Jørn Lande, non content d’avoir participé à la dernière doublette d’Avantasia, d’avoir réintégré le poste de frontman chez Masterplan et d’être en train de préparer un troisième opus avec Russell Allen, prévoit de sortir en juillet prochain un nouvel album solo sobrement intitulé « Dio ». Tiens, Dio, ce n’est pas le nom d’un chanteur rabougri, à la voix qui porte et que l’on rencontre généralement le bras tendu avec l’index et l’auriculaire en évidence ? Qu’est ce qu’il est devenu lui d’ailleurs ? Ah, ouais, merde, il est décédé il y a deux semaines. Saloperie de faucheuse, je ne m’y ferai jamais…
Alors, étant donné les circonstances, on se dit : « en voilà un autre qui cherche à profiter du sort d’un malheureux». Avec l’explosion de l’industrie du divertissement, le commerce de la mort a aussi connu une expansion sans précédents. A peine un artiste décède que les produits dérivés, rééditions et autres compilations fleurissent de toutes parts. Mais oui, il faut donner à tous ceux qui se sont soudainement découvert une passion pour l’artiste et son ?uvre les moyens matériels de mener leur deuil à bien.

Ronnie James Dio n’est bien sûr pas épargné, à peine deux semaines écoulées après sa mort. Manowar, par exemple, vient tout juste d’annoncer sa participation à un album hommage au chanteur intitulé « Magic – A Tribute To Ronnie James Dio » . Ce dernier couvrira toute la carrière de Dio et comprendra des reprises, en outre par Holyhell, Metalforce, Awaken, Avigal, Crosswind, etc. La crème de la crème en somme. La démarche n’étonnera personne. Le sens commercial de la bande à Joey DeMaio n’est plus à prouver. Il leur fallait réagir vite pour être les premiers sur le coup et Joey s’est donc jeté à l’eau aux côtés de tous les seconds couteaux de son entourage. Une ribambelle de joyeux guerriers qui, d’ailleurs, n’attendent que ça, qu’on leur demande quelque chose, n’importe quoi : un massage des pieds, tondre la pelouse, un album tribute à Dio…
Voilà donc Jørn Lande, pourtant moins connu pour son penchant mercantile, qui s’y met aussi avec un album de reprises agrémenté du titre « Song For Ronnie James ». Comment ça ? Le projet était prévu depuis longtemps ? Bien avant que Dio ne tombe malade ? Serais-je mauvaise langue ? C’est en effet ce qu’il semblerait d’après les dernières déclarations de Jørn :
« Beaucoup de gens sont trop occupés à essayer de réinventer le fil à couper le beurre, oubliant le talent, la qualité et l’originalité des gens qui ont ouvert la route, comme Ronnie James Dio. Mes intentions lorsque j’ai écrit ‘Song For Ronnie James’ étaient de m’agenouiller et rendre hommage à l’un des plus grands, les plus influents et uniques artistes que le monde ait jamais connu. Lorsque Ronnie est soudainement décédé, je n’étais plus très sûr si oui ou non je devais attendre un peu avant de sortir cette chanson, mais nous avons finalement décidé de continuer selon nos plans. ‘Song For Ronnie James’ a été écrite avant que Ronnie ne tombe malade l’année dernière, et cela m’attriste de savoir qu’il n’aura jamais l’occasion de l’entendre. Sans la présence de Ronnie, je ne serais jamais devenu l’artiste que je suis aujourd’hui. »
La démarche n’est en effet pas très étonnante en fin de compte. Jørn a toujours reconnu deux idoles publiquement. La première est bien entendu le gentleman hard rockeur David Coverdale. C’est une évidence car s’il y a bien une chose qui ne passe pas inaperçue chez Jørn, c’est son timbre de voix incroyablement proche de l’élégant chanteur de Whitesnake. A cet égard, cela n’a surpris personne lorsque, fin des années 90, Bernie Marsden et Micky Moody eux-même, ex-guitaristes du serpent blanc, lui ont demandé de les accompagner dans l’aventure The Snakes, depuis rebaptisée The Company Of Snakes. Voilà pour la première idole de Jørn Lande. La seconde, vous l’avez compris, c’est le sujet du jour : Ronnie James Dio. A Dio, Jørn a emprunté sa hargne et son phrasé lyrique, ce qui lui permet d’ailleurs, et fort heureusement, de se démarquer de sa première influence. Jørn n’a jamais caché sa passion pour le premier chanteur de Rainbow. On se souviendra de sa reprise du monumental Stargazer lorsqu’il officiait chez Mundanus Imperium. Une reprise fidèle où l’élève imite son maître à la perfection. Puis il y a eu les Kill The King de l’arc en ciel, Lonely Is The Word / Letters From Earth du Sab et Straight Through The Heart présents sur son album de reprises Unlocking The Past et le Live In America.
Pour autant, voilà aussi le problème de Jørn : il nous sert bien trop souvent le même plat. Non content de proposer aujourd’hui avec son groupe solo un hard incroyablement codifié et peu aventureux, il nous ressert sans arrêt des réenregistrements de ses propres chansons ou reprises. Pour preuve, les trois dernières reprises citées refont surface sur son album hommage à Dio !
Après, ne vous méprenez pas, Jørn est un très grand chanteur et les titres interprétés sont à la base tout bonnement exquis. Sans compter que Jørn leur fait réellement honneur : sa conviction donne la chair de poule. Seul un vrai passionné pouvait obtenir un résultat aussi probant. Le choix des reprises est d’ailleurs aussi celui d’un passionné. On retrouve des classiques tells que “Shame On The Night”, “Stand Up And Shout”, “Don’t Talk To Strangers” ou “Push”, mais aussi des titres bien moins évidents tels que “Lord Of The Last Day”, “Night People”, “Invisible” ou “Sunset Superman”. Pour toutes ces raisons et parce qu’en fin de compte l’hommage suinte la sincérité, ce disque procure un vrai plaisir d’écoute.
En revanche, il est légitime de poser l’interrogation suivante : qu’est ce que cette première piste ? « Song For Ronnie James », une composition originale en forme, on l’a compris, de déclaration. La démarche est, sans conteste, louable mais, par contre, quelle médiocrité ! 8 minutes où il ne se passe rien. Étant donné l’objectif de la chanson, je me sens presque mal de ne pas apprécier. J’aurai voulu crier au chef d’?uvre. Mais non, les écoutes successives n’y font rien, ça ne le fait pas du tout. Particulièrement en ouverture d’un disque et encore moins dans le cadre d’un hommage. Dire qu’en plus un clip a été filmé pour illustrer le titre…
Jørn est un chanteur très talentueux, souvent considéré comme l’un des plus doués de sa génération, mais il se perd dans ses caprices et surtout sa désespérante incapacité à juger correctement son propre travail. Il suffit de voir son enthousiasme débordant vis-à-vis de ses albums solos, pourtant de plus en plus médiocres, alors qu’il a participé par le passé à de réels chefs d’?uvres – mentionnons Burn The Sun de Ark et The Devil’s Hall Of Fame de Beyond Twilight – qu’il a définitivement relégué aux oubliettes. Ne parlons pas de son retour au sein de Masterplan qui, quant à lui, sent le mariage arrangé à plein nez. Jørn était parti en premier lieu pour divergence musicales. Pourtant, Masterplan n’a pas changé d’un iota. De là à dire que le corbeau bat de l’aile en solo et qu’il a donc besoin de redorer son blason avec des valeurs sûres, il n’y a qu’un pas. Pourtant, du coté de Ark, Tore Østby a probablement longtemps attendu un appel du Norvégien pour reprendre l’ascension, au sommet où ils s’étaient brutalement arrêtés. Mais voilà, visiblement ses ex-compères en ont eu assez d’attendre et le batteur John Macaluso a posté sur sa page Facebook en décembre 2009 que le nouvel album, intitulé Aradiokaos, était prêt. Et bien que son successeur n’ait pas été dévoilé, il semblerait que Jørn ne soit malheureusement pas de la partie.
Bordel, Jørn, REVEILLE TOI MEC !

Jørn à l’époque de Ark
Prenons tout de même un peu de recul et mettons-nous dans ses baskets. Jørn Lande n’a jamais caché que le metal progressif n’était tout simplement plus sa tasse de thé et que le hard restait son amour de toujours. Comprenons sa volonté de s’épanouir dans ce qu’il aime le plus, quitte à être moins bon, quitte à essuyer les critiques, quitte à rester petit, quitte à devoir se prostituer de temps à autres pour quand même sortir la tête de l’eau. Mais comment ne pas penser au gâchis que ce chanteur représente aujourd’hui ? Pour beaucoup, Jørn Lande est mort.
Finalement, cet album, Dio, pourrait bien en réalité être considéré comme une épitaphe rédigée en l’honneur, non pas d’un, mais de deux chanteurs disparus.
Effectivement, si le cas de Jorn semble sincère, il ne me semble pas que cela soit le cas de la bande de MANOWAR…
J’en profite pour signaler qu’un excellent tribute à DIO est sorti en 1999 chez century media avec entre autres BLIND GUARDIAN, PRIMAL FEAR, DORO, GAMMA RAY, FATES WARNING, GRAVE DIGGER, STRATOVARIUS, etc… sur un double cd intitulé « HOLY DIO »… ceux-là n’avaient rien prémédité…
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Hi RLM&co
Pour ou contre Lande? Jorn opportuniste? Mégalo, certainement,vu les propos rapportés cette dernière décennie par les respectueux Rock Hard Mag… mais assurément doué, inspiré et reconnaissant aussi d’un héritage heavy qui a forgé et son timbre et son répertoire: car Jorn, c’est comme Ronnie J.Dio (R.I.P), c’est The Voice!
Et ses reprises de Whitesnake & cie, comme ses propres compos, ça envoie bien comme j’aime!…et donc à sa place dans cet hommage, avec ou sans (seules) arrières-pensées commerciales…à écouter, donc!
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Et pourquoi ne veux tu pas croire qu’il a initié ce projet l’année dernière? Personnellement ça ne me choque pas, Jorn a toujours été un très grand fan de Dio et cet album ressemble en tout point a ce qu’il est capable de faire pour faire partager sa passion.
C’est évident qu’en sortant un tel album aujourd’hui tout le monde allait le traiter d’opportuniste. Comment aurai t-il dû réagir? Il s’est d’ailleurs apparemment posé la question de savoir s’il devait quand même sortir l’album…. Et franchement s’il avait vraiment fait ça suite au décès de Dio, crois tu vraiment qu’il aurait eu le temps d’enregistrer 10 titres, tourner un clip, commander un artwork, initier la promo, etc. le tout en deux semaines seulement? Soyons réaliste. Jorn est bourré de défauts mais reconnaissons lui au moins son intégrité dans cette démarche et un timing malheureux.
Imaginez la double peine de Jorn qui, non seulement a perdu l’une de ses plus grandes idoles, mais se fait aussi traiter d’opportuniste alors qui souhaitait depuis des mois lui rendre hommage de son vivant.
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En effet j’ai survolé l’article. Mais bon la majorité des gens trouvent qu’il fait ça pour s’en foutre plein les poches et je suis d’accord, bien évidemment il essaie de faire croire le contraire en disant que ca le fait chié que Dio ne puisse pas l’écouté.
Bref ce gars baisse énormément dans mon estime.
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Et à part ça, y’a moyen de lancer une pétition pour convaincre Manowar de ne PAS sortir cet album « hmmage » ? :/
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@Heineken:
Ben non, justement ce n’est pas ce que je dis, si tu lis bien tout l’article. Je met en évidence que Jorn a le mérite d’être sincère dans sa démarche par rapport à Dio. Qui plus est, il s’agit d’un projet qu’il a initié avant que Dio ne tombe malade. Et il explique justement que c’est précisément ce qui le désole : il ne pourra jamais pouvoir le lui faire écouter. D’ailleurs cet album de reprise est vraiment très bon (hormis l’ignoble titre d’ouverture) car la passion est réellement palpable.
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Tout a fait d’accord avec vous !
Un putain d’opportuniste…
Bref, un album que je n’achèterai pas.
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