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Chronique   

Lofofora – Vanités


Lofofora fête sa trentaine et ne paraît pas lever le pied le moins du monde. Il démontre d’ailleurs une assurance rare, comme en témoigne le pari acoustique réussi de Simple Appareil (2018) et les prestations live de qualité, à l’image de celle donnée à l’édition 2019 du Hellfest. Évidemment, après trente années de service, il est inutile d’essayer de défendre la réputation de Lofofora, l’un des groupes les plus importants de la scène metal française. Vanités est le dixième album de la formation, qui n’a rien perdu de sa verve et qui paraît même avoir renoué avec une ancienne énergie : Vanités présente un Lofofora affûté et hargneux, avec toujours la même volonté d’en découdre sans s’illustrer dans le décérébré.

L’une des premières réussites de Vanités reste la production qui donne sa place à chaque instrument, que ce soit la présence de la guitare ou surtout le grain de la basse, aisément discernable sur chaque composition, y compris lors d’exercices punk tels que « X-IT » ou « Le Futur ». Vanités ne tarde pas à faire apprécier les cordes qui grondent, et ce dès les premières secondes de « Bonne Guerre » qui a le mérite d’amener à un premier constat : le quatuor a été inspiré. Les lignes mélodiques du riffing de Daniel Descieux renvoient à l’époque de Les Choses Qui Nous Dérangent (2005), avec cet hybride groove-riffing incisif et un son rock « poussiéreux », quasi stoner, hérité de L’Épreuve Du Contraire (2014). « Les Fauves », et son introduction abrupte, emprunte la même philosophie, fort d’une section rythmique chirurgicale accompagnant parfaitement le phrasé de Reuno. Ce dernier alterne justement entre paroles presque rappées, lignes vocales appuyées, cris viscéraux et élancées mélodiques. Reuno va jusqu’à apporter un effet de syncope via son souffle au groove de « Le Venin » ; titre faisant autant preuve d’originalité qu’il rappellera, lors des couplets, les premières heures plus fusion de l’album Peuh! (1996). L’outro plus mélancolique de « Le Refus » vient quant à elle contraster avec la tonalité punk du reste du morceau et confère une dimension presque théâtrale à la composition : Reuno se montre particulièrement poignant lorsqu’il scande ses « J’attends encore… » pour finir sur un « J’en n’ai pas fini avec toi » plein de rage. À ce titre, Lofofora sait également chiader ses introductions, quitte à évoquer certaines atmosphères, à l’instar de « Désastre », amorcé par un jeu de réponse basse-batterie massif et une ligne mélodique qui souligne toute la gravité et la fatalité du morceau.

Vanités se distingue par cette adéquation entre le propos et l’instrumentation. Lofofora se situe à nouveau à la frontière entre le punk-rock et le metal, jouant avec les dynamiques et la polyvalence de Reuno. Il y a effectivement des plages d’une certaine majesté (« Désastre », la fin de « Le Refus ») qui coexistent sans peine avec la rugosité habituelle du groupe. Parfois ce dernier trouve sa catharsis en prenant l’auditeur par surprise : la résignation du refrain de « Les Seigneurs » qui laisse place à une accalmie folk-bluesy doucereuse (héritage de l’expérience Simple Appareil ?), finalement brisée par un « plus besoin d’avoir peur » absolument effroyable. Sur le plan de l’éloquence, Vanités fait honneur à l’écriture de Lofofora qui manie toujours le double sens avec l’aisance qu’on lui connaît (« Le Mâle » et son second degré par exemple). Reuno se veut le parfait interprète, respectant scrupuleusement les variations d’intensité des compositions, y compris sur le très rock « La Surface » qui vient mettre un terme à l’opus avec un flow addictif et une rengaine vocale finale qui devrait faire un malheur en live. Il y a une certaine science du discours chez Lofofora que Vanités met en avant sans artifice, simplement via une interprétation très juste et une sincérité telle qu’on y croit immédiatement et se laisse embarquer.

Vanités rappelle diverses époques, entre les qualités du récent L’Épreuve Du Contraire et la première moitié des années 2000 où le penchant metal mélodique de la musique de Lofofora était davantage mis en avant, en remontant parfois jusqu’à ses débuts au moins pour l’énergie déployée. L’importance du groove, de la dynamique et de l’application des textes par rapport à la musique a toujours fait partie de l’ADN de Lofofora, jusqu’à atteindre un degré d’excellence comme ici. Peu importe le registre, Lofofora a toujours quelque chose à dire et il sait parfaitement saisir son audience avec pertinence et humilité.

Lyric-vidéo de la chanson « Le Venin » :

Album Vanités, sortie le 08 novembre 2019 via At(h)ome. Disponible à l’achat ici



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