’hui. » C’est sur un morceau complètement différent, parce que « Skilled Ritual » est vraiment différent du morceau de 1991. Nous voulions garder l’esprit, tout comme le reste, du contexte de Putrid.
Comme son nom l’indique, Sicknesses Obsessions s’intéresse à la pathologie, et plus particulièrement à son exploration et à sa découverte par la nécropsie. J’ai lu sur le communiqué de presse que vous évoquiez notamment André Vésale, qui est considéré comme un des plus grands anatomistes. En fait, l’album a l’air de se présenter comme une sorte d’autopsie de l’autopsie… Est-ce que c’est comme ça que tu le vois ?
Nous voulions garder les thèmes que nous avions déjà abordés, c’est-à-dire le milieu médical assez gore, sans aller non plus dans l’effusion de sang. Quand nous sommes tombés sur le travail d’André Vésale, ça correspondait vraiment à ce que nous voulions montrer en termes d’image au niveau du groupe, c’est-à-dire, du gore, sans être du gore. C’est ce gars qui a mené à la manière dont on a commencé à faire des autopsies et à la découverte de l’anatomie. C’est lui qui a fait entrer l’anatomie dans la modernité d’aujourd’hui. C’est ce que nous voulions apporter aussi. Nous voulions décrire des scènes qui parlent toujours du même thème, mais ce sont des scènes différentes, soit sur la recherche du corps humain et de ses particularités, soit sur le côté un peu plus gore, selon les textes. Ça fait aussi le lien avec la pochette, il s’agissait d’essayer de montrer quelque chose qui pourrait paraître dégueulasse ou gore, sans être non plus à l’ancienne mode de Carcass, où l’on voit des photos où il n’y a pas de filtre. Nous voulions vraiment garder cet esprit-là et essayer de se rapprocher le plus possible de cette thématique-là.
Pourquoi mettre un point d’honneur à illustrer, dans le travail de Putrid Offal, quelque chose qui peut paraître gore – comme tu l’as dit, car vous ne faites pas du gore pour du gore – mais qui fait simplement partie de la recherche et donc, à terme, de la prolongation de la vie ?
Encore une fois, c’est déjà, à la base, une histoire de se démarquer, parce que quand tu es catalogué pour faire du gore-grind, du death-gore, et compagnie, la première image que tu as, ce sont des trucs sanguinolents, des images chocs, et compagnie. C’est donc forcément une recherche d’originalité, c’est le fait de se démarquer des autres, c’est de se dire : qu’est-ce qu’on peut apporter de plus dans cette description-là ? C’est justement de se démarquer par le fait de jouer un peu sur les a priori et sur cette image-là, essayer de rendre soft ce qui est dégueulasse. Je ne sais pas si tu as regardé le clip, mais c’est montrer sans montrer. C’est la limite entre un film d’horreur bien gore et un film comme L’Exorciste, avec des sous-entendus, où c’est à la personne de réfléchir, d’imaginer ce qu’elle veut voir derrière. C’est une manière de se démarquer et d’essayer de trouver une image spécifique au groupe.
« Quand nous sommes tombés sur le travail d’André Vésale, ça correspondait vraiment à ce que nous voulions montrer en termes d’image au niveau du groupe, c’est-à-dire, du gore, sans être du gore. »
Ces inspirations-là viennent d’une recherche personnelle autour de ces thématiques, ou est-ce lié à votre vie personnelle ou professionnelle ? Si je te demande ça, c’est parce que, par exemple, Julien Truchan de Benighted, qui est infirmier psy, s’inspire de son propre métier pour écrire ses textes, donc peut-être que chez vous il y avait un médecin légiste…
Non ! [Rires] Nous n’avons pas tout ça ! Personnellement, j’encadre des conducteurs de train, pour faire simple, et j’ai fait aussi de l’astreinte où j’intervenais notamment sur des accidents de personnes, mais ce n’est pas pour autant que je ramenais des photos à la maison… [Rires] J’ai donc effectivement côtoyé des situations un peu gores. De toute façon, ce n’est pas moi qui écris les paroles, c’est Fred, le bassiste, et lui est journaliste sportif. Donc il n’y a vraiment aucun lien entre nos vies privées et ce que nous pouvons raconter sur nos textes. C’est vraiment plus un choix artistique et une « fascination » sur cette partie-là. Ce sont donc des recherches personnelles que nous pouvons faire sur des bouquins ou sur Internet maintenant qui nous ont amenés à faire ce genre de textes.
Tu as parlé de la pochette. Elle a été réalisée par le guitariste Philippe Reinhalter, c’est aussi lui qui a enregistré et mixé l’album. Tu as parlé de la volonté d’avoir un appui historique sur le concept de l’album et sur l’idée que ce ne soit pas du gore pour du gore, mais plutôt lié à une réalité, comment ça s’est passé pour concrétiser ça visuellement ?
Cette pochette-là a vraiment mis du temps à sortir. En fait, pendant tous les concerts que nous avons pu faire avant la création de la pochette, c’étaient des occasions où nous nous voyions vraiment ensemble et où nous pouvions discuter, en backstage et compagnie, et où nous avons pu déterminer les « lignes directrices » de ce que nous voulions. C’est-à-dire qu’il ne fallait pas que ce soit gore pour faire du gore, qu’il ne fallait pas qu’il y ait d’image à caractère vraiment explicite et qu’il fallait essayer d’harmoniser avec ce que nous avions pu faire avant. Phil est parti de ça, et nous avons commencé à travailler sur les images. Nous nous sommes à chaque fois échangé des thèmes, j’ai fait pas mal de pochettes, et même si elles n’ont pas forcément toutes été retenues, ça a donné des « directions » sur lesquelles Phil a pu travailler, jusqu’à arriver à cette pochette-là. Par exemple, pour le livret, c’est moi qui ai travaillé dessus, pour essayer de vraiment donner la direction sur le choix des couleurs, de la matière ou des choses comme ça. Et après, derrière, comme Phil avait déjà fait la pochette, il a fait un gros travail d’harmonisation en termes de colorimétrie et de présentation pour garder une certaine fluidité au niveau du regard, pour éviter qu’il y ait un trop gros décalage entre la pochette et le livret, pour garder un thème quasiment identique. Il y a eu des échanges, ça a duré des mois, il y a une dizaine de projets qui sont sortis avant d’arriver à la pochette. Ça a vraiment été très long. C’était même assez compliqué, nous avions l’impression que nous n’arriverions pas à nous en sortir. L’avantage d’Internet, c’est que ça va assez vite pour échanger, mais c’était beaucoup plus compliqué que ça ne l’avait été sur Mature.
Parce qu’il y avait vraiment une exigence de cohérence, que ce soit dans le graphisme ou le rapport conceptuel à la musique…
Oui. Après, ce n’est pas forcément le cas dans tous les groupes, mais chez nous, chacun a droit à la parole, chacun donne son avis, et nous essayons vraiment de couvrir la totalité des avis. C’est-à-dire que nous ne voulons pas qu’il y en ait un qui soit « frustré » par rapport aux autres. Nous essayons d’écouter toutes les requêtes, toutes les critiques que peut apporter chacun. C’est bien, parce que ça donne vraiment une implication de tout le groupe pour que ça avance, mais la contrepartie, c’est que ça devient très compliqué quand tu as quatre membres, car il faut vraiment trouver quelque chose qui plaise aux quatre. C’est extrêmement difficile de trouver un équilibre qui puisse convenir à tout le monde. C’est aussi ce qui rallonge le temps de travail et de réflexion.
Tu as évoqué tout à l’heure la scène lilloise. Un point fort de Sicknesses Obsessions, c’est sa pluralité de chants, avec les growls death, dont le tien évidemment, mais également ceux de plusieurs invités, comme Stéphane Buriez de Loudblast, ou Arno de Black Bomb A. Ce sont des personnes que tu connais depuis longtemps, j’imagine. Peux-tu nous en dire un peu plus sur leur participation sur cet opus, comment ça s’est fait, comment ils ont porté leur voix sur l’album ?
Pour Stéphane, c’est assez simple. Effectivement, nous côtoyons les gens de Loudblast. J’habite à dix kilomètres d’Hervé Coquerel, leur batteur, donc nous nous voyons très fréquemment. Stéphane, même s’il habite sur Paris, nous le côtoyons assez souvent, nous le voyons souvent dans des concerts et compagnie. Quand nous avons décidé en 2014 de réenregistrer les morceaux et de les sortir sur CD, vu qu’il nous avait pas mal aidés dans les années 1990, lors de la première phase de Putrid, nous nous étions dit que ce serait sympa de faire intervenir Stéphane pour apporter ses growls à ce moment-là. Comme nous avions dû faire des titres assez rapidement, quand Stéphane était venu faire ses sessions de chant pour Mature, nous lui avions demandé de faire des sessions de chant sur les nouveaux titres que nous avions déjà créés, et nous avons gardé ses maquettes de chant. Quand nous avons enregistré Sicknesses, nous avons réenregistré les maquettes que nous avions faites des premiers titres et nous avons réutilisé des embryons de chant qu’avait faits Stéphane à l’époque pour pouvoir les insérer, d’où le retour de Stéphane sur cet album-là. Il n’est pas venu réenregistrer sur la dernière phase, mais nous avons réutilisé des échantillons que nous avions gardés à l’époque. Par contre, nous avons pris le pli, tout comme sur Mature, de faire venir un pote à chaque fois, parce que c’est aussi un moment intéressant. Quand tu enregistres chez toi, t’as le temps, et ça te permet de faire venir des amis pour partager le plaisir que nous avons à enregistrer. Hervé habite donc à dix minutes et Arno habite à vingt minutes de chez moi, donc nous nous voyons assez souvent aussi.
« Je suis un gros fan de death suédois […]. Entre un Cattle Decapitation et un Firespawn, pour moi il n’y a pas photo. »
J’aime bien Black Bomb A, donc je vais souvent à leurs concerts, et j’ai toujours été impressionné par sa voix. Il a une voix vraiment typée et je l’ai toujours trouvée intéressante par rapport à mon chant, parce que c’est vraiment un chant complètement différent, en termes de puissance, en termes de sonorité. Quand nous avons cherché à savoir qui nous allions inviter, j’ai proposé Arno en disant : « Avec son timbre et son type de voix, il y a peut-être matière à faire quelque chose. » Nous sommes tous tombés d’accord. A ce moment-là, j’ai contacté Arno, qui a tout de suite répondu présent, et quand nous avons fini les morceaux, il est venu enregistrer chez Phil, et ça s’est super bien passé. L’avantage de gars comme ça, c’est que nous avions défini quelques morceaux sur lesquels nous pensions qu’il allait intervenir, nous lui avions filé les textes, et nous avons fait ça dans la journée. Ça a vite matché, ça a tout de suite été assez efficace. Mais nous ne savions pas du tout ce que ça pouvait amener. Nous avions forcément une idée, par rapport à son timbre. Le but, c’était vraiment d’avoir une sonorité, tout comme avec Stéphane, complètement différente de la mienne, pour justement qu’il y ait un plus, parce que si c’est pour faire la même voix que moi, ça n’a aucun sens, hormis le fait de mettre son nom sur la pochette. Pour « Skilled Ritual », je pense que c’était vraiment l’idéal par rapport à son chant. Nous voulions vraiment que ça apporte une plus-value par rapport à mon chant. Ça s’est passé de la même manière pour les chants féminins.
D’ailleurs, peux-tu nous dire qui sont les chanteuses qui posent leur voix sur cet album ?
Sur l’intro, « Autopsy », c’est une ancienne collègue de mon épouse, qui était prof d’anglais, qui est artiste peintre et que nous voyons souvent, parce qu’elle est sur Boulogne, donc pas loin de chez nous. Nous cherchions quelqu’un qui avait un niveau d’anglais suffisant pour pouvoir faire l’intro, car nous voulions faire une intro spécifique d’une autopsie en anglais. Plutôt que de pomper ça sur Internet, nous voulions vraiment recréer cette scène, donc il nous fallait quelqu’un qui touche quand même suffisamment en anglais pour ne pas avoir d’accent boulonnais ou parisien, à deux balles… Nous nous sommes dit : « Pourquoi pas elle ? » Je l’ai contactée et j’ai été chez elle pour enregistrer, et c’était impeccable. La deuxième personne, c’est Hélène Le Deist, l’ancienne petite amie d’Hervé Coquerel, qui joue dans un groupe qui s’appelle Les Patronnes, une formation qui reprend des chants étrangers en les transposant en français, et qui chante tout a capella. Nous nous sommes aperçus qu’elle avait un timbre assez particulier, avec une facilité de chant lyrique assez impressionnante. Nous nous sommes dit : « On va essayer pour voir ce que ça donne. » Pareil, nous ne savions pas du tout ce que ça pouvait apporter, mais nous voulions essayer. Nous avons donc pris une journée pour la faire venir au studio, nous avons fait des essais, et nous avons trouvé que c’était vraiment intéressant. Ça amenait quelque chose de vraiment différent de ce que nous pouvions écouter jusqu’à présent. Nous avons tout enregistré dans la journée.
Comme on l’a dit, certains titres ont déjà été joués en live depuis pas mal de temps, et tu as développé sur le fait que c’était le live qui vous avait amenés au studio. J’imagine que l’ensemble des titres de cet album est composé pour que tout puisse être joué en live ?
Oui ! Même s’il y a une grosse majorité des titres qui a été enregistrée après les cinq premiers qu’on a cités tout à l’heure. Tous les titres ont été écrits de manière à pouvoir être joués sur scène, même s’ils ne sont pas joués forcément de la même manière – parce que nous pouvons les modifier pour que ça ait plus d’appui sur scène. Vu que nous avons suffisamment de matière pour jouer quarante-cinq, cinquante minutes, voire même une heure ou une heure quinze, l’objectif est d’avoir une panoplie de titres qui permettent, en fonction du concert ou du festival – si c’est un festival plutôt death ou plutôt grind –, de dire que maintenant, nous pouvons choisir les titres. C’est une chose que nous ne pouvions pas faire avant, parce que quand on nous demandait de jouer quarante-cinq minutes, il fallait que nous jouions l’ensemble des morceaux. Maintenant, nous avons le choix. Nous savons que nous commençons à avoir un stock suffisant, et que nous pouvons adapter la « brutalité » des titres en fonction du concert que nous allons avoir à faire. Il fallait absolument que chaque titre puisse être joué sur scène. Même si ça rend certains points assez difficiles, parce que forcément, quand tu commences à taper dans le dur, il faut suivre, physiquement.
Par exemple, si vous avez un concert à l’Obscene Extreme, car tu as évoqué ce festival tout à l’heure, vous allez mettre une grosse pression sur les titres qui sont purement grind ?
Purement grind ou qui ont vraiment des passages groove, avec le public qui va commencer à vouloir aller sur scène… C’est vraiment trouver des morceaux qui seront peut-être moins typés death metal que d’autres, parce que les gens sont demandeurs, dans tel ou tel festival de tel style. Forcément, ça nous laisse plus de marge que ce que nous pouvions avoir avant. Mais effectivement, ça amène d’autres contraintes, c’est clair.
C’est assez difficile de se projeter en ce moment, en ce qui concerne le live, à cause de la pandémie, comme tu l’as dit. Mais y avait-il des projets de tourner juste avant la crise sanitaire ? Vous aviez peut-être déjà bouclé des dates avant ça ?
Oui, nous avions déjà des dates de bouclées. Il faut déjà savoir qu’à la base, l’album devait sortir au mois de mai. Nous avons dû annuler la sortie, parce qu’au moment du choix, nous ne savions pas du tout si l’usine de fabrication de CD allait pouvoir assumer les stocks avant la date fatidique. Le label, n’ayant pas la garantie, a dit qu’il fallait reporter. C’était donc reporté pour avoir une sortie pendant juillet-août, mais nous n’étions pas très chauds. Sans savoir ce qu’allait donner la pandémie, nous avons voulu nous garder une marge et faire ça en septembre. Mais nous avions l’opportunité de jouer au mois de mai quelques dates pour la sortie de l’album qui sont toutes tombées à l’eau, parce qu’elles ont été annulées ou reportées à l’année suivante, notamment un festival allemand où nous devions jouer, qui a été reporté à l’année prochaine. Derrière, d’autres dates ont été prévues. Nous devrions jouer deux dates fin septembre, au OUTCH ! Festival et au Molodoï à Strasbourg, sans avoir de garantie que ça se maintienne. D’ici la fin de l’année, nous avons une date en Allemagne, une date en Belgique, une date en République tchèque… Pareil, ces dates-là, est-ce qu’elles seront maintenues ? Sachant que nous avions regardé pour faire une semaine de petite tournée avec Otargos, et c’est tombé à l’eau, car de toute façon, les organisateurs ne sont pas prêts à accepter des dates comme ça à l’avance, vu l’état sanitaire. C’est vraiment une période assez difficile, qui tombe vraiment très mal. C’est le lot de tout le monde, mais c’est vraiment pénible, parce que pour un groupe underground, le seul moyen de se faire connaître, c’est les concerts, et malheureusement, ça ne se fait pas. Il ne reste plus que le bouche-à-oreille, les radios et Internet.
« Ce qu’il faut absolument, quand on aura la possibilité de le faire, c’est-à-dire quand on aura enfin l’autorisation du gouvernement d’ouvrir les salles, c’est d’aller s’engouffrer dans les salles obscures, aller soutenir les groupes quels qu’ils soient, surtout la scène locale, parce que c’est ce qui fait vivre les groupes, c’est ce qui fait vivre les petites salles, c’est ce qui fait vivre les organisateurs de festivals. »
Pour continuer à parler du live, on va revenir en 2017 et sur une date en particulier, le Hellfest. Vous proposez un DVD live sur cet opus, avec le show capté lors de votre prestation. Quel retour avez-vous eu à ce moment-là ? Est-ce qu’on peut imaginer que c’est votre plus gros concert avec le plus large public de votre carrière au Hellfest ?
Au Hellfest, c’est divisé par scènes, avec l’Altar, le Temple, etc., sans parler des Mainstages. En plus, nous jouions le vendredi, donc on va dire qu’il y avait un peu moins de monde qu’à l’Obscene Extreme, où tu n’as qu’une seule scène et où tout le monde est là tout le temps. Mais ça a une autre importance, parce qu’au Hellfest tu as vraiment une reconnaissance quasi internationale, car c’est effectivement vu par pas mal de monde, et c’était surtout pour nous le Graal, parce que nous ne pensions jamais avoir un jour l’opportunité de jouer dans un tel festival. De toute façon, en France, jouer au Hellfest, c’est le Graal pour n’importe quel groupe, puisque c’est l’endroit où tu vas avoir les meilleures conditions pour jouer, aussi bien techniques qu’au niveau de l’accueil du groupe ou qu’au niveau du public. Ce sont vraiment les conditions idéales. Le feedback que nous avons eu, c’était Noël avant l’heure, parce que nous avions le public qui était là, qui était vraiment demandeur, nous avions de super conditions pour jouer, en plus nous jouions en premier, donc nous avions eu du temps pour faire les balances, pour pouvoir nous installer sur scène sans gêner personne, donc c’était le moment idéal. En plus, comme nous avons eu la chance de pouvoir garder la captation vidéo, nous y avons gagné sur toute la ligne. C’était vraiment un concert mémorable pour chaque membre.
J’aimerais avoir ton regard sur la scène death metal, car tu l’as un peu évoquée tout à l’heure, et tu as quand même pu la voir évoluer au fil des années. Aujourd’hui, te retrouves-tu dans ce qu’il se fait de nouveau ?
Je suis d’une génération qui a grandi avec l’âge d’or du death metal, je pense, avec tous les gros groupes que l’on connaît actuellement, Entombed, Carcass, etc. Nous avons grandi avec eux et nous avons été imprégnés d’un style bien particulier. Même si j’écoute des nouveaux groupes, j’ai effectivement gardé ce côté old school. J’ai un peu de mal avec toutes ces parties de batterie ultra-brutales et ultra-précises, un peu type imprimante où c’est hyper-technique et c’est plus de la démonstration que ça ne sert au morceau. À la batterie, la chance que nous avons est d’avoir un gars comme Laye [Louhenapessy]. Nous avons vraiment trouvé un batteur qui est issu de la nouvelle génération et qui a donc un bon niveau technique, mais qui garde du jeu « classique » que nous avons pu connaître avant. Ce n’est pas typé imprimante, tu sens le côté humain, mais vraiment brutal, tout en étant bourrin à souhait. Je n’adhère pas trop au nouveau style de batterie ultra-technique. Pour moi, ça dessert le morceau. Je suis un gros fan de death suédois, donc forcément, tu ne joueras pas de la batterie comme ça sur du gros death suédois. Tu prends Firespawn, tu ne trouves pas ça. Entre un Cattle Decapitation et un Firespawn, pour moi il n’y a pas photo. J’écoute Cattle, mais ce n’est pas ça qui va me faire vibrer. Après, je comprends bien que les gens passent à autre chose et qu’ils soient plus attirés par ce style musical. Moi, ce n’est pas ma tasse de thé. De toute façon, après, dans ce que tu retrouves chez chaque membre du groupe, nous avons tous des directions musicales un peu différentes. Fred est celui qui écoute les trucs les plus bourrins, du Rotten Sound et compagnie. Phil est plus typé death metal pur avec Pestilence ou Death. Moi, c’est plus du death suédois. Laye, qui est issu d’une génération différente, écoute un peu plus de choses. C’est aussi ce qui fait Putrid, de toute façon. C’est vraiment ce mélange que l’on retrouve dans les compos entre grind et death old school.
J’allais justement te demander si tu validais cette appellation de death old school. Parce qu’au final, il y a encore plein de groupes qui restent dans ce registre-là et qui ne veulent pas en bouger, qui ne veulent pas faire une carrière à la Carcass qui est allé complètement sur autre chose. Est-ce que cette appellation de death old school te parle ?
Elle me parle parce que forcément, si je vais écouter tel groupe qui est old school, je sais ce que je vais entendre, ou du moins ce que je pense pouvoir entendre. Je n’aurai pas ce côté avec ce que je t’ai dit pour la batterie, par exemple. Pour moi, ça n’a pas un côté négatif, parce qu’à la base, de toute façon, nous jouons ce que nous aimons. Nous ne jouons pas pour dire : « Il faut qu’on vende plus, donc il faut faire le style d’aujourd’hui. » Nous, nous jouons le style que nous aimons, après ça passe ou ça ne passe pas. Ce sont des choix qui sont faits. Tout ce que nous avons fait, c’est qu’effectivement, nous avons fait évoluer le son. C’est vachement important car, encore une fois, nous recherchons la définition propre de chaque instrument. C’est-à-dire qu’il faut qu’on entende tout, de la manière la plus propre possible, tout en gardant le côté crade, qui fait que ça va sonner old school. Ça, c’est la plus grosse difficulté que nous avons pour avoir la signature de Putrid. Ça correspond bien à ce que nous faisons, parce qu’effectivement, les compos restent un peu typées années 1990, avec un son plus années 2000 ou 2020. Mais l’ensemble fait que nous avons encore un peu une étiquette old school.
Vous avez le groove, en tout cas. Tu as parlé d’Entombed, qui est une influence assez évidente. Vous gardez ce groove-là…
C’est ça. C’est parce que c’est moi qui pousse derrière pour avoir ce truc-là. Chacun pousse par rapport à son style musical primordial, donc nous essayons de contenter un peu tout le monde. Quand nous jouons, nous nous accaparons les morceaux, parce que ça fait partie de ce que nous entendons et de ce que nous aimons jouer. Donc nos influences vont remonter un peu et elles vont être mises en avant dans la composition.
Un dernier mot pour ceux qui nous lisent ?
Déjà, j’espère que tout le monde va bien, par rapport à la pandémie ! Mais surtout, ce qu’il faut absolument, quand on aura la possibilité de le faire, c’est-à-dire quand on aura enfin l’autorisation du gouvernement d’ouvrir les salles, c’est d’aller s’engouffrer dans les salles obscures, aller soutenir les groupes quels qu’ils soient, surtout la scène locale, parce que c’est ce qui fait vivre les groupes, c’est ce qui fait vivre les petites salles, c’est ce qui fait vivre les organisateurs de festivals. C’est surtout d’aller dans les petits concerts – sans forcément éviter d’aller aux gros, car chacun a le droit d’aller au Hellfest ou d’aller dans un gros festival –, c’est soutenir la scène locale, parce que c’est le pire moment qu’on vit en ce moment. On va avoir de grosses difficultés pour avoir des salles qui derrière vont nous permettre d’avoir une scène locale plus ou moins importante en fonction des endroits. Il faut absolument que les gens bougent leur cul et qu’ils supportent leur scène locale.
Interview réalisée par téléphone le 24 août 2020 par Jean-Florian Garel.
Retranscription : Robin Collas.
Facebook officiel de Putrid Offal : www.facebook.com/putridoffal.
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