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Interview   

Le monde à l’envers d’Electric Boys


Ça n’aura échappé à personne (c’est un euphémisme), ça fait maintenant plus d’un an que le monde est sens dessus dessous à la suite d’une pandémie. La poisse ultime pour Conny Bloom qui a sorti son album solo le 13 mars 2020, exactement le jour où une grande partie du monde est entrée en confinement. Mais le frontman est un optimiste, ou en tout cas essaye de l’être, alors plutôt que de se laisser abattre, il s’est retroussé les manches, a été retrouvé ses collègues d’Electric Boys (moins le batteur Niklas Sigevall bloqué à Los Angeles, remplacé sur toute la session par le second batteur de la formation, Jolle Atlagic) et a réalisé Upside Down.

Un album au titre approprié, reflétant à la fois la situation actuelle du monde et un groupe qui n’hésite pas à transgresser les règles commerciales les plus élémentaires, par exemple en ouvrant son disque sur une instrumentale de plus de sept minutes. Electric Boys, ce sont des esprits libres et c’est bien cette capacité à surprendre et venir enrichir son hard rock de toutes sortes d’influences, mais toujours au profit des chansons, qui fait sa force et sa réussite.

« Pour nous, c’est presque plus important aujourd’hui de faire quelque chose qui fait réagir les gens que de faire une chanson parfaite de trois minutes, car il y a partout des tas de chansons parfaites de trois minutes. »

Radio Metal : Le nouvel album s’intitule Upside Down, semble-t-il en référence à l’état actuel du monde. A quel point cet album est-il un produit de la période qu’on traverse depuis le début de l’année dernière ?

Conny Bloom (chant & guitare) : Ça en fait partie, évidemment, car on s’inspire toujours de ce qui se passe autour de nous, mais c’était aussi un titre adéquat parce que nous avons changé de guitariste, or il a eu un accident, il est tombé de sa moto et s’est cassé l’épaule juste au moment où il a rejoint le groupe. Il y a ça et le coronavirus. Donc pendant un moment, tout était sens dessus dessous. J’ai fait un album solo qui est sorti le 13 mars l’année dernière et pile ce jour-là, plein de choses se sont passées. Je ne me souviens pas de tout exactement, mais je crois qu’en Norvège, par exemple, c’est là où ils ont tout fermé et ont été confinés. Nous étions là : « D’accord, c’est en train d’arriver. Ça va être un gros truc. » Nous avions aussi prévu de faire quelque chose le jour de la sortie dans un magasin de disques qui a été annulé. Nous avons un peu plaisanté en disant que j’ai sorti mon album solo et la pandémie, car les deux sont arrivés simultanément [rires]. A ce moment-là, nous nous disions : « Bon, qu’est-ce qu’on va faire ? » Nous avons commencé à travailler sur toutes les nouvelles chansons que nous avions et en avons écrit d’autres, et nous avons fini par faire l’album. D’une certaine façon, c’était… Ce n’est pas terrible de dire que c’était inspirant, car ça donne l’impression de quelque chose de positif, mais ça nous a mis un coup de pied aux fesses pour lancer tout le processus.

Concernant le titre, pour la petite histoire, le bouchon d’une bouteille de Coca Cola traînait à l’envers sur la table, et il y a parfois des petits messages à l’intérieur, or là c’était justement marqué « upside down ». Nous avions songé à en faire la pochette, mais ensuite nous avons eu l’idée de cette caisse de transport. Ça nous rappelait les vieilles pochettes du vieux groupe d’Alice Cooper qu’Andy – le bassiste – et moi en particulier adorions. Il y avait toujours ce concept, comme pour Billion Dollar Babies, Muscle Of Love et School’s Out, ces trucs qui se déplient. C’était des pochettes que nous trouvions vraiment sympas.

Malgré tout, tu as fait quelques concerts l’an dernier, n’est-ce pas ?

Oui, j’ai fait ça en tant qu’artiste solo, mais nous étions dehors chez les gens, dans des jardins, avec seulement une cinquantaine de personnes avec distanciation et tout. C’était donc des concerts en mode « Covid ». Je n’aurais pas pu les faire avec un groupe à cause des distanciations et pour des raisons financières, mais ça allait bien en tant qu’artiste solo.

Je sais que la Suède n’a pas eu les mêmes confinements et restrictions que d’autres pays. Malgré tout, quel a été l’impact de la situation sur la réalisation de cet album ? Enfin, je sais que vous avez l’habitude d’enregistrer ensemble dans la même pièce, à la vieille école… Avez-vous remis en question ce processus ?

Bien sûr nous nous sommes posé des questions. A vrai dire, je me suis réveillé le matin où nous avions prévu de commencer à enregistrer en ayant des symptômes, mais d’un autre côté, là maintenant j’ai des symptômes, car j’ai toujours été comme ça. Il y a toujours un peu d’allergies et des trucs auxquels en temps normal on ne pense pas, mais simplement parce qu’ils disent que si on a les symptômes d’un rhume, un nez qui coule ou autre, il faut vérifier. Je suis donc allé chez le médecin et je me suis fait tester. Evidemment, je n’avais rien. C’était un grand soulagement quand je suis revenu au studio. Ils étaient tous assis là à se demander : « Merde, qu’est-ce qui va se passer ? Peut-être qu’il a le coronavirus, peut-être qu’on ne pourra pas faire ça. » Le batteur a dû voyager cinq heures depuis chez lui… Mais j’allais bien, donc nous avons pu le faire. Après, le studio est plus grand que le salon de n’importe qui. Nous étions plus en sécurité là-bas que si nous étions restés coincés à la maison avec une famille, en termes d’espace.

La Suède a effectivement eu une autre approche, mais il y a quand même eu un genre de confinement. C’est juste qu’on ne nous a pas obligés à le faire. C’est plus que le gouvernement nous a conseillé de le faire plutôt que de nous forcer. Globalement, il semblerait que les Suédois prennent leurs responsabilités, mais c’est toujours sujet à discussion. J’ai vu des photos sur internet où les gens ont l’air complètement imprudents, mais ce sont des photos de situations particulières. Je trouve que lorsque je suis dans le métro, que je me rends quelque part, il y a beaucoup de masques, les gens respectent les distances et font preuve de respect. On peut toujours discuter si c’est bien ou pas. Je n’ai rien pour comparer, car je ne suis pas sorti de la Suède depuis que la pandémie est arrivée.

Vous avez une nouvelle fois travaillé avec le producteur David Castillo. Comment votre relation a-t-elle évolué depuis la dernière fois ? Son rôle a-t-il changé avec les circonstances ?

Non, il a fait la même chose que pour l’album précédent. Enfin, la différence, c’est qu’Andy et moi avons aussi pris en charge la production cette fois. Sur l’autre album, nous nous étions dit que nous pouvions laisser ça à quelqu’un d’autre… Enfin, nous avons toujours été très impliqués dans la production et, en tant que compositeur, je ne laisse pas mes morceaux à quelqu’un sans suivre ce qu’il fait jusqu’au bout. Nous avons refait appel à lui parce que je trouve que c’est l’un des meilleurs ingénieurs du son et producteurs en Suède pour cette musique. Il pouvait se concentrer davantage sur le son cette fois, tandis que nous avons travaillé plus sur les arrangements en amont, avant d’aller au studio. D’un autre côté, il a toujours des idées. Il pouvait dire : « Est-ce que tu peux changer la cymbale ride pour ce morceau ? Car il faut un autre son. » C’était surtout des questions de son et peut-être de tempo.

« Après tout, c’est quoi Electric Boys ? Qu’est-ce qui est nous ? Les chansons que j’ai composées il y a trente ans, est-ce que c’est nous ? Non, c’était nous à l’époque, mais aujourd’hui, c’est aujourd’hui. »

Tout comme en 1993, Franco Santunione a été remplacé par Martin « Slim » Thomander, le guitariste qui a joué sur Freewheelin’. N’aviez-vous pas l’impression que l’histoire se répétait ?

Oui, évidemment, parce que Martin a joué sur le troisième album. Quand nous avons tous réalisé, Franco y compris, que nous avions des idées divergentes sur la manière de faire les choses, j’ai tout de suite pensé : « Il nous faut Martin dans le groupe », car c’était le seul mec qui me venait à l’esprit. Il vit près de chez moi, donc nous nous croisons et allons boire une bière de temps en temps. Pas très souvent, mais ça nous arrivait au fil des années. Nous n’avions même pas de plan B. S’il avait refusé, je ne sais pas, peut-être que nous aurions pris un joueur d’orgue Hammond ou de flûte [rires], mais il a accepté, donc c’est cool. Evidemment, les choses changent, on vieillit et on écoute plus de musiques de différentes sortes, mais notre manière de jouer ensemble est très fluide. Il y a une interaction entre nous deux qui fait que nous ne sommes pas tellement obligés de parler pour prendre des décisions, ça se fait très naturellement, c’est sympa. Je travaillais bien également avec Franco aussi, mais c’était un peu plus structuré, c’était : « Tu joues un solo ici, la partie rythmique est là, etc. » Avec Martin, c’est un peu plus comme dans les Rolling Stones, il y a deux guitaristes qui jouent des petits trucs ici et là en même temps. Il y a parfois du lead et de la rythmique des deux côtés de la stéréo, mais sans que jamais nous nous marchions dessus.

L’album s’ouvre sur « Upside Down Theme », une instrumentale de plus de sept minutes. C’est assez audacieux. Quelle est l’histoire de ce morceau et quel rôle remplit-il ainsi en ouverture selon toi ?

J’imagine que son rôle c’est de dérouter les gens ! [Rires] En fait, c’était deux chansons que nous avons rassemblées en un morceau. Il était évident une fois qu’il était fait que ça devait être le morceau d’ouverture, simplement parce que nous n’avions nulle part ailleurs où le mettre. Ça ne semblait tout simplement pas convenir à la fin ou au milieu. Nous le voyons comme une intro d’album, pour ainsi dire. Personnellement, je trouve qu’il symbolise ce que cette période a été pour nous. Tu démarres une nouvelle année et tu te dis : « L’année dernière était nulle et maintenant, ça va être la meilleure année de tous les temps. » Tu arrives avec cette attitude et ensuite tout part en vrille, les murs s’écroulent, puis tu rampes pour te remettre debout et il faut essayer de vivre correctement et se construire un avenir après ça. C’est un peu le déroulé de cette chanson, et ensuite ça se termine sur une note positive parce que, bien sûr, nous croyons que ça aussi ça va passer. Tout le monde attend de voir quand.

N’as-tu pas peur que ça rebute les gens ou bien penses-tu que vos fans ont l’habitude des surprises de la part d’Electric Boys, voire s’y attendent ?

J’avais un ami qui est mort maintenant, malheureusement, mais c’est le gars qui a signé le groupe au début. Il était très audacieux, dans le sens où peu importe les chansons que nous lui montrions et que nous trouvions différentes… Enfin, quand nous avons commencé à parler de vouloir mettre de la sitar, des oiseaux qui chantent et toutes sortes de choses dans les albums, nous croyions qu’il n’allait pas nous suivre, mais il était là : « Oui, j’adore ça ! D’ailleurs, il faut que vous veniez chez moi pour écouter cet album » et là il nous sortait des vinyles de je ne sais quel groupe qui chantait dans une langue qu’ils avaient eux-mêmes inventée et toutes sortes de trucs fous. Donc il adorait tout ce qui était différent. Des années plus tard, avant qu’il ne meure, j’étais en train de lui parler à un moment donné, et j’ai demandé : « D’après toi, quelle est notre force en tant que groupe ? » Il a répondu : « C’est que vous n’êtes jamais prévisibles. Tout peut arriver. » Donc le fait que nous ouvrions avec cette instrumentale et que peut-être nous déroutions et faisions tiquer quelques personnes… Il semblerait que la plupart des gens voient ça d’un bon œil. Enfin, d’un meilleur œil que ce à quoi je me serais attendu, en fait. Si on considère les chroniques que nous avons lues jusqu’à présent, elles sont bonnes.

Pour nous, c’est presque plus important aujourd’hui – je dis aujourd’hui car je pense au brouhaha des réseaux sociaux – de faire quelque chose qui fait réagir les gens que de faire une chanson parfaite de trois minutes, car il y a partout des tas de chansons parfaites de trois minutes. Je veux dire que je préfère que des gens ne comprennent pas du tout tandis d’autres adorent plutôt que d’être dans un entre-deux où les gens sont là : « Oh, ils ont fait un autre album. Bon, ouais, il est bien. C’est comme les autres. » D’un autre côté, avant toute chose, nous trouvons que c’est un super morceau et, pour nous, ça sonnait comme une super introduction à l’album, que ce soit totalement non-commercial ou pas. Nous n’essayons pas d’être le groupe le plus commercial du monde. Nous essayons juste de faire de la super musique.

Tout comme The Ghost Ward Diaries, Upside Down a très peu de ce côté funk qui a en partie fait votre réputation, en vous concentrant plus sur d’autres aspects – même s’il y a pas mal de groove dans des chansons comme « Super God ». Penses-tu que vous n’ayez plus autant de funk en vous ou est-ce plus une question de vraiment vous diversifier ?

Déjà, nous n’avons jamais été un groupe de funk à proprement parler. Nous avons toujours été, disons, un groupe de hard rock old school avec du groove. Evidemment, nous avons le titre Funk-O-Metal Carpet Ride, qui semblait être un très bon titre à l’époque parce que ça disait qu’il y avait un mélange de choses, que la musique serait probablement un petit peu éclectique et différente. Dans ce but, c’était un bon titre et ça semblait fonctionner, mais comme je l’ai dit, nous n’étions pas un groupe de funk. Notre manière de composer et de faire des albums, c’est jute que nous écrivons des chansons, j’en fais des démos et ensuite nous nous rassemblons et écoutons. Ce qui atterrit dans l’album, c’est juste les chansons que nous aimons le plus et que nous trouvons les meilleures. Nous ne disons pas : « Faisons quelque chose de moins funky ou plus funk ou plus hard rock » ou peu importe. C’est comme ça. Quand les chansons arrivent et que nous en avons suffisamment que nous trouvons bonnes, nous faisons un album.

« Les Beatles en particulier ont eu un tel impact sur moi que cette influence sera toujours là. C’est ma référence en matière de bonnes mélodies. »

D’un autre côté, on dirait que vous pourriez faire à peu près n’importe quoi, n’importe quel style, ça sonnera toujours comme Electric Boys…

J’espère ! Il y a des fois où nous avons essayé des chansons et nous nous sommes dit que peut-être ça ne sonnait pas comme nous, et ensuite nous avons fait une démo et l’avons réécoutée, et nous étions là : « Bon, en fait, si ! » Bien sûr, nous ne pouvons pas aller trop loin… Enfin, l’instrumentale va assez loin, mais quand je chante et que c’est nous qui jouons, ça finit par sonner plus ou moins comme Electric Boys. Dans le cas contraire, nous laissons tomber, je suppose. En l’occurrence, nous avons une chanson intitulée « You Spark My Heart ». Je l’ai écrite et j’en ai fait une démo, et je n’étais pas spécialement en train de composer pour Electric Boys, je composais juste une chanson, et cette démo sonnait un peu plus… En fait, je ne sais pas exactement, mais ça ne sonnait pas comme nous. Les autres gars l’ont entendue et ont dit : « La chanson est super, mais ça ne sonne pas comme Electric Boys. » J’étais là : « Oh, d’accord. Peut-être que je peux la donner à quelqu’un d’autre. » Donc je l’ai laissé tomber et ensuite, au moment où l’album suivant allait être enregistré, nous avons commencé à réécouter des chansons, et celle-ci est arrivée. Il s’est passé la même chose et j’ai dit : « Pourquoi est-ce qu’on n’essaye pas ? Commençons par la répéter et l’arranger. On va tous la jouer et la chanter comme on le fait d’habitude. » Nous l’avons fait et je trouve qu’au final, c’est l’une des meilleures chansons de l’album, et c’est du Electric Boys. Après tout, c’est quoi Electric Boys ? Qu’est-ce qui est nous ? Les chansons que j’ai composées il y a trente ans, est-ce que c’est nous ? Non, c’était nous à l’époque, mais aujourd’hui, c’est aujourd’hui. Nous ne serons jamais nostalgiques. C’est plus ce que nous pouvons faire aujourd’hui qui nous paraît excitant, et j’espère qu’il en est de même des gens. Il s’agit plus du présent et de ce qui vient.

Une chose qui n’a peut-être pas changé au fil des années, c’est le fait que vous vous inspirez pas mal du rock des années 60 et 70, et c’est particulièrement vrai de cet album. Tu es né dans les années 60, donc peux-tu nous parler de ta toute première rencontre avec le rock et la manière dont ça t’a durablement marqué ?

Ma première rencontre c’était le rock n’ roll des années 50, car c’est ce qui passait à la radio et ce que mes parents avaient l’habitude d’écouter. Donc c’était Little Richard, Chuck Berry, Fats Domino, Eddie Cochran et ce genre de truc. D’ailleurs, dans « Twang ‘Em & Kerrang ‘Em », il y a une phrase sur Eddie Cochran quelque part : cette chanson est un petit peu un hommage au vieux rock n’ roll des années 50. Les Beatles tournaient aussi beaucoup à la maison. Puis quand j’ai commencé à aller à l’école, j’ai entendu « Ballroom Blitz » [de Sweet] et « School’s Out » [d’Alice Cooper] – je ne suis pas totalement sûr de l’âge exact et tout. Je me souviens que j’ai acheté mon premier album avec mon propre argent quand j’avais neuf ans et c’était Killer du Alice Cooper Group. A partir de ce moment-là, j’ai commencé à trouver ma propre musique, mais les Beatles en particulier ont eu un tel impact sur moi que cette influence sera toujours là. C’est ma référence en matière de bonnes mélodies. Il y a plein de mélodies différentes, mais pour moi, la pop ça a toujours été ce genre de mélodies que les Beatles, les Birds et tout un tas d’autres groupes des années 60 faisaient.

En Suède vous aviez aussi de grands mélodistes avec ABBA. D’ailleurs, vous aviez fait une reprise de « King Kong Song » sur un album hommage en 1992…

Oui, c’était la seule chanson que nous avions trouvée ayant un riff ! C’est pour ça que nous l’avions choisie. Fut un temps où je trouvais, comme d’autres gens, qu’ABBA n’était pas cool, car c’était quand j’ai commencé à écouter Deep Purple et Jimi Hendrix. Je n’arrivais pas vraiment à voir les bons côtés d’ABBA, mais bien sûr, quand on gagne en maturité, en vieillissant, on commence à réaliser à quel point ils étaient incroyablement bons. ABBA avait un peu le même truc que les Beatles, dans le sens où ils écrivaient de très bonnes mélodies et ils étaient très pointilleux dans le choix des mots à utiliser dans ces mélodies. Les mots associés aux mélodies nous restaient en tête, on n’arrivait plus à s’en défaire tellement c’était immédiat et bon. Après, les paroles pouvaient ne rien vouloir dire, mais je crois qu’aucun de ces groupes, en particulier ABBA, ait jamais dit qu’ils voulaient être comme Bob Dylan. Ça aussi c’est très bien dans un autre registre, mais ABBA était super avec de super paroles et de super mélodies, des trucs sympas qui rendent heureux.

Qui ont été les chanteurs et guitaristes qui t’ont le plus influencé ?

Pour les guitaristes, ça a toujours été les gars qui jouaient sur Fender Stratocaster. Je me suis très tôt intéressé à ça. Ça a toujours été Rory Gallagher, Ritchie Blackmore, Jimi Hendrix, Tommy Bolin, Jeff Beck, des gars comme ça. Pour les chanteurs, c’est différent parce que je n’ai jamais été capable de chanter comme mes chanteurs préférés. Il y a plein de gars, j’adore Dan McCafferty de Nazareth, Steve Marriott, John Forgety, Bon Scott évidemment… Mais je n’ai pas ce genre de voix. J’ai toujours été le gars qui chantait parce que personne d’autre ne voulait le faire [petits rires]. Je pense que pas mal de chanteurs ont commencé comme ça. J’ai toujours été un guitariste, c’est comme ça que j’ai commencé. Après, ça a fini par devenir une identité aussi. Comme tu l’as dit, ça sonne comme nous, et évidemment, la voix ça joue beaucoup là-dessus.

Tu as mentionné le fait que le premier album que tu as acheté était Killer d’Alice Cooper. Vous avez ouvert pour lui, n’est-ce pas ?

Oui, j’ai ouvert pour Alice Cooper avec ce groupe et aussi avec Hanoi Rocks deux ou trois fois. C’était génial ! C’est vraiment un mec cool. Tout le groupe est sympa. Je l’ai rencontré plusieurs fois et on passe toujours un bon moment avec lui. Il est très drôle, il adore raconter des histoires, et bien sûr, à chaque fois j’étais épaté parce que c’est Alice Cooper. C’était l’un de mes héros. Il se trouve d’ailleurs que la première fois qu’il est venu en coulisses quand nous avons ouvert avec Hanoi Rocks, Michael [Monroe] m’a présenté à lui, ainsi que notre bassiste Andy, il a dit : « Voici Conny et Andy d’Electric Boys. » Il a répondu : « Ah, Electric Boys, ‘All Lips ‘n Hips’ ! Je m’en souviens, super chanson ! » C’était super.

« Je travaille tellement et je suis tellement à fond dans nos propres trucs, à composer, enregistrer des démos, sortir des albums, faire des clips et tout qu’au final, j’ai plutôt tendance à écouter du reggae et du gypsy jazz. »

En revanche, tu n’as pas mentionné Led Zeppelin, mais tu as une fois joué un hommage au groupe devant à la fois la famille royale de Suède et Led Zeppelin eux-mêmes aux Polar Music Prize. Comment s’est arrivé et comment as-tu vécu ça ?

Ils nous ont appelés et ils ont voulu que nous mettions quelque chose en place. J’ai failli refuser parce que je ne me voyais pas jouer « Whole Lotta Love » ou un truc comme ça devant Led Zeppelin. Enfin, pourquoi ferais-je ça ? [Rires] Mais ensuite, j’ai eu l’idée de faire intervenir un gars qui fait de la beatbox, sachant que c’est aussi un personnage très drôle. Je me suis dit : « Et si je le faisais venir pour faire un truc un peu fou ? » J’étais mort de trouille. Il y avait la famille royale, Led Zeppelin et tout ça, ils étaient en train de manger lors d’un banquet, et la pièce était totalement silencieuse pendant que nous étions en train de jouer, mais au final ça s’est bien passé. Après ça, nous étions au bar et quelqu’un est venu et m’a tapé sur l’épaule en disant : « Eh, suis-moi, Jimmy Page veut te voir. » Je me disais : « Oh, d’accord, maintenant il veut m’éclater la tête ! » [Rires] Mais il a dit : « Je voulais te serrer la main et te dire que c’était une reprise vraiment cool. » C’était très sympa de le rencontrer. Je me souviens, je trouvais qu’il avait un regard vif, il avait l’air d’avoir toujours une âme de jeune homme, de toujours s’intéresser aux nouvelles musiques, de ne pas être comme ces vieux types qui en ont marre, c’était vraiment cool.

Il y a une sorte de résurgence ou revival, comme on dit, du rock des années 60 et 70 depuis quelques années : penses-tu qu’il a manqué quelque chose au rock dans son évolution pour que les gens reviennent à cette forme originelle ?

C’est dur à dire, je ne sais pas. Pour ma part, je pense que c’est l’époque où les meilleures musiques ont été faites. Enfin, ce n’est pas aussi simple, mais si tu regardes globalement, c’est ce que je constate. Je suppose que tout était en train de changer très vite et c’était une période très inspirante pour tous les groupes de l’époque. Enormément de super trucs sont sortis à cette période. De super drogues aussi, probablement [rires]. Bon, évidemment, on ne peut pas non plus simplement dire que Jimi Hendrix a trouvé ses arrangements parce qu’il fumait de l’herbe ou je ne sais quoi. Je pense que ça va plus loin que ça. Ceci dit, j’écoute aussi du rock moderne, mais je travaille tellement et je suis tellement à fond dans nos propres trucs, à composer, enregistrer des démos, sortir des albums, faire des clips et tout qu’au final, j’ai plutôt tendance à écouter du reggae et du gypsy jazz. Mais bien sûr, j’écoute des playlists sur Spotify et quand les gens suggèrent quelque chose ou si quelque chose ressort sur Facebook ou autre, je vais écouter.

Va-t-on un jour entendre du reggae ou du gypsy jazz dans Electric Boys ?

Ce serait peut-être aller un peu trop loin, mais sait-on jamais ! Il y a une petite influence reggae dans le premier morceau instrumental dans l’album. Enfin, ça m’inspire, je sais qu’il m’est arrivé de balancer des plans de guitare à la Danjo Reinhardt dans certaines chansons. Je pense que ma carrière solo permettrait mieux ce genre de chose qu’Electric Boys, mais on verra !

La chanson « Tumblin’ Dominoes » évoque directement la pandémie, le fait que « ça a commencé à un endroit, puis boum, des gens mouraient partout ! » Mais tu as aussi déclaré que ça « reflète l’effet que peuvent avoir les réseaux sociaux sur les gens ». C’est intéressant que tu lies les deux sujets, car les confinements ont révélé les côtés positifs des réseaux sociaux, en permettant de maintenir un lien entre les gens en situation d’isolement. La pandémie n’a-t-elle pas un peu changé ton point de vue sur les réseaux sociaux ?

Tout d’abord, avec les paroles, c’est un peu ennuyeux d’expliquer de quoi elles parlent, car plein de gens écoutent une chanson et ensuite ils viennent nous voir et disent : « Oh, elle signifie tellement pour moi », puis nous commençons à leur parler et nous découvrons que ce qu’ils croient que ça signifie est différent de ce que ça signifie pour moi. Je veux dire que toute cette phrase, « we all fall like tumblin’ dominoes » (on tombe tous comme des dominos, NdT), ça peut se rapporter à différentes choses, et c’est la raison pour laquelle c’est une super phrase, à la fois pour le titre et le refrain. Si je devais dire quelque chose, si on se rapporte à la pandémie, ça pourrait dire que ça se répand à toute allure et que tout le monde est infecté. Ce pourrait être une manière de le voir. De même, ce que j’ai mentionné concernant les réseaux sociaux, ça renvoie à l’énorme effet que ça a sur les gens. Si quelqu’un dit ou lit quelque chose, ça peut devenir dingue et tout le monde suit le mouvement. Ça peut être super, ça peut être très inspirant, ou ça peut être simplement un fou qui balance un truc au sujet d’un vaccin ou je ne sais quoi sans savoir de quoi il parle. Tout d’un coup, il y a une foule de personnes qui le suivent et ça devient ce… Peu importe ce que ça devient. Donc ça peut être bon ou mauvais. Il m’arrive d’être extrêmement irrité par toute la haine et tout ce qu’on voit sur les réseaux sociaux. J’ai besoin de les éteindre parfois.

En tant que groupe, j’imagine que vous ne pouvez pas échapper aux réseaux sociaux pour vous promouvoir. Or vous avez débuté à une époque où internet n’existait même pas. As-tu parfois l’impression d’être piégé par ce monde digital sur lequel tu as un avis mitigé mais sur lequel tu es aussi obligé de compter ?

Evidemment, il faut faire avec son époque. C’est assez vain d’aller à contre-courant. Il faut adapter ce qu’on fait. Les réseaux sociaux peuvent êtres une très bonne chose car n’importe qui peut promouvoir son truc même sans maison de disques. D’un autre côté, je pense que c’est beaucoup plus difficile à bien des égards. Quand Electric Boys a débuté, il y a avait MTV et quelques émissions de télé, et si tu composais une chanson qui se retrouvait diffusée sur MTV, si c’était une bonne chanson, tu savais que ça allait probablement devenir un hit, parce que c’est ce vers quoi les gens se tournaient quand ils cherchaient du rock. Or maintenant, où trouve-t-on ça ? Il y en a de partout ! Comment atteint-on tous ces gens d’un seul coup ? On ne peut pas. C’est bien d’avoir ça et de pouvoir faire des choses de plein de manières différentes, mais je pense que c’est un peu plus difficile d’atteindre tous ces gens comme avant.

« Je me souviens avoir demandé à mon père : ‘Quand on regarde le ciel, aussi loin que possible, qu’est-ce qu’il y a après ça ?’ Il m’a répondu que ça ne s’arrêtait jamais et ça m’a foutu une peur bleue ! »

Vous avez une chanson intitulée « Super God ». C’est généralement dans les moments difficiles que les gens ont tendance à se tourner vers Dieu. Je ne sais pas si tu es habituellement croyant, mais est-ce que la période actuelle t’a encouragé à l’être d’avantage ?

Bien sûr je pense que les gens se tournent vers Dieu ou autre chose. Quand des difficultés surviennent, on cherche un moyen de les surmonter et d’y survivre, et ça peut être n’importe quoi, que ce soit la religion, la drogue ou la musique. Je ne me considère pas comme un croyant. Je suis probablement plus spirituel que religieux. La race humaine semble croire qu’elle est la plus intelligente, mais il y a probablement plein de choses qu’on ne comprend pas. Il y a quelque chose de plus grand que nous, mais ce n’est pas un homme barbu sur un nuage. Peut-être que c’est une question d’énergie, peut-être que c’est un genre de lien alchimique, je ne sais pas. Mais bref, cette chanson parle de ce que tu as dit. Quand l’enfer se déchaîne, c’est comme si on nous brisait les jambes, tout le monde désespère et dit : « Merde, qu’est-ce qu’on va faire maintenant ? » Surtout si c’est un gros truc comme une pandémie, car c’est tellement énorme, comment va-t-on gérer ça ? C’était le sentiment quand tout ce truc est arrivé. Qui aurait imaginé il y a quelques années qu’on vivrait une pandémie ? Donc on aurait bien besoin de super-héros en ce moment [petits rires]. Les médecins et les gens qui travaillent à l’hôpital, en l’occurrence, sont des super-héros, assurément. Ils ont tout mon respect.

Il y a aussi une chanson très positive intitulée « It’s Not The End », et tu as déclaré qu’« on peut voir la lumière au bout du tunnel plutôt que simplement le train hors de contrôle ». Penses-tu que ce soit aussi le rôle d’un groupe comme Electric Boys de donner de l’espoir dans les moments désespérés ?

Ce que j’ai dit à propos du train, c’était un peu une plaisanterie. Je disais que pour une fois, on pourrait voir la lumière au bout du tunnel plutôt que le train qui nous fonce dessus. Bien sûr qu’il faut essayer de rester positif. C’est souvent difficile, mais c’est toujours un bon mode de pensée, le fait d’essayer de rester positif. Disons que ce n’est pas en étant négatifs que nous irons mieux. C’est comme cette expression : le verre est-il à moitié vide ou à moitié plein ? Je préfère le voir comme étant à moitié plein, c’est mieux. C’est difficile d’être tout le temps comme ça, mais je le suis la plupart du temps. Ce n’est pas fini tant que ce n’est pas fini, comme ils disent. La musique peut aider à se sentir bien, c’est sûr. Pour ma part, AC/DC peut m’apporter ça, tout comme un bon reggae ou même du disco des années 70, car lorsque j’entends un bon morceau de disco des années 70, ça me rappelle quand j’étais jeune, j’étais enfant et il n’y avait aucun problème, ma grand-mère était dans la cuisine à cuisiner des boulettes de viande, le soleil brillait et tout était super. Donc quand j’entends ce genre de musique, ça me procure un sentiment positif. Je pense que la musique peut vraiment aider.

La dernière chanson « Interstellafella » a ce thème de l’espace qu’on peut peut-être rapprocher de chansons comme « Spaced Out » et « Starflight United ». As-tu une fascination particulière pour le voyage spatial ?

Non, et en fait, quand j’étais enfant, ça me faisait peur. Je me souviens quand j’ai regardé les gens qui allaient sur la Lune, j’ai trouvé ça vraiment effrayant. Je me souviens avoir demandé à mon père : « Quand on regarde le ciel, aussi loin que possible, qu’est-ce qu’il y a après ça ? » Il m’a répondu que ça ne s’arrêtait jamais et ça m’a foutu une peur bleue ! J’étais là : « Mais tout s’arrête quelque part ! » D’abord, le riff est venu du bassiste, mais je pense que l’inspiration principale de ce morceau, c’est le fait que j’ai acheté un petit synthétiseur qui l’a amené dans une autre dimension. C’est sympa parfois de faire ce genre de truc, un peu planant ou psychédélique, peu importe comment on appelle ça.

Pour finir, au début de l’interview, tu as mentionné ton album solo, Game! Set! Bloom!. Tu avais ce thème autour du tennis qui est assez inhabituel pour un artiste de rock. Est-ce une passion pour toi ?

J’ai fait du tennis quand j’étais gamin. Je faisais à la fois du tennis et de la guitare. Une partie de moi voulait faire de la guitare et l’autre partie voulait être Björn Borg, mais je n’ai jamais été suffisamment bon. Je me débrouillais, mais je n’ai jamais gagné de match important. Encore une fois, c’était juste une plaisanterie, une idée comme ça. J’avais une chanson qui mentionnait Wimbledon dans le titre et j’avais une vieille raquette en bois chez moi. Donc je l’ai amenée au shooting photo juste pour faire quelque chose de différent et les photos se sont avérées très sympas. Puis ce titre est venu et tout d’un coup, nous avions un titre amusant pour l’album. Mais aussi, c’est plutôt cool d’avoir un titre d’album qu’on peut exploiter avec le merch et les noms de tournées – même si nous n’avons pas de tournée –, genre en vendant des bracelets éponge et ce genre de chose.

Après tout, une raquette ça ressemble à une guitare, c’est juste qu’on les tient par des bouts différents. Faisais-tu beaucoup de air guitare avec ta raquette quand tu étais jeune ?

Oui, et de la air batterie aussi – je le fais encore aujourd’hui quand je n’ai pas de batterie à portée de main.

Interview réalisée par téléphone le 19 avril 2021 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.

Site officiel d’Electric Boys : www.electricboys.com

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