Ce n’est pas parce qu’on fait de la musique instrumentale qu’on n’a rien à dire. Long Distance Calling en est l’exemple parfait. En juin 2020, alors qu’on venait de vivre un premier confinement, le quatuor s’interrogeait avec How Do We Want To Live? sur notre mode de vie et notre relation à la technologie. Deux ans plus tard, les Allemands reviennent avec Eraser, un album qui poursuit la réflexion, mais sur un autre terrain – celui du rapport de l’homme aux autres espèces animales –, et crée un contraste musical avec son prédécesseur : quand l’un reposait beaucoup sur l’électronique, l’autre se veut organique et naturel. Le concept d’Eraser est simple et pourtant très original : chaque morceau représente une espèce animale menacée d’extinction, l’être humain compris. L’objectif est évidemment d’éveiller les consciences – ils ont d’ailleurs collaboré avec Greenpeace – mais aussi de s’offrir un défi musical, chaque morceau non seulement incarnant un animal mais racontant également une histoire, de quoi tenir l’auditeur en haleine.
Nous en discutons avec le bassiste Jan Hoffmann, avant que celui-ci ne prenne son vélo pour partir en promenade… L’occasion de parler de l’éloquence de la musique instrumentale, de leurs affinités musicales très différentes d’un membre à l’autre et du Golden Silence Festival monté avec son batteur Janosch Rathmer.
« C’est très facile d’accès parce qu’il y a plein de mélodies, d’accroches et de détails qui changent. Surtout avec le nouvel album, on peut l’écouter plein de fois au casque et toujours tomber sur quelque chose de nouveau. L’inconvénient est que c’est un cauchemar de se souvenir de tout pendant les enregistrements, car il y a plein de détails ! »
Radio Metal : L’album précédent, How Do We Want To Live?, est sorti en pleine pandémie. Comment avez-vous vécu la sortie d’un album dans un tel contexte ?
Jan Hoffmann (basse) : C’était un peu bizarre. Comme tous les autres groupes, nous avons songé à le repousser, mais il était terminé. Nous en étions contents, nous trouvions qu’il était très bon, donc nous avons décidé avec notre maison de disques de le sortir. Nous nous disions que les gens avaient besoin de bonne nouvelle musique et de choses auxquelles penser durant cette période. En termes de concerts, nous avons aussi pensé attendre, mais personne ne savait combien de temps ça allait durer, donc nous avons décidé de faire ce qu’il était possible de faire. En Allemagne, il était possible de faire des concerts dans des conditions adaptées au Covid-19, donc nous en avons fait quelques-uns. C’était de tout petits concerts assis et avec distanciation sociale, des masques et tout. C’était bien pour nous et les gens ont aussi apprécié, car peu de groupes en faisaient et nous étions de ceux-là. C’était important pour nous de garder le contact avec les gens. Nous adorons jouer live, donc c’était sympa de faire quelque chose, mais évidemment, ce n’était pas comparable à de vrais concerts. Nous avions une vraie tournée de prévue, avec des visuels et une grosse production, mais nous avons dû la reporter à trois reprises, donc ça, c’était nul. Nous sommes parvenus à faire la tournée de l’album cette année en mai, même s’il est sorti en juin 2020. Ce qui est curieux, c’est que nous avons terminé Eraser avant de partir en tournée pour How Do We Want To Live?, mais nous avons été très créatifs et productifs durant cette période, nous nous en sommes accommodés.
Le batteur Janosch Rathmer a dit que la plupart des nouvelles idées de morceaux pour Earser sont venues quand vous étiez en studio. Est-ce habituel pour vous ou était-ce spécifique à cet album ? Aimez-vous créer comme ça, sur place ?
Oui. Nous aimons être ensemble, jammer et tester de nouveaux trucs. Quand nous avons commencé à composer Eraser, très vite, il était clair que ça allait devenir assez heavy, presque comme un album de metal, comme Boundless en 2018. Nous avons travaillé dur sur cet album en très peu de temps, seulement quelques mois, mais c’était très intense. Nous aimons nous mettre un peu de pression et ne pas prendre deux ans pour écrire un album. Nous aimons faire ça en peu de temps, car c’est intense et je pense qu’ensuite on peut entendre cette intensité dans les morceaux.
Est-ce que ça vous pousse à vous fier plus à votre instinct, d’une certaine façon ?
Exactement. C’est comme en 2021 quand nous avons fait l’EP Ghost. Quand on y pense, c’est vraiment effrayant et stupide parce que si ça ne fonctionne pas, ça pose problème. Nous avions annoncé que nous ferions un EP basé sur un jam et nous avons vendu tous les vinyles avant même d’avoir enregistré quoi que ce soit. Ça aussi, ça met beaucoup de pression. Mais nous aimons ce genre de chose. Nous sommes un peu fous et nous aimons nous donner des défis. Il faut forcément que quelque chose en ressorte. Tu travailles très dur et tu ne quittes pas la pièce avant d’avoir obtenu quelque chose. C’est sous pression que nous travaillons le mieux. Quand nous composons un album, les quatre dernières semaines sont toujours très intenses. Tout le monde dans le groupe est un peu agressif, mais c’est bien parce que nous savons que nous avons une date butoir et c’est là que nous travaillons le mieux, car alors, nous allons beaucoup plus dans les détails. Nous ne restons pas là ne rien faire ; nous nous donnons à fond pour écrire un album.
Les gens voient Long Distance Calling comme un groupe très méticuleux. Comment mettez-vous tous ces détails dans votre musique en si peu de temps ?
C’est une bonne question. Tout le monde se pose chez soi et répète ses propres parties, et à chaque fois que nous nous retrouvons, il y a de plus en plus de détails. Ensuite, à un moment donné, il faut dire que maintenant ça suffit. C’est drôle parce que nous en avons parlé au sein du groupe. Je pense que si nous avions trop de temps, le résultat ne serait pas aussi bon, car nous dirions : « Faisons ça demain ou dans deux jours. » Nous ne disons jamais ça. Nous avons un plan et une date butoir, et c’est ainsi que ça fonctionne. Entre-temps, lorsque nous ne nous voyons pas, chacun travaille seul sur ses parties. La structure du morceau est faite assez rapidement ensemble et les petits détails sont faits à la maison, et ensuite ils sont peaufinés encore quand nous nous revoyons. C’est la manière la plus efficace d’utiliser notre temps, car quand on est à la maison et qu’on a du temps pour répéter, on peut se concentrer sur ses propres parties et les parfaire, car la structure est déjà fixée, c’est important.
« Je pense que le plus gros problème, c’est qu’on a pris l’habitude de tout exploiter, d’utiliser bien plus de choses qu’on en a vraiment besoin. Ça vaut pour la nourriture, la mode… C’était logique après la guerre que les gens voulaient se faire plaisir, car ils avaient vécu des années très difficiles, mais cette habitude qu’on a de tout consommer, c’est beaucoup trop. »
Nous aimons beaucoup les détails parce que, surtout quand on est un groupe instrumental, mais ça vaut pour tous les groupes, je pense qu’il est vraiment nécessaire d’avoir des accroches. Il n’est pas obligé que ce soit une mélodie de chant, ça peut être un roulement de batterie, un son, un solo de guitare, une mélodie… C’est quelque chose auquel nous faisons attention depuis le premier jour. C’est pourquoi, selon moi, la musique est progressive et complexe, mais elle est aussi assez pop, d’une certaine façon. C’est très facile d’accès parce qu’il y a plein de mélodies, d’accroches et de détails qui changent. Surtout avec le nouvel album, on peut l’écouter plein de fois au casque et toujours tomber sur quelque chose de nouveau. L’inconvénient est que c’est un cauchemar de se souvenir de tout pendant les enregistrements, car il y a plein de détails ! D’ailleurs, je suis actuellement en train de répéter pour la tournée l’année prochaine, car nous avons enregistré l’album en janvier et février, donc nous devons réapprendre tous les morceaux. Ça fait beaucoup de choses à apprendre, mais c’est amusant.
Chaque morceau sur Eraser représente une créature particulière qui est menacée d’extinction. Comment avez-vous traduit ça musicalement ? Comment est-ce que ça a guidé la composition ?
Nous avons essayé de penser à quoi ressemble l’animal, à sa façon de bouger, au son qu’il fait et à son environnement. Ensuite, nous avons essayé de traduire ça en musique. C’est pourquoi nous avons choisi des animaux bien différents, nous en voulions un lié à l’eau, un autre à l’air, à la forêt, au désert, etc. Il fallait qu’ils se démarquent un peu et que ce soit varié, car c’était important pour l’album. Je pense que c’est l’album le plus varié que nous ayons fait, on y trouve nos parties les plus calmes et aussi les plus heavy. C’était le but depuis le début, nous voulions un vaste éventail d’animaux. En fait, c’était assez facile de traduire en musique les caractéristiques de ces animaux.
Prenons par exemple le gorille, « Kamilah ». Au début, ça sonne comme quelque chose qui marche dans la forêt et ensuite ça devient beaucoup plus agressif, car les humains arrivent dans la forêt et détruisent l’environnement. On peut aussi le voir dans le clip quand les enfants leur sont enlevés, ensuite c’est un peu triste et à la fin, ils essayent de retrouver leur environnement et ça redevient agressif. Ou on pourrait prendre « Blades », qui parle du rhinocéros : on entend un riff au rythme très appuyé, à la manière d’un rhino qui court. Pareil avec l’albatros : on a l’impression de voler, c’est très éthéré et léger. Nous avons essayé de penser à une histoire pour chaque animal, c’était important pour nous. Le morceau sur l’homme, « Eraser », est divisé en deux parties parce que les humains sont aussi une espèce, mais à la fois, c’est la seule responsable de tout ça et qui peut y faire quelque chose. C’est pourquoi nous avons décidé de le séparer en deux parties complètement différentes, qui n’ont rien à voir musicalement. A la fin de ce titre éponyme, la mélodie que joue la guitare est la même que celle du piano en intro. Le fait de penser à des histoires sur les animaux, comme c’est dépeint dans les clips, a beaucoup aidé aussi pour la composition.
Il y a une véritable urgence qui ressort de la musique dans la première partie du morceau éponyme, tandis que c’est plus un sentiment de désolation qui domine la seconde partie…
Oui. La première partie est très inconfortable, cassée et sale. C’est étrange quand on l’écoute. La seconde partie, c’est tout l’opposé, c’est très mélodique et pur. Ça apporte une diversité intéressante au morceau.
Peux-tu nous en dire plus sur votre relation avec Greenpeace avec qui vous avez collaboré pour le clip ?
Nous étions déjà en contact avec eux il y a deux ou trois ans parce que nous avions fait un don via un t-shirt de « The Very Last Day » (en 2019, cinq euros étaient reversés à Greenpeace pour l’achat de chaque t-shirt, NDLR). Pour cet album, le concept nous est venu après que notre batteur avait regardé un documentaire. Ensuite, nous avons très vite contacté Greenpeace et ils nous ont aidés à dresser une liste d’animaux, ils se sont assurés que nous avions les bonnes informations et ils nous ont aidés avec le contenu vidéo. Nous leur avons beaucoup parlé, ils ont posté nos trucs et nous avons posté certaines de leurs pétitions et ce genre de choses. C’était une belle collaboration.
« Les images sont très importantes, c’est pourquoi nous utilisons de la vidéo en live. J’aime beaucoup l’idée d’avoir plein de gens réunis dans une salle et chacun voit son propre film dans sa tête. »
Le concept initial vient donc de votre batteur ?
Oui, il a vu un documentaire à propos du requin du Groenland. Après l’avoir regardé, il m’a tout de suite appelé et nous avons eu cette idée de faire un album sur l’extinction des espèces, en faisant un morceau par espèce. Ça paraissait complètement étrange au départ mais après réflexion, j’ai trouvé que c’était une super idée. C’est vraiment cool, car il ne me semble pas que ça ait déjà été fait, et bien sûr c’était un défi et nous adorons les défis. Nous savions que le prochain album devait sonner différent de How Do We Want To Live? et c’était assez facile car nous voulions un son plus naturel. Ça collait au thème lié à la nature, donc nous avons enregistré l’album de manière très naturelle.
A la fin du clip d’« Eraser », on voit un homme installer une corde pour se pendre – ou du moins y penser. Penses-tu qu’il y ait encore de l’espoir dans la tête de cet homme ?
Je refuse de ne pas avoir d’espoir. C’est très tard, mais si on agît maintenant, au moins on peut quand même obtenir quelque chose. On ne peut pas remonter le temps, c’est impossible, les dégâts sont faits, mais quand plein de gens changent chacun de petites choses dans leur vie, ça fait beaucoup. C’est comme maintenant avec la crise de l’énergie, je ne sais pas comment ça se passe en France, mais en Allemagne, le gaz, l’électricité, l’essence, tout est en train de devenir très cher en ce moment. Donc je pense qu’il y a une lueur d’espoir, mais on doit vraiment agir maintenant, pas dans cinq ou dix ans. Maintenant est le bon moment d’y penser avec toute cette crise, car ça ne va pas s’améliorer dans le futur. On doit faire quelque chose.
Avec le confinement, on a vu la nature reprendre ses droits. Ça montre qu’un grand changement collectif peut avoir un impact immédiat. D’un autre côté, ça impliquait aussi une grande régression en termes d’économie, de voyages et de notre mode de vie. Penses-tu qu’on soit prêts à ça, à abandonner une bonne partie de notre confort, pour ainsi dire ?
Je pense qu’on doit s’y préparer, on y est obligés. Comme tu l’as dit, la pandémie est arrivée et maintenant il y a une guerre et une crise énergétique, c’est une période très difficile. J’ai parlé à mon fils il y a quelques jours, il a quatorze ans et c’est vraiment bizarre le nombre de crises dont il a maintenant été témoin à cet âge. Je suis né en 1974 et on n’a jamais vécu la moindre crise. Tout était très facile dans les années 90, je trouve encore que c’était la meilleure décennie. Maintenant, c’est une époque étrange, donc je pense qu’on doit être prêts, il n’y a pas le choix. Et peut-être que c’est une bonne chose, il faut qu’on repense notre mode de vie, ce n’est pas possible de continuer à vivre comme ça. Il y a trop de déchets et de conneries inutiles. Avec la pandémie, on a aussi réalisé la puissance de la nature. Et maintenant, avec la crise, les gamins en savent plus sur le sujet que nous quand on était gamins. Ils sont bien plus vigilants, ils en parlent, ils pensent à l’énergie, au fait de manger de la viande et toutes ces choses. Les humains ne font rien sans raison. Il nous faut une bonne raison et peut-être est-ce le signe que l’on doit agir maintenant car, si rien ne se passe, on continuera à vivre de plus en plus vite. Si on compare ça au football, maintenant c’est le carton jaune, mais c’est presque un carton rouge, donc je pense qu’on a probablement besoin de ça.
Certains estiment que la surpopulation est la racine du problème, car l’humanité s’accroît à une vitesse exponentielle : quel est ton point de vue sur le sujet ?
C’est une question très difficile et complexe. Il y a des calculs qui montrent que la surpopulation finira par décroître à un moment donné. Il y a une limite et ce ne sera pas possible d’avoir plus de gens, donc on arrivera un point où ça régressera. Mais oui, il y a beaucoup trop de gens actuellement, ce qui signifie plus de viande, plus d’énergie et plus de tout. C’est un très gros problème, je pense ; ce n’est pas le seul problème, mais c’en est absolument un. De même, c’est inéquitable, il y a plein de pauvres et très peu de très riches. C’est très complexe et bien sûr, avec le changement climatique, il y aura beaucoup plus d’émigration dans le futur, ce qui est logique parce que si on ne peut plus vivre à un certain endroit parce qu’il fait trop chaud, il faut partir, il n’y a pas le choix. Plus vite on vit, plus vite ça évolue. La surpopulation est assurément un gros problème. Mais je pense que le plus gros problème, c’est qu’on a pris l’habitude de tout exploiter, d’utiliser bien plus de choses qu’on en a vraiment besoin. Ça vaut pour la nourriture, la mode…
« Nous aimons toujours faire quelque chose auquel les gens ne s’attendent pas. La plupart d’entre eux croyaient que nous étions maintenant en train de devenir plus électronique, donc c’était le moment de faire tout le contraire. »
La fast fashion est un énorme problème. Hier, j’ai entendu un truc à la radio. Ils parlaient d’une entreprise de fast fashion en Chine, qui est presque aussi grosse qu’Amazon maintenant. On peut acheter une robe pour environ cinq euros, ils l’envoient même gratuitement et on peut la renvoyer si on veut. Plein de gens utilisent ça pour porter un vêtement une fois pour une photo Instagram et ensuite, ils le jettent. La production de masse, la consommation de viande de masse, cette habitude qu’on a de tout consommer, c’est beaucoup trop. C’était logique après la guerre que les gens voulaient se faire plaisir, car ils avaient vécu des années très difficiles, mais quand je suis né, en 1974, tout était partout, on pouvait tout obtenir à tout moment et tout était disponible. On a de bons supermarchés ici, mais en France c’est fou, vous avez tellement de choses, ce qui est sympa, mais on n’a pas besoin de toutes ces conneries, c’est beaucoup trop. C’est juste dingue, tout doit être tout le temps disponible et je pense qu’on doit vraiment faire un, deux voire trois pas en arrière.
As-tu appris à vivre de façon minimaliste ?
Oui. J’essaye d’éviter d’utiliser ma voiture autant que possible. Je fais plein de trajets à vélo ou à pied. Quand il s’agit de nourriture ou de mode vestimentaire, je pense à ce dont j’ai vraiment besoin. J’essaye d’acheter des bonnes choses, plus chères mais que je peux utiliser plus longtemps et faire réparer quand c’est cassé. J’essaye d’éviter les trucs qui ne sont pas nécessaires. J’essaye d’éviter la viande, ce qui ne marche pas toujours, mais j’en mange peut-être une fois par semaine et ça va. On n’est pas obligé d’être parfait, mais on peut beaucoup faire avec sa propre vie. C’est ce que j’essaye de faire au moins et c’est important. Avec cet album, nous voulons simplement que les gens, peut-être, y pensent et pensent à ce qu’ils peuvent faire. C’est un symbole et une métaphore pour plein de choses qui disparaîtront si on continue à vivre comme ça. Nous devons vraiment protéger notre environnement.
Tu as mentionné que l’idée de l’album est venue d’un documentaire à la télé. La puissance des images semble être une part importante de la musique de Long Distance Calling. Ecrivez-vous avec des images en tête ?
Ça dépend. Pour les deux derniers albums, absolument, car nous avions un sujet sur lequel écrire. Avec les premiers albums, nous nous contentions d’écrire de la musique, et ensuite, la musique nous amenait des images, et tout le monde a des images différentes. C’est ce qui est intéressant avec la musique instrumentale. Mais quand tu as un concept pour un album, comme pour les deux derniers, tu as déjà des images en tête, surtout avec les animaux. Tu vois l’animal devant tes yeux et tu essayes de le décrire ou le dépeindre avec de la musique, ce qui est très intéressant. Les images sont très importantes, c’est pourquoi nous utilisons de la vidéo en live. J’aime beaucoup l’idée d’avoir plein de gens réunis dans une salle et chacun voit son propre film dans sa tête. C’est très intéressant quand on n’a pas de chant, car ça pousse les gens à réfléchir et à dessiner ses propres images. C’est différent pour chaque auditeur. L’imagination est très importante, y compris avec l’artwork et ce genre de chose. C’est tout aussi important que la musique selon moi. Nous avons fait des photos avec du feu et du pétrole pour le nouvel album et ça collait bien, car quand nous faisons quelque chose, nous essayons de le voir comme un tout de façon à ce que les photos, la pochette, la musique, etc. forment un ensemble.
How Do We Want To Live? parlait de la relation entre l’humanité et les machines et maintenant, Eraser parle de la relation entre l’humanité et les autres espèces vivantes. Penses-tu qu’il y ait une forme de continuité dans le processus de pensée entre ces deux albums ?
Je pense qu’ils sont connectés, d’une certaine façon. Les deux parlent de nous en tant qu’êtres humains. Comment vit-on ? Comment veut-on vivre ? Et comment devrait-on vivre ? Les deux sont liés et ce que je trouve très drôle, c’est qu’ils ont été produits exactement par la même équipe. Ils ont été masterisés en France et mixés en Allemagne, avec la même équipe, les mêmes studios et les mêmes musiciens, mais ils sonnent très différents, car How Do We Want To Live? était très électronique alors que le nouveau est très naturel ; il est très bon et bien produit, mais il n’y a rien d’électronique dedans, tout est réel. Donc je pense que ce sont deux points de vue différents sur nous, les êtres humains. Ce qui est également drôle, même si nous n’y avions pas pensé, c’est que le dernier morceau de How Do We Want To Live?, « Ashes », annonçait peut-être le nouvel album, car ce morceau parlait des humains comme d’un virus qui détruit la planète. Je m’en suis rendu compte il y a seulement quelques semaines et peut-être qu’il y a là un lien direct.
« Tout le monde dans le groupe a des goûts musicaux différents. Pink Floyd et Porcupine Tree sont les deux seuls groupes sur lesquels nous pouvons nous accorder. Par exemple, j’adore Tool, mais notre batteur déteste. »
Comme tu l’as dit, Eraser est plus organique que ne l’était le très électronique How Do We Want To Live?. Tu as déjà un peu répondu, mais pour vous, c’était une réaction à la fois consciente à How Do We Want To Live? et imposée par le thème de l’album ?
Oui, nous aimons toujours faire quelque chose de différent et auquel les gens ne s’attendent pas. La plupart d’entre eux croyaient que nous étions maintenant en train de devenir plus électronique, donc c’était le moment de faire tout le contraire. Ça arrive tout le temps. Je trouve que c’est important pour nous en tant que groupe, car ça entretient l’intérêt. Peut-être que le prochain album sonnera à nouveau très différent, je ne sais pas encore. On ne sait jamais et c’est intéressant. C’était une décision consciente d’avoir un son naturel en raison du thème sur la nature et les animaux, c’était logique, mais aussi pour créer un contraste avec le dernier album, qui était très électronique. Donc sur le nouvel album, il n’y a pas la moindre trace d’électronique ou de sample, il n’y a pas de sample de batterie, ce qui est très peu commun de nos jours. Nous avons loué les microphones les plus chers que nous pouvions trouver pour la batterie et nous l’avons enregistrée dans le meilleur studio d’Allemagne. Nous avons dépensé tout le budget dans le studio, car c’est important pour nous, surtout en tant que groupe instrumental, que le son soit très bon.
Globalement, vous avez toujours été principalement un groupe instrumental, mais vous avez souvent eu un morceau sur vos albums avec un chanteur invité et il est même arrivé que vous ayez un chanteur dans le groupe, à l’époque de The Flood Inside avec Martin Fischer et ensuite Trips avec Petter Carlsen. Depuis, vous avez fait volte-face pour revenir à pratiquement de l’instrumental pur, en particulier sur Eraser. Votre expérience avec un chanteur n’a pas été concluante ?
Je pense que c’était important de faire ces albums parce qu’après l’album sans titre, nous avons pensé : « On ne peut pas faire mieux, donc il faut faire quelque chose de différent. » C’est pourquoi nous avons essayé d’expérimenter avec le chant, ce qui était intéressant, mais ça n’était pas si bien que ça sur scène et en tournée, ça paraissait un peu étrange. Et puis certaines personnes n’ont pas aimé, donc nous avons décidé de revenir à l’instrumental. Mais nous ne faisons pas de l’instrumental pour l’instrumental. Nous n’avions pas trouvé de chanteur au début et c’est la raison pour laquelle nous sommes un groupe instrumental. Nous aimons tous la musique chantée en privé, et ça ne veut pas dire que nous n’aurons plus de chant dans le futur. Peut-être que nous en aurons, peut-être pas. Nous aimons toujours rester ouverts à tout et si ça semble bien, nous le faisons. Mais pour les trois derniers albums – celui-ci, How Do We Want To Live? et Boundless –, ça nous convenait très bien d’être complètement instrumental, car c’est l’essence du groupe. Mais c’est aussi intéressant d’avoir un morceau avec du chant de temps en temps, car c’est une approche différente de la composition. Les deux sont cool, mais fondamentalement, nous sommes un groupe instrumental.
Dirais-tu que la voix est un instrument peut-être plus contraignant pour des compositeurs comme vous, par rapport à d’autres instruments ?
Oui. Quand on utilise du chant, il faut lui laisser de la place, ce qui est très dur pour un groupe comme nous qui, comme tu l’as dit, aime les petits détails. Quand on a du chant, on ne peut pas mettre autant de détails, car il faut de l’espace pour la voix et tout est focalisé dessus. Ensuite, on a des paroles qui pointent dans une direction, ce qui peut être bien ou pas, et en plus, il peut y avoir du chant que j’aime mais que tu n’aimes pas, c’est très personnel. Si tu as un chanteur de metal, d’autres fans n’aimeront pas, si tu as un chanteur de rock indé, les fans de metal n’aimeront pas. C’est très difficile de trouver un chanteur qui convient bien. Il y a des morceaux que nous avons faits avec du chant, comme sur l’album Avoid The Light, celle avec Jonas [Renkse] de Katatonia, et ça convient parfaitement à Long Distance Calling. Mais il y en a d’autres où ça ne colle pas si bien, tout dépend de la chanson. Tu divises le public quand tu as du chant, car il y a toujours quelqu’un qui n’aime pas la voix, le type de voix ou le type de chant, c’est assez compliqué.
Même si vous jouez de la musique principalement sans mots, vous essayez quand même de transmettre des messages forts via vos morceaux. Penses-tu que la musique instrumentale peut parfois être plus éloquente que le fait d’avoir un chanteur qui nous raconte l’histoire, pour ainsi dire ?
Oui, je pense, car comme je l’ai dit, quand tu as un chanteur et des paroles, ces dernières sont figées et elles nous guident dans une direction précise. Quand on n’a que des titres de morceaux ou un concept, ce n’est qu’une direction générale et l’auditeur peut trouver son propre chemin. Ça va dans une certaine direction, mais il y a suffisamment de liberté pour se faire ses propres pensées sur le sujet. Je trouve que c’est mieux ainsi, parce que l’auditeur ne se sent pas obligé de penser à quelque chose ou d’écouter des paroles et il n’a pas à être d’accord. Ça laisse de l’espace pour penser par soi-même et c’est peut-être plus éloquent ainsi.
« La chose la plus difficile est de créer quelque chose qui soit à la fois complexe, intéressant, très accessible et qui a du succès. En Allemagne, on appelle ça Königsdisziplin, que l’on peut traduire par la ‘discipline du roi’. Je n’aime pas la musique trop complexe, je n’aime pas la musique trop facile ; c’est le mélange des deux que je trouve vraiment bon. »
D’un autre côté, la voix humaine est sans doute l’instrument le plus expressif de tous. Penses-tu qu’on puisse recréer cette expressivité avec un instrument comme la guitare, la basse ou la batterie ?
Je pense que c’est très dur de comparer, car comme tu l’as dit, la voix est unique, mais si tu donnes la même guitare à dix personnes différentes, ça sonnera à chaque fois différent car chacun a son propre son ou sa propre manière de jouer, donc je pense que c’est possible. Ce n’est pas facile, mais je pense que c’est possible de recréer ça avec un instrument.
Jørgen Munkeby de Shining joue du saxophone sur le morceau « Sloth », lui conférant un côté jazzy mais aussi rappelant beaucoup Pink Floyd. Ce n’est pas la première fois que vous utilisez d’autres instruments, comme le chant bien sûr, mais aussi la trompette, le violon ou le violoncelle : vous sentez-vous parfois limités avec juste les guitares, la basse et la batterie ?
Absolument. C’est intéressant d’essayer d’autres instruments. Je m’éloigne de la question, mais c’est drôle parce qu’aujourd’hui, en entendant une chanson à la radio, je me suis dit que le saxophone pouvait être aussi bien très agaçant que très agréable. Ça dépend complètement de la façon dont on joue de l’instrument. Par exemple, j’adore l’atmosphère que ça crée quand on joue du saxophone ou de la trompette de façon très sombre et lente, mais si c’est frénétique, comme dans le ska ou autre, je déteste. C’est difficile et tout dépend de l’ambiance qu’on veut créer. Mais oui, avec d’autres instruments, on peut obtenir des atmosphères et des sons totalement différents. C’est intéressant de travailler avec des instruments différents, bien sûr. L’essence du groupe, c’est celle d’un groupe de rock traditionnel, mais de temps en temps, c’est sympa d’ajouter des couleurs avec d’autres instruments. Par exemple, rien qu’avec l’album précédent et les éléments électroniques, c’était difficile, car ça offre tellement d’options que c’est compliqué de choisir la bonne. On a des millions de sons à notre disposition et on peut s’y perdre. L’usage des sons électroniques est illimité, on peut tout faire, mais c’est aussi un défi.
D’ailleurs, quel est le sens du saxophone dans ce morceau en particulier, « Sloth », pour l’animal qu’il représente ?
Quand nous avons pensé au paresseux, nous avons tout de suite pensé au saxophone. Je ne sais pas pourquoi, mais tout le monde dans la pièce a pensé que le saxophone serait sympa. La solution de facilité aurait été de faire un morceau de doom metal, mais c’était trop simple, donc nous avons décidé de prendre une autre voie et de faire un morceau atmosphérique très lent. Le saxophone est parfait pour le paresseux. Nous avons aussi tout de suite pensé à la partie de Pink Floyd avec le saxophone, ils l’utilisent de façon similaire, c’est très lent, jazzy et doux, et nous nous sommes dit : « Si on fait ça, faisons aussi un solo à la David Gilmour à la fin. » Quitte à faire ça, autant le faire comme il faut !
Pink Floyd est une influence qu’on a déjà entendue dans votre musique par le passé : qu’est-ce que ce groupe représente pour vous ?
Je pense que c’est l’un des rares groupes sur lesquels nous sommes tous d’accord. Nous sommes très différents, notamment en termes de caractère, et tout le monde dans le groupe a des goûts musicaux différents. Pink Floyd et Porcupine Tree sont les deux seuls groupes sur lesquels nous pouvons nous accorder. Par exemple, j’adore Tool, mais notre batteur déteste, c’est drôle. Notre guitariste David [Jordan] aime les trucs prog et Jeff Beck, alors que je ne le supporte pas. Ce mélange est intéressant et nous nous rejoignons sur une plateforme avec quatre influences et directions différentes. Ça fait que c’est toujours intéressant, car on ne sait jamais ce qui va se passer quand nous commençons à composer un album.
Quand j’ai rencontré notre batteur il y a seize ans, c’était un pur metalleux et au fil du temps, il s’est ouvert davantage au hip-hop, au funk et au blues. Puis il a joué dans Zodiac, ils ont fait de nombreux concerts en France, c’était un groupe de blues rock, et maintenant, il est revenu dans une phase metal. J’ai eu une longue phase avec beaucoup de musique électronique et maintenant, je reviens aussi à pas mal de vieux trucs comme Pantera et ce genre de choses, j’adore ça. Mais Pink Floyd nous met tous d’accord et c’est toujours super. De même, notre guitariste David aime les dernières musiques de Pink Floyd, contrairement à moi, car je trouve ça trop kitsch. Animals, Wish You Were Here et The Dark Side Of The Moon et même certains albums plus anciens, c’est ce que j’aime vraiment. C’est atmosphérique et ils ont montré que la musique pouvait être étrange, complexe et avoir du succès.
« Je ne supporte pas certains groupes de prog qui ont constamment des signatures rythmiques bizarres et pas une seule bonne mélodie dans toute une chanson. »
En Allemagne, on appelle ça Königsdisziplin, que l’on peut traduire par la « discipline du roi ». La chose la plus difficile est de créer quelque chose qui soit à la fois complexe, intéressant, très accessible et qui a du succès. Je n’aime pas la musique trop complexe, je n’aime pas la musique trop facile ; c’est le mélange des deux que je trouve vraiment bon. C’est pourquoi, personnellement, j’adore Tool et A Perfect Circle, car c’est fait avec beaucoup de goût. C’est complexe, bien joué, mais à la fois, c’est aussi très pop. Tous les vieux trucs de Genesis et Phil Collins sont aussi faits avec beaucoup de goût. Ce n’est pas bas de gamme et facile, mais en même temps, c’est très pop et accessible, et je pense que c’est la voie qu’il faut suivre.
Vous battez-vous parfois sur des groupes que vous aimez, notamment entre toi et ton batteur ?
Oui ! Il n’aime pas quand c’est délibérément trop complexe. Il n’aime pas quand on doit dire qu’il faut faire quelque chose de compliqué parce que c’est prog, et pour le coup, je suis d’accord, car ce sont des conneries. Si une partie est complexe, c’est cool, mais on n’est pas obligé de la complexifier plus qu’elle n’a besoin de l’être. Nous avons composé « Giants Leaving » et c’est probablement le morceau le plus simple que nous ayons jamais fait, mais ce n’est pas un souci, car c’est accessible et amusant à jouer. D’un autre côté, nous avons des trucs très complexes et sombres. Nous essayons de ne pas nous imposer de limites, c’est important. Parfois, si quelqu’un dans le groupe n’aime pas une partie, nous ne l’utilisons pas. Il y a toujours plein de discussions et de disputes, mais au final, tout le monde veut le meilleur résultat. Ça peut être dur parfois, mais c’est aussi super, car le contrôle qualité est très élevé et nous utilisons uniquement ce que tout le monde aime dans le groupe.
Donc, Janosch trouve Tool trop technique sans raison et toi pas ?
Exactement. J’ai un lien émotionnel avec Tool, mais je pense que c’est plus lié aux paroles et au chant. C’est de loin mon chanteur préféré. Je l’aime encore plus au sein d’A Perfect Circle, mais je pense que Lateralus et Ænima sont les albums que j’écoute le plus. J’ai dû les écouter deux mille fois, ils sont tellement bons. Mais je peux comprendre pourquoi des gens ne les aiment pas, c’est trop compliqué pour eux. Si on fait écouter ça à quelqu’un qui n’a pas l’habitude d’écouter ce genre de musique, il ne comprend pas, car il faut vraiment rentrer dedans et bien écouter. C’est de la musique très émotionnelle et complexe à la fois, mais ça va. Je ne supporte pas certains groupes de prog qui ont constamment des signatures rythmiques bizarres et pas une seule bonne mélodie dans toute une chanson. Pareil si c’est trop technique, je n’aime pas. Je suis un enfant des années 90, j’écoute beaucoup de death metal. J’ai toujours préféré le death metal suédois avec plein de mélodies et je n’aimais pas trop le death metal technique américain. J’ai toujours besoin de mélodies, c’est important pour moi en raison de mon éducation. Comme je l’ai dit, je suis né en 1974, donc j’écoutais beaucoup la radio dans les années 80 étant gamin et je suis à fond dans les musiques mélodiques des années 80. J’adore les mélodies – les bonnes mélodies !
Tu as dit que Pink Floyd et Porcupine Tree sont les deux seuls groupes sur lesquels vous êtes d’accord, mais on dirait qu’Alan Parsons, qui a travaillé avec Pink Floyd en tant que producteur, est aussi une influence : ça semble évident sur « Voice », dans l’album précédent…
Evidemment, nous connaissons The Alan Parsons Project, mais nous n’avons jamais trop écouté au départ, même si beaucoup de gens nous ont fait la remarque. Ce que beaucoup gens ont aussi dit à propos de « Voices » et que nous n’avions pas réalisé quand nous avons écrit le morceau, c’est que le début sonne comme « They Don’t Care About Us » de Michael Jackson – et une fois qu’on le sait, on ne peut pas en faire abstraction en écoutant le morceau. Le rythme au début est très similaire. Quand nous avons commencé le groupe, Isis était aussi un groupe sur lequel nous étions tous d’accord. C’était l’une des raisons pour lesquelles nous avons essayé de faire ce type de musique, car nous venions tous de groupes de hardcore et de metal avant et nous voulions essayer autre chose. Peut-être qu’Isis était la porte d’entrée vers ce truc post-je-ne-sais-pas-quoi que nous faisons.
« Les organisateurs de festivals sont toujours très prudents quand ils programment des groupes instrumentaux, car ils pensent que c’est vraiment ennuyeux en concert, donc que ce n’est pas pour eux, mais ce n’est pas vrai. Les gens apprécient ; quand ils ont entendu des groupes avec du chant toute la journée, ils sont ouverts à quelque chose de différent. »
Avec Janosch, vous avez lancé le Golden Silence Festival dédié à la musique instrumentale. Comment avez-vous eu cette idée ? Pensez-vous que ce « genre musical » – si on peut appeler ça un genre musical – a été négligé par les autres festivals ?
Absolument. Nous avons réalisé que nous n’étions pas un groupe à festival. Quand nous jouons, ça fonctionne toujours très bien, mais peu importe si c’est un festival de metal ou de rock indé, les organisateurs sont toujours très prudents quand ils programment des groupes instrumentaux, car ils pensent que c’est vraiment ennuyeux en concert, donc que ce n’est pas pour eux, mais ce n’est pas vrai. Les gens apprécient ; quand ils ont entendu des groupes avec du chant toute la journée, ils sont ouverts à quelque chose de différent. D’après mon expérience, ça fonctionne aussi sur les festivals. Le Golden Silence Festival était intéressant, car il y avait différents styles, mais tout était instrumental et c’était très sympa. Nous avons songé à le refaire, mais il y a eu le Covid-19, donc maintenant, nous sommes un peu prudents à l’idée de le réitérer, car ça implique beaucoup d’argent et d’organisation, mais peut-être que ça se fera dans le futur.
On dirait que tu fais beaucoup de choses avec ton batteur. Tu as dit qu’il t’avait appelé pour le concept de l’album après avoir vu le documentaire, vous avez monté le Golden Silence Festival ensemble, vous êtes tous les deux les préposés aux interviews… As-tu l’impression que vous formez au sein du groupe une équipe spéciale qui dépasse la musique ?
C’est juste que nous nous connaissons depuis le plus longtemps, je l’ai rencontré en premier. Pour ce qui est de l’organisation, oui, tu as raison. Pour la musique, non, c’est nous quatre. Les décisions importantes, nous les prenons à quatre. Mais pour le business au quotidien ou les trucs publics, comme les interviews, c’est juste nous deux et nous parlons beaucoup. Nous sommes les hommes d’affaires du groupe qui aiment organiser les choses. Les autres aiment jouer et composer, mais ils n’aiment pas le côté organisationnel, donc c’est bien. Janosch et moi sommes semblables mais différents. Nous avons beaucoup de points communs et nous sommes très similaires avec certaines choses et complètement différents avec d’autres, c’est drôle. C’est toujours intéressant. Un autre exemple : Janosch adore être en studio et moi je n’aime pas, j’adore jouer en live ! C’est ce que j’aime le plus. Il aime être en studio, essayer des choses, travailler, etc., alors que moi, j’ai juste envie de jouer. D’ailleurs, j’ai très hâte d’enfin repartir en tournée – soit dit en passant, nous jouons à Paris le 18 février, et nous avons deux dates assez proches de la France : à Karlsruhe, proche de la frontière, et à Trèves.
Qu’est-ce que tu n’aimes pas dans le travail en studio ?
Je suis toujours stressé. Il y a beaucoup de pression et il faut jouer comme il faut. C’est comme retourner à l’école et passer un examen. C’est toujours comme ça et ça ne s’arrange pas avec le temps, même après seize ans. A chaque fois je suis tellement content quand c’est fini. Je suis toujours anxieux avant d’aller en studio, car je suis celui qui passe en premier après notre batteur et il aime changer des parties spontanément en studio. Donc j’entends ça pour la première fois et je me dis : « Oh, intéressant. C’est nouveau. » Il faut donc que je change très rapidement mes parties et avec ces morceaux, c’est très compliqué de se souvenir de tout en très peu de temps. Il aime tellement faire ça qu’il s’en amuse, il aime bien me faire chier un peu. Il est là : « Voilà, c’est nouveau et c’est très compliqué. Amuse-toi ! » Et je suis là : « Va te faire foutre ! » C’est drôle.
C’est donc le processus d’enregistrement en soi que tu n’aimes pas, car j’imagine que tu apprécies la partie créative…
Oui, absolument. C’est juste l’aspect technique de l’enregistrement que je n’aime pas. Nous enregistrons les guitares et la basse avec notre guitariste David et il est très doué et méticuleux. Il entend des choses que personne n’entend. Quand tu penses que c’est parfait, il dit : « Hmm, on refait. » Mais c’est important au final, car plus le groupe est en place, mieux ça sonne. C’est très important d’être précis.
Interview réalisée par téléphone le 13 septembre 2022 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Emilie Bardalou.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Andre Stephan (1, 3, 5, 9).
Site officiel de Long Distance Calling : longdistancecalling.de
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