Le Trabendo met le metal progressif à l’honneur en ce 6 novembre et réchauffe cette froide nuit automnale. Les Norvégiens de Leprous, qui semblent au sommet de leur art et dont la renommée ne cesse de croître, investissent la scène parisienne pour le plus grand plaisir de cohortes de fans, après un passage remarqué au Divan du Monde en 2015, et partagent l’affiche avec les non moins talentueux Islandais d’Agent Fresco.
Lourde tâche pour le trio norvégien d’Astrosaur d’ouvrir avant des shows si prometteurs. Mais le défi est relevé et les festivités commencent avec un peu d’avance. Pendant une petite demi-heure, Astrosaur nous propose donc une musique rock instrumentale à fort potentiel, qui sait se révéler aussi fascinante que puissante en jouant sur des sonorités et des rythmes variés. Si le son est au rendez-vous et laisse présager le meilleur pour la suite de cette soirée, les lights font en revanche redouter le pire.
Artistes : : Leprous – Agent Fresco – Alithia – Astrosaur
Date : 06/11/2017
Salle : Le Trabendo
Ville : Paris [75]
C’est en effet sous les feux de capricieuses lumières stroboscopiques ou de frustrants contre-jours qu’évolue à son tour Alithia. Le groupe nous propose un set finement maîtrisé mettant à l’honneur leur dernier album To The Edge Of Time. Nombreux sont les musiciens qui investissent alors la scène, l’expérience musicale s’annonce intense et à juste titre. La chanteuse Marjana Semkina de I Am The Morning, qui remplace la chanteuse originale du groupe absente de la tournée suite à une blessure, apporte une touche délicate à la musique d’Alithia par son chant discret et aérien. Mais les compositions du groupe se révèlent plutôt originales et surprenantes, riches en innovations et en émotions contrastées. A ce chant clair se joignent quelques growls puissants, accompagnés de rythmiques enivrantes aux accents parfois tribaux, sauvages. L’énergie déployée par le groupe sur scène, et notamment la force furieuse du claviériste et du batteur, échauffe quelque peu la salle qui semble satisfaite de cette prestation.
Un an après leur passage au Trabendo, en première partie de Katatonia, Agent Fresco revient sous les acclamations de rangs de fans de plus en plus serrés, et le groupe, fidèle à lui-même, nous sert une musique absolument exemplaire, ô combien digne d’une tête d’affiche. C’est le magnifique album Destrier qui est à nouveau à l’honneur et quel plaisir de retrouver ses titres si brillamment exécutés en live. Que dire, si ce n’est que la prestation est une fois de plus à couper le souffle, en dépit de l’absence du bassiste Vignir Rafn Hilmarsson nouvellement papa et remplacé par le non moins talentueux Nicolai Mogensen de Vola. Les morceaux emblématiques de Destrier tels que « See Hell » ou « Dark Water » soulèvent les foules par leurs notes saccadées si reconnaissables, tandis que le chant cristallin d’Arnór Dan Arnarson parfaitement maîtrisé illumine le Trabendo par sa justesse et sa puissance. La violente et tourmentée « Angst » électrise et étourdit à la fois par ses rythmiques lancinantes rehaussées par les hurlements d’Arnór, alors que la plus douce et plaintive « Bemoan » se fait étrangement lumineuse, éblouissante.
Une surprise attend les fans puisque le groupe propose après la sublime « Wait For Me », une nouvelle création dans la lignée directe de Destrier, marquée par la singularité musicale d’Agent Fresco et en cela immédiatement reconnaissable. De très bon augure pour la suite et de quoi, d’ores et déjà, susciter l’impatience. Le show des islandais s’achève avec « The Autumn Red » et un bain de foule grandiose pour Arnór. Sans cesser de chanter, Arnór se fraye un chemin parmi la foule pour un incroyable moment de communion et d’amour, ponctué de multiples et chaleureuses poignées de main, doigts entremêlés, comme pour rendre à la musique une dimension physique et ne faire qu’un, sous l’égide du partage, ne serait-ce qu’un instant. Vivre l’expérience live d’Agent Fresco est une drogue. Les artistes donnent tant, mais les fans leur rendent bien. La notoriété du groupe est grandissante et tellement méritée, comment pourrait-il en être autrement ?
La foule n’en frémit pas moins quand le moment vient pour Leprous d’entrer en scène. Et c’est avec un magnifique solo de violoncelle et « Bonneville » que le concert commence. L’atmosphère est créée. Avec huit titres du dernier né Malina, la nouveauté est à l’honneur. S’y ajoutent les grands succès de The Congregation pour le plus grand plaisir des fans. Une setlist à la hauteur de l’événement donc et qui fait l’unanimité, bien qu’elle soit aussi changeante que le line-up gravitant autour d’Einar Solberg au chant et aux claviers et de Tor Oddmund Suhrke à la guitare. Etant donné l’accueil qui leur est fait et la ferveur du public, « The Price » et « Rewind » sont désormais des classiques incontournables. Le Trabendo palpite alors que les artistes sont à l’apogée de leur art et démontre toute l’ampleur de leurs talents. On salue la performance de Tor à la guitare et aux chœurs, et les progrès d’Einar dont la voix éthérée est maîtrisée, même aux moments les plus périlleux. La salle vibre, est emportée par ces compositions, aux notes puissantes et saccadées, exécutées avec une précision presque maniaque.
Le succès est complet pour le groupe qui n’a pas fini de nous surprendre et nous époustoufler par sa rigueur et sa virtuosité. Leprous fait aujourd’hui partie des groupes incontournables de la scène progressive qui, à chaque album comme lors de chaque passage live, prouvent qu’ils méritent de fédérer une communauté encore plus importante et d’être reconnus par encore plus d’amateurs du genre. L’éloquence live et la technicité des membres de Leprous rendant les fans toujours heureux de croiser la route des Norvégiens. Ce qui fut (évidemment) à nouveau le cas ce soir à Paris où ces quatorze titres seront passés bien vite.
Setlist :
Bonneville
Stuck
The Flood
From The Flame
Illuminate
The Price
Captive
Restless
Rewind
The Weight Of Disaster
Malina
Rappels :
Echo
Mirage
Slave
Report et photos : Elena Delahaye.