Sommes-nous vraiment soucieux de revoir le guitariste George Lynch œuvrer aux côtés de Don Dokken lorsqu’on le retrouve aujourd’hui accompagné du chanteur Oni Logan au sein de Lynch Mob ? Un Wicked Sensation (1990) vaut bien un Back For The Attack (1987), n’est-ce pas ? Lynch a sans l’ombre d’un doute réalisé parmi ses plus belles pépites en compagnie de Logan, alors il n’est pas étonnant que le guitariste l’ait précisément choisi pour remonter Lynch Mob en 2008, et concevoir l’album Smoke And Mirrors qui s’en est suivi. Passons sur une période trouble, avec un line-up branlant, dont un passage de Marq Torien des Bullet Boys puis Keith St. John derrière le micro.
C’est bel et bien Logan que l’on retrouve sur Rebel (qui fait suite à l’EP Sun Red Sun sorti en fin d’année dernière), avec sa voix chaude et pleine de feeling. La production très naturelle va même jusqu’à laisser apparentes ses respirations, à la manière d’un David Coverdale (Whitesnake), ne rendant la performance que plus tangible. C’est d’ailleurs à ce même Coverdale que l’on pense lorsque le frontman lâche des aboiements en introduction de « Pine Tree Avenue » ; les deux chanteurs, aux timbres pourtant distincts, semblent effectivement câblés sur une même énergie. Mais ce n’est pas la seule chose que la production valorise, il y a aussi la basse de l’ex-Dokken Jeff Pilson qui claque et grogne à nos oreilles, particulièrement mise en avant dans le mix, par-dessus le groove solide de l’ex-Whitesnake Brian Tichy. Et évidemment, la guitare de Lynch qui, à la fois, cimente et orchestre le tout.
Tous les ingrédients sont réunis pour un album classieux, ici, comme celui de 2008, largement tourné vers le mid-tempo. Si on aurait apprécié davantage de variété à cet égard – l’album est relativement linéaire -, cette cadence « à la cool » permet au groupe de laisser parler les instruments, poser le groove, surtout sur des chansons comme « Pine Tree Avenue » ou « Jelly Roll », mais aussi apporter un poil de modernité avec la lourdeur de certains plans. On pense à l’effet d’octave utilisé sur « Testify » qui rend les guitares plus massives, ou à la quasi-grunge « Sanctify » qui aurait tout aussi bien pu paraître sur l’album de KXM – un des multiples projets de Lynch – sorti l’an dernier. Il y a aussi cet arrangement de clavier qui frise l’indus sur « Dirty Money », mais qui reste suffisamment bien dosé pour ne pas prendre le pas sur les couleurs sudistes de la chanson. Car Lynch Mob reste très largement fidèle à ses standards et propose un hard chaleureux, à la fois sophistiqué et authentique, largement inspiré du blues, loin, très loin, d’un Smoke This (1999) qui essayait trop fort d’être dans l’ère du temps. George Lynch y offre une de ses prestations parmi les plus étincelantes de ces dernières années, ajoutée à celle atteinte sur l’album de KXM, que ce soit sur ses riffs, leads ou solos, avec un grain de guitare protéiforme et des sonorités ponctuellement progressives. Au milieu des brûlots hard, Lynch va jusqu’à jouer la carte des ambiances, via l’approche aérienne des arpèges mais aussi du chant sur « The Hollow Queen » et « The Ledge » qui, avec ses multiples arrangements de guitares scintillantes, enveloppe l’auditeur dans une atmosphère lancinante et groggy.
Rebel s’inscrit en réalité dans un état d’esprit, celui de ces quinquas et sexagénaires du hard rock qui ont vécu leurs plus grandes heures dans les 80 – Whitesnake ou Europe pour ne citer qu’eux – et qui, après des années dans le creux de la vague, trouvent aujourd’hui un nouvel élan, une nouvelle jeunesse, se faisant plaisir en puisant généreusement dans leurs racines, mais évitant soigneusement de tomber dans le « has been » et le rétro. Et Lynch Mob, avec ce Rebel, est un nouveau rappel comme quoi on a encore beaucoup à recevoir et apprendre de ces vieux loups de mer.
Voir le clip pour la chanson « Automatic Fix » :
Ecouter les morceaux « Jelly Roll » et « War » :
Album Rebel sortie le 21 août 2015 chez Frontiers Music Srl.