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Interview   

L’Esprit du Clan revient pour « vous »


L'Esprit Du ClanLa pause dans la carrière de l’Esprit Du Clan, annoncée en 2012 via un communiqué qui laissait imaginer un groupe épuisé et désenchanté, puis le retour de cette année n’inspirent rien d’autre que des motivations humaines auxquelles il est facile de s’identifier. Ce n’est ni plus ni moins que l’histoire d’un groupe qui n’en peut plus et qui a besoin de faire une pause, puis à qui, après quelques années, se retrouver entre potes et jouer pour son public manque.

A l’occasion de la sortie du nouvel album Chapitre 6 qui, malgré son titre, sonne comme un nouveau départ, c’est un entretien sous le signe de la sincérité et de l’humilité que nous a accordé Yann « Arsène » Lecorre pour évoquer le retour du groupe et ses motivations, sa remise en question quant aux textes et à la manière d’enregistrer et, plus que jamais, l’amour inconditionnel du chanteur pour Paris.

L'Esprit Du Clan

« Faire un album pour faire un album, j’aime ça mais ce n’est pas le but. Le but, c’est vraiment la scène et l’adrénaline. »

Radio Metal : Vous aviez annoncé une pause en 2011 en disant que la motivation n’était plus la même. D’où venait cette baisse de motivation ? Trop de concerts ? Ou encore autre chose ?

Yann « Arsène » Lecorre (chant) : Je pense qu’il y avait eu trop de concerts, on était souvent sur les routes. On avait une espèce de système où tous les deux ans on faisant tant de dates avec création d’album. C’était un peu un cercle vicieux, une espèce de rengaine qui nous a un peu fatigués. On n’avait tout simplement plus de plaisir et c’était le début d’une envie de s’arrêter, on ne savait pas si nous allions revenir dans un an, deux ans ou jamais, finalement ça a duré quatre ans parce que le plaisir est revenu.

Qu’est-ce qui a fait revenir le plaisir ?

L’Esprit du Clan, c’est tous mes potes d’enfance et le fait de ne plus faire de musique, forcément, je les voyais moins parce qu’on est pris par nos vies, les jobs, etc. Quand on compose, part en tournée, on revoit nos amis d’enfance et c’était une bonne excuse pour se revoir et passer de supers moments ensemble.

Sur votre page Facebook, dans vos influences vous avez mis « You » (« Vous » en anglais), donc le public j’imagine…

« Vous », l’être humain en général.

Et dans les intérêts musicaux, vous avez mis « Shows » : les concerts. Votre retour vous l’avez fait avec des concerts et non pas avec un album. Clairement vous faites de la musique pour les concerts. Est-ce que c’est bien votre motivation première ?

Sincèrement, s’il n’y avait pas les concerts… En tout cas, moi, je fais de la musique tout seul chez moi, je fais des trucs d’Electro mais c’est vraiment personnel. Mais avec l’Esprit Du Clan, avec mes potes, si on n’a pas ce partage avec le public, si on ne va pas sur scène avec cette adrénaline, il manque quelque chose. Faire un album pour faire un album, j’aime ça mais ce n’est pas le but. Le but, c’est vraiment la scène et l’adrénaline.

Est-ce que vous envisagez éventuellement un album live ?

Ce n’est pas la première fois qu’on en parle, ce n’est pas non plus la première fois qu’on nous en parle, mais ce n’est pas d’actualité. Il se pourrait qu’un jour on fasse un album live, un DVD, un truc qui ressemble à ce qu’on a toujours fait depuis des années mais ce n’est pas dans les tuyaux. Mais pourquoi pas.

Si vous aimez tant que ça la scène, pourquoi n’avez-vous pas encore voulu immortaliser ce moment-là ?

Il y avait peut-être aussi la peur de ne pas être satisfait du résultat, le fait de ne pas réussir à retranscrire exactement ce que les gens ressentent pendant le concert. Tout simplement ce n’est pas un truc qu’on a dans notre ADN, on a jamais pensé à faire ça. Si tu veux, le live, on préfère le retenir dans nos têtes que de le graver sur un disque. Ecoute, peut-être un jour mais c’est vrai que ce n’est pas quelque chose qui vient souvent dans nos discutions, donc je ne saurai pas te dire.

Avec ce nouvel album, le thème du nouveau départ est présent. J’ai été un peu étonné que vous appeliez le disque Chapitre VI parce qu’il y a tellement cet état d’esprit de nouveau départ dans ce disque et ce retour. Pourquoi est-ce que vous n’avez pas voulu rompre avec la petite habitude de numéroter vos albums ?

Je vais être très franc avec toi. Ce sont des discussions qu’on a eu entre nous. Même sur les précédents j’étais assez pour arrêter cette histoire de chapitres et de dire qu’un album c’était une vie à part entière et que ça ne devait pas forcément suivre un [schéma]. Mais à l’opposé, Chamka a toujours été dans ce trip de marquer des chapitres de notre histoire, chose que je respecte vraiment parce que pour le coup on a toujours appelé nos albums des chapitres. Mais, je t’avoue que c’est une discussion qu’on a, et je suis d’accord avec toi, je suis assez dans l’esprit de faire table rase. Pour moi, il n’y a que le présent et l’avenir qui comptent même si j’ai toujours le passé dans un coin de ma tête. Il n’y aurait que moi, honnêtement, j’aurais appelé ça soit l’Esprit Du Clan soit avec un titre d’album mais sans chapitre, à partir de zéro. Mais c’est aussi la démocratie entre nous et je respecte l’avis des autres et on est resté sur la décision des chapitres. Mais ce n’est pas inintéressant ce que tu dis parce que c’est un truc dont on parle assez souvent.

L'Esprit Du Clan - Chapitre VI

« On est tous des étoiles filantes et le groupe en est une aussi qui est apparu, qui est morte, qui renaît. Céleste pour moi c’est une preuve d’humilité. »

Dans le premier titre qu’on entend dans l’album, cela parle de l’explosion du soleil de façon très positive, que c’est un événement cosmique qui va donner un nouveau souffle à la galaxie. Est-ce que c’est quelque chose que vous avez vécu en tant que groupe ? Le fait que vous vous êtes arrêtés de jouer pendant des années, est-ce que c’est une fin qui vous a donné un nouveau souffle ?

Il y a vraiment les deux. Par rapport au texte, il y a ce côté céleste, dans le sens où ce que je veux dire dans cette chanson, c’est que s’arrêter aux choses du quotidien, aux choses du premier degré, aux actus du jour au jour le jour, c’est fatigant, ça n’a pas forcément d’intérêt en soit. Le fait de prendre du recul et d’avoir un point de vue un peu plus céleste, ça aide à envisager les choses, à être humble, à moins se prendre au sérieux, à dire qu’on est que de passage. C’était vraiment le thème principal. Et puis, c’est vrai que c’est aussi une métaphore par rapport à l’histoire du groupe, c’est à dire qu’on est tous des étoiles filantes et le groupe en est une aussi qui est apparu, qui est morte, qui renaît. Céleste pour moi c’est une preuve d’humilité, c’est comme ça que je vois les choses.

Est-ce que c’est une métaphore qu’on peut aussi appliquer à un thème qui vous est cher, qui est le thème de Paris et des attentats qui ont eu lieu l’an dernier ? Quel est le nouveau souffle que peuvent inspirer ces tragédies et ces attentats ?

Je vais parler de ce que ça m’a inspiré moi. On a tous été choqué, mais une fois le choc passé, j’ai voulu voir le verre à moitié rempli plutôt qu’à moitié vide. C’est-à-dire qu’on est que de passage, tout va très vite, on se rend compte à quel point la vie est fragile, qu’on aurait pu être là-bas à ce moment-là, j’ai des amis qui étaient sur place et je me dis : « Putain, mais c’est vraiment con de s’arrêter à des détails de conneries et des machins. » Donc le point positif que j’en retire c’est que j’ai envie de croquer [la vie à pleine dents]. Tu vois, le retour du groupe j’ai envie d’en profiter à fond. J’ai envie de profiter de ma famille, de mes potes. On est peu de choses et il faut profiter de la vie parce que, comme je le dis dans un de mes textes, pour l’instant on a « baisé la mort », pour l’instant on est toujours là.

Globalement les textes sont beaucoup plus poétiques et un peu moins revendicatifs, tu as essayé de t’inspirer de Rimbaud et de Bashung. Pourquoi avoir fait ce choix de partir sur quelque chose d’un peu plus poétique et métaphorique ?

Il faut que jeunesse se fasse. Quand je réécoute des textes que j’ai faits il y a quinze ans, je ne suis plus tellement à l’aise avec ça mais en même temps, je les assume parce que j’avais l’âge que j’avais. Aujourd’hui, je ne peux plus me permettre de faire des trucs hyper revendicatifs au premier degré. Je me sentirais mal à l’aise d’écouter ça aujourd’hui. Pour le nouvel album, je me suis replongé dans les classiques, j’ai été voir dans les Rimbaud et tout ce que j’aime. Par exemple, Bashung, je n’ai pas seulement écouté, j’ai imprimé les textes, j’ai aussi imprimé les textes de Gainsbourg. Il y a plein de choses que j’ai été repêcher comme ça, les Léo Ferré… J’ai relu tous ces grands classiques pour m’en inspirer et faire quelque chose d’un peu moins cliché que ce qu’on a pu faire jusqu’à présent.

Tu viens de citer Gainsbourg et c’est vrai que c’est quelque chose qui est marqué sur votre page Facebook aussi dans les influences. Est-ce que tu peux me parler du rapport que tu as avec ce personnage-là, avec sa musique ? Pourquoi est-il aussi important pour le groupe ?

C’est difficile d’expliquer complètement ce que Gainsbourg représente pour moi mais quand j’étais gamin, j’écoutais et je trouvais ça super agréable. Puis en grandissant, j’ai appris plein de choses, j’ai compris plein de choses. Si on me dit que Gainsbourg n’est pas un génie, je ne comprends plus rien. On parle de Gainsbourg mais on pourrait parler de pleins d’artistes français. J’ai grandi dans cette culture des Balavoine, Léo Ferré, Bill Deraime, même pas mal de Souchon. Il y a une culture musicale en France, même si elle est différente de la culture anglo-saxonne. Il y a tellement de richesses et Gainsbourg est un maître, ce mec est un chef-d’œuvre à part entière.

Il y a un morceau sur cet album qui s’appelle « Rat Des villes » et qui est un hommage à Paris. Est-ce que c’était important pour toi de parler du rapport très passionnel que tu as avec cette ville, surtout après les attentats qu’elle a connus l’an dernier ?

C’est vrai que les attentats m’ont encore plus donné envie de crier mon amour pour cette ville. Je me rends compte que je suis vraiment amoureux de cette ville, ce qu’elle représente, que ça soit les petites rues, la poudrière que représente Belleville, les beaux quartiers, le marais… C’est une ville extraordinaire, la bouffe, les gens, le mélange des cultures… Ecoute, ça s’est fait naturellement. J’avais besoin d’écrire une chanson sur Paris et plutôt que de dire des choses négatives, parce qu’il y en a sur cette ville, j’ai crié plutôt mon amour de Paris.

J’ai vu dans une interview que tu adorais conduire dans Paris. Je pense que tu fais partie des rares personnes à dire ça. Est-ce que tu peux nous en dire un peu plus à ce sujet ?

Enfin, conduire… Quand je dis conduire, oui j’aime bien conduire à Paris, je me déplace pas mal avec ma caisse dans Paris. Mais ça marche aussi quand je marche à Paris, quand je fais du vélo à Paris, quand je suis dans les transports. Au-delà de la voiture, ce que je voulais dire c’est que quand je passe dans Paris c’est incroyable, d’une rue à l’autre on passe d’un quartier hyper bourge à un ghetto incroyable. Et puis il y a des choses à voir ! L’histoire de cette ville est complètement incroyable. C’est un puits sans fond l’histoire de Paris.

L'Esprit Du Clan

« Je suis vraiment amoureux de cette ville, ce qu’elle représente, que ça soit les petites rues, la poudrière que représente Belleville, les beaux quartiers, le marais… C’est une ville extraordinaire, la bouffe, les gens, le mélange des cultures… »

L’album a été composé dans un laps de temps très court. Est-ce que c’est quelque chose qui s’est fait naturellement ou est-ce que vous l’avez vraiment voulu pour créer une sorte de sentiment de spontanéité et d’urgence ?

Il n’y a rien eu de volontaire, mais il s’est avéré qu’avec Ben et Chamka on a composé tous les trois. On se voyait une fois par semaine, et à chaque fois, ils venaient chez moi vers 11h, midi, puis ils repartaient à 18h/19h et à chaque fois il y avait une chanson qui sortait. C’était hyper simple. Pour résumer, on a fait treize morceaux sur l’album, ils sont venus treize fois chez moi. On n’a rien jeté, on n’a pas perdu de temps, il n’y a pas eu une journée où on ne s’est pas senti inspiré, ça a filé tout seul. Ce n’était pas une volonté au départ, mais le fait est que ça a été hyper rapide et naturel.

J’ai lu que tous les musiciens du groupe ont enregistré dans les mêmes conditions qu’au début des années 2000. C’est-à-dire pas de trigger, on ne retouche pas les parties de batterie ni quoi que ce soit. Est-ce que vous aviez besoin d’être sincère avec ce disque ?

Ce n’est pas tellement le besoin de sincérité mais plutôt une question de plaisir. Sur les derniers albums, on était à fond dans la prod, on recalait pas mal de trucs, on voulait être super propre, super carré. Techniquement on allait limite un chouia au-dessus de ce qu’on pouvait faire. C’était bien parce qu’on voulait aller dans cette expérience-là. Mais aujourd’hui, plutôt que de recaler les parties de guitare, de batterie, de mettre des sons de partout, on a préféré rejouer les parties. On a aussi laissé des pains et des petits défauts, on voulait vraiment que ça sonne live. On n’a vraiment pas mis beaucoup d’effets ; tu sais, par exemple, avant, on mettant des sub-basses sur des parties. Mais là, on a vraiment gardé le son basse, batterie, guitare, voix. On n’a pratiquement rien retouché, c’est le mode naturel mais avec une modernité, un son 2016, en tout cas un mode d’enregistrement très naturel.

C’est une sorte d’hommage à votre son live qui est ce que vous aimez faire le plus…

Exactement. On a voulu faire un son live, garder les défauts. Il est peut-être moins parfait techniquement que d’autres albums, mais il est plus vivant. En tout cas, c’est comme ça qu’on a voulu faire.

Pour la première fois, vous avez fait mixer cet album aux États-Unis avec Chris « Zeuss » Harris qui a travaillé , entre autres, avec Hatebreed et Madball. Pourquoi ? Qu’est-ce qu’il vous a apporté ?

On a fait nos deux ou trois derniers albums avec un pote à nous qui a arrêté de faire de la prod, il fallait donc rebondir sur autre chose. Et puis on s’est dit qu’on allait tenter l’expérience d’aller trouver un son qui est complètement différent. Les États-Unis, avec les pays nordiques, c’est un peu La Mecque de la production Metal. On voulait tester une prod vraiment boostée mais avec notre chant français et un style un peu différent. Pendant l’arrêt de l’Esprit Du Clan, j’avais travaillé dans un autre groupe qui s’appelle Parisian Walls et j’avais déjà bossé avec Zeuss. J’avais été super content de son taf, donc là on a fait pareil. Il a été super pro, toujours dans les délais, dans la direction qu’on voulait. On est hyper fier et content du résultat au final.

Il y a un nouveau bassiste au sein du groupe, il n’a pas participé à la composition des morceaux puisque l’album était déjà écrit. Mais est-ce que tu as déjà pu entendre ce qu’il proposait, des choses qu’il a déjà écrites, pour voir vers quoi pourrait s’orienter un album avec lui à l’avenir ?

Pour répondre honnêtement, non. Ce que je sais, c’est que c’est un super bassiste, très bosseur et humainement c’est un mec génial, hyper zen, discret et surtout plein d’envie, de motivation. Mais je t’avoue que non, on n’a pas encore eu l’occasion de le laisser créer, mais c’est tout récent. On a terminé de composer il y a trois mois, on est passé en studio il y a deux mois et on commence à peine les dates. Donc on n’a même pas eu le temps de lui laisser créer des choses. Si il y a un prochain album, il sera dans le processus d’écriture, il n’y a pas de problème.

Apparemment, ce qui vous a le plus impressionné chez lui, c’est son côté enjoué et sa motivation. J’ai cru comprendre que vous hésitiez entre deux bassistes et qu’il vous a montré que c’était lui qu’il fallait prendre. Est-ce que tu peux nous en parler un peu plus ?

Il s’est battu. Comme tu l’as lu, on hésitait et il nous a montré qu’il avait vraiment envie de le faire, il nous suivait depuis des années, etc. Quand un mec arrive en répèt et que tout est carré, que le son est là, que la motivation est là, que l’attitude est là, pour nous c’était du pain béni. Et puis, en même temps, on n’avait pas beaucoup de temps pour former un mec. Donc, quelque part, il fallait qu’il se forme tout seul. Il a été voir des vidéos du groupe sur YouTube, il a été voir comment travaillait Clem à l’époque. Il a bossé comme un fou. Donc c’était une évidence pour nous.

Pendant l’absence de l’Esprit Du Clan, tu as créé un groupe appelé Parisian Walls, que tu as mentionné un peu plus tôt. Quel est l’avenir de ce projet ?

Ecoute, en ce moment, cela va être assez compliqué de faire Parisian Walls. Je suis assez exclusif, c’est-à-dire que là je suis à fond dans l’Esprit Du Clan, mais quand on avait arrêté j’étais au taquet dans Parisian Walls. J’ai du mal à faire les deux, parce que là mon cœur, ma tête, mes tripes, mes couilles, tout est concentré sur l’Esprit Du Clan, donc je vais avoir du mal à mener les deux.

Interview réalisée par téléphone le 22 avril 2016 par Philippe Sliwa.
Retranscription : Gabriel Jung.

Page Facebook officielle de l’Esprit Du Clan : www.facebook.com/lespritduclan

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