Après Ray Manzarek, Richie Havens et Alvin Lee, c’est une autre de ces grandes figures du rock qui ont forgé la légende de la seconde moitié des Sixties qui s’est éteint avant la fin de l’année 2013. Ces géants ont construit le mythe d’une période où le rock – après être entré dans le rang depuis qu’Elvis menait une carrière risible au cinéma et en attendant un come-back en cuir noir – est redevenu à nouveau contestataire voire dangereux. Et Lou Reed correspondait indubitablement à la seconde catégorie.
L’artiste est mort hier, 27 octobre, à l’âge de 71 ans. Fait avéré par son manager anglais Andy Woolliscroft à The Guardian (« Oui, je crains bien que ce soit vrai. ») puis par son agent littéraire, Andrew Wylie, à NPR, qui a dévoilé que ce décès est dû à des complications suite à la greffe de foie que Reed a subi plus tôt cette année. Son ancien camarade du Velvet Underground, John Cale, déclarait de son côté : « Le monde a perdu un excellent songwriter et un poète… Moi, j’ai perdu mon copain de cour de récré. »
« Je suis un triomphe de la médecine, de la physique et de la chimie modernes. Je suis plus grand et plus fort que jamais. […] J’ai hâte de pouvoir remonter sur scène et d’écrire plus de chansons pour être en contact avec vos cœurs et vos esprits et avec l’univers dans l’avenir » disait le chanteur-guitariste sur son site internet officiel le 1 juin dernier, peu après son opération. Lou Reed était l’un de ces survivants, un de ces hommes issus d’une ère au visage de chaise électrique : les doigts constamment dans la prise, une attitude qui ne demande pas « s’il vous plaît » à faire se dresser les cheveux sur la tête, un anti-conformisme qui prend ce dont il a envie – en commençant par tout ce qui peut vous mettre dans un état second -, cocktail aux effets secondaires souvent fatals (nombreux sont ceux à ne plus être là pour en parler).
A l’époque, Londres et San Francisco se plongeaient dans les vagues colorées du psychédélisme, mais New York voyait les choses sous des dehors plus sombres et The Velvet Underground était le symbole de cette vision du rock. Au moment où les Beatles clamaient sur fond de sitar et de LSD que tout ce dont on peut avoir besoin, c’est d’amour, Reed et sa bande attendaient un homme pour une dose d’héroïne tout en jouant avec les feedbacks et la disto. Avec The Velvet Underground, le rock devenait aussi dur que leurs drogues de prédilection. Le simple fait que Reed ait survécu à l’histoire du groupe qui lui a apporté ses premiers succès est déjà un exploit en soi. Qu’il ait mené, au-delà de ça, pendant les quarante années suivantes une carrière solo en est un autre.
En s’échappant des années 60 en même temps que du Velvet Underground il entre dans les Seventies particulièrement bien accompagné, même si ce n’est pas avec de tels compères qu’il allait se refaire une santé. A l’instar des « Toxic twins » d’Aerosmith, on pourrait appeler l’alliance de Reed avec Iggy Pop et David Bowie le trio toxique. Ceux-ci se sont d’ailleurs exprimé sur cette disparition ; le premier s’étant dit « dévasté », alors que le second, ne semblant pas prêt à faire de grande phrase au passé sur son ami, s’en tire en quelques mots : « C’était un maître. » Mais si l’Iguane de Detroit n’a pas vraiment eu d’impact sur l’œuvre de Reed, il en était tout autrement pour Bowie. Alors que The Velvet Underground connaitra un succès posthume grandissant, influençant aussi bien le glam, l’art rock, le punk et le rock alternatif en général les années et les décennies passant, ce n’est qu’au contact de Bowie que Reed va trouver le succès à travers sa carrière solo. Le Britannique glamour produit ainsi en 1972 son chef-d’œuvre Transformer qui poussait encore plus loin les thématiques liées à des histoires de marginaux que la bonne société refuse de voir : toxicos, travelos, gays, etc. avec des chansons immortelles telles que « Vicious », « Walk On The Wild Side » ou « Perfect Day ».
Quoique nanti de cette nouvelle force, Reed n’allait pas se reposer sur cette renommée. Dans les années qui suivent, il sort, plus vite que le public ne peut les digérer, Berlin (1973), album-concept aux thématiques toujours aussi sombres, et Metal Machine Music (1975), expérience drone-noise, poussant au-delà de tout ce qui a jamais été entendu à l’époque les anciens jeux de distorsion du Velvet Underground et expérimentations électroniques. Cet album est d’abord interprété comme une mauvaise et éprouvante plaisanterie et n’est que doucement réhabilité, ce qui a permis récemment de le faire revivre à travers des interprétations live avec un ensemble classique.
Après dix années de carrière tumultueuses mais essentielles pour l’Histoire du Rock, la fin des années 70 fut plus calme, à l’image des décennies suivantes : l’artiste s’est avéré moins remarquable, moins sulfureux – qui allait-il choqué après la vague punk qu’il avait en partie engendré ? Il était toujours là, toujours actif mais il ne bousculait plus grand chose, sauf peut-être, occasionnellement, ses propres fans. Avec le temps, Reed est devenu une figure populaire, parmi les plus respectées du rock (de la même manière que nombre de ses vieux amis), avec toujours ce côté arty, comme du temps de la Factory, mais très loin de l’image trash et controversée, avec moins une image d’individu infréquentable que d’invité prestigieux.
Il sera néanmoins parvenu à partir suite à un ultime gros coup, en obtenant du plus important groupe de metal, Metallica, de s’associer à lui pour participer à une œuvre qui lui tenait à cœur : Lulu, adaptation d’une pièce du dramaturge allemand Frank Wedekind. Si l’album ne convainc qu’à moitié (quand il n’est pas littéralement conspué), il restera indéniablement un coup audacieux, sans compromis artistique, sans doute imparfait mais démontrera finalement qu’au bout de quatre décennies, il était encore capable de secouer l’opinion et de bousculer les habitudes du monde du rock.
C’est un bon coup de marketing pour Metallica, la dernière daube faite par Lou avec ces dernier va enfin ce vendre !!!! Comme d’hab, ils vont s’en mettre plein les poches !!!
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@Zeub: C’était aussi une bonne occas’ pour fermer sa gueule… Dommage vous l’avez manqué.
Quelquefois le silence est effectivement d’or.
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R.I.P mister Reed.
Voici un SMS (qui pourrait paraitre dans le No Comment) reçu d’un pote après lui avoir annoncé le décès de Lou Reed: « Au moins il nous pondra plus de daube comme « Lulu » ! Et ben bravo mec
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J’ai aussi lu beaucoup de « Lou Reed a tué Metallica »
Pour moi c’était pas un album de Metallica mais de Lou Reed qui avait choisis comme musiciens Metallica. Et je pense que c’était un grand honneur pour eux.
R.I.P Lou Reed.
C’était un grand artiste, je m’attendais pas du tout à cette nouvelle. Ca fait un choc.
Et en même temps ça me rend triste de voir qu’il est partie en laissant derrière lui encore une mauvaise image de son album avec Metallica qui pour moi est très bon avec un superbe texte.
Je pense qu’il mérite beaucoup de respect.
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