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CR De Festival   

Le Sylak construit l’avenir sur du dur


Avec l’automne, la nostalgie de l’été s’installe : quelle idée de s’être plaint à certains moments de la chaleur, des insectes, de la masse des touristes et de leurs chaussettes dans leurs sandales (on y reviendra) ?! Maintenant que les jours raccourcissent de plus en plus, que les sandales laissent la place aux bottes en caoutchouc pour marcher dans les tas de feuilles mortes humides, c’est le moment de se pencher sur ses souvenirs d’estivant. C’est le moment de se rappeler des derniers festivals qu’on a vécu cet été.

Et ce sont déjà les odeurs de campagne qui reviennent concernant le Sylak. Et c’est d’ailleurs ce qu’on préfère dans une bonne partie de nos festivals français : cette senteur de retour à la terre. Et ça, Saint-Maurice de Gourdans, petite commune de l’Ain à moins d’une heure de Lyon, soit dans ce désert du festivalier qu’est le sud-est de l’Hexagone, a les moyens de vous l’apporter. Le temps de parquer la voiture dans un champ rasé de près, on entend déjà le mot magique retentir dans le camping adjacent au site du fest : Apéro ! Nous sommes seulement vendredi, en fin d’après-midi, débarquant pour la soirée d’ouverture (la « before » si vous préférez) de la troisième édition du Sylak et, à en juger par ces premiers échos, aucun doute : ce festoche promet déjà de se maintenir dans la tradition de ses aînés.

Événement : Sylak Open Air
Date : Du 9 au 11 août 2013
Lieu : Saint-Maurice de Gourdans (Ain)

Sous un soleil doré, tout commence doucement dans une ambiance de gentille fête au village. Il n’y a pas encore foule ; le « vrai » festival commence demain. Sur scène les instruments attendent d’être allumés. Les premiers hurluberlus (gros bébés, nonne zombie, grand garçon en tutu et body-string, pirates, etc.) sans qui un fest ne serait pas un fest, viennent déjà tâter le terrain. Avant que les choses sérieuses commencent, il est bon de faire un repérage des lieux. Ce sera vite fait : en un tour de regard, on repère les toilettes, les stands de nourritures et boissons (où les plus téméraires pourront se nourrir du menu frites – hot-dog – bière), les exposants (fringues, tatoueur, disquaires, rien de plus normal… hey, mais c’est Will Argunas !), et les autres joyeusetés (combats de sumos gonflables, ventriglisse…). On apprécie déjà le cadre, avec ces tables à l’ombre des arbres qui ne sont pas surchargées pour le moment. Il paraît qu’il y a une rivière pas loin, mais on ne sera pas allé vérifier. Des techniciens continuent de s’affairer sur la grande scène car elle ne servira pas avant le lendemain. En fait, ce soir, ce sera la petite scène vers laquelle se tournera les regards pour la soirée mousse du vendredi.

Et tout commence par l’invocation des esprits du metal : Motörhead, Iron Maiden, Judas Priest… Layers est monté sur l’autel pour honorer les dieux afin qu’ils bénissent ce templum. Et cet acte sacré passe, comme tant d’autres, par la reproduction des grandes scènes des grands évangiles d’une histoire gravée dans le cuir à grands coups de bracelets à clou. La messe est dite et bien dite, la voix de leur chanteuse permet d’approcher les notes parfois hauts perchées qui ponctuent certains des chants épiques des légendes ici honorée.

Le Sylak apporte plusieurs méthodes pour mettre le feu.

Mais plutôt que d’expliquer à quel point c’est agréable d’entendre une bonne interprétation de « Breaking The Law », passons à la première friandise enrobée dans l’originalité de cette soirée. On les connaissait en tant que quatuor montant une licorne zébrée (et pas un zèbre-licorne, comme ils le font bien remarquer à nos collègues de Zyva) et voilà qu’A Sec est devenu un sextet tout neuf, apparaissant pour la première dans cette configuration au Sylak, ayant ajouté un trompettiste et un saxophoniste à leur funk-rock-metal sauce Samouraï Pizza Cat (comme ils se décrivent).

Mais là n’est pas la première impression offerte au public. Entre le look basketteur d’Yves (batteur) et le style T-shirt et pantalon de jogging à boutons pression de Rémy (chanteur-guitariste), on croirait un revival 90’s-neo metal…. Mais le blouson en cuir à franges trop court de Ben (lead guitare) contredit cette impression tout aussi immédiatement. C’est un groupe qui a surtout envie d’envoyer la première dose de « What The Fuck » du weekend – le Sylak ayant déjà l’habitude de proposer des groupes artistes « à part » dans leur programmation depuis ses débuts (on en reparle plus loin). Pour enfoncer ce beau clou tordu, Rémy se sera vite débarrassé de son T-shirt (chaud !), aura fait sauté le futal (super chaud !) pour passer tout le concert… dans un legging doré moulant du plus bel effet (chaleur !). L’arrivée de leurs nouveaux camarades Fred (saxophone) et Nicolas (trompette) encapés poussera un peu plus le jaillissement de leur funk dans leur rock et poussera aux mouvements de popotins de droite à gauche. S’il y en a eu pour les yeux durant ce concert, difficile d’être précis concernant ce qui a été donné aux oreilles. La faute à un son inégal : s’il était possible, la plupart du temps, de bien percevoir les musiciens (on notera les solos de Ben, le genre de guitariste auquel on a envie de lancer des trucs, tant c’est insupportable d’entendre un gratteux sortir de si belles choses de son instrument), on aura quand même passé trois morceaux sans entendre la voix du chanteur, complètement absente du mix – à se demander même si le micro n’avait pas été débranché quelque part sans que qui que ce soit songe à y faire quoi que ce soit.

Avoir A Sec parmi les préliminaires de ce festival de metal n’était probablement pas assez brutal. L’ouverture des hostilités s’effectuera donc dans une ambiance post-apocalyptique grâce à The Walking Dead Orchestra. Et si ce n’est pas joli-joli de juger qui que ce soit d’après son apparence, celle de leur chanteur, Florian, ne trompe pas : tatouages, gros plugs dans les lobes des oreilles, mèche indomptable, jean serré et débardeur… Vous pariez sur un groupe de deathcore ? Vous n’avez pas pris un grand risque et c’est gagné.

A l’heure de monter sur les planches du Sylak, le groupe n’avait pas encore sorti son premier album (Architects Of Destruction, chez la Klonosphere, connue pour être une maison de goût) et il sera difficile dans ces conditions de juger des qualités musicales du combo isérois. Car si sur album on peut sentir certaines qualités mélodiques disséminées dans les décharges de death, on ne peut pas en dire autant en live où l’on discerne surtout un groupe donnant le rythme à toute la scénographie habituelle d’un concert de metal extrême, dans la fosse comme sur scène : headbanging (voire bodybanging), pogos, circle-pit, etc. Résultat : l’impression de n’assister qu’au set d’un énième groupe émule de Suicide Silence. Heureusement, le public est demandeur et TWDO sera l’un des rares représentants de ce genre précis durant ce weekend, alors pourquoi attendre pour se défouler.

Vendredi, c’est soirée mousse ! (source photo : site officiel du Sylak)

Si jusque là on n’avait pas eu la preuve de l’utilité de ce quadrupède qui encadrait de ses quatre montants métallique la zone du public – bien qu’on s’en doutât – ce n’est que pour Noswad qu’on eût la démonstration de l’importance du vendredi soir au Sylak. Son attraction principale : cet énorme paquet suspendu au-dessus de nos têtes d’où suinte déjà cette matière blanche qui va bientôt s’écraser sur la foule. « Je ne sais pas qui a eu cette idée, mais c’est un génie », dira fort justement Vincent Peignart-Mancini, chanteur de la formation stoner parisienne (devenu aussi il y a un peu plus d’un an celui d’Aqme). Car si l’on aura bien un regret durant ce weekend, c’est que cet accessoire soit mis au placard pendant les deux jours suivants. Vendredi, c’est soirée mousse à Saint-Maurice de Gourdans ! Et même si un circle-pit dans la mousse c’est bien, ça ne vaut pas une demi-douzaine de circle-pits dans la mousse !

Alors, certes, la musique de Noswad n’est pas la plus appropriée pour ce genre de pratique tribale… En fait, on se demande pour quoi elle est le plus appropriée… Étiquetée stoner, elle manque pourtant des riffs essentiels à ce style. Et si les mélodies s’approchent parfois d’un rock tantôt pop, tantôt punk, le tout semble taper à côté de toute cible. Mais là n’est pas la question. Noswad s’en tire en animant la ronde des circle-pits les pieds dans le savon, en y participant aussi, les membres ne se gênant pour se précipiter à leur tour dans ce bain moussant, l’ambiance n’étant gâchée qu’au moment où le groupe propose un ultime tour de piste retardé par une coupure de courant, qui mettra quand même quelques minutes à être rétabli ; période comblée par un solo de batterie dans le noir complet.

Le Sylak, c’est peut-être pas encore le Hellfest, mais pour mettre l’ambiance, on peut compter sur les mêmes énergumènes qu’à Clisson. Ainsi, DJ Mike Rock va transformer cette fin de première soirée en fiesta digne du Metal Corner en mixant titres de metal et… autres. Après un démarrage digne des plus grands – c’est à dire en empruntant la méthode « Ecstasy Of Gold » à Metallica – c’est parti pour le mélange des genres. On passe ainsi de Metallica, à 2Unlimited, de Judas Priest à Franky Vincent… Faites pas la grimace, on est là pour s’amuser ! DJ Mike Rock démontre qu’on peut être un « vrai », avec les cheveux longs, la veste patchée et néanmoins faire preuve d’auto-dérision dans son legging et en agitant sa guitare en plastique. Alors on ne rechigne pas à se déhancher sur ses mix et l’affaire finit par rouler comme sur des rails… ou en rond : réclamant moult circle-pits – qu’il obtient – dans la mousse, une partie du public finit par privilégier le repos avant les deux journées de fest qui s’annoncent autrement plus excitantes, surtout quand la playlist du DJ devient plus juke-box automatique.

Sylak ! Montre nous ton c… !

Samedi matin. On rentre dans le vif du sujet. On a pris un bon p’tit-déj’, on a rempli la glaciaire, on retourne sur à Saint-Mau’ pour deux jours de décibels. Ouverture des portes à 10h, premier concert à 11h35. Petite fraîcheur. Les metalleux bavent encore la tête sur l’oreiller, nombreux étaient ceux à avoir déjà bien attaqué le bar la veille et il faudra bien attendre la moitié de l’après-midi pour remplir les rangs devant la grande scène. Ultimate est le premier groupe a inauguré les planches face à un parterre maigre et épars. Et probablement constitué de fans du groupe lyonnais qui n’auraient pas eu une grande distance à parcourir. Ultimate, c’est d’abord le groupe typique d’une bande de mecs qui jouent ensemble depuis le lycée, dont les influences, passant d’Iron Maiden et Megadeth à Trivium ne semblent pas avoir bougé d’un iota en presque dix années d’existence et un répertoire qui s’en ressent. Les attaques à deux guitares ne sont pas sans rappeler certaines belles heures de la NWOBHM, voire celles d’Accept, tandis que leurs compositions dans un registre plus modernes les caseraient dans le metalcore. Mais c’est bien à la bande de Mustaine qu’on pense le plus souvent, principalement parce que son frontman, Mickaël Pascal rappelle celui de Megadeth : guitariste aux doigts agiles dont on apprécie les solos, mais au chant tout aussi imparfait que celui du Californien.

« On s’appelle PhyllisDietrichson et on n’a pas la tête de l’emploi ! » C’est ainsi qu’on fait connaissance avec les Savoyards et tout particulièrement avec Ben, son hurleur, lors de son entrée en scène. On a à peine le temps de chercher le sens de cette affirmation qu’on comprend au moins qu’on va en prendre pour notre grade. Évoluant dans un screamo-punk, le combo évoque immédiatement un prototype de Dillinger Esape Plan, surtout en entendant tout ce que le chanteur fait subir à sa voix, qui, tel un certain Greg P., peut en mettre partout mais jamais à côté (sauf peut-être dans les phases de chant clair), une comparaison aussi poussée par ce jeu de scène qui ne paraît dicté que par une chose : tout ce qui lui passe par la tête, comme se servir de cette partie de son anatomie comme d’un instrument de percussion. PhyllisDietrichson, c’est aussi un groupe qui a le bon goût de ne pas s’encombrer de titres de chansons : « 4 », « 8 » ou « 15 »… Un titre, à quoi ça sert ? PhyDi (oui, à ce stade, on a envie de lui donner un p’tit nom affectueux) nous débarrasse de ce souci. Vous voulez quand même un titre ? OK : « Celle-ci s’appelle ‘Fuck' »

Cult Of Occult n’aura pas plus de choses gentilles à dire (tout particulièrement à travers son « I Hate You », dont le titre résume bien le message) ou à faire subir. Il est aussi le premier groupe du festival qui ne marche clairement pas à l’eau minérale. Son sludge doom est aussi sombre et épais que du goudron et n’en est que plus difficile à traverser. Il faut donc du temps pour rentrer dedans et s’y sentir à l’aise. Mais de temps, le groupe n’en à guère, une demi-heure, et ce n’est qu’à la moitié, c’est à dire au deuxième morceau (!) qu’on commence à se laisser porter par ce doom presque drone tant il est lent, pesant, écrasant, éprouvant, faisant moins tourner un riff qu’une vibration lancinante, à laquelle colle un chant qui déchire le sol et le ciel dans un dialogue brutal entre enfer et paradis.

En tout cas, jusque là, il n’y a pas eu de quoi faire bondir le public. Et Frontal arrive pour faire naître les premier pogos de la journée et entériner la conviction qu’il est important pour le deathcore de progresser, tant le style semble tourner en rond depuis ses fondations (comme on l’a vu la veille avec The Walking Dead Orchestra). Donc, faire du deathcore progressif, comme ces Lyonnais, c’est déjà une bonne idée. Frontal apporte un peu de textures au genre auquel on parvient ainsi à s’accrocher, offrant une oreille plus attentive à travers les changements de rythmes à une musique qui peut être plus qu’un simple défouloir. On retiendra notamment le titre « One To Kill Them All », issu du premier EP de ces disciple de Strapping Young Lad, et – plaisir de festival – le passage durant ce set, dans le public, de Nick Oliveri (Mondo Generator) venu voir par lui-même comment se présente cette scène.

Mister Valient : un James Brown des cavernes.

Il est plus de 15h quand le changement de scène s’opère après Frontal pour faire entrer ce Sylak dans la compétition internationale. On se rend aussi compte à cette heure-là tout l’intérêt que peut représenter ce site. Si l’idée de crapahuter pendant deux jours sur un fin tapis de caillasse devant la grande scène peut filer quelques appréhensions (confirmées par le nombre de coudes et journées écorchées pendant les pogos et circle-pits), l’emplacement n’en est pas moins idéal pour une raison imparable : l’ombre. Car, bordant du côté droit tout l’espace dédié au public, une rangée d’arbres étend son ombre au fur et à mesure de l’après-midi sur toute cette zone rendant encore plus agréable ce week-end d’août.

Ces considérations établies, il est temps de s’intéresser à la première formation américaine du jour : Valient Thorr. Et c’est peu dire qu’on les attendait. On se souvient encore parfaitement de cet excellent moment passé avec ces poilus de la Caroline du Nord, un matin de juin 2011, au Hellfest mettant une super ambiance à une heure pourtant difficile. Et on ne se plaindra pas, deux ans après, de retrouver à peu près la même performance, menée par ce James Brown des cavernes qu’est monsieur Valient lui-même, frontman en mouvement constant, lancé dans une course folle contre lui-même, faisant monter la chaleur, forcé de tomber le haut dès le deuxième morceau. Et si ses collègues ne sont pas en reste pour occuper l’espace dévolu à chacun, c’est quand même le chanteur qui fait l’essentiel du spectacle. Incapable de rester dans l’aire restreinte de la scène, il lui faut descendre parmi le public, écarter la foule, la faire s’asseoir, et c’est parti pour la partie de rameur traditionnelle ! Et la musique dans tout ça ? Eh bien, difficile à dire : le son était atrocement brouillon et comme ce n’était pas la première fois que l’écoute était gâchée par ce genre de souci (rappelez-vous la veille avec A Sec), ce ne sera malheureusement pas la dernière. Mais Valient Thorr s’en sort avec les honneurs, ayant délivré l’une des premières grandes prestations du week-end. Monsieur Valient sort de scène torse nu, la barbe dégoulinante de sueur mais on le retrouve immédiatement au stand de merch où nombreux sont ceux à s’y précipiter pour repartir avec un CD ou un T-shirt ou simplement le féliciter pour ce show.

Nick Oliveri (Mondo Generator) : l’ex côté punk de Queens Of The Stone Age.

Le programme de cette journée du samedi est clairement placé sous le signe du rock dur : après les Thorriors, voici le gros son de Mondo Generator. Celui-ci a beau être le projet solo de Nick Oliveri, ex Kyuss et Queens Of The Stone Age, le chanteur-basssite semble néanmoins indéboulonnable de son passé. Quand ses propres compositions ne sonnent pas comme du Kyuss ou du bon vieux QOTSA à l’ancienne trempé dans une sauce punk, il reprend ses anciens succès comme le très brut « Millionnaire » de l’album Songs For The Deaf (sur lequel il assurait déjà le chant). En somme, on quittera le sieur Oliveri en se disant qu’il conviendra surtout à qui ne se satisfait pas du rock alternatif qu’est devenue la musique la bande de Josh Homme.

Ça sent la sueur sur scène depuis deux heures mais on n’a pas encore vu couler le sang. Heureusement, Banane Metalik arrive pour ajouter du gore dans le rock’n’roll. 2013 est l’année du retour du groupe de psychobilly français après avoir disparu pendant deux ans du paysage. Décor de carton-pâte et accessoires en plastique accompagnent ces punks morts-vivants dont la décomposition ne touche que le maquillage et les masques, car dans la tombe, l’expression « No future » prend tout son sens alors on peut valser comme des damnés en se foutant pas mal de s’user. Surtout que Ced666, le chanteur, de son propre aveu, est déjà pas mal rond. Mais pas question de faire dans la demie mesure : s’il veut prendre un bain de foule, être au plus près du public, il ira… mais prudemment : « Vu mon état bien avancé, la scène me semble un peu haute, mais je vais venir quand même. » Et ayant trop bu, quand la bière tombe fatalement sur la vessie, viennent d’autres paroles sages : « Ça se dit pas mais quand t’as envie de pisser sur scène, c’est violent ».

Banane Metalik danse un twist macabre.

Et c’est cette franchise qui rend Banane Metalik encore plus attachant. En bons punks, les zombies (déjà bons outils de dénonciations dans la fiction) sont aussi des opposants à « ce système qui nous oppresse », prônant l’insoumission pendant « Enfants des Ténèbres », ou crachant sur « la soupe » qu’on nous sert avant « Nice To Meat You ». Ça a presque l’air naïf comme ça, mais si quelqu’un ne le dit pas de temps en temps, on n’y pense plus. Et de toute façon, rien ne gâchera l’ambiance : entre les « Pussycat », où le public est invité à faire la fête sur scène, et « Rock’n’Shoot », bande son idéale pour un bon gros pogo au milieu de ce concours de twist décadent. « Malgré la fatigue, on vous aura donné nos tripes » conclura Ced, mais d’abord pipi… pendant que le groupe joue le thème de « Tales From The Crypt » pour patienter avant un ultime tour de piste. Décidément, ces macchabées nous auront filé la banane jusqu’au bout.

Même ambiance, autre style : les Espagnols d’Haemorrhage et leur gore-grind hospitalier jouent aussi la carte grand-guignol et accessoires en latex mais dans une ambiance bien moins propice à la fiesta qu’au déchainement violent d’énergie. Par conséquent, pendant les 50 minutes dévolues au groupe, a tournoyé presque en permanence un circle-pit devant la scène au rythme de cette cérémonie cannibale menée exclusivement par son chanteur. Si l’accoutrement des musiciens, en tenues de chirurgiens ou infirmiers sadiques sont pour beaucoup dans l’identité du groupe, il ne se passerait pas grand chose sur scène si Lugubrious, le corps entièrement couvert de sang, ne mimait l’ensevelissement de cadavres, les sévices et mutilations contés dans leurs chansons, accompagnant cela de ses bruits étranglés bien gores qui jaillissent de sa gorge, presque par surprise, comme si un pieu venait d’y être planté, ou ne se délectait de ce bout de jambe factice. Tout cela apportant au passage la preuve que ce ne sont pas des dégénérés qui produisent une telle musique, mais certainement des gens avec un drôle de sens de l’humour.

Haemorrhage pousse le gore un peu plus loin.

Le reste de la soirée sera plus léger… enfin, façon de parler. Car le sludge d’Eyehategod n’est pas nécessairement ce qui se fait de mieux comme bulle d’air. Et pourtant, ça sent le bon esprit, la franche camaraderie, le bon enfant. Depuis la scène où les mecs de Mondo Generator apprécient le concert sur les côtés, Nick Oliveri headbangant comme un malade, jusqu’au public où même un gamin haut comme trois pommes (on n’a pas fini de le voir celui-là d’ailleurs) apprend à faire des hélicoptères avec des plus grands, plus chevelus que lui. Quant à EHG même, il faut croire que les planches sont leur salle de détente (même s’ils ont déjà bien tous l’air très détendus, si vous voyez ce qu’on veut dire…). Mike IX Williams, le chanteur ne manque jamais une occasion de sortir une plaisanterie, commençant par remercier le public de s’être arrêté ici pour les regarder ou… « Oh regardez, un hélicoptère ! Haha, je vous ai bien eu ! » Vous voyez le tableau ?

Et il danse aussi. Oui, la musique d’EHG est dansante, comme le prouvent aussi les mouvements du guitariste Jimmy Bower qui pratique ce qu’on est tenté d’appeler la danse du popotin, remuant son croupion en rythme. Pour le reste, un concert d’EHG est un grosse séance de jam. Bien sûr, il y a des morceaux bien délimités mais ils paraissent à chaque fois basés sur une nappe de disto sur laquelle ils brodent leur musique. A la fin, on les croirait en salle de répet’ étirant leurs morceaux jusqu’au moment de se demander comment finir. Le public a vite fait de se perdre dans le bayou ainsi créé et à la fin, un peu hagard, il cherche à travers sa tignasse, comme à travers des lambeaux de vase, où il est passé pendant tout ce temps.

Dans le paysage des festivals français, il peut être important de se différencier, car la différence est cette pincée d’épice qui peut donner à elle seule un goût de reviens-y à bien des choses. Cette particularité peut se trouver dans l’ambiance générale, le décorum (cf. Hellfest) ou dans la spécialisation (100% black metal, psyché, prog, metal « à chanteuse », etc.). Depuis sa première édition, le Sylak a inclus un ingrédient à sa programmation : l’artiste hors metal, un brin comique, qui fait vibrer la corde régressive et fait briller les yeux d’enfants du headbangueur. Après Corbier et Bernard Minet, il ne restait plus grand monde à ramener du Club Do’ (un retour des Musclés est sans doute exclu depuis la mort de René) mais de cette époque, dans un registre frais et décontracté dans ses fantastiques sandales en plastique, le Sylak ramène un groupe chantant depuis juin 86 les filles et l’amour : Elmer Food Beat.

Certes, Manou, enrobé dans ses poignées d’amour de quadra, ressemble plus que jamais au beauf’ dont il se moque (gentiment) depuis toujours avec sa casquette « Tour de France » et ses chaussettes blanches dans les sandales. Mais avec le niveau de gaminerie déployé sur scène, la moyenne d’âge continue d’osciller autour de la vingtaine. Et si EFB fait de la chanson rigolote qui faisait pouffer les mioches dans les années 80, mais avec des paroles à faire rougir les vierges, l’esprit punk y est et offre un apéritif à la journée du lendemain où la crête sera de rigueur. Les compos sont balancées avec la même justesse qu’au temps où les juke-box meublaient encore les cafés, à commencer par les parts de cette grande galette fourrée à la bonne humeur qu’était l’album 30 cm. On twiste, on chante, on saute à l’évocation de ces personnages que sont « L’Infirmière », « La Caissière de Chez Leclerc », « Caroline » ou la mythique « Daniela ». Sans oublier leurs petites sœurs « Yasmina » et « Marie A La Mer ».

Et comme « les filles, c’est fait pour faire l’amour », Manou fait monter sur scène une spectatrice pour lui fredonner à l’oreille (ou plutôt le public chantera pendant qu’il lui dira on ne sait quoi), dans un slow collé-serré comme on n’en voit plus depuis la fin de l’âge d’or des booms : « Est-ce que tu la sens? ». Gênant pour cette spectatrice ? Que nenni. A un concert d’Elmer Food Beat, on ne se sent jamais bête ni seul, même pendant « La Traversée en Solitaire » où le circle-pit habituel du metalleux se transforme en chenille qui fend gaiement la foule. Et comme le gamin en slip Superman qu’on était, chantant ces airs sans en comprendre alors le sens, Elmer Food Beat, avec un Manou toujours bondissant comme un jeune keupon mais aussi de plus en plus dévêtu, termine par l’inévitable « Le Plastique C’est Fantastique » suivi de celle que tout le monde aime : « Daniela ». Merci les filles !

Ruyter Suys, reine des Nashville Pussy.

Nashville Pussy, ou la catastrophe évitée de justesse. Et à bien des niveaux. Ce concert, pressenti comme le point d’orgue d’une journée placée sous le symbole du bon gros rock dur américain, après des Valient Thorr, Mondo Generator ou même Eyehategod, était particulièrement attendu. Et la patience est une vertu vite oubliée quand on est déjà à bonne température à l’heure où doivent être servies les Chattes de Nashville. Sauf qu’à 23h30, heure de départ programmée, on attend encore. Les minutes passent, les balances n’en finissent pas, au bout d’un moment, presque sans prévenir, le groupe démarre alors qu’il semblait encore être en train de tester le son, mais ça presse, ça presse. Et la bande à Blaine et Ruyter n’en pouvait probablement plus d’attendre. Et puis c’est du rock’n’roll ! Tant pis si ça crachotte encore un peu ; on fera les derniers réglages en cours de route, pendant les premières minutes…

Sauf que des réglages, il y en aura eu tout le long. A commencer par les deux cordes cassées très tôt sur la Gibson de Ruyter Suys qui la rendra indisponible pendant un moment, le temps de réparer ça, temps occupé par certains dans le public, qui trouvaient qu’ils avaient déjà bien assez attendu, pour se plaindre bruyamment… Mais le concert a quand même pu reprendre avec la même efficacité qu’avant cet incident… et c’est Blaine Cartwright (chanteur-guitariste) qui pète une corde à son tour… Pour le coup, il change directement de guitare. Mais entre les deux, on a atteint la barre au-dessus : Bonnie Buitrago, leur nouvelle bassiste, a bien failli avoir une carrière dans le groupe beaucoup plus courte que celle de Karen Cuda, quand un des gros amplis (le genre qui nécessite de se mettre à quatre pour le monter là) sur le côté de la scène est tombé de tout son poids à 50 centimètres d’elle !

Au final, rien de grave, seulement une somme de petites choses qui, dans l’ensemble, les font toutes paraître énormes (bon, le coup de l’ampli était en soi énorme). Mais tout cela n’a pas empêché les Nashville Pussy d’être la cerise sur le gâteau de cette journée. Comme pour le concert d’Eyehategod, on retrouve sur un des côté de la scène les gars de Mondo Generator et… Jimmy Bower, guitariste d’Eyehategod, de l’autre côté, qui monte sur scène, se met dans un coin… baisse son pantalon ! Et vide sa vessie ! Inutile de dire que tout ce petit monde est clairement dans un état second et le staff du Sylak devra empêcher Bower d’y retourner ensuite. Paraît-il même qu’ils lui ont évité de se soulager sur une armoire électrique ; autre catastrophe évitée.

Pour le reste, c’était le concert de Nashville Pussy qu’on attendait : rock’n’roll, sauvage, sexy, sale, brut mais aussi avec une dose de maestria grandement due à Ruyter Suys. Si la guitare est un symbole phallique, alors la dame en a clairement une plus grosse que bon nombre de gratteux. Et c’est une reine qui sortira de scène. Dans une dernière explosion d’énergie, elle fait sauter toutes les cordes de son instrument qu’elle laisse ensuite gémir au sol, et pendant que ses camarades quittent la scène, elle reste là jusqu’à ce qu’un technicien vienne la soulever délicatement dans ses bras – comme une reine, on vous dit – saluant le public d’un geste grandiose : un seul doigt dressé. On les retrouvera en février en tournée, avec un nouvel album en poche. Assurément, il ne faudra pas manquer ça. Mais d’abord, on s’occupe du dimanche…

Un dimanche matin de festoche ressemble… à un dimanche matin de festoche : les jambes lourdes, la tête lourde, les paupières lourdes. Et les lève-tôt (ce qui est assez relatif puisque cette dernière journée commence à 10h55) qui sont parvenus à se traîner jusqu’à la scène cherchent là le starter qui les fera bondir jusqu’au bout de ce dimanche placé sous le signe du hardcore. Tâche confiée en premier à Own The Owner, jeune formation locale qui peine à convaincre avec son hardcore mélodique. Leur seul arme : jouer fort, chanter fort, mais pourquoi ?

La claque est meilleure que le réveil, et celle-ci surgira avec Sedative. Ce groupe savoyard déploie un grind qui groove plus qu’il ne mise sur la vitesse, plaçant l’essentiel de la brutalité dans la voix de son chanteur Vinz (aussi connu pour son projet Mulk). Celui-ci fait en outre preuve d’une technique particulièremet impressionnante, passant par tout le spectre du chant extrême et y dépose même certaines couleurs nouvelles comme ce growl qu’on dirait « ravalé ». Sedative, ça réveille les cheveux mais ça fait aussi se dresser les premières cornes et surgir le premier slam de la journée sur « Violence Conjugale »… Une femme justement ; on ne va pas dire que son mari a tenté de se débarrasser d’elle ainsi. Le circle-pit achèvera de faire émerger les metalleux par un bon footing matinal, filant l’élan (non, pas l’animal !) nécessaire au lancement des choses sérieuses.

Elan perdu, malheureusement… Dommage, on l’aimait bien ce cervidé, et le voilà remplacé par un Dissident Pachyderm. Chemises à carreaux et riffs lourds ; pas de doute, c’est bien du grunge. Dans la programmation générale du fest, ce groupe est effectivement des plus originaux, mais il aurait sans doute plus été à sa place entre les combos plus rock’n’roll du samedi. Et s’il y a du bon, voire du très bon riff, les compos manquent quand même d’accroche, le chant est aussi loin des maîtres Cornell et Staley. La sauce redescend alors que l’audience a encore des fourmis dans les jambes mais le Pachyderme ne donne pas dans le circle-pit…

TARLD : « Ca fait plaisir ! »

Ce sera donc à TARLD (initiales de The Amsterdam Red Light District… on reste donc sur TARLD) de faire repartir l’ambiance. Ca court, ça bondit sur scène dès le départ, le chanteur saute sur le matos du batteur, et ce sera comme ça jusqu’à la fin. Une pure énergie qui ne semble pas se déverser jusque dans le public néanmoins ; on ne détecte pas de mouvement dans les premiers rangs avant le troisième morceau. Y aurait-il un barrage entre la scène et la fosse ? Probablement, et celui-ci s’appelle : le soleil de 14h, auquel même les plus hardcore ne résistent pas et préfèrent l’abri de la zone d’ombre des arbres. Pourtant, malgré un côté déjà-entendu les morceaux sont efficaces et le groupe montre une vraie envie de les partager et tente de jouer avec le public en le faisant s’accroupir pour mieux le faire bondir. Pour résumer cette performance, nous citerons donc le chanteur et ses trois mots préférés : « Ca fait plasir. »

15h. C’est l’heure de la torgnole. Mais gentille, la torgnole. Car, qu’on se le dise : le grind est humour, le grind est amour. Et si Mumakil oeuvre dans l’un des genres les plus extrêmes du metal, les gars qui le pratiquent sont rarement des grosses brutes premier degré. Et le vocaliste Thomas en est le parfait exemple. Entre chaque minute (ou deux, pour les morceaux les plus longs) de grunt, blasts, bombardements de basse et mitraillages de riffs saignants, le frontman est un génial animateur de club de vacances, enfilant vanne sur vanne, dédiant tel titre aux « gens qui sont cons (non pas les flics) », aux flics, à Johnny ou aux hippies, plaçant un mot sur leur batteur Kévin Foley (aussi membre de Benighted et intérimaire de premier choix pour tout remplacement, Sepultura en sait quelque chose), trouvé dans cette France « tiers-monde du metal », etc, etc.

Mais on n’est pas non plus à un show de Patrick Sébastien, on n’est pas là pour faire tourner les serviettes. La déflagration Mumakil, si sur album, ça vous décrasse déjà bien le marteau, l’enclume et l’étrier, en live, ça vous évide carrément l’urètre sans les mains. Point de « subtilité », pas de place pour le groove comme Sedative plus tôt. Mais c’est exactement ce dont le public avait besoin et les nuages de poussière en attestent. Et bien que genevois, on sent le groupe international qui rameute du monde, qui fait sentir la capacité d’accueil maximale du fest bientôt atteinte. On entame le dernier morceau avec encore une touche de bonne humeur et un petit jeu : compter les coups de caisse claire. On peut s’accrocher !

Downset lance la décharge hardcore.

Downset, Agnostic Front, Biohazard. En proposant une telle triplette de cadors du hardcore ricain au programme du dimanche, le festival pouvait très certainement attirer une bonne frange du public HxCx de la région. Ajouté à cela Le Bal des Enragés au milieu, réunion du gratin punk/hardcore hexagonal, pas de doute, il était écrit « Mosh » dans ton carnet de bal au Sylak. Et ne traiter que d’un groupe à la fois serait presque une honte. Séparer les familles, ça ne se fait pas. Et comme la veille avec les représentants du stoner/sludge, les ambassadeurs du hardcore US étaient toujours dans les parages, sur le bord de scène, quand leurs frères, avec qui ils ont déjà partagé quantités de tournées communes au cours du quart de siècle passé, se produisent sur scène.

Mais il faut bien commencer quelque part… Et ce sont les fraîchement reformés californiens de Downset qui lancent l’assaut. Et s’ils n’ont pas la même renommée que leurs confrères (la faute à des changements de line-up et une trop grande absence de la scène durant la première décennie de ce siècle), ils ont une réputation intouchable. Leur premier opus fait partie, comme l’éponyme de Rage Against The Machine ou le Get Some de Snot, des chefs-d’oeuvre incontournables des 90’s. Mais, encore plus que ceux-ci, il est aussi l’une des clé de voûte du metal fusion ; et à défaut d’un RATM dont on ne sait s’il va ou vient où que ce soit, retrouver Downset sur scène est une occasion qui ne se boude à aucun prix.

Cependant, si l’exécution des titres est parfaite, si le groove est bon et porte un public bien chaud, il y a comme un léger malaise. Au risque de passer pour un puriste, l’absence du chanteur originel Rey Oropeza et de son flow se font tout de même bien sentir. Malgré toute la bonne volonté de son remplaçant Neil Roemer, qui fait un très bon boulot de frontman, son chant n’égale ni ne surpasse celui que les fans ont toujours connu. Mais pour déclamer « Anger » au moins une fois en concert, on passera ce cap.

Agnostic Front, c’est plus que de la musique.

Enfin, comme dirait Roemer justement, le hardcore, « ce n’est pas une question de musique, mais une question de mouvement ». Et la théorie se vérifie parfaitement lors du set d’Agnostic Front qui leur succède. Analyser les qualités musicales des chansons, ou de leur interprétation, du combo new-yorkais serait donc passer à côté de l’essentiel : le mouvement. Et dans les deux sens du terme. La foule est en ébullition, pendant près d’une heure les corps se tendent, sautent, s’entrechoquent (parfois un peu trop, la faute à certains individus aux idées courtes venus casser du pogoteur), les voix explosent. Une vraie lessiveuse où il ne faudrait pas jeter mémé… Et pourtant, Agnostic Front donne l’exemple d’un spectacle familial, spectacle d’une communauté dont l’hymne serait « For My Family », communauté qui respecte ses aînés en reprenant le classique « Blitzkrieg Bop » des Ramones, qui se retrouve pour joeur un titre avec toute la clique hardcore US sur la scène et honore déjà la nouvelle génération en faisant monter les gosses de certains spectateurs pendant « Gotta Go », dont le petit qui faisait déjà des hélicoptères la veille pendant Eyehategod et qui headbangue avec Agnostic Front. « This is hardcore ! » déclare le chanteur Roger Miret en le montrant. Que dire de plus ?

Une famille qui a quand même des limites très « nationales », on le remarquera durant le concert du Bal des Enragés. Mais pas tout de suite car il faut déjà attendre la fin des balances… Oui, encore ces problèmes de son qui s’éternisent, qui, au bout de dix minutes de retard sur l’horaire, pousse un Reuno à pousser dans le micro un « Allez ! » impatient, et pour, au final, ne pas offrir un rendu irréprochable. Il est même très probable que c’est ce retard qui privera le public de certaines reprises, moments forts des concerts du Bal, comme « Antisocial » de Trust ou « Vive Le Feu » des Bérus.

Le Bal Des Enragés : l’hommage à l’anarchie.

Alors, oui, on pourrait s’étonner de voir un cover band placé si haut sur cette affiche, notamment au-dessus d’Agnostic Front (lui-même parfois repris par cette équipe). Mais, outre l’assemblée de barons de la scène punk française (avec des membres de Lofofora, Tagada Jones, Parabellum, Punish Yourself, Black Bomb A, etc.), le Bal des Enragés, c’est aussi un spectacle avec costumes (comme celui de l’intro clamée par le monsieur Loyal de ce cirque), petites scénographies (l’instant SM sur « I Wanna Be Your Dog » avec cette Crampe qui partira en slam), et son lot d’effets comme les devenues classiques gerbes d’étincelles à la meuleuse. Un beau divertissement dédiée à la rage, l’anarchie ou simplement à la désobéissance et rendant hommage à ceux qui l’ont le mieux chanté.

Et, reprises ou pas, on ne se prive pas de déguster des chansons devenues rares sur scène (notamment en raison de la disparition ou absence prolongée de certains groupes), de « Killing In The Name Of… » à « Tostaky », de « Réveille Le Punk » de Svinkel à « If The Kids Are United » de Sham 69. Mais ces moments d’unité ressentie entre le groupe et le public ne sont pas toujours entièrement partagés et, pour avoir un peu molesté le drapeau américain pendant « Holiday In Cambodia », Reuno recevra la visite sur scène des gars de Downset, brandissant fièrement leur bannière étoilée, offrant un doigt d’honneur au chanteur de Lofo, qui commençait justement à entonner, la main en avant, comme un barrage : « And I don’t want you, and I don’t need you », se lançant dans l’interprétation de « The Beautiful People » de Marilyn Manson. Fin du drame. Les Californiens retournent en coulisses. Le spectacle continue, passe par un « Feuer Frei » chanté par le vétéran Schultz de Parabellum (évidemment, lui sait parler allemand), un « Bad Reputation » de Joan Jett chanté par Klodia, qui manie aussi bien sa voix que sa meuleuse, et s’achèvera de manière percutante avec un « Refuse/Resist », accompagné de bidons façon Tambours du Bronx, pour mettre une dernière fois le chaos dans la fosse où un circle-pit final est lancé. Le Bal des Enragés portait bien son nom.

Si l’on a souligné le caractère attractif de la présence des groupes de hardcore ce jour-là, il ne faudrait pas par là minimiser la popularité d’Eluveitie, un des fleurons d’un genre non moins populaire : le folk metal. En fait, aucun doute que c’est ce groupe qui aura rameuté le plus de fans : s’ils ne portaient des T-shirts à l’effigie du groupe, les metalleux réunis à Saint-Maurice de Gourdans affichaient au moins clairement leur amour des formations pagan/folk de toutes nationalités. Ce sera donc l’explosion dès l’entrée en scène des Helvètes, jusqu’à la folie, et ce dès le second morceau, « Luxtos ».

Eluveitie, accueilli à bras ouverts par le Sylak.

Aucun doute que cet air connu (adaptation du chant traditionnel « La Jument de Michao ») qui forme le canevas de ce titre, y est pour beaucoup, car au-delà d’une souche death relativement basique, c’est bien le caractère folklorique qui est la star du groupe et fait donc le charme de leurs concerts, sorte de grands bals populaires sauvages où l’on se heurte avec plaisir au rythme des riffs metal.

Eluveitie, c’est une fête, et elle se déroule quasi à merveille. Si « Kingdom Come Undone » est encore l’occasion d’un gros circle-pit, ça ne se calmera pas avec « Havoc », bien au contraire. Et « Alesia » remplira le cahier des charges des rites païens et brutaux grâce à l’un des rares bravehearts de ce weekend. Côté son, on n’a (enfin) que peu de choses à dire. Il semblerait que le groupe soit venu avec son propre ingé et cela se ressent dans la qualité globale. Mais cela n’empêche pas certains instruments (comme le violon ou le chant féminin) d’être noyés dans le mix, bien qu’on les entende parfaitement durant les solos. On aura quand même vu le batteur Merlin Sutter prendre un coup de sang, ce qui a obligé le groupe à s’arrêter pour écouter ses doléances ; mais rien ne permettait de comprendre le contenu de leur discussion. Mais tout s’est fini par un ultime chant festif : l’inévitable « Inis Mona » qui aura achevé de faire passer ce concert à la place de véritable tête d’affiche de ce fest.

Il ne faut voir aucune injure faite à Biohazard ou à leur performance par cette dernière considération mais, malheureusement, ce set des Suisses a été pour beaucoup de festivaliers à la fois le point culminant et le dernier concert de ce weekend. Les petites minutes de retard déjà prises par les concerts précédents au cours de cette journée ont déjà repoussé la fin du show d’Eluveitie beaucoup plus près du début programmé de celui des Américains, et une fois encore les balances n’en finissent pas… Ainsi, au lieu de monter sur scène à 22h15, c’est à presque 23h que Biohazard foule les planches. La foule, qui avait déjà perdu en densité suite à l’avant-dernier concert (on l’aura compris, nombreux étaient ceux à avoir payé leur billet pour du folk metal et un peu de bonus), a encore désépaissi à l’approche de l’heure de fin initialement prévue, c’est à dire 23h30. Et le reste, déjà bien fourbu, se précipitera-t-il pour un dernier moshpit ? Heureusement, la réponse est oui ! Il y a encore du monde devant la scène pour slammer au son Biohazard.

Biohazard assène le coup de grâce.

Le combo lui-même ne fera pas dans la demie mesure. Billy Graziadei, en plus d’être une bête de scène, peut aussi, à l’occasion, se montrer un excellent soliste et un amoureux des bains de foule, se jetant dans le public, jouant et slammant. Et ses deux autres collègues (dont un Scott Roberts, dernier membre en date mais déjà bien intégré) sur le devant de la scène ne sont pas en reste ; on a l’a plus que trois frontmen : trois tornades. Et si le concert sera écourté d’un quart d’heure par rapport à la durée annoncée (1h15), le groupe aura au moins fait en sorte qu’il n’y ait pas un moment de baisse de régime, jouant pendant la seconde moitié comme si chaque morceau devait être le dernier. Biohazard, fidèle à la tradition familiale constatée dans le genre auquel ils appartiennent, invitent sur le dernier morceau les roadies pour faire les choeurs. Au final, les derniers courageux auront pu sécher sur ces déferlantes hardcore/néo metal leurs ultimes réserves d’énergie. Et tant pis si demain certains doivent retourner au boulot…

Il est maintenant temps de remballer, mais d’abord, pendant que Biohazard range son barda, l’orga du festival y va de ses remerciements, pour le public d’abord encore plus nombreux mais aussi pour les bénévoles sans qui cela ne serait pas possible. Le Sylak déclare 4500 festivaliers sur le weekend et espère faire encore mieux l’année prochaine. Et on ne peut que leur souhaiter de grossir. Ce festival est presque un pionnier dans le sud-est de la France tellement dépourvu d’événements metalliques de ce genre. Néanmoins, est-ce possible ? Dès 16h, le dimanche, on sentait que le site atteignait un taux de fréquentation maximal, rendant mal aisée la circulation, notamment au niveau de buvettes, et on pouvait tourner longtemps avant de trouver un coin d’herbe libre pour s’asseoir. Les toilettes sèches étaient, à la base, une bonne idée (point de vue écologie) mais étaient déjà pleines le samedi en début d’après-midi et 24h après les festivaliers commençaient à se soulager contre les barrières ; sans parler des insectes qui y crapahutaient (les sanitaires : éternel problème de tout fest). On ne reviendra pas encore sur les problèmes de sono récurrents, voire frustrants. Quant aux activités supplémentaires (combats de sumos gonflables, ventriglisse, etc.), elles étaient assez anecdotiques.

Au final, le bilan de cette expérience de ce troisième Sylak est globalement positif et on espère que tout ce qui a constitué le charme de ce weekend d’août sera poussé plus loin en 2014, comme la soirée mousse du vendredi (et pourquoi pas garder cette deuxième scène les jours suivants ?), les animations entre les concerts une fois la nuit tombée avec des jongleurs manipulant des accessoires enflammés et une programmation riche mais néanmoins équilibrée. On aura eu un samedi plus porté sur le gros rock, un dimanche plus hardcore et surtout chaque jour l’opportunité de démarrer avec la découverte sur scène de groupes de la région Rhône-Alpes et c’est un bon modèle. Enfin, comment se passer près de chez soi d’un festival où l’on a enfin l’occasion de croiser nombre de têtes connues. On comprend enfin ce que peuvent probablement vivre les Bretons quand ils se rendent au Motocultor, par exemple, vivant un festival entourés de nombreux amis, de vieilles connaissances et de nouvelles qu’on pourra retrouver sans attendre l’année suivante. Et pour tout cela, on vous y retrouvera en 2014.

Merci à Aurélien « Kouni » Maillet et Sons of Metal pour les photos qui illustrent cet article.



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  • Aceofspades dit :

    Le concert de Nashville Pussy ce soir là a été un des concerts les plus Rock que j’ai pu voir! Une claque comme j’en avais rarement pris!

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