Des jeunes, la tête sur les épaules. Lost Society sait parfaitement où il va et ce qu’il doit faire pour respecter son éthique de travail. La tournée de Braindead (2016) a duré plus de trois ans, preuve du succès conséquent de l’opus des Finlandais. Ces derniers laissaient entrevoir des possibles évolutions stylistiques, capables de se détacher d’un thrash crossover sans concession présent sur Fast Loud Death (2013) et Terror Hungry (2014). No Absolution prend alors l’allure d’un virage imposant, presque crucial. Le quatrième effort de Lost Society, premier sans son label Nuclear Blast, va sans doute scinder ses fidèles en deux camps : ceux qui regrettent l’intransigeance des premières compositions et ceux qui embrassent pleinement le nouveau songwriting du groupe. Lost Society fait face à l’éternel débat du « groupe vendu » car plus accessible. Il faut donner du temps à No Absolution avant de prendre parti.
Lost Society a effectivement décidé de revoir sa méthode de composition, quitte à intégrer un « cinquième membre » en la personne de Joonas Parkkonen, ami de longue date du groupe qui a contribué à l’écriture des chansons en plus de s’être chargé de la production. Dès l’origine de No Absolution, Lost Society a démontré le souhait de ne pas répéter les mêmes formules. Le single « No Absolution » sorti six mois avant l’album a été l’occasion de tester la réception des nouvelles entreprises de la formation : « No Absolution » prenait le parti d’un tempo plus lent, d’un refrain mélodique à la Trivium (y compris la voix claire qui peut rappeler Matt Heafy) et d’un groove plus marqué. En clair, les influences de Lost Society sont plus récentes, quitte à décontenancer les puristes. Le titre d’introduction « Nonbeliever », et son binaire massif, ne vient pas contredire le constat : Lost Society privilégie l’intelligence de la structure et l’efficacité, voire l’accroche des refrains par rapport à la démonstration de vitesse. La production est plus épaisse, les guitares ont davantage de corps, à l’instar du très slipknotien « Blood On Your Hands » (jusque dans la frappe lourde d’Ossi Paananen et les phrasés rythmiques à la Corey Taylor). Les arrangements lorgnent du côté du metalcore, à l’instar du tapping sur « Artificial » (là encore, Trivum n’est vraiment pas loin). À ce propos, l’évolution incontestable de Lost Society concerne le chant de Samy Elbanna, excellent sur les voix claires beaucoup plus nombreuses et assumées (il est la colonne vertébrale d’« Into Eternity ») et toujours aussi présent lors des voix saturées.
Place plus importante de la mélodie, plans résolument plus groovy et refrains fédérateurs évoquant les « groupes à succès » : les ingrédients sont suffisants pour nourrir la suspicion quant aux réelles motivations de Lost Society, peut-être enclin à adopter ce qui fonctionne le plus quitte à perdre son identité. En réalité, il faut simplement comprendre la démarche d’une formation qui dès ses seize ans avait réalisé de purs albums de thrash, avec une fougue inhérente à la jeunesse, sans forcément se dire que c’était ce qu’il ferait pour toujours. Lost Society a grandi et ressent désormais (comme d’autres avant eux) le besoin d’exprimer la diversité de ses influences. Pour reprendre les dires du groupe, se vendre reviendrait à se forcer à faire ce que les fans veulent et non ce que le groupe veut. Si No Absolution décontenance lors des premières écoutes, il finit par progressivement révéler ses atouts : le refrain d’« Articifial » deviendra indéniablement un hymne scandé par le public en live, celui de « Pray For Death » connaîtra le même sort. Le riffing de Lost Society a toujours ce caractère incisif, simplement plus lisible et plus efficace dans ses transitions, à l’instar de « Worthless », un des titres les plus brutaux avec son refrain deathcore. « Into Eternity » qui accueille la participation d’Apocalyptica est sans doute le témoin le plus éloquent de l’évolution de Lost Society. Le chant clair de Samy Elbanna ouvre la marche, supporté par des arpèges de guitares acoustiques, du violoncelle et quelques notes de piano. Lost Society s’illustre dans un registre de power ballade épique, alternant soli de guitares et de violoncelle, entrecoupés d’un refrain grandeur nature.
Que certains rejettent ce nouveau Lost Society est tout à fait compréhensible. Tout comme le fait que Lost Society ne désirait pas refaire les mêmes albums ad vitam aeternam. Certes, la personnalité de Lost Society est peut-être moins identifiable au premier abord, et la musique de No Absolution tend peut-être à la redondance sur la longueur, elle est néanmoins réalisée avec un soin incontestable, et ce avec la même énergie, davantage au service de la chanson. Le thrash n’a pas besoin de revivre deux fois, le registre et l’attente ne doivent pas brider les musiciens. Ce que Lost Society a parfaitement compris.
Chanson « Artificial » :
Chanson « Into Eternity » (feat. APOCALYPTICA) :
Clip vidéo de la chanson « Deliver Me » :
Clip vidéo de la hanson « No Absolution » :
Album No Absolution, sortie le 21 février 2020 en indépendant. Disponible à l’achat ici