Changement de direction pour Lost Society. Certes, on ne pourra pas dire qu’ils n’avaient pas préparé le terrain avec Braindead en disséminant quelques indices sur ce que pourraient nous réserver à l’avenir les quatre jeunes thrasheurs de Jyväskylä (Finlande). Toutefois, ça n’empêchera pas le nouvel album No Absolution de surprendre, déconcerter, voire crisper certains fans. Forcément, devant la modernité du propos, la place plus importante laissée à la mélodie, les riffs plus lents et groovy, les questions fusent : Lost Society, à la solde des tendances ? Lost Society, vendu ?
Mais Lost Society est-il si changé que ça ? Samy Elbanna, le frontman du groupe, d’abord, vous jurera que ce « quatrième album, c’est le cœur et l’âme de Lost Society ». Surtout, si la musique elle-même est bel est bien différente du thrash crossover des débuts qui a tant séduit par sa folie, l’esprit effronté, lui, ne les a pas quittés. Y a-t-il plus effronté et rebelle qu’un groupe qui s’écoute lui-même avant d’écouter ses fans ? Le vendu n’est-il pas celui qui refuse de changer et de suivre ses envies par peur d’être abandonné de son public ? Plus que jamais, avec No Absolution – rien que le titre paraît presque dire « on ne s’excusera pas » –, Lost Society fait ce qu’il veut et assume les risques, quitte même à se séparer d’une grosse machine telle que le label Nuclear Blast.
Nous avons longuement discuté avec Samy Elbanna pour comprendre cette évolution – qui n’est pas sans rappeler celles de certains mastodontes du thrash dans les années 90 – et la démarche sous-jacente, évoquant pêle-mêle son chant, les influences élargies du groupe, la collaboration avec le co-compositeur et producteur Joonas Parkkonen, celle avec Apocalyptica sur un morceau particulièrement éloigné de leur répertoire passé, etc.
« J’adorerais après trente ans pouvoir repenser à toute notre carrière et constater que nous avons composé, enregistré et sorti différents types d’albums. Je veux constater que nous n’avons pas écrit indéfiniment le même album. »
Radio Metal : No Absolution sort pas moins de quatre ans après Braindead, ce qui fait l’écart le plus long que vous ayez eu entre deux sorties. Avez-vous ressenti le besoin de prendre du recul sur cette période, peut-être réfléchir un peu et prendre plus de temps pour faire votre quatrième album ?
Samy Elbanna (chant & guitare) : Quand le premier album est sorti, je crois que j’avais environ seize ans, donc j’étais super jeune, comme le reste du groupe – nous avions entre seize et dix-huit ans. Je pense que pour Fast Loud Death et par la suite, évidemment, Terror Hungry, nous voulions montrer au monde que nous étions les gamins les plus rapides au monde et que nous pouvions tout jouer plus vite que les autres. Nous étions à fond là-dedans et je suis super fier de ces deux albums. Puis, bien sûr, tout le monde peut se rendre compte que nous avons pris un petit peu plus de temps entre Terror Hungry et Braindead. Nous écrivions plus de chansons que jamais auparavant et nous avons intégré quelques éléments inédits pour nous. Il y avait un peu plus de mélodie, un peu plus de mid-tempo de temps en temps… Nous avons aimé ça, mais après Braindead, nous avons fait des centaines de concerts, nous étions presque tout le temps en tournée [petits rires], et quoi qu’il en soit, nous voulions vraiment réfléchir à ce que nous voulions faire pour le quatrième album, car pour nous, le quatrième album était le jalon critique.
Il se trouve que nous avons écrit un paquet de chansons durant les quatre dernières années. Nous avons fait beaucoup de concerts, nous nous sommes plus entraînés que jamais et je pense que nous avons davantage développé une bonne relation entre nous quatre, avec un côté télépathique quand nous jouons ensemble et tout ça. Je pense que ça a beaucoup contribué pour la composition du quatrième album, No Absolution. Pour la toute première fois, nous avons aussi intégré un membre totalement extérieur au processus de composition. Joonas [Parkkonen] nous a rejoints pour la composition et la production de l’album. C’était nous et lui en salle de répétition à écrire ces chansons et les parfaire pour qu’elles soient aussi bonnes que possible. Il s’est donc passé beaucoup de choses durant ces quatre ans et je pense que No Absolution sera la compilation parfaite pour montrer ce qu’est le groupe et ce que nous avons fait durant les quatre dernières années. Nous mettons notre cœur et notre âme dans la musique. Ça reste Lost Society, donc je pense qu’on n’aura pas de mal à nous reconnaître. Voilà, en résumé [rires].
Dans les faits, la conception de l’album a duré combien de temps ? Car j’imagine que ça n’a pas pris quatre ans…
C’était un processus en continu. Tu as totalement raison, on ne peut pas dire que nous avons composé l’album pendant quatre ans. Nous avons fait plein de choses, comme les concerts évidemment, durant cette période. Mais aussi, pour cet album, nous avons simplement pris beaucoup plus de temps pour composer. Nous n’avions absolument aucun planning, aucune pression ou autre. Nous avons nous-mêmes décidé : « Maintenant, on va s’enfermer en salle de répétition, prendre nos instruments, et écrire autant de musique que possible. » Car pour les trois premiers albums, l’approche était plus d’écrire exactement la quantité de chansons dont nous avions besoin, et ensuite nous les enregistrions. Cette fois, je dirais que c’était une période d’environ un an et demi durant laquelle nous avons composé des dizaines et des dizaines de chansons ; il y probablement quarante chansons et démos en tout. Puis nous avons fait quelque chose que nous n’avions jamais fait avant, qui est d’enregistrer des démos des chansons et ensuite de prendre du temps pour oublier les morceaux. Après, disons, trois ou quatre mois, nous sommes revenus dessus et avons réécouté ce que nous avions fait. En gros, les chansons qui nous paraissaient encore déchirer trois ou quatre mois plus tard sont celles que nous trouvions suffisamment bonnes pour passer à la phase suivante. Nous avons grosso modo fait ça pendant deux ans. Le résultat final est que nous nous sommes arrêtés sur les onze chansons que nous trouvions être les meilleures chansons de Lost Society que nous ayons jamais faites. Je veux dire que quatre ans se sont écoulés depuis notre dernier album, donc nous savons qu’il y a des tas de fans de Lost Society qui attendent quelque chose de monumental, et nous avons travaillé aussi dur que possible pour créer ce type d’album qui, nous l’espérons, répondra à leurs attentes.
D’un autre côté, tout va vite dans l’industrie aujourd’hui. N’est-il pas risqué de passer autant de temps sur un album ?
Evidemment, c’est un fait que l’industrie a changé. Si nous avions voulu, nous aurions pu simplement sortir des singles à la chaîne et voir ce qu’il se passe, comme le font les artistes de musique urbaine ou de pop, mais nous avons de la chance, j’ai l’impression, parce que le heavy metal est l’une des dernières communautés où les gens achètent des albums, soutiennent les groupes, soutiennent tout le contenu d’un album. Si nous avions fait un paquet de chansons il y a deux ans et sorti un album juste parce que nous voulions sortir quelque chose, il est clair que ça n’aurait pas été le meilleur de nous-mêmes. Donc je crois que nous avons tous ressenti un grand besoin de prendre notre temps et de travailler sur quelque chose qui sera vraiment spécial pour les fans. Je pense qu’ils peuvent apprécier cette démarche, car j’ai été à leur place en tant que fan. Je veux dire qu’il y avait des tonnes de groupes dans les années 80 et 90 qui enchaînaient les albums et tournaient, mais à un moment donné, il y a des groupes qui ont fait de petites pauses et, à leur échelle, ont travaillé sur quelque chose de monumental. Je pense que c’est compatible et quand nous aurons sorti l’album, les gens réaliseront que oui, ça valait vraiment le coup d’attendre [petits rires].
« Si tu te mets à la composition en ayant en tête dès le départ l’idée de vouloir écrire des chansons accrocheuses et tout, ça ne va jamais bien se passer. »
Vu que vous aviez environ « quarante chansons et démos », qu’allez-vous faire des musiques restantes ?
Nous avons un paquet de chansons que nous allons absolument rouvrir après un certain temps, car nous n’en sommes qu’au début et, évidemment, c’est toujours un bon problème à avoir quand on a beaucoup de musique entassée quelque part. Donc je suis sûr que ça finira quelque part. C’est toujours bien d’avoir des chansons [rires].
Comme tu l’as mentionné, vous avez travaillé avec Joonas Parkkonen pour coécrire et produire plusieurs chansons dans l’album. Comment vous êtes-vous retrouvés à l’impliquer dans ce projet ?
Au début, c’était juste une idée folle : « Et si nous impliquions quelqu’un de totalement… » Bon, je ne peux pas dire que c’est un total étranger, car nous connaissons Joonas depuis des années, mais bref, pour nous, c’était une idée vraiment dingue au départ. Nous ne savions pas trop quoi en penser, mais ensuite… Car nous sommes un groupe qui s’enorgueillit d’essayer de nouvelles choses. Nous n’allons jamais refuser quelque chose sans l’essayer d’abord. Donc au début, nous avons écrit deux chansons avec Lost Society, rien que nous quatre en salle de répétition, et ensuite, ce qui s’est passé est que nous parlions à Joonas, nous étions là : « Hey, est-ce qu’on n’essayerait pas de composer un truc ensemble ? » J’ai pris ces deux chansons que nous avions écrites avec le groupe et je suis parti à Helsinki, dans son studio. Nous avons passé en revue les chansons morceau par morceau, partie par partie, en disant : « Hey, essayons ceci et cela. » Pour faire court, nous avons revu ces deux chansons et en avons fait de toutes nouvelles versions, et nous les avons améliorées par rapport à ce qu’elles étaient au départ.
Pour autant, ce n’est pas comme si j’avais imposé ça. Une fois que nous avions ces deux versions de prêtes, nous les avons présentées aux autres gars. C’était un de ces moments où tout le monde était là : « D’accord, ce gars va produire et coécrire ce prochain album avec nous », aucune contestation [rires]. Pour nous, chaque chanson que quelqu’un écrit, si on l’écrit et on l’écoute six mois plus tard, on aura forcément d’autres idées. On sera là : « Hey, peut-être qu’on pourrait essayer ceci sur telle ou telle partie. » Donc ce que nous voulions expérimenter, c’était de faire l’économie de ce temps grâce à une paire d’oreilles nouvelles qui serait là pendant la composition de la chanson. En conséquence, maintenant, soit environ un an après avoir écrit, enregistré et masterisé ces morceaux, nous pouvons encore les écouter et dire : « Ouais, il n’y a rien que nous aurions fait différemment. » Genre, nous avons essayé tous les scénarios possibles sur chaque chanson. Nous sommes fiers de toutes les chansons. Je pense que ça nous a appris que c’est toujours bon d’essayer une approche différente de la composition. On ne peut jamais se tromper en faisant ça.
Était-il sur un pied d’égalité avec vous en tant que compositeur durant le processus ou bien son rôle différait-il du reste du groupe ?
Nous avons essayé plusieurs configurations. Parfois nous avons écrit les chansons ensemble, tous les quatre à Jyväskylä, dans notre salle de répétition, et après Joonas est venu et nous les avons passées en revue ensemble. Parfois, j’étais à Helsinki avec Joonas pour écrire une chanson ou quelqu’un… Nous avons eu plusieurs line-up différents pour l’écriture, même si… C’était tout le temps nous cinq mais de façons un peu différentes. Quand tu associes deux personnes pour écrire une chanson, et surtout si elles n’ont jamais fait ça avant, tu obtiens toujours des idées super fraîches, ce que je trouve vraiment cool, et là c’était au top, absolument.
Lost Society a commencé en tant que groupe de thrash crossover, mais sur Braindead, on pouvait voir le groupe ouvrir ses horizons avec des chansons plus heavy et mélodiques. Maintenant, avec No Absolution, le côté thrash crossover des débuts a presque totalement disparu. Dirais-tu que Lost Society a été associé un peu hâtivement à la scène revival du thrash crossover, que c’était une idée fausse sur le groupe ?
Pas vraiment. Je ne dirais pas ça, parce que… Tu sais, quand nous avions quinze et seize ans et que nous avons écrit les premiers morceaux pour le premier album, c’est juste ce qui s’est produit, et Lost Society est depuis le début un groupe très orienté riff. Il se trouve juste que quand nous écrivions des riffs au début, ils étaient super rapides, nous faisions un tas de trucs inspirés de la scène thrash que nous voulions mettre en valeur, mais je ne pense pas que nous nous sommes un jour dit que nous devions faire un certain style de musique parce que c’était ce qui était à la mode à ce moment-là. Nous n’avons jamais réfléchi comme ça et je pense que c’est une grande raison qui explique notre succès : nous n’avons pas fait de compromis sur la composition pour nous conformer à ce qui était considéré comme cool sur le moment. Au début, à l’époque de Fast Loud Death et Terror Hungry, c’était juste notre style de composition, c’est naturellement ce qui en est ressorti, mais pour Braindead, déjà à ce moment-là, quand nous avons commencé à écrire les chansons, nous avons fait « I Am The Antidote ». Tout d’abord, quand nous avons écrit ça, nous nous sommes dit : « D’accord, c’est un peu différent, mais vous savez quoi ? C’est venu tout seul et si nous essayons de le modifier pour que ce soit super rapide, je pense que c’est là que nous allons commencer à prendre la mauvaise direction. » Nous avons aussi fait des chansons comme « Riot », qui était très différente de ce que nous avions fait avant. Nous avons bien essayé d’accélérer un peu cette chanson, mais une fois fait, nous nous sommes dit : « Non, ce n’est pas ce qu’on veut faire et ça n’améliore pas la chanson. » Il faut servir la chanson, c’est ça notre boulot.
« Nous avons dit : ‘Quitte à faire quelque chose d’un peu différent, autant le faire bien.’ Car si tu ne le fais qu’à moitié, si tu es là : ‘Bon, faisons ça mais atténuons le côté accrocheur’, c’est là où tout part en vrille, et c’est clairement ce que nous refusions de faire. »
Donc, quand nous avons commencé à écrire pour le quatrième album, nous avons remarqué : « D’accord, il va y avoir des trucs différents voire encore plus différents là-dedans, mais c’est comme ça. » Nous avons sorti trois singles jusqu’à présent, « No Absolution », « Deliver Me » et « Into Eternity », et bien sûr, une chose que ces chansons ont en commun est qu’elles sont plus mid-tempo, elles sont très mélodiques et elles font partie des morceaux les plus accessibles sur l’album, mais tout le monde connaît notre facette la plus agressive et sait qu’être agressif ne signifie pas qu’il faille être le plus rapide, comme dans le cas présent. Ce sera super agressif, super heavy, mais je ne peux pas dire que ce sera pareil que sur le premier album, et tu sais quoi ? C’est probablement parce que nous avons déjà sorti Fast Loud Death et Terror Hungry, donc maintenant, nous allons poursuivre l’aventure Lost Society et voir ce qui se passera par la suite.
Tu as dit qu’au début de votre carrière, vous vouliez « montrer au monde que [vous étiez] les gosses les plus rapides qui soient et que [vous pouviez] tout faire plus rapidement que les autres ». Penses-tu que vous ayez d’autres choses à prouver maintenant ?
Oui. Je veux dire que pour moi, personnellement – mais je crois que je peux parler pour l’ensemble du groupe –, ça a toujours été très important de… Ça fait presque dix ans que ce groupe existe, et j’adorerais après trente ans pouvoir repenser à toute notre carrière et constater que nous avons composé, enregistré et sorti différents types d’albums. Je veux constater que nous n’avons pas écrit indéfiniment le même album. Nous voulons laisser derrière nous un important héritage dont tout le monde pourra profiter. Et ce sera en grande partie possible parce que nous aurons… Je ne dirais pas que nous aurons changé de style, mais simplement élargi nos influences. Car depuis tout gamins, nous écoutons des groupes comme Iron Maiden, Kiss, Led Zeppelin, les Rolling Stones, mais aussi, évidemment, des groupes comme Slayer, Anthrax, Megadeth et ainsi de suite. Donc je trouve que c’est important de montrer non seulement les influences évidentes, mais aussi d’offrir au public et aux auditeurs un petit peu de tout ce que nous écoutons, et pas simplement nous contenter d’une petite portion de nos affinités sur toute la durée de notre carrière.
No Absolution est clairement plus moderne dans son approche. Certains ont été jusqu’à comparer les chansons révélées jusqu’à présent à Trivium (« No Absolution ») et Five Finger Death Punch (« Deliver Me »), et on ne peut nier ces rapprochements – on pourrait même rajouter Slipknot (« Blood On Your Hands »). Trouves-tu ces comparaisons pertinentes ? Ces groupes étaient-ils une source d’inspiration ?
C’est un peu pareil que quand les gens comparent le premier album à Sodom, Destruction, Overkill et ce genre de chose. C’est forcé que les gens te comparent aux autres, et c’est le bienvenu. Quand les gens disent que ça sonne un peu plus comme Trivium qu’avant, ça nous dit : « Donc nous avons vraiment réussi à écrire quelque chose de différent de ce qu’on a fait avant », ce qui, selon moi, est une bonne chose. Mais comme toujours avec les comparaisons, je ne crois pas que nous puissions totalement dire : « Oui, là nous avons essayé de faire quelque chose plus dans la veine de Trivium ou là nous avons essayé de faire quelque chose plus dans la veine de Slipknot. » Nos compositions sont un reflet des musiques que nous écoutons, ça a toujours été comme ça. Nous adorons Slayer et Pantera, mais nous adorons Slipknot aussi, et nous adorons… Les groupes que nous écoutons se comptent en milliers, donc c’est complètement naturel que les gens identifient certaines influences. Donc, pour répondre à ta question : non, je ne dirais pas que nous ayons essayé consciemment de faire quoi que ce soit, pas du tout.
La musique dans cet album paraît vraiment taillée pour le live, avec des riffs très accrocheurs et des refrains hymniques. Etait-ce le but : l’environnement live et que les chansons soient adaptées pour être jouées dans de grandes salles voire des stades ?
Si tu te mets à la composition en ayant en tête dès le départ l’idée de vouloir écrire des chansons accrocheuses et tout, ça ne va jamais bien se passer. Ce qui s’est passé, c’est qu’après avoir écrit trois ou quatre chansons avec les gars ici, et que nous nous sommes rendu compte qu’il y aurait davantage de chansons mid-tempo, et que nous pourrions à certains moments faire des choses différentes d’avant – c’est-à-dire ce que tu viens de dire : de vrais refrains, des refrains galvanisants et ce genre de chose –, malgré tout, pour nous, c’était important de conserver l’esprit de Lost Society. Quiconque entendra l’album, entendra qu’il y a plein de nouveaux éléments, mais aussi que le plus important, c’est-à-dire le cœur et l’âme du groupe, est toujours là. C’est tout ce qu’il faut retenir. Evidemment, s’il y a une chose dont nous avons parlé, c’est que… Au début, nous nous sommes bien sûr posé plein de questions, du genre : « Est-ce qu’on peut faire ça ? » C’était plus ce type de questions. « Est-ce possible de faire un refrain comme ça, qui est plus chanté et ce genre de chose ? » Mais très vite, nous avons tous eu le même sentiment, nous avons dit : « Quitte à faire quelque chose d’un peu différent, autant le faire bien. » Car si tu ne le fais qu’à moitié, si tu es là : « Bon, faisons ça mais atténuons le côté accrocheur », c’est là où tout part en vrille, et c’est clairement ce que nous refusions de faire.
« C’est probablement une idée fausse qu’ont beaucoup de gens de croire que si on joue un certain type de musique, il faut s’y tenir. Je crois que ce devrait être tout l’opposé. Toute l’idée qui rend la musique – en particulier le metal – unique et si extraordinaire, c’est qu’on peut expérimenter avec nos idées les plus folles et concrétiser nos rêves les plus fous. »
Sur Braindead, on a eu un premier aperçu de ton chant mélodique, et à l’époque, quand on s’est parlé, tu nous as dit que tu étais « assez confiant sur le fait qu’à l’avenir, on pourra s’attendre à davantage de chant mélodique dans ce groupe ». Sans surprise, on découvre vraiment dans No Absolution à quel point ta voix peut être mélodique et tu vas bien plus loin ; tu fais même du pur chant clair sur « Into Eternity ». Est-ce que ton expérience vocale sur Braindead t’a donné confiance pour développer cet aspect ?
Absolument. Après que nous ayons sorti « I Am The Antidote », qui était le premier morceau sur lequel j’ai donné un petit aperçu de mon chant clair et mélodique, ça m’a vraiment donné confiance d’entendre les gens dire : « Oh, c’est très sympa ! » Ils ont été agréablement surpris. Je t’ai probablement déjà dit la dernière fois que je chante avec ma voix claire depuis plus longtemps que je crie, ce qui est ironique. Il se trouve que quand nous avons écrit les chansons pour Fast Loud Death, nous ne nous sommes pas dit : « Faisons du chant clair. » L’idée était d’être le plus agressif possible. Mais disons que durant les dix dernières années, j’ai tout autant chanté pendant mon temps libre. Et là maintenant, quand nous nous sommes retrouvés avec ces nouvelles chansons qui offraient plus d’espace pour le chant, je me suis mis à m’entraîner pendant des heures et des heures pour parfaire ma voix. C’est cool de voir que déjà, avec les trois singles qui sont sortis, les gens accrochent et trouvent que ça sonne bien. C’est toujours ce qu’il y a de plus important, ou plutôt c’est la seconde chose la plus importante. La première chose la plus importante, c’est d’être content de soi et je le suis, absolument.
Tu dis que tu t’es beaucoup entraîné : quel genre d’exercice as-tu fait ?
J’ai juste chanté, mec ! J’ai beaucoup de chance d’avoir un endroit où je peux m’enfermer et chanter aussi longtemps que je veux. J’ai fait plein d’autres concerts avec d’autres line-up, avec lesquels je chante un tas de reprises ou nos propres chansons que je crée chez moi. Mais pour ma part, la seule façon de m’exercer a toujours été de pratiquer. Je n’ai pas fait de théorie ou quoi que ce soit de ce style. Je suis plus du genre à dire : si ça sonne bien, fais-le [rires].
As-tu le sentiment que les quatre ans depuis Braindead ont été bénéfiques pour toi, car ça t’a donné du temps pour développer ton chant ?
Absolument. C’est clairement quelque chose que nous n’avons pas planifié mais en y repensant maintenant, je pense que c’était parfait que Braindead soit le troisième album et qu’il ait déjà donné aux gens une idée de : « Oh, d’accord, le quatrième album pourrait être encore plus varié. » C’était parfait que Braindead ait offert un aperçu de ce qui arrive maintenant. La chronologie est parfaite, si on y réfléchit [petits rires].
La dernière chanson, « Into Eternity », est pleine de premières pour le groupe, comme tu as pu toi-même le faire remarquer : la première fois que tu utilises un tel chant clair, le premier accompagnement au violoncelle et les premières lignes de guitare acoustique. Peux-tu nous parler de la conception de cette chanson, et notamment de votre collaboration avec Apocalyptica ?
Absolument, jusqu’à présent, c’est la chanson la plus spéciale que nous ayons écrite, sans le moindre doute. Ça fait partie de ces chansons qui n’ont pas été aussi faciles à concevoir que, peut-être, beaucoup de gens le pensent. Nous avons fait de nombreuses versions de cette chanson. Ça a commencé quand nous étions en répétition et notre batteur Ossi [Paananen] a eu une idée acoustique. C’est la partie qui est à la fin de la chanson, cette très belle harmonie de guitare. A partir de là, nous avons commencé à construire la chanson ensemble. Au départ, je crois que c’était un morceau épique de huit minutes avec plein de hauts et de bas. En gros, nous avons fait trois ou quatre versions de la chanson avant d’en arriver à la version actuelle. Nous nous sommes accrochés à ces hauts et ces bas qui rendent cette chanson un peu mélancolique et dramatique mais, à la fois, très exaltante, en tout cas à mon avis. Je pense que la mentalité dont j’ai parlé, qui est que quitte à faire quelque chose, autant y aller à fond, c’était en partie ce que nous avions en tête. Nous n’avions pas peur de faire le chant le plus clair que nous pouvions faire et nous n’avions pas non plus peur de faire les trucs les plus agressifs que nous voulions faire. Qu’un de nos groupes préférés, Apocalyptica, ait contribué sur cette chanson fait de nous les gars les plus chanceux au monde. C’était la cerise sur le gâteau. Ça a rendu une chanson qui était déjà vraiment épique monumentale. Nous serons éternellement reconnaissants pour ce morceau. Comme je l’ai dit à de nombreux journalistes : ça ne risque pas d’arriver, mais même si le groupe devait s’arrêter demain, nous pourrons vivre nos vies en sachant que nous avons sorti quelque chose d’absolument spécial et unique.
Travailler sur cette chanson ne vous a pas donné l’impression d’aller en terrain inconnu ?
Absolument. C’était super étrange de faire ça parce que c’était quelque chose que nous n’avions jamais même rêvé de faire, mais quand on a la possibilité d’essayer quelque chose et qu’on a une super idée, c’est là qu’il faut le faire. C’est probablement une idée fausse qu’ont beaucoup de gens de croire que si on joue un certain type de musique, il faut s’y tenir. Je crois que ce devrait être tout l’opposé. Toute l’idée qui rend la musique – en particulier le metal – unique et si extraordinaire, c’est qu’on peut expérimenter avec nos idées les plus folles et concrétiser nos rêves les plus fous, et voire ce qui se passe. On devrait toujours avoir la liberté créative de tout essayer. Evidemment, ça ne veut pas dire que ce sera toujours bien, mais s’il se trouve que c’est bien, alors putain ouais ! [Rires]
« Quiconque me rencontre et me parle saura que je ne suis pas quelqu’un de colérique, mais c’est en partie parce que j’ai toujours eu cet exutoire qu’est la musique pour évacuer. C’est une part importante de la vie : si tu accumules trop de ressentiment en toi, quelque chose de mal va forcément arriver à un moment donné. »
Tu as déclaré que sur cet album, vous discutez de « la fragilité de la vie » et remettez en question « tout ce qu’on connaît, ou pense connaître, au sujet du monde ». Du coup, quels sont les sujets que vous abordez ? Quelles sont les idées que vous avez voulu transmettre ?
Ceci est probablement le plus… Il y a dix ans, je n’aurais pas pensé à ce genre de chose et j’aurais été là : « Non, ce truc, c’est trop sombre et je n’ai rien à dire à ce sujet ! » [Petits rires]. Maintenant, dix ans plus tard, quand j’écris une chanson qui peut avoir un texte sensé et profond… Il peut être quatre heures du matin, je me réveille, j’attrape mon ordinateur portable et j’écris ce qui me passe par la tête ou bien ça peut être des choses auxquelles je pense la nuit en rêvant, ou quelque chose que j’ai vu à la télé, etc. J’écris à propos de tout ce que j’observe sur le monde. Les trucs les plus profonds et tristes, parfois, viennent d’un questionnement général, mais ce que j’ai appris au fil des années, c’est que mettre ces mots sur papier m’aide vraiment à accepter certains trucs qui arrivent.
L’album s’appelle No Absolution (pas d’absolution, NdT) et montre une guillotine sur la pochette. Est-ce ce que tu ressens à propos de l’humanité ?
No Absolution, je trouve ce titre parfait, dans le sens où… Evidemment, il a l’aspect religieux. Ce n’est pas comme si nous faisions un bras d’honneur en disant que tout ce en quoi vous croyez est mal, mais nous blaguons un peu avec le fait qu’il y a énormément de gens qui justifient de mauvaises actions en disant : « Au final, quand notre heure sera venue, ce sera totalement justifiable grâce à ce qui arrivera après. » Mais il faut vivre en fonction de la façon dont on veut être jugé à la fin. Je crois que tout ce qu’on fait, toutes les décisions que l’on prend au quotidien, c’est sur cette base qu’on sera jugé à la fin. Il n’y a pas de raccourcis, même si on essaye de servir notre culte, quel qu’il soit.
On dirait que vos albums sont de plus en plus sombres avec le temps, et la tonalité de vos illustrations suit bien cette tendance : est-ce que ça suit ton évolution personnelle et celle de ta vision du monde ?
C’est absolument correct. Je veux dire qu’on veut toujours écrire des trucs qui reflètent vraiment nos propres vies et ce que l’on ressent soi-même, parce que pour nous, depuis le début, la musique est notre plus grand défouloir. Aussi, je trouve que c’est la meilleure façon d’offrir au monde quelque chose que personne d’autre ne peut offrir, en étant vraiment soi-même et en écrivant ce qu’on ressent. Je trouve que c’est toujours hyper-important. On peut même comparer à 2013, quand j’ai écrit « N.W.L. » à propos de se réveiller sur le bas-côté de la route après une virée nocturne. J’ai écrit ça en sachant à cent pour cent que ça aurait pu m’arriver par le passé [petits rires]. Bien sûr, maintenant, c’est un fait naturel que nous ne sommes pas totalement les mêmes personnes qu’à seize ans. Dix ans se sont écoulés depuis la formation du groupe et c’est tout à fait naturel que nous ayons vécu notre vie, vu une grande partie du monde, eu déjà la chance de tourner presque partout sur le globe et vu un tas de trucs, que plein de choses se sont passées dans nos vies, donc bien sûr, c’est naturel que ça impacte nos chansons.
Je ne dirais pas que c’est la seule façon d’écrire la musique, qu’il faut des textes hyper-personnels, mais je dirais que, pour nous, c’est comme ça que ça fonctionne, toujours. Que ce soit de la colère ou même de la tristesse, le meilleur endroit pour l’évacuer, c’est dans la musique. Je pense que ça parle plus facilement aux gens, car il y a de bonnes et de mauvaises choses qui se produisent dans le monde. Si nos chansons peuvent aider quelqu’un à vivre un mauvais moment ou même un bon moment dans leur vie, alors nous sommes très contents. Mais je ne vais pas essayer de faire plaisir à quelqu’un avec ça. C’est un peu pareil que lorsqu’on compose une chanson, ça se produit naturellement, ce n’est pas quelque chose qu’on planifie. Je peux te dire avec une totale assurance que le prochain album que nous écrirons pourrait être plus léger, il pourrait être à certains moments plus guilleret, mais on ne sait jamais à l’avance. C’est ça qui est cool avec la musique : tu suis ton instinct et tout peut arriver.
Mais est-ce que ça veut dire aussi que ces derniers temps, tu es devenu de plus en plus pessimiste sur le monde ?
D’une certaine façon oui, d’une autre façon non. C’est un peu triste d’observer dans notre vie quotidienne qu’encore aujourd’hui en 2019, presque 2020, le négatif l’emporte sur le positif. Bien sûr qu’il y a de bonnes choses qui se produisent partout autour de nous mais, à bien des égards, c’est le négatif qui règne sur tout. Ce que nous essayons de faire avec notre musique et ce que j’essaye de faire avec mes textes, c’est un peu d’utiliser les choses et ces sentiments négatifs envers le monde et d’éclaircir la vie de quelqu’un, ou au moins éclaircir ma vie en me débarrassant de toute l’énergie négative que j’ai en moi. Quiconque me rencontre et me parle saura que je ne suis pas quelqu’un de colérique, mais c’est en partie parce que j’ai toujours eu cet exutoire qu’est la musique pour évacuer. C’est une part importante de la vie : si tu accumules trop de ressentiment en toi, quelque chose de mal va forcément arriver à un moment donné. Je fais partie des chanceux qui ont l’opportunité d’éliminer tout ça, tous les jours, avec leur musique.
« Pendant qu’ils écoutent cette musique et se disent ‘oh, c’est complètement différent de ce que j’ai entendu avant’, la question que les gens peuvent se poser, c’est : sont-ils exactement les mêmes personnes qu’il y a cinq ou dix ans ? Je crois qu’une progression naturelle devrait toujours être la bienvenue, qu’elle soit bonne ou mauvaise. »
Déjà en juin dernier, vous aviez révélé la chanson « No Absolution », soit six mois avant la sortie de l’album. Aviez-vous hâte de tester la réaction des fans sur la nouvelle direction du groupe ?
Evidemment, nous avions hâte de voir la réaction des gens, mais plus que ça, nous avions aussi le sentiment que c’était notre devoir de donner aux fans de la nouveauté, car au moment où le single est sorti, en juin, ça faisait déjà trois ans et demi que notre dernier album était sorti, et nous étions encore en train de tourner dessus, ce qui est génial. C’est sûr que nous pouvons dire un grand merci à tous nos fans, autant ceux qui nous suivent depuis le début que ceux qui ont pris le train en marche, pour avoir été encore là à venir nous soutenir, même si nous n’avions pas sorti de nouvel album en trois ans et demi. Mais surtout, nous voulions leur proposer de la nouveauté. C’est pourquoi aujourd’hui, avec le recul, ça peut sembler bizarre que ce morceau soit sorti si longtemps avant l’album. Mais c’était quelque chose de spécial que nous offrions aux fans. C’est sympa de voir qu’ils l’ont apprécié.
On peut voir dans les commentaires YouTube que la nouvelle direction musicale divise un peu les fans. Comprends-tu que les gens qui vous suivent depuis Fast Loud Death puissent être déçus ?
Absolument. Je veux dire que tout le monde a totalement le droit d’avoir des sentiment négatifs et positifs. Bien sûr, en tant qu’auditeur et musicien, une des choses que j’aimerais croire, c’est qu’avant d’émettre un jugement définitif et avant de dire « ok, allez vous faire foutre les gars », les fans attendent l’album complet et l’écoutent en intégralité, c’est ce qu’ils devraient faire. Mais absolument, oui, je comprends les arguments des gens. Je ne lis pas les commentaires tous les jours en disant : « Oh mon Dieu, quelqu’un n’aime pas la chanson », mais je comprends totalement. Pendant qu’ils écoutent cette musique et se disent « oh, c’est complètement différent de ce que j’ai entendu avant », la question que les gens peuvent se poser, c’est : sont-ils exactement les mêmes personnes qu’il y a cinq ou dix ans ? Je crois qu’une progression naturelle devrait toujours être la bienvenue, qu’elle soit bonne ou mauvaise. Le monde changera toujours, tout comme notre musique. Dans tous les cas, ceci est qui nous sommes aujourd’hui et je pense que le quatrième album, c’est le cœur et l’âme de Lost Society.
Qu’aimerais-tu répondre à ceux qui affirment que vous vous êtes vendus ?
Quiconque dit que le groupe s’est vendu, je lui dis que le groupe se serait vendu si nous avions écrit ces onze morceaux présents sur No Absolution et les avions forcés à être des chansons rapides, uniquement parce que les gens aiment ça et ont l’habitude de ça. C’est quand on en arrive là qu’un groupe devient vendu, quand il fait seulement ce que les fans exigent qu’il fasse et pas ce que lui veut faire.
D’un autre côté, dirais-tu que la scène revival thrash est tellement saturée maintenant que c’est devenu une nécessité de se distinguer à un moment donné ?
Je ne dirais pas ça. Je veux dire que peu importe le style de musique en vogue en ce moment – il y a eu le revival thrash, il y a eu le revival folk metal, le grindcore et le metalcore, etc. –, il y aura toujours de bons groupes et de mauvais groupes, mais c’est impossible de dire quels sont les groupes qui continueront à faire ce qu’ils font. Personnellement, je ne peux pas vraiment dire que j’ai identifié le moment où le revival thrash s’est terminé. Je ne savais pas qu’il avait commencé avant que nous soyons lancés [rires]. Selon moi, il n’y a que des bons et mauvais groupes. Je ne prête pas vraiment attention aux styles [petits rires].
Au final, l’évolution de Lost Society sur cet album peut rappeler celle qu’ont connue certains groupes de thrash dans les années 90, en ralentissant la musique et en devenant plus mélodiques : Metallica avec le Black Album puis Load, Megadeth avec Cryptic Writings puis Risk, ou même Exodus avec Force Of Habit…
Je ne peux pas dire que c’est totalement applicable à nous mais il faut réaliser qu’avec les groupes, surtout ceux qui commencent très jeunes, il est totalement normal qu’à un moment donné, certains membres vont probablement se dire : « Ok, voyons quelle est notre prochaine étape. » Je suis sûr que c’est arrivé à plein de groupes. Je veux dire, ce n’est pas exactement ce qui nous est arrivé, c’est-à-dire le fait de remettre en question notre style, mais ça nous est arrivé dans le sens où nous avons voulu faire une pause plus longue entre deux albums pour voir ce que nous voulions faire, voir comment écrire les meilleures chansons possible et offrir nos tripes de la meilleure manière possible. Mais nous ne nous sommes pas dit : « Maintenant, on doit faire notre Black Album » ou quelque chose comme ça. Nous avons pris deux ans pour écrire autant de chansons que possible, simplement pour voir ce qui allait arriver ensuite, et ce qui arrive maintenant, c’est No Absolution.
« Quiconque dit que le groupe s’est vendu, je lui dis que le groupe se serait vendu si nous avions écrit ces onze morceaux présents sur No Absolution et les avions forcés à être des chansons rapides, uniquement parce que les gens aiment ça et ont l’habitude de ça. C’est quand on en arrive là qu’un groupe devient vendu. »
D’ailleurs, comment as-tu réagi, en tant que fan, dans les années 90 quand ces groupes, Metallica, Megadeth, Exodus, etc., ont changé de direction ?
Mec, je n’étais même pas né quand c’est arrivé ! [Rires] Je suis né en 1995 !
J’avais oublié à quel point tu étais jeune ! [Rires]
Mais je peux en partie répondre à ta question, même si je n’étais pas là quand c’est arrivé. Je me souviens, quand j’ai commencé à découvrir ces groupes, j’ai d’abord écouté Kill Em All, puis And Justice For all, et enfin je suis arrivé au Black Album… Je trouve que le Black Album est le meilleur album de Metallica. Ce n’est que mon avis [rires].
Crois-tu que le fait que tu sois si jeune et que tu aies reçu toute cette musique plus ou moins d’un seul coup t’a aidé à accepter la diversité et les changements qu’ont connus ces groupes dans leur musique ?
Absolument. La culture dans laquelle j’ai été élevé est qu’on a une liberté musicale totale, toujours. Telle est la mentalité que j’ai conservée tout au long de notre courte mais extraordinaire carrière. Bien sûr, la première raison pour laquelle on écrit de la musique, c’est pour soi, et personne ne pourra changer ça, mais si le grand public aime la musique, alors c’est génial. C’est peut-être une mentalité qui parfois se perd, le fait qu’on ait le droit de faire tout ce qu’on veut, mais je trouve que c’est ce qui est génial avec la musique et c’est ce qui nous pousse à faire ça encore et encore. Sachant qu’on peut faire tout ce qu’on veut avec la musique, ça fait beaucoup de bien d’avoir cette liberté dans notre vie.
Vous êtes encore très tôt dans votre carrière. Donc, d’un autre côté, penses-tu que cette évolution rapide soit nécessaire afin de rapidement gagner cette liberté, justement, et ne pas finir piégés dans un style comme certains groupes ont pu l’être ?
Comme je l’ai dit, c’est dur d’identifier pourquoi les changements se produisent, car ce sont juste des trucs que nous écrivons. Si nous avions essayé d’écrire des chansons super rapides comme sur le premier album, ça n’aurait plus été possible. Ça n’aurait pas été bon, et ça n’aurait pas été quelque chose dont nous aurions été à cent pour cent fiers. Donc ce que nous avons fait maintenant, c’est de la musique pour laquelle nous pouvons dire : « Ceci est la meilleure musique que nous pouvons sortir aujourd’hui, et nous l’adorons, et nous la soutenons à cent pour cent. » Mais je comprends ce que tu veux dire, dans le sens où dans un monde où il y a littéralement des millions de groupes, et où l’industrie change énormément, de nombreux groupes sentent que c’est leur devoir de rester pertinents et de changer de style, mais pour nous – et je pense que c’est un avis partagé par de nombreux groupes –, c’est : « Ecris ce qui te semble bien et ne réfléchis pas plus loin que ça. » C’est exactement ce que nous avons fait avec cet album. Le fait qu’il soit un peu différent est inévitable. Ce n’est pas comme si nous pouvions dire que nous n’écoutons qu’un seul style de musique, c’est impossible. De la même façon, il est normal pour nous de sortir un album mélodique, tout comme ça l’était de sortir un album contenant cent pour cent de chansons rapides.
Vos trois premiers albums sont sortis via le prestigieux label Nuclear Blast. Comment se fait-il que cette collaboration ait pris fin avec No Absolution ?
Nous avons travaillé avec Nuclear Blast pendant de nombreuses années et nous sommes super reconnaissants pour tout ce qu’ils ont fait. Nous avons bien travaillé avec eux, mais pour le quatrième album, nous voulions faire quelque chose d’un peu différent, c’est pourquoi la collaboration n’a pas continué. Je n’ai pas envie d’entrer dans les détails… Disons que c’était le groupe qui a quitté la situation pour faire autre chose. Mais nous n’avons que de bonnes choses à dire à propos de ces gars et à propos de notre situation actuelle, et le public ne va pas tarder à en entendre parler, j’en suis sûr.
Interview réalisée par téléphone le 19 décembre 2019 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.
Site officiel de Lost Society : lostsocietyfinland.com.
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