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Interview   

Lord Of The Lost fait la différence


Lord Of The Lost est un groupe pas comme les autres, et la différence est d’ailleurs au cœur de l’histoire de son frontman Chris « The Lord » Harms et du nouvel album Blood & Glitter. S’il œuvre aujourd’hui en tant que chanteur d’un groupe de metal gothique/industriel, il a d’abord fait ses premiers pas dans la musique classique en tant que violoncelliste. C’est à la découverte de Roxette que tout a changé pour lui et qu’il a voulu lui-même se maquiller, se teindre les cheveux et, un jour, proposer un véritable spectacle. Ce n’est donc pas un hasard si Steve Harris lui-même a choisi Lord Of The Lost pour ouvrir pour Iron Maiden, alors que les deux groupes œuvrent dans des univers très différents.

Tout cela pour arriver aujourd’hui à Blood & Glitter, un album sorti « par surprise » pour retrouver une forme de magie, estompée par un marketing devenu trop envahissant, et à la chanson titre avec laquelle ils ont été sélectionnés pour représenter l’Allemagne à Liverpool le 13 mai prochain. Nous avons interrogé le chanteur sur cette nouvelle aventure, mais aussi pour revenir sur l’album sorti en décembre dernier et sur sa propre histoire.

« Je me souviens que j’étais tous les ans devant la télé pour regarder l’Eurovision. J’étais tellement fasciné, non seulement par la musique, mais aussi par tout le spectacle qu’offraient les artistes. Je me disais : ‘Oh mon Dieu, je veux un jour être sur cette scène !' »

Radio Metal : Ça fait de nombreuses années que vous essayez de participer à l’Eurovision avec Lord Of The Lost, et vous y parvenez enfin. Vous aviez candidaté pour l’édition 2022 mais aviez été refusé parce que vous n’étiez pas assez radiophoniques. Même si on y retrouve des cris, y compris dans le morceau éponyme que vous jouerez à l’Eurovision, votre dernier album est très dansant, avec des sons électroniques typés années 80. Penses-tu que ce soit ce qui rend Blood & Glitter – l’album et le morceau – plus approprié pour l’Eurovision ?

Chris Harms (chant, guitare, violoncelle) : Le truc, c’est que la délégation allemande, qui décide de la finale allemande, a radicalement changé son concept. Les dernières années, ils ne voulaient que des morceaux pop radiophoniques. L’année dernière, jusqu’à l’émission de télé, ils étaient ouverts à des groupes comme Electric Callboy ou nous, mais aucun n’a passé la finale, parce qu’ils étaient convaincus que la seule chance de gagner l’Eurovision serait d’avoir de la musique pop plus normale – je dis ça sans vouloir être irrespectueux, je ne fais que décrire. On a vu jusqu’où l’Allemagne est allée avec de la pop normale, donc ils ont changé le concept pour s’ouvrir à d’autres genres musicaux. Nous n’avons rien dû changer. C’est ça le truc avec Lord Of The Lost : nous ne changeons rien si ça ne nous convient pas. Jamais personne n’a décidé de quoi que ce soit à notre place. Nous avons une liberté artistique totale, y compris avec notre label Napalm Records. Ils ont donc changé leur concept et, tout d’un coup, Blood & Glitter semblait cadrer avec ça. Les visuels de l’album que nous avons actuellement sont très glam rock. C’est moins sombre, plus années 80, mais c’est une esthétique pour laquelle nous avons opté avant de décider de candidater à nouveau pour l’Eurovision. Nous n’avons donc pas changé notre concept pour l’adapter à l’Eurovision, mais ils ont changé leur concept afin qu’il y ait de la place pour nous.

Qu’est-ce qui vous a poussés à candidater pour l’Eurovision au départ ? Quelle était la motivation ?

La motivation était que j’ai grandi avec plein de styles de musique différents. Quand j’ai découvert la musique avec la collection de vinyle de mes parents, j’ai commencé avec la musique classique, les Beatles, la musique des années 60 et 70, puis les débuts du glam rock, comme David Bowie et ce genre de choses. Ensuite, j’ai commencé à écouter pas mal de pop, comme Roxette. Puis j’ai découvert Nirvana, Guns N’ Roses, Metallica, pour après aller vers des choses plus heavy comme Slipknot et ainsi de suite. Donc, mes intérêts en termes de musique ont toujours été très variés. Quand j’étais enfant, j’étais déjà musicien, car je suis violoncelliste depuis l’âge de cinq ans, et je me souviens que j’étais tous les ans devant la télé pour regarder l’Eurovision. J’étais tellement fasciné, non seulement par la musique, mais aussi par tout le spectacle qu’offraient les artistes. Ce n’est pas dur de voir que je suis fasciné par les bons spectacles, autrement nous n’aurions pas le look que nous avons. Je me souviens que je me disais : « Oh mon Dieu, je veux un jour être sur cette scène ! » Le fait de candidater est un rêve d’enfant qui s’est réalisé. Quand nous avons candidaté pour la première fois, c’était, je ne sais pas, il y a peut-être sept ans, et c’était juste par curiosité, genre : « Voyons ce qui va se passer. Pourquoi pas ? » Puis quand tu essuies un refus, ça évolue en un genre de : « Merde. Pourquoi pas nous ? » [Rires] Et plus on te refuse, plus tu veux qu’on accepte !

Il y a seize ans, Lordi a gagné le concours, ce qui était une surprise. Penses-tu que grâce à ça, les choses ont un peu changé pour le rock et le metal à l’Eurovision ?

Peut-être que Lordi a démontré que l’Eurovision ne doit pas forcément avoir de la musique douce, mais en termes de spectacle, ils ne faisaient pas exception. Evidemment, c’était un spectacle horrifique, c’était des monstres, mais ça restait un spectacle, et l’Eurovision, ça a toujours été une question de proposer un bon spectacle. Donc ce n’était pas nouveau. Simplement, la musique était plus heavy. Mais je pense que Lordi a préparé le terrain pour tous les autres groupes de rock, car les gens ont vu que c’était possible, que ça marchait.

Blood & Glitter est un album qui brave les clichés, les préjugés, les normes et conventions de genres, et offre des déclarations fortes. Allez-vous à l’Eurovision en portant un message à cet égard ?

Oui, absolument. Ce qu’il y a de bien avec l’album Blood & Glitter, ainsi qu’avec la chanson « Blood & Glitter » en soi, c’est qu’à première vue, c’est juste de la musique pour faire la fête, mais quand on écoute les paroles, la plupart des textes dans l’album sont très sérieux, très politiques, très profonds. La chanson « Blood & Glitter » porte un message très important, et celui-ci cadre parfaitement avec l’Eurovision. La phrase clé, c’est : « On vient tous du même sang », mais à la fois, elle essaye de pousser les gens à vivre leur individualité et à s’accepter tels qu’ils sont, et à embrasser le changement, le fait que les choses changent quotidiennement, que ce n’est pas un problème si on se sent chaque jour différent, qu’on peut chaque jour être différent. C’est un message important. C’est ainsi que j’aime la musique : j’aime les albums qui me mettent de bonne humeur quand je les écoute, mais quand je plonge plus en profondeur, je peux découvrir que la chanson a un vrai sens. C’est ce que nous voulions obtenir avec l’album Blood & Glitter. Ce n’est pas un album qu’on met en se disant : « Oh mon Dieu, voilà un tas de pensées sérieuses » et on est submergé par un tas de problèmes qu’ils nous racontent. Non, au départ on est pris dans un album heavy et sympa qui envoie, et après on découvre que ça va plus loin que ça.

« Je me sens très lié au mouvement de la gay pride. Je suis hétérosexuel, et pourtant, à cause de mon look et de ma manière de m’exprimer, je dois mener les mêmes combats que les gays, ce qui est bizarre. »

As-tu personnellement souffert de préjugés et de clichés ?

Oui, bien sûr. Quand tu regardes, disons, les gens normaux, tu vois que j’ai une autre allure qu’eux, et quand tu es gamin et qu’en grandissant tu te mets à porter du vernis à ongles et du maquillage, et que tu écoutes du metal, de la new wave des années 80, du gothique ou peu importe, évidemment, la société te fait toujours comprendre que tu n’y as pas ta place ou que tu ressembles à un homo, toutes ces choses. Puis tu découvres qu’il existe une scène pour ce genre de personne, c’est-à-dire le rock, le metal et le gothique. Tu te sens en sécurité ici. Tu joues dans ton premier festival metal avec ton groupe, qui ne ressemble peut-être pas à un véritable groupe de heavy metal traditionnel, et tu te retrouves confronté aux mêmes genres de préjugés avec les gens de la scène metal, genre : « Vous ressemblez à des homos pour un groupe de metal. » T’es là : « Hein ?! » Donc, tu découvres que même au sein de ces bulles où tu croyais te sentir en sécurité, tu as en fait toujours à faire à des gens qui ont un problème avec ton look, ton son, ta façon de t’exprimer. Donc, oui, c’est quelque chose avec lequel je me suis battu toute ma vie. Le plus intéressant, c’est que c’est la raison pour laquelle je me sens très lié au mouvement de la gay pride. Je suis hétérosexuel, et pourtant, à cause de mon look et de ma manière de m’exprimer, je dois mener les mêmes combats que les gays, ce qui est bizarre, mais c’est pourquoi je me suis identifié à cette scène dès un jeune âge. Au niveau visuel, j’ai toujours eu l’impression d’appartenir à leur communauté.

Blood & Glitter est plein de contrastes, comme le sous-entend le titre, et il y avait déjà cette idée de contraste avec les disques Damnation et Salvation de votre album précédent, Judas. Te considères-tu comme un homme très contrasté ?

Oui, absolument. Quand je repense à tous les albums que j’ai faits avec tous les groupes que j’ai eus, il a toujours été question de contraste. C’était le cas avec Judas, c’était aussi le cas avec l’album d’avant, Thornstar, qui est basé sur cette mythologie du bien et du mal et comment ça s’entremêle. Peu importe l’album auquel je repense, il y a toujours cette idée de contraste. C’est quelque chose que je trouve fascinant et qui fait partie de ma vie au quotidien. Tu me vois là tout de suite, dans des habits normaux, chez moi – en fait, c’est mon lieu de travail –, et ensuite je monte sur scène et je me transforme en quelqu’un qui a une allure et un comportement très différents, mais c’est aussi moi. Je ne joue pas un rôle, ça fait partie de moi. Je suis fasciné par le contraste. C’est aussi le meilleur des ingrédients pour les bons films. Tous les films et toutes les séries télé que j’aime sont pleins de contrastes, le bien et le mal, la lumière et l’obscurité, la gauche et la droite, le juste et le faux.

Le titre de la chanson et de l’album, Blood & Glitter, vient du photographe Mick Rock. Quel effet son livre de photo éponyme a-t-il eu sur toi ?

Je suis en train de le regarder en ce moment même. Je me souviens que quelqu’un m’a donné ce livre il y a vingt ans. J’ai pensé : « Ouah, je connais toutes ces photos ! En fait, c’est ce gars qui les a prises ! », car ce sont des photos d’artistes emblématiques des années 70 et on les connaît toutes. Ensuite, j’ai feuilleté le livre et c’est difficile de mettre des mots sur ce que j’ai ressenti, mais ça m’a fait quelque chose. C’était comme si j’avais voyagé dans le temps, au début du rock des années 70 quand il s’est passé tant de choses, surtout visuellement, et j’ai trouvé ça vraiment fascinant. J’ai oublié ce livre pendant près de vingt ans et puis je suis retombé dessus. J’ai dit aux gars dans mon groupe : « Que diriez-vous de faire un album qui aurait l’air de pouvoir faire partie de ce livre de photos ? » L’idée initiale était de demander à Mick Rock s’il pouvait nous prendre en photo. Malheureusement, il est décédé fin 2021. Nous avons commencé à travailler sur le concept durant l’été 2021, et à la fin de l’année, je me suis dit : « Cherchons un moyen de contacter Mick Rock », car je savais qu’il était encore vivant, pour lui demander s’il pouvait faire les photos. Puis je l’ai cherché sur Google et j’ai découvert qu’il venait de décéder trois jours avant ou quelque chose comme ça. Mais c’était l’idée, à l’origine. Notre musique sur Blood & Glitter ne sonne pas comme le début des années 70, tant s’en faut, nous n’avons même pas essayé, mais du point de vue de l’attitude, nous voulions faire quelque chose qui rappelle ce livre. C’est dur à expliquer. C’était une décision basée sur un feeling.

Vous avez fait une reprise de « The Look » de Roxette. Apparemment, c’est ton groupe préféré. Peux-tu nous parler de l’impact qu’a eu – et a toujours – ce groupe sur toi, y compris en termes de look, justement ?

J’avais onze ans et je me souviens qu’une fille de ma classe à l’école était venue avec le vinyle de l’album Joyride. Elle me l’a donné en disant : « Quelqu’un m’a donné ce disque vinyle. Je ne l’aime pas, mais je pense que ça te plaira. » J’ai regardé la pochette, je me suis dit : « Ouais, on dirait bien quelque chose qui pourrait me plaire » et je suis parti chez moi. J’ai mis le disque sur la platine de mes parents, j’ai commencé à écouter les chansons et, au fur et à mesure que l’album défilait, j’ai ressenti quelque chose que je n’avais jamais ressenti avant. Ça me paraissait tellement familier, d’une certaine façon, et mon cœur battait comme si j’étais en train de tomber amoureux. J’avais onze ans, donc j’étais trop jeune pour comprendre ce que tomber amoureux signifiait, mais c’est le sentiment que ça me procurait. C’était inexplicable ; c’est un sentiment que tous ceux qui sont un jour tombés amoureux d’un groupe, d’un artiste ou d’une musique connaissent. C’était l’amour à la première écoute. Ensuite, j’ai plongé dans l’univers de Roxette, ce qui, sans internet, n’était pas simple. J’essayais de me procurer tous les magazines de jeunesse qui en parlaient et ensuite j’allais acheter d’autres albums.

« Je me suis intéressé au violoncelle quand j’étais tout petit parce que j’ai regardé un concert avec mes parents. J’avais deux ans. Je ne m’en souviens même pas, mais ma mère m’a dit qu’après le concert, j’ai voulu avoir ce jouet, le violoncelle. »

Je me suis senti très lié aux protagonistes de Roxette, Marie [Fredriksson] et Per [Gessle], et ils sont devenus un peu une seule et même personne. Je ne les ai jamais vus comme une femme ou un homme. C’était une seule personne pour moi. Je voulais leur ressembler. J’avais peut-être quinze ans maintenant et j’ai commencé à me teindre les cheveux en blond, parce que c’est ce qu’elle faisait. J’ai commencé à porter du vernis à ongles et un peu de maquillage, parce que c’est ce qu’il faisait. C’était bien avant que je sache qu’il existait le gothique ou la new wave. J’ai commencé à faire toutes ces choses à cause de Roxette et peut-être un peu de David Bowie. Le truc au sujet du look était que, plus tard, quand j’ai commencé à étudier pour devenir producteur de musique et ingénieur audio, j’ai découvert ces musiques de la fin des années 80 qui étaient vraiment fascinantes sur le plan de la production, avec la façon dont ils fusionnaient les boîtes à rythmes avec de vraies batteries et les synthétiseurs avec les guitares, et où on ne savait jamais vraiment d’où venait un son. Ensuite, j’ai vu un documentaire intéressant sur YouTube qui expliquait toute la production de l’album The Look, notamment la chanson éponyme. Je me suis dit : « Ouah, on peut entendre tous ces petits détails dans la façon dont ils ont produit ce morceau ! » J’ai eu envie de le reproduire, et c’est la raison pour laquelle notre reprise sonne aussi similaire. Je ne vois pas ça comme une reprise, c’est plus un hommage. Nous avons essayé de faire un hommage en reproduisant la chanson aussi fidèlement que possible, sans rien changer, juste en la rendant un peu plus heavy avec le son de Lord Of The Lost. C’était très intéressant.

Tu as d’ailleurs la date d’un concert de Roxette tatoué sur ta main…

C’est exact, il est là [montre sa main]. C’était le 24 octobre 1994. C’était mon premier concert !

Quels sont tes souvenirs de ce concert et comment cette expérience t’a-t-elle marqué ?

Je ne savais pas comment c’était d’aller à un concert. J’avais quatorze ans et je m’étais déjà rendu à des concerts de musique classique avec mes parents pour voir des orchestres classiques, mais je n’étais jamais allé à un concert de pop – ou disons plutôt un concert de rock, parce qu’en 1994, avec l’album Crash! Boom! Bang!, Roxette était plutôt heavy sur cet album, selon leurs propres standards, avec beaucoup de guitare. J’y suis allé et j’étais avec ma première petite amie, nous avions tous les deux le même âge et notre cœur battait fort, l’un pour l’autre et pour Roxette. Nous étions dans une salle de concert à Hambourg, là où je vis, qui a une capacité de sept mille places, et nous attendions le groupe. Avant de commencer, ils avaient devant eux un grand rideau kabuki qui ressemblait à un échiquier. J’étais là : « Ouah, on ne peut pas voir le groupe » et ensuite, ils ont commencé à jouer, le rideau est tombé et les lumières ont explosé ! C’était une expérience tellement incroyable, car à partir de cet instant, j’ai su que je voudrais un jour faire ça. Ce qui est intéressant, c’est que, sur cette tournée, Roxette avait deux batteurs ; pas un batteur et un percussionniste, vraiment deux batteurs, deux sets de batterie rock qui étaient joués simultanément, peut-être pour mélanger les sons des années 80 et les sons organiques. Je n’avais pas compris à l’époque que c’était quelque chose de spécial, donc j’ai pensé : « D’accord, ils ont deux batteurs. C’est comme ça que ça se fait. » J’ai donc décidé que le jour où j’aurais un groupe, je voudrais avoir également deux batteurs. C’est l’une des raisons pour lesquelles j’ai forcé notre claviériste Gared [Dirge] à aussi avoir une batterie sur scène et à en jouer de temps en temps, car j’adorais ça.

Comme tu l’as dit, tu es aussi un violoncelliste classique depuis tes cinq ans : comment es-tu passé de ça à chanteur dans un groupe de glam rock gothique/industriel ? C’est un peu un grand écart…

Je me suis intéressé au violoncelle quand j’étais tout petit parce que j’ai regardé un concert avec mes parents. J’avais deux ans. Je ne m’en souviens même pas, mais ma mère m’a dit qu’après le concert, j’ai voulu avoir ce jouet, le violoncelle. Les premières années, en grandissant, je ne connaissais rien d’autre que la musique classique, mais évidemment, j’ai ensuite découvert d’autres groupes et j’ai commencé à jouer du violoncelle électrique à l’âge de seize ans, parce que je me suis dit qu’on pouvait jouer autre chose que de la musique classique. J’avais un professeur de violoncelle à l’époque qui jouait du violoncelle électrique. Nous jouions des choses comme « Purple Haze » et d’autres chansons de rock légendaires au violoncelle solo avec de la distorsion, ce qui était incroyable. Ensuite, à la fin des années 90, Apocalyptica est arrivé. Je jouais du violoncelle en même temps que leurs albums, comme lorsqu’ils jouaient du Metallica. J’étais assis là, à apprendre toutes les parties pour les quatre violoncelles. Cet instrument a été le début de tout. J’ai découvert quand j’avais douze ou treize ans que la guitare n’était pas si heavy que ça quand on est capable de jouer du violoncelle. J’ai commencé à jouer dans des groupes à l’école, et les chansons que nous jouions étaient juste des reprises d’autres groupes. Je me disais toujours : « C’est vraiment pénible. Essayons de faire nos propres chansons. » J’ai élaboré des idées de chansons, mais le chanteur disait toujours : « Non, je peux chanter que si on reprend du Guns N’ Roses. » J’étais là : « Bordel, je vais chanter moi-même ! » [Rires]. J’ai donc commencé à chanter mes propres chansons, qui étaient très mauvaises, mais au moins c’étaient les miennes ! Voilà comment je suis passé du violoncelle au fait d’être chanteur, parce que personne ne voulait chanter mes chansons. Il fallait que je les chante.

« Aujourd’hui, je trouve tellement agaçant, et j’en ai marre, de voir ces chansons sortir mois après mois, et au bout de huit mois – ou six ou quatre, je ne sais pas, c’est tellement long – il n’y a plus de magie. Si on veut que les gens ressentent la magie d’un album, il faut travailler avec une part de surprise. »

Comment ton background dans la musique classique influence-t-il Lord Of The Lost ?

Il l’influence sans doute plus que je ne le sais, parce que quand tu grandis avec la musique classique, ça rentre dans ton ADN. Tu as la connaissance théorique des harmonies et des structures, plus que tu n’en as conscience. Je n’ai jamais vraiment étudié la musique classique. J’ai commencé à le faire une fois, mais j’ai ensuite décidé que je ne voulais pas être un musicien de reprises toute ma vie [petits rires], donc j’ai fait autre chose, mais ça fait partie de mon ADN. Je pense que lorsque nous écrivons des chansons, ça peut m’influencer d’une manière dont je ne me rends pas vraiment compte. Mais lorsque nous faisons des albums classiques avec Lord Of The Lost – car c’est ce que nous faisons de temps en temps, nous sortons des albums classiques, où tout est acoustique –, je pense que ça aide beaucoup en termes de structures, de lecture des partitions, de capacité à écrire des partitions et aussi pour communiquer avec les musiciens classiques, car je parle leur langue.

Vos visuels et costumes sont très travaillés. Ecrivez-vous des chansons avec les visuels scéniques en tête ? Est-ce que la dimension visuelle du groupe fait partie du processus d’écriture d’une quelconque façon ?

Oui, c’est une question très intéressante, parce que ça arrive. J’ai deux exemples à te donner. L’un est une chanson intitulée « The Curtain Falls », qui n’est pas encore sortie ; elle sera sur une nouvelle édition de Blood & Glitter qui arrive en mai, c’est un grand earbook qui ressemble à un livre de photos, en référence à Blood & Glitter de Mick Rock. J’ai composé cette chanson parce que nous tournerons une seconde fois avec Iron Maiden cet été. Je me suis dit : « D’accord, quand on jouera avec Iron Maiden, il faudra qu’on commence le set avec une nouvelle chanson de l’album Blood & Glitter. » J’ai passé en revue toutes les chansons et je me suis rendu compte qu’aucune ne faisait une bonne ouverture pour un public qui ne nous connaît pas – quand nous jouons avec Iron Maiden, beaucoup de gens dans le public ne nous connaissent pas – parce que soit le sujet est trop sérieux, soit l’intro est trop lente, soit autre chose. Quelque chose ne colle pas. J’ai donc écrit la chanson « The Curtain Falls » avec l’ingrédient visuel en tête, c’est-à-dire à quoi le show ressemblera pendant que nous ouvrirons sur une grande scène – en l’occurrence pour Iron Maiden – ou lors d’un grand festival cet été. Le second exemple, et c’est là qu’on boucle la boucle, c’est « Blood & Glitter » elle-même. Quand j’ai écrit cette chanson avec un ami qui fait partie d’un autre groupe – Rupert [Keplinger] d’Eisbrecher –, nous nous sommes posés et nous avons dit : « Essayons d’imaginer qu’on écrit la chanson pour la scène de l’Eurovision. » Et ça, c’était avant que nous décidions de proposer cette chanson pour l’Eurovision ! Nous l’avions en tête, genre : « On commence la chanson uniquement au piano et au chant. Je suis sous les projecteurs. Puis la guitare arrive, le riff arrive, l’enfer se déchaîne, il y a du feu, puis dans le couplet, on part à fond années 80 et disco. » Nous avons commencé à plancher sur cette chanson en ayant tout un show de lumière en tête. Donc, peu importe ce que nous faisions avec la structure de la chanson, nous discutions en même temps du spectacle et du jeu de lumière, ce qui était super intéressant. Ensuite, « Blood & Glitter » est devenu notre chanson pour l’Eurovision, ce qui est très drôle. J’adore !

Vous avez surpris les fans en sortant Blood & Glitter en décembre 2022, des mois avant la date prévue. A ce sujet, tu as fait un commentaire à propos de « la folie marketing » qui semble durer de plus en plus longtemps à chaque album. Penses-tu qu’il y a une spirale infernale (downward spiral, NdT) et qu’une part de la magie des sorties d’albums s’est évanouie ? Est-ce ce que vous avez essayé de retrouver avec cette sortie surprise ?

Tout d’abord, je dois dire que Downward Spiral est l’un de mes albums préférés ! [Rires] Le truc, c’est qu’on est tous devenus esclaves de la machinerie marketing de Spotify, parce que cette plateforme n’accepte pas de chansons dans les playlists qui sont déjà sorties dans un album, et tout le monde veut être dans les playlists, donc ils sortent tous de plus en plus de chansons avant la sortie de l’album. La période de marketing pour certains groupes atteint déjà huit mois. Certains commencent à sortir des chanson un an avant, et quand l’album sort, il n’y a plus rien de magique. Je ne sais pas, peut-être que je suis trop de la vieille école ou trop vieux pour ça, mais je viens d’une époque où on voyait un ou deux singles sur MTV, et ensuite on se procurait l’album pour le tenir dans ses mains. On allait chez le disquaire avec le cœur qui bat, comme je l’ai expliqué quand j’ai eu mon premier album de Roxette. On ne sait rien et on commence à écouter l’album, et on est épaté et surpris, ou peut-être qu’on déteste, je ne sais pas, mais c’est intéressant. Aujourd’hui, je trouve tellement agaçant, et j’en ai marre, de voir ces chansons sortir mois après mois, et au bout de huit mois – ou six ou quatre, je ne sais pas, c’est tellement long – il n’y a plus de magie. Je l’ai vu avec mon fils de onze ans. Il y a huit mois, un groupe allemand que nous aimons tous les deux a commencé à sortir des singles. Je lui ai dit la semaine dernière : « Eh, l’album est sorti maintenant ! » Il a dit : « Il sort maintenant ? Je croyais qu’il était sorti depuis six mois. » J’étais là : « Non ! » Lui : « Ouais, peu importe. » Il n’en avait plus grand-chose à faire. Donc, oui, je trouve que c’est une spirale infernale, et je pense que les groupes devraient être suffisamment courageux pour dire : « J’emmerde toutes ces conneries de classements. Laissons la magie opérer. » Car si on veut que les gens ressentent la magie d’un album, il faut travailler avec une part de surprise. Peut-être que nous avons démontré que c’était possible d’avoir du succès en intégrant une part de surprise.

« J’ai un grand respect pour tous les fans d’Iron Maiden, car c’est un public vraiment ouvert d’esprit. […] Steve Harris m’a dit : ‘Chris, je connais notre public. Il va vous adorer.’ Et il avait raison. »

Lord Of The Lost a été personnellement choisi par Steve Harris pour ouvrir pour Iron Maiden sur la tournée Legacy Of The Beast et maintenant pour la partie européenne de la tournée The Future Past cette année. C’est intéressant parce que Lord Of The Lost et Iron Maiden sont deux groupes très différents, mais penses-tu qu’il y ait quand même un terreau commun ?

Evidemment, le terreau commun, c’est toujours l’amour de la musique, mais si tu analyses les styles des groupes, ceux-ci sont très éloignés. Iron Maiden est ici et nous sommes là, ça n’a rien à voir. Je me suis beaucoup posé cette question, car en fait, la première tournée avec Iron Maiden était un grand succès. La majeure partie du public a adoré, autrement, nous ne serions pas de nouveau là cette année. Je me disais : « D’accord, qu’est-ce qu’un fan d’Iron Maiden aime chez Lord Of The Lost ? Pourquoi nous aiment-ils ? » Je pense que ce que les deux groupes ont en commun, surtout dans nos spectacles respectifs, c’est qu’il y a beaucoup d’énergie et de passion. Quand on voit Iron Maiden sur scène, sachant qu’ils ont tous entre soixante et soixante-dix ans, ils ont cette passion pour la musique et une énergie comparable à aucun autre groupe que j’ai vu. C’est tellement stupéfiant. Peut-être que c’est ça, parce que niveau style, que ce soit les visuels, les sons, les chansons, les structures des chansons, nous sommes très différents. Mais j’ai un grand respect pour tous les fans d’Iron Maiden, car c’est un public vraiment ouvert d’esprit. D’accord, pas tout le monde, bien sûr il y a toujours des gens au premier rang qui sont là les bras croisés, mais la majorité nous a scotchés. C’était vraiment bien !

Etais-tu surpris que Steve Harris vous choisisse ?

Bien sûr que nous étions surpris ! Au début, nous ne savions même pas que c’était Steve. Notre tourneur a reçu un appel de leur tourneur, genre : « Iron Maiden vous veut sur la tournée. » Nous étions là : « Hein ? » [Rires]. « Pourquoi nous ? Les gens vont nous détester ! » Evidemment, nous étions surpris, mais Steve avait raison. Il m’a dit : « Chris, je connais notre public. Il va vous adorer. » Et il avait raison.

Interview réalisée par téléphone le 11 avril 2023 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : VDPictures (1, 3, 5, 6) & Claudia Timmann (2).

Site officiel de Lord Of The Lost : www.lordofthelost.de

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