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Interview   

En lune de miel avec L7


Finalement, il ne manquait plus qu’elles. L7 n’a certes pas connu la même carrière au sommet que certains de ses contemporains ont connu – la faute à leur localisation ou leur sexe ? -, le quatuor reste un groupe majeur dans l’avènement du grunge et une des figures emblématiques des années 90.

Après un « divorce » maquillé en « hiatus indéfini » qui aura duré quatorze ans, les filles de L7 se sont rabibochées et sont de retour depuis 2015 à faire chauffer les planches, comme au Hellfest il y a trois ans ainsi que dans quelques semaines, avec un passage entretemps à La Cigale de Paris le 13 juin. Un retour gagnant, soutenu par la sortie du documentaire Pretend We’re Dead, qui ne manquait plus que d’être transformé via un passage en studio. C’est chose faite avec deux nouveaux singles parus ces derniers mois, mais le gros morceau est encore à venir, puisqu’un nouvel album est planifié pour février 2019.

Nous avons rencontré la frontwoman Donita Sparks pour évoquer le passé et le futur, mais aussi jauger dans quel état d’esprit est le groupe aujourd’hui. Mais une chose est sûre, si les filles d’L7 sont devenues plus sérieuses et s’adaptent à leur époque, elles n’ont pas perdu leur punk attitude !

« Les gens ont besoin d’antidépresseurs, donc si tu veux considérer L7 comme un antidépresseur, alors oui, le monde a besoin d’antidépresseur [rires]. »

Radio Metal : Tout d’abord, revenons un peu en arrière : quelles étaient les circonstances de la séparation du groupe en 2001 ?

Donita Sparks (chant & guitare) : Notre label nous avait lâchés et notre manageur avait des problèmes, et elle a été virée. Donc nous nous sommes retrouvées seules, sans système de soutien et sans argent. Nous n’avions pas de label. Notre popularité baissait. Aucun moyen de faire un album. En fait, nous avons fait Slap-Happy, notre ultime album, parce qu’un ami était producteur et il a été suffisamment gentil pour nous le faire gratuitement. Cet album ne nous a rien coûté. Il ne s’est pas vendu, il a été très mal distribué, et nous avions presque l’impression d’être revenues au début de notre carrière. Aucune distribution, personne qui achète notre album… Pas que nous nous soyons vraiment fait de l’argent avant sur les ventes de nos albums, parce que ce n’était pas le cas, mais si personne n’achète tes albums, personne ne viendra à tes concerts, personne ne viendra te voir jouer. Nous ne voyagions plus en tour bus, nous étions à nouveau en van, c’était très dur, nous vieillissions, nous ne voyions aucun résultat pour nos efforts. Nous n’avions pas de couverture pour notre santé. Donc si ça fait quinze ans que tu es dans un groupe à travailler très dur, sans aucun résultat, en dehors des merveilleuses expériences, alors tu dois regarder ta vie et corriger le tir.

A l’époque tu as qualifié la séparation de « hiatus indéfini ». T’attendais-tu à ce qu’un jour vous vous remettiez ensemble ?

Non. Parce que nous étions fâchées les unes avec les autres et nous étions blessées les unes par les autres. Lorsqu’il n’y a pas d’argent, exactement comme dans un mariage, tu commences à blâmer l’autre. Qu’est-ce qui brise un mariage ? L’argent. Ou la tromperie. C’est aussi ce qui brise un groupe. Et c’était très dur ! C’était comme divorcer. Vous êtes mariés depuis quinze ans, vous avez des hauts, vous avez des bas, et puis au final, vous divorcez. Et maintenant, nous nous sommes remariés et nous sommes en train de faire l’amour pendant notre lune de miel. Donc nous sommes actuellement en lune de miel et j’espère que ça durera un petit moment, et quand ça ne sera plus le cas, alors ainsi soit-il.

Qu’est-ce qui a rendu possible le retour du groupe en 2015 ?

C’était plusieurs choses qui nous ont fait décider de revenir. Ce qui a rendu ça possible, ce sont les fans et les réseaux sociaux, notre page Facebook en particulier. Nous avons vu l’intérêt de nos fans. Nous avons reçu quelques offres de tourneurs et c’est là que j’ai appelé le groupe pour voir si elles seraient intéressées pour faire une reformation. Avant ça, j’étais en contact avec elles pour voir si elles coopèreraient en étant interviewées pour le documentaire sur L7 sur lequel je travaillais. Ca a amorcé le fait que nous parlions à nouveau, le documentaire et la possibilité d’une reformation. De nombreuses années étaient passées ; certaines d’entre nous ne s’étaient pas parlées depuis des années. J’ai moi-même appelé tout le monde, normalement c’est quelque chose qu’un manageur fait, genre : « Oh, Suzi le ferait si tu dis que tu le fais ! » Mais nous n’avions pas de manageur à l’époque, il a donc fallu que je sois forte et que j’appelle tout le monde. Je ne savais pas vraiment quelle réaction j’allais rencontrer mais en fait, tout le monde était très excité à l’idée de se reformer. Suzi a mis un peu de temps à me donner sa décision, mais c’était juste parce que, je pense, elle n’avait pas joué de guitare depuis très longtemps.

Vous avez donc fait un documentaire qui s’appelle Pretend We’re Dead. Est-ce que le fait de se replonger dans le passé vous a fait prendre conscience de la force de que vous aviez, que ce soit en termes de musique ou de relation ? Est-ce que ça a aidé à consolider cette reformation ?

Oui, en regardant ces vieilles images… Tu sais, nous trouvions toutes que nous étions un bon groupe, en grande partie, mais je pense qu’en regardant les images étant plus vieille, j’étais très fière de nous étant jeunes. Je nous regardais presque avec de la distance, et un œil plus critique. En regardant ça, je me disais « ouais, on est bonnes ! » Je pense que notre musique tient toujours la route, et j’ai aussi vu l’importance de chaque membre du groupe et leur contribution, et que le tout est plus grand que n’importe quel individu. C’était donc vraiment sympa de regarder ces images.

D’un autre côté, avec cet œil critique, as-tu aussi vu des côtés négatifs dont tu voulais te débarrasser avec cette seconde chance que vous aviez ?

J’ai vu un peu de négatif. Je pense que parfois nous étions si souvent sur la route que nous avons commencé à trop nous éclater sur scène, dans le sens où nous avions des gens qui venaient danser sur scène avec nous, ou nos roadies qui montaient sur scène avec nous… Je pense que ça, même si c’était marrant, je ne le referais pas. Nous nous prenons bien plus au sérieux par rapport à notre prestation. Parce que parfois quelqu’un voit ton groupe qu’une seule fois et tu devrais lui laisser une bonne impression, or il ne pige pas forcément la blague, et ta blague est là uniquement parce que tu t’ennuies d’être autant sur la route, alors tu commences à faire l’andouille. Aujourd’hui, nous sommes très focalisées sur le fait d’offrir un spectacle de rock n’ roll vraiment solide et puissant. Tu sais, c’est un boulot à temps partiel pour nous aujourd’hui, donc nous devons être très sérieuses lorsque nous travaillons. Avant, c’était un boulot à plein temps et nous avons commencé à déconner, mais là, parce que c’est limité… Tu sais, nous ne partons pas pendant des mois et des mois d’affilée, nous partons pendant environ trois semaines quand nous tournons, donc c’est un boulot à temps partiel très sérieux.

« Le grunge est devenu très sérieux, il a pris la grosse tête, ce n’est plus très marrant. Il y a environ dix ans, ce renouveau du rock garage est arrivé et ça a apporté une énergie juvénile qui était vraiment nécessaire au rock n’ roll. »

Vous avez sorti deux nouvelles chansons ces derniers mois. Comment on-t-elles vu le jour ?

J’avais la musique pour « Dispatch From Mar-A-Lago » et Suzi et moi avons écrit les paroles pour cette chanson. C’était donc la première fois que nous écrivions ensemble depuis de nombreuses années. Ensuite j’ai écrit « I Came Back To Bitch » et j’ai amené ça au groupe, et j’avais à peu près tout d’écrit à part la partie de basse. C’est un peu comme ça que nous avons toujours écrit. Genre, on collabore Suzi et moi, ou bien elle amène une chanson, ou j’amène une chanson, ou Jennifer amène une chanson. Nous écrivons toutes les trois. Je contribue probablement au plus grand pourcentage de musique mais Suzi et moi avons été partenaires d’écriture depuis le début. Mais voilà comment ces deux chansons en particulier se sont faites.

L’une de ces chansons est donc « I Came Back To Bitch » (« je suis revenu pour râler »). Est-ce précisément pour cette raison, à ton avis, que tant de groupe des années 90, y compris L7, sont revenus dans les années 2010 : parce qu’il y a vraiment matière à râler ?

On nous a demandé : « Pourquoi vous êtes revenues ? Pourquoi vous êtes revenues ? » Nous avons simplement pensé que ce serait marrant de dire « je suis revenue pour râler » parce qu’il y a effectivement vraiment matière à râler. Après, je ne sais pas de quelles autres groupes tu parles mais je pense que L7 a toujours eu un peu plus de politique dans nos paroles que certains de nos pairs. Rage Against The Machine avait de la politique mais ils n’avaient pas d’humour. Nous avions de la politique et nous avions de l’humour. Donc aucun autre groupe possédant vraiment notre recette spécifique ne me vient à l’esprit. Personne n’a la recette des Stooges, personnes n’a la recette de Motörhead, personne n’a la recette des Ramones, personnes n’a la recette des L7. Nous ne sommes pas comme d’autres groupes avec des femmes, nous ne sommes pas comme d’autres groupes avec des hommes, nous sommes L7. Il se peut que des groupes partagent des ingrédients avec nous mais nous avons notre recette unique que, selon moi, personne d’autre n’a.

Votre autre single « Dispatch From Mar-A-Lago » est une référence à Donald Trump. De nombreux groupes ont dénoncé Donald Trump, que ce soit Ministry ou Prophets Of Rage, pour ne nommer que ceux-là. Au final, n’est-il pas, lui et l’atmosphère qu’il génère, une incroyable source d’inspiration pour les artistes, tout comme l’ambiance morne du début des années 90 l’était ?

Ouais, mais c’était morne avec George W. Bush dans les années 2000. C’était sacrément morne ! Et là, c’est une absurdité totale. Ce qui se passe aujourd’hui est morne et absurde parce que, enfin, Trump n’est même pas un politicien ! C’est juste… [rires] une star de télé-réalité ! Voilà ce qu’il est. C’est vraiment effrayamment absurde ce qui se passe aujourd’hui. Donc ouais, c’est une bonne inspiration mais tout comme l’était George W. Bush, ainsi que son père et Ronald Reagan. Donc tous ces connards… Je veux dire que du très bon punk rock est ressorti de l’ère Reagan. Trump était notre inspiration pour « Dispatch From Mar-A-Lago » mais nous avons pris la voie de l’humour, un peu comme… je ne sais pas si tu as vu le film de Mel Brooks, Les Producteurs, mais c’est une comédie musicale, et elle contenait une chanson qui s’appelle « Springtime For Hitler ». C’était un morceau de comédie musicale très élaboré au sujet d’Hitler. C’était donc marrant et nous considérons « Dispatch From Mar-A-Lago » comme notre « Springtime For Hitler », c’est-à-dire en attaquant par l’humour. Je trouve qu’il y a plein d’excellentes façons d’attaquer, et l’humour est l’une des armes présentes dans l’arsenal de L7.

Tu as dit dans une interview qu’on « pourrait être un peu plus agressifs et revendicatifs au lieu de juste dire ‘résiste’. » Penses-tu que les gens sont trop passifs aujourd’hui ?

Je ne sais pas. Je ne suis pas de très près la nouvelle musique mais je n’ai entendu aucun… Je ne sais pas ! Je veux dire que les gens se montrent lors de marches dans la rue, ce qui est super, mais les puissants se fichent des marcheurs. Ils s’en fichent complètement. Je pense que tout le monde devrait aller voter. Aux Etats-Unis, les gens doivent aller voter. C’est notre arme la plus puissante.

Et penses-tu que les gens ont besoin d’un groupe comme L7 à cet égard, pour peut-être les secouer ?

Je ne sais pas ! Je pense que le rock n’ roll a toujours été une voix très puissante pour le changement. Nous avons toujours eu cette voix. A quel point sommes-nous puissantes ? Je ne le sais pas. Mais je pense que les gens trouvent notre musique et nos concerts très cathartiques parce qu’ils peuvent s’amuser mais aussi chanter avec nous nos hymnes de colère. Nous avons de nombreux hymnes de colère, mais plusieurs d’entre eux ont aussi un peu d’humour, donc les gens arborent un sourire tout en pointant leur majeur vers le ciel. Les gens ont besoin d’antidépresseurs, donc si tu veux considérer L7 comme un antidépresseur, alors oui, le monde a besoin d’antidépresseur [rires].

« Nous aurions probablement eu plus de succès si nous avions eu des pénis, pour être honnête. […] Je sais que des animateurs radio aux Etats-Unis ne voulaient pas diffuser de groupes avec des femmes, ça faisait partie de leur numéro comique en tant que rois de la vanne, le fait qu’ils ne jouaient pas de rock de gonzesses. »

Ces chansons ont clairement ce feeling à la L7 classique, brut, presque comme si rien n’avais changé…

Tu sais, « I Came Back To Bitch » a quelques touches modernes. Notre producteur Billy Bush, qui travaille beaucoup avec Garbage, je pense qu’il a fait… Tu sais, les breaks dans ces chansons, il y a un solo de basse, il y a une batterie qui sonne différemment au milieu de la chanson, donc ce n’est pas juste un enregistrement live, il y a de la production sur ces deux chansons. Nous n’avons pas cherché à faire un enregistrement qui sonne années 90. Nous avons cherché à faire quelque chose qui sonne un peu moderne, donc ces chansons possèdent la même énergie que nous avons toujours eue, mais nous ne voulons pas sonner comme dans les années 90, quoi que ça veuille dire ; je ne sais même pas comment ça sonne, vraiment. Nous ne visons pas un son nostalgique. Nous écrivons et enregistrons comme nous le voulons. Mais nous les avons vraiment jouées live, nous étions dans une pièce ensemble à jouer. J’ai fait le chant pour « I Came To Bitch » en une prise, donc c’est assez rare, parce que normalement, il me fallait quelques prises pour faire le chant, alors que là non, une seule a suffi. Et je suis très fière de la prestation vocale, car je trouve qu’elle a de l’énergie et une urgence, et c’est parce que nous n’avons pas beaucoup d’argent à mettre dans le studio [petits rires]. Donc il y avait une urgence, « il faut que ce soit fait. » Je pense que, parfois, quand un groupe est sur une grande maison de disques, ils ont beaucoup d’argent à investir dans le studio, ce qui leur offre également beaucoup de temps à passer au studio. Nous sommes fauchées ! [Rires] Donc il faut que nous soyons efficaces ! Il y a donc une urgence qu’on retrouve dans la musique et peut-être que c’est ce que tu entends, ce côté « on n’est pas là pour déconner. »

Comment perçois-tu la façon dont le rock a évolué en votre absence ?

Je suis très difficile au sujet de la musique que j’aime, donc si on parle de la musique de l’époque, il n’y avait que quelques groupes que j’aimais ! Ce n’est pas comme « oh, j’adore le grunge ! » Non, carrément pas ! Je trouve qu’il y avait beaucoup de grunge merdique. Il y avait de la bonne musique dans les années 90 et il y avait beaucoup de merde dans les années 90. Donc je suis très difficile au sujet de la musique. Certaines personnes aiment tout le grunge, pas moi, une bonne partie était merdique pour moi. Donc je ne sais pas de qui tu parles, au niveau rock, il me faudrait des noms, mais de toutes façons je ne vais pas te dire si je ne les aime pas [petits rires]. Je ne suis pas trop le rock n’ roll. Tu sais ce que j’aime ? J’aime les plus jeunes groupes de garage qui sont apparus et, selon moi, ont ramené de la jeunesse dans le rock. Je trouve que le grunge est devenu très sérieux, il a pris la grosse tête, ce n’est plus très marrant. Il y a environ dix ans, ce renouveau du rock garage est arrivé et ça a apporté une énergie juvénile qui était vraiment nécessaire au rock n’ roll. Est-ce que ça a du sens ? Tu sais, de la musique psyché, des trucs comme ça. J’aime les Wooden Shjips, j’aime The Growlers, j’aime Bleached… Ce genre de chose. Est-ce que je trouve que ça sonne révolutionnaire ? Non, mais j’aime bien!

Vous avez toujours revendiqué vos racines punks plus qu’autre chose en termes de musique et, je suppose, d’attitude, mais d’un autre côté, on vous as rangé dans la case du grunge. L’avez-vous compris et accepté ou bien est-ce, selon toi, une idée fausse de croire qu’L7 est un groupe de grunge ?

Non parce que je pense que nous étions un des architectes du grunge, c’est-à-dire des punk rockeuses faisant du heavy rock. C’est un peu ça le grunge. Dans la plupart des premiers groupes de grunge, au fond, les gens étaient des punk rockeurs, mais ils ont amené leurs influences heavy, que ce soit Sabbath ou autre. Mais nous étions assurément l’un des architectes de ce style parce que nous avons commencé en 84, 85, et nous venions de la scène art punk à Los Angeles, nous ne venions pas de la scène hardcore punk, nous étions des art punks, et nous pensions que ce serait cool de faire de la musique heavy. Il y a donc une sensibilité punk avec des guitares distordues et de la lourdeur.

Etant considérées comme des pionnières du grunge, penses-tu que ça vous a nuit de ne pas venir de Seattle quand le grunge a explosé ou est-ce que ça vous a sorti de la masse ?

Je ne sais pas, c’est dur à dire si nous aurions eu plus de succès. Nous aurions probablement eu plus de succès si nous avions eu des pénis, pour être honnête. Parce que nombre de nos pairs sont devenus très, très riches et ils passaient à la radio. Nous ne passions pas souvent à la radio. Je ne sais pas ce qu’il en est en France mais aux Etats-Unis, nous ne passions pas à la radio et je pense que c’était probablement en partie dû au fait que nous étions des femmes faisant du hard rock. Alors que nos contemporains, nombreux d’entre eux se portaient très bien. Je sais que des animateurs radio aux Etats-Unis ne voulaient pas diffuser de groupes avec des femmes, ça faisait partie de leur numéro comique en tant que rois de la vanne, le fait qu’ils ne jouaient pas de rock de gonzesses. C’est un fait. Des gens de radio me l’ont dit. Donc est-ce la raison pour laquelle nous n’avons pas explosé ? Peut-être bien, mais ça n’a rien à voir avec nous. Ça nous a baisées mais c’est leur problème. Nous faisons juste ce que nous faisons et si les gens veulent être sectaires, il n’y a rien que nous puissions y faire. Ils veulent être sexistes, que peut-on dire ? Je ne sais pas. Donc je ne crois pas que ce soit lié à Seattle en soit. Je pense que c’est possiblement parce que nous étions des femmes. Mais je n’en suis pas totalement certaine.

« Nous n’allons pas attendre qu’un label veuille que nous fassions un album. J’emmerde ça ! […] Précommandez et nous ferons l’album. Si vous ne précommandez pas, nous ne ferons pas l’album, parce que faire les albums, ça coûte de l’argent. […] Ça ne peut pas être un passe-temps onéreux. »

D’ailleurs, à ce propos, vous refusiez de prendre part à des articles uniquement consacré aux femmes. Penses-tu que les choses aient évolué de ce côté, que le fait d’être une femme dans le rock n’est plus considéré comme une « caractéristique spéciale » ?

Je ne sais pas. Je ne connais aucun autre groupe de rock avec des femmes. Je sais que lorsque nous jouons dans certains festivals, nous sommes les seules femmes. Nous venons de jouer dans un festival metal à Mexico, et nous étions les seules femmes, à l’exception d’une chanteuse dans un autre groupe, et nous venons également de jouer dans un festival punk rock à Las Vegas, et c’était pareil. Donc, de ce que je vois, sur ces festivals, nous sommes les seules femmes sur des guitares ! [Petits rires] Donc je ne sais pas ! Mais, tu sais, je pense que nous avons transcendé notre sexe il y vingt-cinq ans, lorsque Bricks Are Heavy est sorti. Cet album en fait la démonstration. Nous avons transcendé notre sexe à la minute où nous sommes montées sur scène. Nous ne pensions même pas à notre sexe lorsque nous étions sur scène. Si d’autres gens veulent faire une fixation là-dessus, c’est leur problème. J’ai été élevée en féministe, mais je sais comment je vis ma vie et mon sexe n’est pas l’un des cinq premiers descriptifs que j’emploie à mon sujet. Tu vois ce que je veux dire ? Le sexe n’est pas si important à mes yeux.

Comme je le disais plus tôt, vous avez été associées au mouvement grunge mais à la différence de la plupart des principaux groupes de grunge – si on excepte Stone Temple Pilots – vous ne veniez pas de Seattle mais de Los Angeles, qui était le berceau du glam, dominé par le machisme, quand vous avez commencé dans les années 80. Comment c’était d’être entouré d’une telle scène dont, à première vue, vous ne faisiez pas partie et avec laquelle vous n’aviez pas grand-chose à voir ?

Nous n’avions rien à voir avec le glam rock de Los Angeles, rien. En fait, ces clubs étaient dans une autre partie de la ville. Comme je l’ai dit, nous faisions partie de la scène art punk. Nous jouions avec plein de groupes new wave artistiques. Donc nous partagions nos concerts avec, genre, un gars avec un violoncelle électrique jouant de la noise [rires]. Nous jouions davantage de concerts avec des poètes et des gens qui parlaient sur scène, et des spectacles de travestis. Nous ne jouions pas du tout avec les groupes de hair metal. Ils en sont venus à nous apprécier mais nous n’avons jamais joué avec eux. Ce n’est que lorsque nous avons été sur le label Sub-Pop que nous avons eu plus ce qui s’apparentait à une famille. Mais autrement, nous jouions dans des bars gay et ce genre de trucs [petits rires]. Nous ne venions pas de la scène metal ou hard rock. Nous étions des art punks. Nous venions de la scène art et nous nous présentions comme un groupe de hard rock, et nous en sommes devenu un très bon. C’était notre art. Des rockeuses punk faisant du hard rock.

Un nouvel album est prévu pour février 2019. Mais lorsque vous vous êtes reformés, tu as déclaré que tu n’avais « pas vraiment le désir pour le moment d’écrire un nouvel album de L7. » Qu’est-ce qui au final t’a fait changer d’avis ?

Nous nous amusions. Lorsque j’ai approché tout le monde pour faire une reformation, je crois que si j’avais dit « oh, faisons un album, faisons toutes ces autres conneries, » ça aurait été une tâche trop monumentale. La première étape était « faisons une reformation, jouons les vieilles chansons, jouons ce que les gens veulent entendre. » Donc nous l’avons fait et maintenant, trois ans se sont écoulés, nous nous éclatons et nous voulons rester pertinentes et écrire de la nouvelle musique, ce qui est ce que nous faisons. Je veux dire que c’est une chose de jouer des concerts de reformation pour nos fans mais ensuite, quand tu créés de la musique, c’est pour toi-même, au bout du compte. Tu espères que les fans aimeront mais en tant qu’artiste, tu créés pour ta propre expression. Nous avons réalisé que nous passions tous du bon temps, que nous nous amusions, donc créer de la musique, ça a commencé à se faire un peu naturellement.

Est-ce que ces deux singles que vous avez sorti était un genre de test pour voir si le groupe était toujours pertinent avant de se mettre à faire un album complet ?

Non, nous voulions faire « Dispatch From Mar-A-Lago » parce que nous pensions que Trump allait très rapidement être destitué, donc nous l’avons faite très vite, en pensant « oh, il faut qu’on sorte ça maintenant parce qu’une fois qu’il sera destitué, cette chanson ne sera plus pertinente. » Mais maintenant, il n’a pas été destitué – et j’en suis surprise -, donc elle reste pertinente. Et puis j’aime l’idée de faire des singles, car autrement, il faudrait attendre encore et encore pour qu’un album se fasse. Donc j’aime que nous puissions faire des singles et les sortir vite. Nous voulons enregistrer l’album en septembre et le sortir dans la foulée quand il est fini, mais aujourd’hui les gens veulent du vinyle, donc nous devons attendre après la fabrique de vinyle, genre nous attendons notre tour pour que l’usine presse notre album quand il sera fini. Autrement, nous le sortirions en septembre, mais parce que des gens veulent du vinyle, tout le monde doit attendre. J’aime l’immédiateté d’internet et du digital, mais maintenant, évidemment, ils veulent du vinyle, donc nous devons attendre.

Vous avez fait appel à du financement participatif pour le documentaire, via Kickstarter, et l’album à venir, via Pledge Music, et vous vous êtes en partie reformées grâce aux réseaux sociaux. Est-ce important pour L7 d’être à la page ?

Oui. Tout d’abord, la campagne Kickstarter a été lancée par les producteurs du film. J’ai contribué au film, j’étais une consultante créative sur le film, mais je n’ai pas fait la campagne Kickstarter. Le groupe a soutenu la campagne et nous avons signé beaucoup de choses, comme des DVDs et ce genre de trucs, donc nous avons beaucoup soutenu mais ce n’était pas notre campagne, c’était celle du réalisateur. Cette campagne de financement participatif via Pledge Music, nous sommes totalement impliquées. Ce sont juste des précommandes, donc c’est une façon de dire aux fans : « Hey, si vous être sérieux quand vous dites que vous voulez entendre de la nouvelle musique de la part de L7, précommandez l’album de façon à ce que nous puissions faire l’album. » Autrement, nous ne pouvons pas faire l’album ! Nous n’avons pas de label et si vous voulez entendre de la nouvelle musique, précommandez l’album, parce que nous sommes un groupe très do-it-yourself. C’est comme ça. Nous n’allons pas courir après les labels ; nous n’allons pas attendre qu’un label veuille que nous fassions un album. J’emmerde ça ! Nous avons contacté des labels, et certains n’étaient pas intéressés par un album de L7, donc qu’ils aillent se faire foutre ! Nous allons quand même faire l’album ! Mais nous devons faire ce financement participatif. Nous avons une fan base très cool et importante qui veut entendre de la nouvelle musique. Donc précommandez et nous ferons l’album. Si vous ne précommandez pas, nous ne ferons pas l’album, parce que faire les albums, ça coûte de l’argent. C’est l’une des raisons pour lesquelles le groupe s’est séparé, parce que nous ne sommes pas à un niveau où nous pouvons dépenser nos petites économies pour faire un album… Tu vois ce que je veux dire ? Il faut se faire de l’argent avec ça pour pouvoir avancer. Ça ne peut pas être un passe-temps onéreux. Il faut faire rentrer de l’argent pour le payer.

Et que peux-tu nous dire au sujet de l’album à venir ?

Ce sera un bon album de L7 et ce sera ce à quoi on peut s’attendre. Nous n’avons pas de grand concept pour l’album, nous allons juste faire la musique que nous voulons faire. Si vous aimez, achetez, sinon, n’achetez pas. Je pense que nous avons fait nos preuves en sortant ces deux singles. Si vous n’aimez pas les singles, alors vous n’allez clairement pas aimer l’album, parce que c’est à ça que ça ressemblera [petits rires].

Interview réalisée par téléphone le 31 mai 2018 par Nicolas Gricourt.
Transcription & traduction : Nicolas Gricourt.

Site officiel de L7 : l7theband.com.



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