Depuis ses débuts en 2001, Robin Staps, fondateur et principal compositeur de The Ocean, enchaîne les collaborations et les albums concept. Il n’a pas toujours été facile de suivre les mutations du collectif The Ocean avec ses musiciens qui vont, viennent et reviennent d’un album à un autre. Mais après la sortie en 2007 de Precambrian qui comptait encore une bonne trentaine de musiciens, l’entité The Ocean semblait enfin se stabiliser autour d’un line-up fixe plus restreint. Et c’est un véritable groupe au sens traditionnel du terme qui sortait en 2010 les deux volets d’un même projet conceptuel, Heliocentric et Anthropocentric.
Et le même noyau dur, à une variation près, revient jouer pour Pelagial. Robin Staps et Jonathan Nido toujours aux guitares, Luc Hess retrouve son siège derrière la batterie qu’il occupe depuis Heliocentric. Louis Jucker partage cette fois-ci la basse avec Chris Breuer, nouveau venu qui le remplace en intérimaire. Et Loïc Rossetti garde sa place derrière le micro afin d’être, pour la troisième fois consécutive, la voix de The Ocean. Robin Staps a repris la main sur l’écriture totale de l’album à l’exception des parties batterie et basse écrites par les intéressés, Jonathan Nido n’ayant pas participé cette fois-ci aux compositions comme il avait pu le faire sur Heliocentric.
Après les considérations épistémologiques et religieuses du duo Heliocentric/Anthropocentric, Robin Staps revient vers un thème plus géologique, dans la lignée de ses productions précédentes. Car il fallait bien qu’un jour The Ocean fasse honneur à son patronyme : avec Pelagial, le groupe explore en profondeur, en une longue et inexorable descente, les abysses sous-marines.
Pelagial rappelle par certains aspects, dans un équivalent océanographique, le concept et la forme de Precambrian. Au lieu d’évoluer dans les strates temporelles de la formation terrestre pendant la longue période du Précambrien, The Ocean descend progressivement dans les différentes zones océaniques en une immersion continue. Et contrairement aux projets précédents, le concept est cette fois-ci venu en premier pour guider le processus de composition.
Les projets précédents du collectif avaient donné le jour à des doubles albums : Fluxion et Aeolian entre 2004 et 2006, Precambrian en 2007, Heliocentric et Anthropocentric en 2010. Le double-album Precambrian se découpait en deux parties très différentes, dont la deuxième annonçait l’évolution musicale sur Heliocentric. En sortant Heliocentric et Anthropocentric, eux aussi très distincts l’un de l’autre, à quelques mois d’écart alors qu’ils avaient été enregistrés à peu près en même temps, Robin Staps avait voulu éviter de réitérer la sortie d’un double album, trop volumineux selon lui pour être digéré entièrement en une seule fois par les auditeurs.
Avec Pelagial, tout le propos est compacté sur un seul album. En un seul morceau même, puisque le groupe présente cet opus comme une pièce unique écrite d’un seul souffle. Musicalement parlant, The Ocean continue d’avancer dans la voie dans laquelle s’était engagée Anthropocentric. Les additions orchestrales qui avaient déjà diminué entre Heliocentric et Anthropocentric se sont encore réduites et ne laissent un champ réellement significatif qu’au piano. Alors qu’Heliocentric avait beaucoup travaillé autour de mélodies et d’orchestrations parfois un peu grandiloquentes avec une bonne proportion de chant clair, Anthropocentric ré-établissait un équilibre. Passant du calme au franchement agressif de manière plus dynamique, l’album tirait plus avantageusement parti des qualités vocales protéiformes de Rossetti.
Pelagial part de cet état et le complexifie. La progression de Pelagial aurait pu être linéaire, s’assombrissant et ralentissant de manière constante au fur et à mesure de la descente dans les couches sous-marines. Mais ce n’est pas tout à fait le cas. Robin Staps nous évoquait d’ailleurs, dans un entretien à paraître, un premier jet composé entièrement sur ce modèle, qu’il avait vite rejeté. Loin du manichéisme musical de Precambrian, l’organisation des ambiances de Pelagial n’est pas non plus aussi tranchée que celle d’Anthropocentric qui alternait quasi consciencieusement morceaux clairs et agressifs.
Que ce soit à l’échelle de l’album ou au niveau microscopique, The Ocean entrelace les ruptures rythmiques et les contrastes mélodiques. Fonctionnant bien comme une pièce d’un seul tenant, l’album est traversé de connexions plus ou moins évidentes qui concourent à casser la linéarité conceptuelle de l’album. Pelagial aménage certains paliers, permet certaines remontées pendant la plongée : par exemple, les samples aquatiques et la luminosité du léger « Epipelagic » reviennent sur « Abyssopelagic II » pour apaiser un premier tiers d’album chaotique. Certains thèmes sont repris comme le riff de « Hadopelagic I» modulé dans une tonalité plus sombre dans le final et écrasant « Benthic ».
Par un concours de circonstances, Pelagial s’est malgré lui dédoublé puisque le groupe propose également une version instrumentale de l’album. En fait, Pelagial a d’abord été conçu comme un long morceau instrumental dont le thème, dans la vision de Staps, se prêtait difficilement à l’écriture de paroles. Loïc Rossetti était par ailleurs indisponible en raison de soucis de santé à la suite de la précédente tournée. La version instrumentale est ainsi la première version de Pelagial. Mais revenu sur pied entre temps en 2012 après une pause de plusieurs mois qui a suivi la tournée en Australie, Loïc Rossetti est venu poser sa voix sur Pelagial.
Staps a finalement écrit des paroles pour Pelagial qui n’ont, comme sur Precambrian, qu’un rapport métaphorique avec le thème de l’album. Rossetti alterne les parties de chant clair et de chant hurlé avec l’aisance dont il avait fait preuve sur Anthropocentric et vient renforcer certaines atmosphères avec son agressivité vocale. Il ajoute ainsi une autre dimension à l’album, qui s’insère sans heurt dans les compositions. Mais la version instrumentale garde tout son intérêt. Elle favorise peut-être même une immersion plus totale dans le monde océanique de Pelagial, particulièrement en live avec les projections vidéos qui l’accompagnent. Rossetti souffrant à nouveau de problèmes de voix courant avril sur la tournée européenne de The Ocean, le groupe a en effet eu l’occasion de jouer plusieurs sets instrumentaux.
Pelagial est un album qui consacre la formation, après tout récente, de The Ocean en tant que groupe. Robin Staps semble avoir enfin trouvé son équipe et poursuit quant à lui un travail de gestation conceptuelle et de composition toujours aussi abouti, qui dépasse même la dimension musicale – il suffit de considérer l’effort visuel consacré à chaque nouvel album. The Ocean plonge tout entier dans son élément aquatique et s’enfonce jusqu’où il lui est possible d’avancer : pour faire partager leur fascination de cet océan qui les inspire.
Album Pelagial, sortie le 29 avril 2013 via Metal Blade Records
Honnêtement la vois de Rossetti ne vaut absolument pas celle de Mike Pilat, que tout le monde regrette.
Surtout le chant clair qui sonne ch&anson pop française à la Kyo.
Résultat, je préfère la plupart des morceaux en version instrumentale.
Il est dommage aussi qu’on ne retrouve pas autant les parties orchestrales qui étaient terribles sur Precambrian.
Un très bon album malgré tout, surtout en instrumental donc.
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Au Glazart c’etait instrumental la semaine derniere et c’etait juste fantastique ! 😉
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