Il y a un peu de James Kottak (Scorpions) dans Deen Castronovo de Journey. Pas tant pour son exubérance que pour l’enthousiasme qu’il dégage par rapport à sa vie d’artiste. Tous deux ont autrefois été des gamins rêvant de vivre de la musique et du spectacle. Jusqu’à aujourd’hui, ils n’ont pas oublié ce gamin et seront éternellement reconnaissants envers la vie et les fans. Comment pourraient-ils alors ne pas voir l’existence de la façon la plus positive qui soit ? Un état d’esprit visiblement unanime au sein de Journey, comme le décrit Deen : « Nous sommes un groupe positif et joyeux ! ». Et Journey a raison de l’être, compte tenu de son retour en force médiatique, des relations entre les membres du groupe plus soudés que jamais ou bien encore de l’exemple rêveur d’Arnel Pineda, cet inconnu venu du fin fond des Philippines et devenu frontman du groupe.
Vous l’aurez compris, dans cette interview, pas de cynisme, pas de dénonciation, ni d’intellectualisme, si ce n’est son analyse pertinente sur la recette du succès. Simplement une discussion avec un personnage extrêmement sympathique avec lequel on se prend au jeu de cet enthousiasme enfantin qui serait, en temps normal, presque irritant. Une fois de temps en temps, sur cette scène de groupes obligatoirement « méchants et vilains » pour reprendre les termes de Deen, une dose de positivisme et même de naïveté, ça fait du bien.
« Voir Arnel venir d’où il vient, un gamin sans abri, et devenir chanteur de l’un des groupe les plus importants en Amérique montre que tout est possible. »
Radio Metal: Salut Deen, comment vas-tu ?
Deen Castronovo (batterie): Je vais bien ! Je me réveille juste en buvant un café et en regardant les infos à la télé ! (rires)
OK, et de quoi parlent-elles ?
Eh bien, tout ce que l’on voit, c’est qu’Oussama Ben Laden s’est fait flinguer. C’est ce dont tout le monde parle ! Sinon pas grand-chose, il pleut des cordes.
Sais-tu qu’en France certaines personnes émettent l’hypothèse que Ben Laden ne soit pas réellement mort et qu’il s’agirait d’une manipulation ?
Ouais. Tu sais, je ne sais pas ! (rires) C’est ce qui est problématique. On nous laisse un peu dans le brouillard ici en Amérique. On ne sait pas ce qu’il se passe, putain ! Ils nous disent une chose puis on entend ensuite des théories du complot qui disent qu’il n’aurait pas été tué. Qui sait ? (rires). Moi, je fais de la musique !
Que penses-tu du fait que le corps ait soi-disant été jeté à la mer ?
Mouais… Ça a l’air un peu bizarre. Tout ça est un peu bizarre, c’est pourquoi je pense que, parfois, tu ne peux pas faire confiance au gouvernement. Tu n’es au courant de rien ! Tu sais, on nous laisse dans le brouillard, comme tout le monde !
OK, Passons aux questions d’ordre musical alors. Dans la vidéo qui présente le nouvel album du groupe, vous déclarez que beaucoup de choses vous sont venues à la toute dernière minute. Est-ce que cet aspect « improvisation » était quelque chose de nouveau pour le groupe ?
Non, pas vraiment. D’habitude quand j’arrive en studio, ils me donnent des démos. Des chansons qu’ils ont écrites et enregistrées, et moi je dois trouver des rythmes cool à la batterie et d’autres trucs pour les remplir. C’est assez facile pour moi de procéder ainsi. C’est comme ça que j’ai réalisé la plupart de mes enregistrements. Pour le dernier album de Journey, c’était vraiment sympa car tout le monde a fait ça de cette manière. Tu sais : venir, jouer sans s’arrêter, puis enregistrer. C’était plutôt agréable !
On dirait que cette expérience a vraiment donné de l’enthousiasme au groupe. Peut-on s’attendre à ce que vous alliez plus loin dans cette direction. Partir en improvisation en plein concert par exemple ?
Bien sûr ! C’est ce qui est cool avec le groupe. On peut aller n’importe où, n’importe quand, et les musiciens sont toujours au top. On peut toujours improviser et s’amuser. C’est d’ailleurs ce qu’on fait. Quand Neal veut que son solo dure un peu plus, il lève la main, l’air de dire « Je repars pour un tour ». (rires). Alors on le suit ! C’est vraiment cool.
« Le metal, ce genre de musique, ce genre de groupes… Il faut plutôt qu’ils soient ‘méchants et vilains’ (rires). C’est cool, j’aime ça aussi. Mais Journey n’a jamais été ce genre de groupe et nous sommes très positifs et joyeux. »
Le premier single s’intitule « City Of Hope ». S’agit-il d’une vraie ville ?
C’est Manila, aux Philippines. C’est la ville d’origine d’Arnel [Pineda, le chanteur]. Il a écrit une chanson dessus, elle est cool.
L’espoir est un thème qui revient souvent dans cet album avec des titres comme « City Of Hope » , « Chain Of Love » ou encore « Anything Is Possible ». Mais d’où vous vient tout cet espoir ?
(rires) Bien vu ! Tu sais, voir Arnel venir d’où il vient, un gamin sans abri, et devenir chanteur de l’un des groupe les plus importants en Amérique montre que tout est possible. C’est à propos de spiritualité, de croyance et comment Arnel a pu devenir une méga-star en partant de rien. C’est une bonne chose.
Pensez-vous, toi et le groupe, que les artistes écrivent trop de paroles sombres dans le rock et dans le metal aujourd’hui ? Avez-vous fait un album positif et enthousiaste pour aller à l’encontre de ça ?
Ouais, c’est ce que Journey a toujours fait. Nous avons toujours parlé de l’espoir et de la foi. Le metal, ce genre de musique, ce genre de groupes… Il faut plutôt qu’ils soient « méchants et vilains » (rires). C’est cool, j’aime ça aussi. Mais Journey n’a jamais été ce genre de groupe et nous sommes très positifs et joyeux.
« J’ai l’impression qu’aujourd’hui nous allons dans la même direction en tant que groupe. Avant, nous allions aussi dans la même direction, mais chacun avait ses propres idées. […] C’est génial d’être maintenant capable d’avoir un avis unanime. »
Quand un groupe sort un album il est toujours très euphorique, mais pour Eclipse, on a l’impression que vous avez éprouvé bien plus que de l’euphorie. C’est normal de penser d’un nouveau disque : « C’est notre meilleur album » mais après visionnage de cette vidéo, on sent qu’il y a quelque chose de plus. L’un de vous a même déclaré : « Je suis tombé amoureux de cet album, ce qui ne m’était pas arrivé pour un autre depuis bien longtemps ». Qu’a cet album que les autres n’ont pas ?
Eh bien, tu sais, le groupe en tant qu’entité s’est amélioré et a encore mieux intégré Arnel par rapport à notre album précédent. Il est un chanteur et une personne exceptionnelle. Et il s’est mis à écrire des chansons. J’ai l’impression qu’aujourd’hui nous allons dans la même direction en tant que groupe. Avant, nous allions aussi dans la même direction, mais chacun avait ses propres idées sur ce qu’il voulait. C’est génial d’être maintenant capable d’avoir un avis unanime. Nous sommes plus proches que jamais en tant qu’humains et musiciens. Je crois que c’est ce qui caractérise Journey. Le fait que nous puissions prendre une direction différente de celle de l’album précédent, aller où on veut. C’est ce que l’on essaie de faire : surpasser tout ce que nous avons pu faire auparavant.
Quand Arnel est arrivé dans le groupe, il y a quelques années, il y a eu une polémique raciale au sujet de ses origines philippines. Pourtant il n’est pas la première personne étrangère ou ayant une couleur de peau différente à intégrer le groupe. Pourquoi cette polémique avec lui, alors ? Est-ce que les gens qui écoutent du rock sont plus racistes envers les Asiatiques ?
Bonne question. Les gens peuvent être très cruels. C’est triste et irrespectueux. Heureusement Arnel a su dépasser ça. Il est comme il est et il fait son travail. Tu sais, il y aura forcément des gens qui ne vont pas t’apprécier sur cette planète. Il faut savoir dépasser ça. Même si tu es sympa et avenant, les gens peuvent toujours être malveillants envers toi. Tant que nous, nous ne le sommes pas, tout va bien !
Est-ce grâce à lui que vous avez pu tourner aux Philippines et en Asie ? Il s’est servi de son réseau là-bas ?
C’est incroyable ! Nous étions déjà allés au Japon avant, mais jamais en Chine, ni aux Philippines. Le public était top, c’était vraiment bon pour nous. Pour répondre à ta question, oui, c’est grâce à lui. Il est des Philippines et il était dans un groupe là-bas. Les gens tenaient vraiment à le voir. Nous avons tourné le DVD à Manille devant quelque chose comme trente mille personnes. C’était hallucinant !
Étant donné qu’il n’y a presque plus personne du line-up originel, que pense la formation actuelle des débuts progs et jazz de Journey ?
On adore ça, ça fait partie intégrante du groupe ! Même si nous ne jouons pas beaucoup de chansons des premiers albums, on apprécie toujours la musique que le groupe a pu jouer et enregistrer auparavant. Il y a plus d’une centaine de chansons que nous sommes capables de jouer en concert. Ça nous donne un catalogue exhaustif pour choisir !
« Beaucoup de groupes de la génération MTV/VH1 ont cessé d’exister. Il y a eu tellement de groupes diffusés en même temps qu’ils n’ont même pas pu établir une fan-base conséquente. »
Nous assistons aujourd’hui à une sorte de « revival » du classic rock et des groupes comme Foreigner et Journey sont de retour sur le devant de la scène. Comment peux-tu expliquer ça ? Pourquoi maintenant ?
Parce que la plupart des groupes d’aujourd’hui sont nazes ! (rires) Non… Je crois personnellement que Journey a été bâti sur ses tournées et sur la radio. Et je crois que nous leur devons encore beaucoup aujourd’hui. Beaucoup de groupes de la génération MTV/VH1 ont cessé d’exister. Il y a eu tellement de groupes diffusés en même temps qu’ils n’ont même pas pu établir une fan-base conséquente. Il fallait vraiment que les gens aiment ta musique avant que tu puisses partir en tournée. Notre légende est plus belle que celles de beaucoup de ces groupes, c’est cool !
Foreigner et Journey ont des profils médiatiques assez similaires. Vous êtes tous les deux des groupes importants mais malgré tout des outsiders par rapport au succès médiatique dont profitent des gros groupes, comme Bon Jovi par exemple. Est-ce que vous vous sentez proche de Foreigner pour ça ?
Tu sais, les gens aiment la musique des années 80, la musique de Journey et la musique de Foreigner. Les gosses d’aujourd’hui commencent à découvrir tout ça. Bon Jovi a toujours été un très gros groupe et je crois que c’est parce qu’ils ont gardé la même formation, mis à part leur bassiste, il me semble. Ils ont surtout toujours gardé cet éternel frontman, Jon Bon Jovi, qui assure le show, alors que nous avons changé plusieurs fois. Si nous avions eu Steve Perry, ça aurait été plus facile quand nous sommes revenus. Mais Dieu merci, nous avons du talent nous aussi. Nous avons travaillé dur depuis des années et maintenant nous sommes de retour au top, c’est génial.
Interview réalisée en mai 2010 par phoner.
Retranscription et traduction : Lucas
Site internet de Journey : www.journeymusic.com