Nous sommes le samedi 28 juillet 2012, soit le lendemain de la première journée du festival Léz’Arts Scéniques, et notre réveil sonne à 4h30 : train oblige. Notre fine équipe ayant dormi trois petites heures, c’est non sans une certaine difficulté que nous émergeons et réalisons que dehors il pleut… vraiment beaucoup. Mais nous avons une tente à déplier et les nombreux éclairs qui illuminent le ciel de Sélestat devront, coûte que coûte, être affrontés ! Nous le savons, bien sûr, mais ne pouvons nous empêcher de nous regarder sans un mot avec l’espoir vain « que cette fichue pluie cesse… ou en tout cas se calme ».
Bien évidemment vous comme nous sommes bien peu de choses face aux éléments et c’est donc trempés jusqu’aux os que nous ferons à pied le trajet camping-gare pour rentrer dans notre chère ville lyonnaise. Une fois n’est pas coutume, nous remercierons la SNCF d’avoir eu l’ingénieuse idée d’installer un sèche-main dans ses toilettes puisqu’il nous aura notamment permis de sécher notre caleçon… !
Cependant comme vous ne traînez pas (uniquement) sur le site de Radio Metal pour lire ce genre d’anecdotes hors-musique, voici le live report illustré du festival Léz’Arts Scéniques 2012 avec au programme Ministry, Suicidal Tendencies, Kreator et beaucoup d’autres groupes. Il intervient après la mise en ligne des comptes-rendus du Power Prog And Metal Fest, du Sonisphere Espagnol, du Nancy On The Rocks, du Download, des Métallurgicales, du Hellfest, du Graspop, du Main Square , du Sonisphere France, du Rock d’Ay et de l’Amphi Fest (ouf !).
Festival : Léz’Arts Scéniques 2012
Date : Vendredi 27 juillet 2012
Lieu : Sélestat
Léz’Arts Scéniques se déroulent comme d’habitude pendant trois jours et mettent en avant tous les styles de musique : metal, reggae, pop etc. Contrairement à l’année passée, le festival a cette fois fait le choix de coller les deux scènes à la manière des deux scènes principales du Hellfest. A gauche on note donc la présence de la scène Goeland et à droite de la scène EMP, toutes deux de taille équivalente. En 2011, les deux scènes se faisaient face et le festivalier devait ainsi arpenter les 100 mètres qui les séparaient. Malgré ce changement, le festival Léz’Arts Scéniques reste en tout cas fidèle à lui-même : c’est-à-dire un événement à taille humaine qui se déroule dans un cadre champêtre. Cette ambiance a du charme mais on regrettera toutefois que, comme l’année dernière, les déboires administratifs de certains confrères aient eu pour conséquence une attente de 45 minutes pour rentrer dans l’enceinte du festival. Une attente sous une chaleur torride qui expliquera pourquoi nous n’avons malheureusement pu observer que deux chansons du groupe Fall Of Death.
Dommage car, devant une assemblée très réduite, le groupe de metalcore originaire de Mulhouse a délivré un show intéressant, carré et varié. Poun, l’un des deux chanteurs de Black Bomb A, sera d’ailleurs invité sur scène par les membres de Fall Of Death et on notera à ce sujet la réception froide – pour ne pas dire incroyablement amorphe ! – du public. Le « Faites du bruit pour Poun de Black Bomb A ! » de la part du chanteur de Fall Of Death trouvera donc en écho trois ou quatre applaudissements polis en provenance du public. Un manque de retour sacrément étonnant lorsque l’on connaît l’importance de Black Bomb A dans le paysage metallique français…
Mais à peine les dernières notes de Fall Of Death terminées, Municipal Waste entre sur les planches de la scène Goeland pour y délivrer son thrash survitaminé. On peut y noter un esprit punk par la brièveté de certaines compositions du groupe américain ainsi que par sa grande énergie. Les riffs sont de sortie et c’est avec un réel plaisir que le public de Sélestat se fait plaisir en headbanguant frénétiquement. Si le public thrash s’est surtout déplacé pour voir le Big 3 du thrash allemand – Kreator, Sodom et Destruction – il réservera un bon accueil à Municipal Waste qui a réussi à transmettre en seulement 45 minutes son esprit positif incarné par les nombreuses prises de paroles du chanteur Tony Foresta qui, visiblement, aime la bonne « weed » !
L’énergie fait également partie des points forts de Black Bomb A sur scène. Son cocktail metal/hardcore passe très bien l’épreuve du live et l’entente scénique entre les deux chanteurs Poun et Shaun Davidson est réelle. Même si les compositions de Black Bomb A apparaissent malgré tout assez linéaires, il serait par contre injuste de critiquer le jeu de scène des musiciens qui sont dynamiques, motivés et heureux d’en découdre. Nous signalerons juste qu’il n’est pas normal que Shaun ait osé porter sur les planches cette sorte d’horrible maillot de bain/bermuda bleu ciel !
On poursuit avec Destruction sur la scène Goeland qui pour ses 30 ans de carrière parviendra sans difficultés à faire bouger les têtes. Le thrash old-school proposé par le trio est, à l’image du show de Sodom qui suivra sur la même scène, diablement efficace. Sur ces deux concerts, les musiciens font preuve de charisme et évoluent devant un parterre acquis à leurs causes. Il faut dire que le public venu d’outre-Rhin avait fait en nombre le court déplacement qui sépare Sélestat de la frontière allemande. Mille Petrozza, le chanteur/guitariste de Kreator, demandera d’ailleurs lors de son concert combien d’Allemands étaient présents au festival Léz’Arts Scéniques et trouvera pour réponse une grande clameur. Durant les shows de Destruction et Sodom, le public notera l’absence totale d’artifices ce qui l’obligera à se concentrer sur la grande qualité des nombreux riffs et intros proposés. Sous un soleil de plomb, Destruction et Sodom auront donc tous les deux donné des concerts qui s’adressaient avant tout à nos cervicales. Une vraie réussite.
Entre temps Lofofora est entré en scène à 17h15. Un horaire ingrat, voire injuste, au regard de l’excellente prestation de ce soir. Comme à chacun de leurs concerts, c’est un beau bordel qui s’installe dans la fosse dès les premières secondes et de nombreux pogos s’enchaînent en plein cagnard sous les encouragements d’un Reuno très en voix. Les titres se suivent au rythme des circle-pits et le public du festival Léz’Arts Scéniques a notamment droit à de grands moments comme « Utopiste », « Mémoire De Singes », « Elixir » ou encore « La Merde En Tube ». Le sourire est sur tous les visages et le groupe est logiquement ovationné comme il se doit. D’ailleurs, comme le fera remarquer Reuno, Lofo peut toujours compter sur un noyau dur de fans pour les suivre sur tous leurs concerts et on comprend pourquoi car chaque prestation est un moment intense de partage où même les plus réfractaires ne peuvent rester indifférents. Une bonne humeur générale (on se souviendra notamment du rire général dû à Reuno qui voyait son collègue Daniel Descieux sur les écrans géants et dira en conséquence « oh la la ça me fait bizarre de te voir en gros ici alors que tu es juste là ! »), tout en contraste avec les paroles plutôt pessimistes qu’on retrouve sur la plupart des titres. Les musiciens quittent la scène 45 minutes plus tard après avoir tenu leur pari : la fosse a bien été retournée et les volutes de poussière mettront un moment à retomber. L’un des meilleurs concerts de cette journée du 27 juillet.
Finntroll a retrouvé son clavier ! En effet, la prestation donnée par le groupe au récent Power Prog And Metal Fest de Mons avait été un peu frustrante puisque le clavier était quasiment inaudible. Or cet instrument fait partie des éléments essentiels chez les Finlandais et c’est pour cette raison que nous avons apprécié le fait de l’entendre à Sélestat. « En mélangeant efficacement black metal, death metal et musique folklorique finlandaise, le groupe s’est forgé en 5 albums un solide nom sur la scène pagan metal » indique à juste titre le festival Léz’Arts Scéniques sur son site internet. Il est aussi à préciser sur le sujet que Finntroll a réussi à fédérer les publics de ces trois genres de metal et sa récente prestation live à Sélestat l’a confirmée. En effet, le groupe a su transmettre son énergie et c’est en conséquence sous des applaudissements nourris (malgré un son global assez brouillon) qu’il se retirera.
Malgré un horaire de passage en milieu de soirée (20h30), Kreator était considéré par beaucoup comme la tête d’affiche. C’est d’ailleurs, avec Ministry, le groupe dont le temps de scène sera le plus important puisque les deux formations se produiront chacune 1h15. Comme indiqué plus haut, c’est un public allemand présent en masse qui arborera fièrement les T-shirts à l’effigie du célèbre groupe de thrash. Tandis que le quatuor investit la scène sur les premières notes de « Violent Revolution », on ne se lasse pas d’admirer la déco de la scène poussée à l’extrême : pas un cm² n’est laissé vide et les musiciens semblent posés au sommet d’une immense montagne de crânes humains, surplombés par l’imagerie de Phantom Antichrist, le dernier album de Kreator.
Devant la scène, un public surexcité piaffe d’impatience. Le chanteur Mille Petrozza s’adressera à son auditoire tout au long du set, tantôt en anglais tantôt en allemand, et on ne peut s’empêcher de faire le parallèle avec un certain Tom Araya de Slayer : même coiffure, même charisme, même posture, mêmes qualités de showman… Les autres membres un peu plus discrets sur scène assurent néanmoins leur partie musicale d’une main de maître en envoyant toute leur rage sur des titres aussi efficaces que « Extreme Agression » ou encore « Flag Of Hate ». Les morceaux s’enchaînent naturellement mais se ressemblent beaucoup. En conséquence, un sentiment de répétition s’installe et donne même l’impression que le set est plus long que prévu. Mais lorsque le groupe tire sa révérence, c’est un public conquis et enthousiaste qu’il laisse derrière lui.
C’est au tour de Suicidal Tendencies d’entrer en piste. Loin du thrash allemand distillé tout au long de la journée, le combo californien nous livre un funk-metal électrisant et survolté dont chaque morceau est une invitation à sauter sur place. Malgré quelques problèmes de son sur les premiers morceaux, Mike Muir, l’unique membre originel de la formation, ne démérite pas pour autant et son phrasé, très typé punk, trouve facilement sa place entre le groove de la basse et la batterie, tantôt jazzy, tantôt hardcore de l’impressionnant Eric Moore. Une belle débauche d’énergie fédératrice que les habitués comme les néophytes accueillent à bras ouverts. De tous les concerts de la journée, le show de Suicidal Tendencies fut probablement le plus dynamique et celui qui rencontrera le meilleur accueil du public. Incroyable de voir ce diable de Mike Muir courir partout sur la scène ! L’affluence modérée permet de se glisser au premier rang et nous savourons avec plaisir des titres cultes comme « Institutionalized » ou « Send Me Your Money ». Comme une petite ballade est toujours appréciable, « How Will I Laugh Tomorrow » permettra de souffler avant d’autres salves énergiques. Un excellent concert qui passera beaucoup trop vite et nous laissera un peu sur notre faim : 60 minutes pour Suicidal c’est forcément trop court ! Comme à son habitude, ST fera monter le public sur scène à la fin du set. Ce qui, visiblement, aura pris le service de sécurité de court…
Passons maintenant à la tête d’affiche de la journée : Ministry. Pendant que le groupe s’installe, l’introduction de « Ghouldiggers » défile sur l’écran géant, dénonçant sans détours (mais de manière plutôt comique) l’industrie du disque et les managers qui se fichent des artistes vivants et s’intéressent davantage aux profits à tirer des icônes mortes. Premier constat, la puissance est bien au rendez-vous. Assister à un concert de Ministry, c’est passer sous un interminable convoi de bulldozers. Et c’est d’autant plus vrai au premier rang où la batterie est aux avant-postes et constitue la majeure partie de la trame sonore, tandis que le synthé nous rappelle s’il le fallait que Ministry est l’un des pionniers du metal indus. Musicalement on assiste à une sacrée claque mais, sur scène, on note quand même quelques défauts importants…
Car ce serait un euphémisme de dire qu’Al Jourgensen était ce soir alcoolisé. Pour être honnêtes, le chanteur nous a semblé l’ombre de lui-même (ndlr : ce qui sera confirmé par les faits du lendemain au Bataclan de Paris). Articulant difficilement quelques phrases à l’attention du public, il titubait à chaque pas et ressemblait à s’y méprendre à un vieux reggae man en pleine défonce, se traînant d’un bout à l’autre de la scène. Par ailleurs, Al Jourgensen donnait davantage l’impression de murmurer dans son micro que de chanter, laissant l’électronique et l’amplification se charger du reste. L’omniprésence de samples posant forcément la question du playback car on a beau savoir qu’on assiste à un concert d’indus, il arrive un moment où l’on s’interroge sur la part d’instrumental dans ce que l’on entend. A l’image de ce solo de guitare alors qu’aucun guitariste ne joue sur tel morceau ou de cette avalanche de cymbales alors que pas une ne bouge sur tel autre etc. Vous l’aurez compris, avec Ministry le public a par moments l’impression d’assister à un concert d’électro qui relègue le groupe au second plan mais, ne soyons pas injustes, toutes ces contrariétés n’ont pas gâché la fête car le concert fut intense et puissant notamment grâce au talent et au professionnalisme des collègues d’Al. Emballé tout au long du set, le public aura tout de même tenté de faire revenir le groupe à la fin de l’heure et quart prévue. Sans succès mais Al Jourgensen aura quand même gratifié les fans du premier rang de longues et chaleureuses poignées de mains à la fin de la prestation du groupe.
Sur un autre sujet, certains membres du public auront peut-être noté que le bassiste à chapeau Casey Orr aura fait à de très nombreuses reprises des bras d’honneur en direction de l’audience. Il faut dire qu’un hurluberlu dans la foule a fait des pieds et des mains pour accéder au premier rang dans le but d’effectuer à l’adresse des membres du groupe des gestes obscènes, de l’insulter tout en tournant son pouce vers le bas pour signifier que « c’est vraiment nul Ministry ! ». Une attitude stupide qui, forcément, n’a pas vraiment plu à l’ami Casey qui a d’ailleurs proposé au « fan » en question d’aller régler cette affaire derrière la scène après le concert… Mais cette proposition n’a visiblement pas trouvé un écho positif auprès du principal concerné. Etonnant non ?
Allez on termine cette édition 2012 du festival Léz’Arts Scéniques avec la prestation de New Model Army car traditionnellement le festival fait toujours jouer un groupe derrière la tête d’affiche. L’année dernière Andréas & Nicolas avait ainsi succédé à la piteuse prestation de Cradle Of Filth et sur cette cuvée 2012, les compos plus rock de New Model Army auront clôturé avec brio le festival. Embelli par de jolies lumières, ce show de New Model Army fut à l’image de ses compositions : classes, professionnelles et efficaces. Même si le parterre se vidait sensiblement à cause de l’horaire (le groupe jouait entre 0h30 et 1h30), New Model Army aura délivré une très belle prestation qui aura mis en avant la variété de ses titres qui oscillent entre gros rock énervé et titres plus atmosphériques. La qualité d’une compo comme « Here Comes The War » résumant le propos.
Le festival Léz’Arts Scéniques 2012 est maintenant terminé et fut une vraie réussite en termes de prestations scéniques. Toutefois, dommage que le public n’ait pas répondu présent en nombre alors que l’affiche proposée fut, comme chaque année, variée et réalisée avec goût. Les programmateurs ayant d’ailleurs su rebondir avec brio après l’annulation de Testament en faisant venir le Big 3 du thrash allemand.
Live reports : Phil (+ Doc)
Photos : Claudia Mollard
belle affiche à laquelle j’aurais vraiment aimé assister
malheureusement on ne peut pas se faire tous les festivals!