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Interview   

Lunatic Soul : promenons-nous dans les bois…


Deux ans après un Wasteland de Riverside particulièrement sombre avec lequel il était question de survie, y compris celle du groupe qui a dû surmonter le décès du guitariste Piotr Grudziński, le chanteur-bassiste-compositeur Mariusz Duda retrouve la lumière avec Through Shaded Woods, septième album de son projet solo Lunatic Soul. Ça peut paraître paradoxal de parler de lumière quand on parle de « bois ombragés », mais c’est justement là toute l’idée d’un album en forme de parcours initiatique pour affronter nos traumatismes et cauchemars et qui invite à célébrer la vie, et même à danser.

Un album qui marque un moment clé dans le concept naviguant entre la vie et la mort développé par Lunatic Soul et qui tranche avec ses dernières productions plus électroniques : Through Shaded Woods se veut organique, naturel, en se rapprochant de l’esprit folk des deux premiers albums du projet. Mariusz Duda, qui semble être à un tournant artistique avec Lunatic Soul mais aussi Riverside qui s’apprête à aborder sa « troisième phase », nous explique toute sa démarche.

« J’adore aller me balader dans la forêt et simplement penser. Probablement que la plupart des décisions les plus importantes que j’ai prises ont été prises là-bas. Ce n’est pas comme si j’étais un dingue de nature, c’est juste que parfois j’aime toucher un arbre voire l’étreindre et sourire. »

Radio Metal : Through Shaded Woods est un album très différent de Fractured et Under The Fragmented Sky : il est complètement dépourvu d’électronique. Cet album est-il une contre-réaction à ces deux précédentes expériences ?

Mariusz Duda (chant, basse, guitare…) : Il est clair que cet album est différent. C’est surtout lié à la nouvelle idée qui régit l’album. Quand j’essaye de faire quelque chose de nouveau, je commence avec une page blanche, le thème de l’album, le titre et la couleur de la pochette, et après je commence à composer la musique. La couleur est toujours le principal point de départ du projet pour moi et elle est toujours présente en filigrane. Fractured était rouge. Walking On A Flashlight Beam était bleu. Les deux premiers étaient noir et blanc. Cette fois, c’est un vert sombre, une couleur très automnale, et je voulais faire quelque chose qui soit lié à la forêt. Ça me paraissait donc plus approprié de jouer de manière organique que de faire un autre album électronique. Je pouvais utiliser des sons organiques mais aussi beaucoup ma voix et la traiter comme un instrument, avec tous ces chants, ces cris vikings, etc. Auparavant, l’électronique était là de temps en temps pour remplir les espaces – s’il manque quelque chose, je pouvais intégrer des éléments électroniques – mais cette fois j’avais envie de me passer d’électronique : ça convient à l’illustration et à la couleur de l’album.

Tu sais, Lunatic Soul est un projet que j’ai créé principalement pour repousser les limites dans plein de directions. Je ne voulais pas répéter tout ce que je fais avec Riverside et je voulais me concentrer sur mes inspirations en provenance de sources différentes. J’adore le rock, j’adore le metal, j’adore la musique électronique ambiante et j’adore la musique folk. J’ai voulu mettre toutes ces choses dans ma musique. Le rock et le metal, je les ai dans Riverside, donc avec Lunatic Soul, j’ai voulu me concentrer sur le reste. L’électronique, nous l’avons déjà dans Walking On A Flashlight Beam, Fractured et Under The Fragmented Sky. Cette fois, j’ai voulu poursuivre l’histoire que j’avais commencée avec les deux premiers albums de Lunatic Soul, avec les albums noir et blanc, or ces deux-là n’avait pas d’électronique. Il y a une autre chose : tous les albums de Lunatic Soul sont divisés en deux types d’albums, ceux du côté de la vie et ceux du côté de la mort. Du côté de la vie, j’ai envie de faire des albums avec de temps en temps des sons ou, au moins, des beats électroniques, alors que du côté de la mort, j’ai envie de créer des albums seulement de manière organique, en utilisant presque uniquement des instruments organiques. Or comme ceci est la suite des albums noir et blanc, je ne voulais pas utiliser d’électronique.

La nature, en général, est vraiment au centre de cet album et c’est un album très vivant. On dirait qu’avec cet album, tu te ressources auprès de la nature et même célèbres la vie. Ça peut donc paraître paradoxal que tu dises qu’en réalité cet album se trouve du côté de la mort…

Oui, mais toute l’idée est que tous ces albums que j’ai mentionnés forment un genre de cercle à sens unique. Ils sont censés être écoutés dans un sens donné. Il y a deux moments très importants. Walking On A Flashlight Beam est l’album qui clôt le côté de la vie et il parle de dépression et de suicide. A la fin de cet album, le personnage principal franchit la limite et meurt. Après ça, on a Lunatic Soul I, Lunatic Soul II et Through Shaded Woods. Through Shaded Woods est le dernier chapitre du côté de la mort et parle de revenir à la vie, le personnage franchit à nouveau la limite mais dans l’autre sens par rapport à Walking On A Flashlight Beam. Il a une seconde chance, il peut revivre, il peut renaître, et ces bois ombragés sont le dernier chapitre du voyage du protagoniste. C’est la raison pour laquelle ça devient de plus en plus lumineux à chaque chanson et qu’à la fin, on a l’apothéose, « The Fountain », qui est déjà du côté de la vie.

Tout est interconnecté parce que la mort reflète la vie et que la vie reflète la mort…

Exactement. Le concept ou l’histoire de Lunatic Soul, c’est le fait de mourir et revivre, mourir et revivre, constamment. J’ai appelé ça le cercle de la vie et de la mort, avec trois albums du côté de la vie et trois albums du côté de la mort. Du côté de la vie, le personnage principal est malheureux et se suicide. Du côté de la mort, il flotte quelque part et puis, tout d’un coup, il a l’occasion de revivre, et après il est de retour. Il est de nouveau du côté de la vie, il fait des choses, puis redevient malheureux, se suicide et retourne du côté de la mort, il a du mal et rencontre un je-ne-sais-quoi qui flotte, puis revient à la vie. Ça renvoie à nous, car on change tout le temps. Probablement que tous les sept ou dix ans, on a besoin de changer quelque chose dans notre vie. J’ai même créé un schéma qu’on peut retrouver dans le livret. Ce sont mes règles du jeu, ou peu importe ce que c’est, mais tous les albums de Lunatic Soul sont interconnectés, c’est une grande histoire, un grand concept album. C’est le septième album mais la troisième partie du côté de la mort. C’est un peu compliqué mais comme tu l’as mentionné, cette fois j’ai voulu créer quelque chose sur le fait de revivre ; c’est la fin du voyage sombre, c’est la partie de l’histoire où le personnage principal veut revenir à la vie. C’est la raison pour laquelle la forêt est ombragée au début mais à la fin, elle est toute fleurie. Il s’agit de surmonter l’obscurité. C’est une renaissance.

« C’est comme un rituel shamanique et quand on prend part à un tel rituel, on bouge. Je voulais donc faire quelque chose qui bouge, qui soit comme une transe, comme une danse techno mais dans la forêt. »

Tu as trouvé ton inspiration pour cet album dans tes souvenirs du lieu où tu habitais étant enfant, une région de la Pologne réputée pour ses forêts et lacs. Quelle a été l’importance de ton environnement d’enfance ?

J’ai grandi dans une petite ville et mes premières expériences musicales ont été très importantes. J’adorais être seul avec la musique. Je me souviens que pendant environ dix ans, je dessinais des bandes dessinées et j’avais toujours le casque sur les oreilles à écouter de la musique. J’écoutais beaucoup de musique électronique, de musique instrumentale, principalement de la musique cinématographique. Donc j’imagine que je m’en suis imprégné, c’est devenu mon ADN. Toutes les autres expériences liées à ma musique avaient toujours cette patte : un style cinématographique et planant. C’est vrai de cet album aussi. Mais je n’ai pas planifié ça, pour être honnête. Je voulais juste faire un album avec un côté plus folk qu’avant, c’est tout [petits rires]. Peut-être qu’inconsciemment je suis retourné dans ma ville d’enfance, mais ce n’était pas un album sur mon enfance. C’était principalement une célébration de la forêt et ceci est, effectivement, lié à ma maison d’enfance.

Quelle a été ta relation à la nature, en tant qu’homme et artiste ?

J’adore aller me balader dans la forêt et simplement penser. Probablement que la plupart des décisions les plus importantes que j’ai prises ont été prises là-bas. Ce n’est pas comme si j’étais un dingue de nature, c’est juste que parfois j’aime toucher un arbre voire l’étreindre et sourire. Ça m’aide, mais soyons honnête : je ne suis pas un druide, je ne suis pas un Viking, je ne suis pas un gars qui vit tout le temps dans la forêt. Non, c’est plus comme un passe-temps. C’est simplement là où je passe mon temps libre, de temps en temps. Je suis en plein cœur du chaos citadin actuellement, donc… Mais c’est ça le truc, c’est ce dont j’ai envie parfois, créer quelque chose qui m’aide à m’évader de ça, et je crois que Through Shaded Woods est une célébration de cette échappatoire.

Tu as décrit les bois ombragés comme étant nos pires traumatismes et cauchemars, et traverser ces bois symbolise le fait d’y faire face. Mais ne les as-tu pas toujours affrontés avec Lunatic Soul ?

Lunatic Soul est ce que j’appellerais ma thérapie. Toute l’idée est d’affronter les démons et les peurs avec lesquels je galère. Je crois que je voulais juste noter que tout le monde peut trouver quelque chose dans cet album, si on choisit son bois ombragé préféré. Probablement que tout le monde a ses propres traumatismes et des problèmes à gérer. Le message le plus important de cet album est qu’il faut faire le premier pas. Disons que ces bois ombragés sont vos monstres contre lesquels vous devez vous battre, vous ne pouvez pas affronter ces monstres si vous ne faites que regarder ces bois ombragés, vous devez les traverser, vous devez prendre votre épée, vous devez aller dans cette obscurité et vous devez couper la tête de ces monstres, vous devez vous battre contre eux. Après ça, vous trouverez un chemin plein de lumière et peut-être une célébration de la vie, je ne sais pas, mais c’est le plus important : vous devez agir, vous devez traverser ça, pas attendre sans arrêt ou regarder. Ceci est ma version de la traversée de ces bois. Je voulais donc créer un album qui pourrait peut-être aider les gens aujourd’hui. Pour plein de gens, ces bois ombragés peuvent être la situation que l’on vit avec le Covid-19, ou le confinement, ou le fait qu’ils perdent de l’argent parce qu’ils doivent fermer leur affaire, ce genre de chose.

La tonalité globale de cet album est beaucoup plus optimiste que dans tes albums précédents : est-ce que ça veut dire que tu as changé ta manière de gérer ces traumatismes et cauchemars, c’est-à-dire en étant conquérant et combatif plutôt qu’avec résignation ou même en étant déprimé ?

Oui. Je pense que ma vie a changé. Je suis beaucoup plus heureux que je l’ai été, c’est certain, mais tout le concept de ce projet n’est pas de célébrer cette obscurité que nous avons. Il y a des passages sombres dans l’album, comme « The Passage » ou le morceau éponyme « Through Shaded Woods », mais l’album devient de plus en plus lumineux chanson après chanson et se termine avec « The Fountain » qui, je crois, est la chanson la plus optimiste. Même s’il y a des chansons tristes, le sentiment global reste optimiste et exaltant. C’est ce que je voulais obtenir. Il y a des albums où je célèbre ce que je ressens à ce moment-là, j’ai juste envie d’exprimer ce que j’ai sur le cœur et, en l’occurrence, Walking On A Flashlight Beam était ce genre d’album. Je voulais juste m’exprimer ainsi et c’était lié à des choses pas géniales, disons, c’était très misérable. Alors qu’avec cet album, je voulais aussi faire quelque chose qui puisse aider les gens à surmonter les mauvaises choses. Donc le fait d’exprimer mes mauvais sentiments n’était pas le but ici ; le but principal était : tuons ce truc, combattons-le, proposons une écoute plus positive avec cet album. J’ai passé beaucoup plus de temps avec mes démons personnels sur les albums précédents que sur celui-ci. Celui-ci était principalement focalisé sur le côté positif du renouveau.

« On m’associe principalement au rock progressif à cause de Riverside, donc probablement que nombre de mes fans veulent […] que je sois toujours dans ce côté post-Pink Floyd, post-Porcupine Tree, peu importe. Mais parfois, j’ai aussi envie d’enregistrer un album de folk pour danser dans la forêt ! C’est ce que je veux faire, je suis libre artistiquement de faire ça. »

Ce qui est intéressant est que toutes ces chansons, excepté la dernière, « The Fountain », qui est très ambiante, possède une pulsation omniprésente : est-ce comme un genre de cœur qui bat ?

Peut-être. Peut-être que c’est lié au mouvement. Je voulais faire quelque chose qui renvoie l’image d’une dance dans la forêt. Je voulais créer des chansons qui sont des célébrations de la vie, du renouveau. C’est comme un rituel shamanique et quand on prend part à un tel rituel, on bouge. Je voulais donc faire quelque chose qui bouge, qui soit comme une transe, comme une danse techno mais dans la forêt, si tu vois ce que je veux dire. Il y a donc plein de battements de cœur parce que c’est une musique que l’on ressent de l’intérieur. Je ne peux tout simplement pas imaginer une autre façon de revenir à la vie qu’en étant en transe et joyeux. Quand on est joyeux, on commence à danser. On n’est pas là tête baissée à se regarder les pieds. Non, on se sent très positif, gonflé à bloc, avec le sourire sur le visage, et on commence à danser. Je voulais exprimer cette attitude avec la musique. C’est aussi lié à mes inspirations musicales, parce que j’adore la musique folk scandinave, comme Hedningarna, par exemple, et certaines choses shamaniques slaves. Je suis aussi inspiré par des groupes comme Dead Can Dance qui a plein de chansons dans cet esprit de danse shamanique, comme sur l’album Spiritchaser, la chanson « Song For The Stars ». Je voulais faire ma propre version de ça.

Tu mentionnes les influences folks scandinaves et le communiqué de presse mentionne même des groupes comme Heilung et Wardruna, ce qui peut effectivement s’en rapprocher. Quelle est ta relation au folklore et à la culture scandinave ?

J’ai écrit Wardruna et Heilung principalement pour des raisons promotionnelles, car autrement ce n’était pas ce qui m’a inspiré. J’ai mentionné ces groupes parce que je me suis dit que sans ça, plein de gens penseraient que folk veut dire Jethro Tull. Je voulais juste montrer de quel genre de folk on parle. Mais je t’ai parlé des groupes Hedningarna et Dead Can Dance, et ce sont mes influences principales pour Lunatic Soul. Ce genre d’influence était déjà présent dans mes albums précédents. Par exemple, avec Riverside, l’album Rapid Eye Movement contient un morceau qui s’appelle « Schizophrenic Prayer » ou Second Life Syndrome a une chanson qui s’appelle « After ». Le premier album noir de Lunatic Soul contient « Out On A Limb » ou « The New Beginning ». Il y a des chansons qui sont un peu folks et un peu orientales, mais cette fois je voulais opter pour une musique liée à la forêt, aux bois, au titre. Je voulais faire ça de manière brute et sombre, donc je n’imaginais pas de la musique irlandaise, un côté celtique, mais plutôt quelque chose de plus médiéval et nordique. Hedningarna est mon groupe de folk suédois préféré et c’est celui qui m’a inspiré à faire cet album. C’était beaucoup plus dans un esprit de danse dans la forêt et shamanique. Si j’avais créé un album qui parle d’elfes et du Seigneur Des Anneaux, j’aurais probablement plus utilisé de la musique celtique, mais ce n’était pas mon but [petits rires]. Peut-être que je devrais mentionner que c’est plus slave et médiéval que scandinave. J’ai qualifié cet album de musique pour The Witcher [rires], parce que je suis un énorme fan d’Andrzej Sapkowskik, un Polonais auteur d’un livre appelé The Witcher, et j’étais un énorme fan du jeu vidéo The Witcher 3, ainsi que de sa musique faite par un groupe polonais qui s’appelle Percival. Je crois que ça me tenait plus à cœur que Wardruna et Heilung.

Tu pales de danse, et dans l’album il y a une chanson qui s’intitule « Summoning Dance » : qu’essayes-tu de convoquer avec cette danse ?

C’est en rapport avec le protagoniste. Le gars est encore mort. Il est emprisonné quelque part dans l’au-delà, donc il faut convoquer ce fantôme pour le ramener à la vie. C’est un autre titre lié à l’idée de franchir la limite entre la mort et la vie, principalement. En plus, j’essaye de souligner un message important. Il y a cette partie où j’essaye de rapper, ou peu importe ce que c’est, il y a ce court passage où je ne chante pas, je ne fais que parler, mentionnant le fait que, même si, là, je ne bouge pas, j’ai toujours voulu danser. C’est parce que parfois, les gens veulent nous voir nous comporter d’une certaine manière. Ils veulent qu’on soit un certain type de personne, alors que ce n’est pas notre nature propre et peut-être que ce n’est pas qui on a envie d’être. Parfois, malheureusement, on doit agir en fonction de ce que les gens veulent qu’on ait l’air et on ne peut pas être soi-même. Avec ce message, je voulais dire qu’il y a des endroits où on peut être soi-même, où on peut se comporter comme on l’a toujours voulu. C’est aussi lié, en l’occurrence, au genre musical. On m’associe principalement au rock progressif à cause de Riverside, donc probablement que nombre de mes fans veulent m’entendre dans ce contexte rock, que je fasse toujours du rock ou du rock progressif, que je sois toujours dans ce côté post-Pink Floyd, post-Porcupine Tree, peu importe. Mais parfois, j’ai aussi envie d’enregistrer un album de folk pour danser dans la forêt ! C’est ce que je veux faire, je suis libre artistiquement de faire ça. Voilà ce que j’ai voulu exprimer en particulier dans cette chanson.

« Cette fois, j’ai presque tout fait sur ma guitare acoustique dans ma chambre, ce qui veut dire que probablement, inconsciemment, j’étais prêt à en faire une sorte de version live. Donc peut-être que Lunatic Soul est en train de changer en ce sens. »

L’album, globalement, donne l’impression de suivre un chemin, on peut même entendre des bruits de pas dans les branches et les feuilles à la fin de la chanson éponyme. Est-ce une invitation à faire cette introspection à travers les bois avec toi ? Est-ce une manière d’impliquer l’auditeur et de faire qu’il ne soit pas simplement spectateur ?

Je crois que Lunatic Soul a plusieurs niveaux de lecture et c’est très ouvert à interprétation. J’y vois aussi un côté spirituel. Ce n’est pas du simple rock n’ roll. C’est une route qui mène quelque part. C’est notre chemin de vie. Ce sont des chapitres qu’on peut relier pour former un livre qu’on peut lire de temps en temps. C’est ainsi que je vois ce projet depuis le tout début quand je l’ai commencé il y a douze ans. Tous les deux ou trois ans, on a un autre chapitre mais c’est aussi une partie de l’histoire et de la vie de quelqu’un, je crois. Ce serait le meilleur compliment qu’on puisse me faire si quelqu’un me disait que la musique de Lunatic Soul a été son compagnon durant toutes ces années de sa vie, que ça l’a aidé à survivre. Ce serait génial !

Tu as parlé de la place de cet album dans la discographie de Lunatic Soul, mais cet album pourrait-il aussi représenter la conclusion d’un processus émotionnel ou psychologique qui aurait commencé avec Fractured, et se serait poursuivi sur Under The Fragmented Sky et Wasteland de Riverside ?

Oui, j’ai probablement terminé le marathon mélancolique que j’ai commencé, je ne sais pas, en 2014. Tout était lié à la souffrance, d’une certaine manière, parce que Walking On A Flashlight Beam parlait de dépression. Love, Fear And The Time Machine, je me souviens quand nous l’avons fait avec Riverside, c’était aussi un moment qui n’était pas terrible dans ma vie ; je ne faisais que m’imaginer heureux. Avec Fractured et Under The Fragmented Sky, j’étais en deuil. Avec le nouvel album, je pense que c’est la fin de mon voyage avec cette souffrance. Voyons une chose : à la fin de chaque album que j’ai fait au cours des dernières années, il y avait un genre de lumière au bout du tunnel. Par exemple, Shrine Of New Generation Slaves contient la chanson « Coda », Love, Fear And The Time Machine contient la chanson « Found », Wasteland contient « The Night Before », et Under The Fragmented Sky contient la chanson « Untamed ». Donc à chaque fois, j’avais un genre d’issue au tunnel, genre : « D’accord, c’est un album très sombre, mais on a une lumière au bout du tunnel dans la dernière chanson, un peu d’espoir. » C’est pareil maintenant : la chanson « The Fountain » joue ce rôle mais ce n’est pas qu’une lumière au bout du tunnel, c’est déjà une lumière éblouissante. Tout l’album est la fin de cette quête de lumière, je crois. C’est donc probablement l’apothéose de ce genre d’attitude. Et la forêt en tant que telle, j’ai trouvé ce lieu : quand tu es dans les bois, quand tu es dans la forêt, de quoi as-tu besoin d’autre ? Où veux-tu aller ? Tu es au bon endroit pour trouver le calme.

Même s’il n’y a pas d’électronique, il y a un gros travail du son, avec même des effets de post-production, comme sur ta voix dans la chanson éponyme. Quelle était ta philosophie, en termes sonores, avec cet album ?

Je suis juste un gars qui recherche l’esthétique, c’est tout [petits rires]. J’aime quand c’est joli et que ça sonne bien. Cette fois, je me suis passé de kit de batterie. Cette fois, on n’entend pas de batterie. Il y a de la grosse caisse et de la caisse claire par ci par là, mais il n’y a pas de cymbale. Grâce à ça, il n’y a personne pour faire du bruit [petits rires] et l’album peut sonner différemment. Avec chaque album, j’essaye de nouvelles choses. J’ai mes amis Magda et Robert Srzedniccy, ce sont des ingénieurs du son qui m’aident à obtenir ce que je recherche. Tous les trois, nous avons toujours travaillé ensemble sur tous les albums de Lunatic Soul. Ils m’aident à concrétiser ma vision musicale et à obtenir le son que je veux avoir. Je vois Lunatic Soul comme de la musique ayant plusieurs dimensions, ce qui implique qu’il faut faire tout le temps attention au son de l’album. On ne peut pas juste dire : « Allez, on enregistre les instruments » et c’est tout. Non, il faut réfléchir à ce long… C’est un processus qui nécessite du temps ! Mais je crois que le résultat final est très satisfaisant.

La majorité de cet album est acoustique ou en son clair, sauf sur « The Passage » où tout d’un coup ça change au profit d’une grosse distorsion. Quel est le rôle ou le sens de la distorsion là-dedans ?

Je crois que « The Passage » et « Summoning Dance » ont des passages avec de la distorsion. Je voulais juste exprimer dans la musique ces moments du voyage dans les bois ombragés où les arbres nous attaquent avec leurs branches. Je me disais que c’était les bons moments pour ressortir le gros son et faire quelque chose de beaucoup plus heavy avec Lunatic Soul. N’oublions pas cependant que Lunatic Soul n’a pas de guitare électrique, car c’était précisément mon idée. Donc j’essaye de mettre la distorsion sur tous les autres instruments et ce son qu’on entend, ce n’est pas de la guitare électrique, c’est de la basse piccolo. Ces sons que je cherche à obtenir sont donc toujours réalisés selon la formule normale de Lunatic Soul, c’est-à-dire sans guitare électrique.

« Je n’ai pas envie de faire un autre album solo de Mariusz Duda sous la bannière de Riverside. Cette fois, j’ai envie de revenir à l’atmosphère de la trilogie Reality Dream. »

L’édition limitée de l’album contient trois titres bonus, dont un morceau de vingt-huit minutes intitulé « Transition II ». Quelle en est l’origine ?

C’est la suite de « Transition » sur l’album blanc. Tout est lié. J’utilise aussi des fragments des albums précédents. Je t’ai mentionné ce schéma, j’ai mentionné le cercle de la vie et de la mort, les trois albums du côté de la vie et les trois albums du côté de la mort. « Transition II » est un peu le schéma musical des albums liés au côté de la mort. Il y a plein d’œufs de Pâques, plein de passages qu’on peut retrouver dans Lunatic Soul I, Lunatic Soul II, Impressions et même dans Under The Fragmented Sky. « Transition II » contient des parties vocales empruntées à la chanson « The Final Truth » sur l’album noir de Lunatic Soul et le piano en arrière-plan provient de « Transition », je les ai mélangés. La première partie du morceau renvoie à ces deux albums et quand arrivent les éléments folks, c’est le début de l’atmosphère qui correspond à Through Shaded Woods. Je voulais souligner que cet album est lié aux deux premiers albums de Lunatic Soul, bien plus qu’à Fractured ou Under The Fragmented Sky. Cependant, on peut entendre à la fin de « Transition II » le début d’Under The Fragmented Sky, « He Av En », et il y a le charleston de la chanson « Blood On The Tightrope » sur Fractured [rires]. Il y a une autre chose : à la fin, la guitare est tirée de « Gravestone Hill » également issu de Lunatic Soul II. Il y a donc plein de parties à l’intention des inconditionnels de Lunatic Soul ! « Transition II », c’est un peu une vue du dessus, une vue d’ensemble. Je voulais montrer que Lunatic Soul a son propre univers. « Transition II » c’est la version courte de Lunatic Soul [petits rires], toute la discographie résumée en un morceau.

Avec son côté ritualiste, cet album a un grand potentiel live. Penses-tu que tu pourrais l’emmener sur scène ?

Dis-toi que j’ai réalisé les précédents albums de Lunatic Soul sur différents instruments, parfois ça reposait uniquement sur des effets, des couches de guitare, des ambiances sonores, différentes expérimentations bizarres, mais cette fois, j’ai presque tout fait sur ma guitare acoustique dans ma chambre, ce qui veut dire que probablement, inconsciemment, j’étais prêt à en faire une sorte de version live. Donc peut-être que Lunatic Soul est en train de changer en ce sens. Je voulais que ça reste un projet studio mais maintenant qu’il n’y a plus de concert et que Lunatic Soul est presque devenu égal de Riverside… [Petits rires] Qui sait ? Peut-être que je devrais faire quelque chose en live avec Lunatic Soul. On verra ce qui va se passer avec le monde dans le futur.

En parallèle, avec Riverside, vous sortez officiellement l’album live de 2015 Lost’n’Found – Live In Tilburg. Pourquoi le sortir seulement maintenant ?

Jusqu’à présent nous l’avons vendu uniquement durant la tournée européenne. Les gens qui vivent en Pologne et nous ont vus en concert ont pu l’acheter sur notre stand de merch – principalement les gens en Pologne et en Europe. Personne d’autre n’a pu l’acheter, que ce soit aux Etats-Unis, au Canada ou dans d’autres pays. Les gens devaient l’acheter cher sur eBay. A cause de la pandémie et du fait que nous avons perdu beaucoup d’argent, nous avons décidé de le ressortir officiellement via Inside Out en ajoutant le DVD, parce que nous avons découvert que nous avions un enregistrement vidéo de ce concert. Nous avons donc dit : « Nous sommes en rupture de stock de la précédente édition sortie par le groupe, et ce live est toujours valable. Il se vend très cher sur eBay. On veut que tous ceux qui sont intéressés puissent se procurer ce concert, donc sortons-le officiellement. » Je crois que c’est aussi un super souvenir, parce que ce concert était probablement l’un des derniers que nous ayons faits avec Piotr Kozieradzki. Les gens peuvent donc se procurer un beau souvenir de notre carrière et de l’esprit de ce groupe. J’ai regardé ce concert en vidéo et il est super. Nous étions en super forme à cette époque.

Avez-vous commencé à travailler sur le prochain album de Riverside ?

Nous nous sommes donné du temps jusqu’à la fin de l’année pour nos projets solos, mais nous allons probablement nous réunir d’ici la fin de l’année et en janvier nous allons commencer à faire quelque chose. On verra ce qui va se passer. Nous avons désormais un quatrième membre : Maciej Meller est officiellement notre guitariste. Nous allons donc commencer à faire quelque chose en tant que quatuor, c’est certain.

As-tu déjà une idée en tête de la direction que tu veux prendre ?

Oui, mais je me suis dit que je n’allais rien faire à l’avance. Je verrai quand nous nous réunirons. Je n’ai pas envie de faire un autre album solo de Mariusz Duda sous la bannière de Riverside. Cette fois, j’ai envie de revenir à l’atmosphère de la trilogie Reality Dream. Il faut donc que nous fassions quelque chose plus ensemble. Aussi, avec cette nouvelle décennie, Riverside va rentrer dans sa troisième phase, et nous fêterons notre vingtième anniversaire l’an prochain, donc je crois qu’il faudrait que nous commencions un nouveau chapitre. A mon sens, nous avons notre premier chapitre avec Out Of Myself, Second Life Syndrome, Rapid Eye Movement et Anno Domini High Definition ; le second chapitre, c’est la décennie de la mélancolie, où nous sommes devenus plus doux, plus mélodiques. Désormais, nous allons probablement changer à nouveau. Je ne suis pas sûr dans quelle direction. Je vais le découvrir quand nous allons commencer à répéter.

Interview réalisée par téléphone les 19 novembre 2020 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Tomasz Pulsakowski.

Site officiel de Lunatic Soul : lunaticsoul.com

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