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Interview   

Mantar : une démonstration de force brute


Mantar 2015Rares sont les groupes qui, comme Mantar, incarnent une telle pureté dans l’amour de la violence. Pourtant, les musiques extrêmes n’ont jamais été aussi répandues qu’aujourd’hui. La popularité d’un genre provoque naturellement une forme de standardisation, l’apparition de gimmicks et de classifications en sous genres. Non pas que ce soit une mauvaise chose : c’est une évolution naturelle et les auditeurs y trouvent leur compte. Cependant, même si dans cette interview, Hanno Klärhardt, chanteur et guitariste du combo, précise qu’il n’a rien contre les sous genres, le fait qu’ils existent peut être nocif pour l’expression artistique pure, qui est précisément à la base de toute création de Mantar.

Mantar met tellement un point d’honneur à ce que rien n’altère son art, qu’il se complaît même dans ses propres limites, comme le fait de n’être composé que de deux musiciens ou de ne connaître « que dalle à propos de la double grosse caisse, des blast beats » et « la différence entre death metal et black metal ». Des limites que le duo embrasse pleinement pour les transformer en force créative. Le seul objectif de Mantar est d’envoyer autant qu’un quintet sans se poser plus de questions que comment produire une musique « dangereuse » et « groovy ». Malgré l’important développement des musiques extrêmes et malgré ses années d’expérience dans la musique, le duo a réussi à conserver une pureté d’esprit vis à vis de la violence qu’il célèbre.

Entretien avec le franc et taquin Hanno Klärhardt, à l’occasion de la sortie d’Ode To The Flame, second album de Mantar.

Mantar 2015

« Nous n’avons aucune raison d’être là. Les seules choses que font les hommes, c’est détruire tout pour de bon et ne rien laisser derrière eux […] ; personne ne justifie que l’humanité existe, c’est tellement étrange ! »

Radio Metal : Vous avez beaucoup tourné après votre premier album Death By Burning, ce qui est assez peu commun. Comment êtes-vous parvenus à obtenir toutes ces dates en Europe et aux Etats-Unis en n’ayant qu’un seul album en poche ?

Hanno Klärhardt (chant & guitare) : Je ne sais pas. En fait, nous avons toujours été un groupe très actif. Nous avons tous les deux un background punk de « bricoleurs », donc nous avons toujours eu l’habitude de caler toutes les tournées, entrer en contact avec les gens et ce genre de choses par nous-mêmes. Je pense simplement que nous donnons beaucoup de nous-mêmes car c’est ainsi que nous avons toujours procédé. Et à côté de ça, bien sûr… Je veux dire que c’est une question de chance, le fait que tant de gens aient aimé notre album. Et nous avons reçu énormément d’attention, nous avons eu toute cette couverture médiatique partout dans le monde et donc beaucoup de gens ont été surexcités [à l’idée de voir] le groupe. Nous étions dans de très bonnes positions dans plein de gros festivals. Des leaders d’opinion ou peu importe comment tu les appelles, comme le Roadburn et ce genre de choses, nous ont invités partout en Europe et aux États-Unis. Ça a beaucoup aidé pour gagner en réputation et autre. Une chose menant à une autre, lorsque tu as fait un bon festival, tu obtiens généralement une offre pour en faire un autre, lorsque tu as fait une tournée, tu obtiens des offres pour d’autres pays et ainsi de suite. C’est un peu comme une réaction en chaine.

Comment comparerais-tu vos expériences à tourner en Europe et aux USA ?

Pour tous les groupes c’est un sacré truc de jouer aux États-Unis parce que ça reste le Graal, et plein de gens et de groupes n’ont jamais l’occasion de jouer aux États-Unis, donc c’est putain de génial ! Mais pour être clair, jouer aux USA, c’est une plaie parce qu’on ne te donne pas d’endroit où dormir, on ne te donne pas de nourriture, la plupart du temps on ne te donne même pas à boire et ce genre de choses, ils ne traitent pas les groupes très, très bien ici, c’est horrible. C’est donc bien plus confortable de jouer en Europe mais d’un autre côté, les concerts sont très bons, plein de gens apprécient vraiment Mantar par ici, donc nous continuons à y jouer parce que nous voulons jouer autant que possible partout dans le monde. Avoir un groupe est une très bonne façon d’explorer le monde.

Vous avez surtout fait des concerts par vous-mêmes et n’avez pas beaucoup tourné en tant que groupe de première partie, ce qui est généralement ce que recherchent les jeunes groupes de metal. Y a-t-il une raison à cela ?

C’est vrai. Tout d’abord, nous n’avons jamais reçu beaucoup de demandes et certaines demandes que nous avons eues étaient très arrogantes. Genre : « Ouais, ouais vous pouvez mais vous devez payer l’organisateur de la soirée et vous devez faire ça… » J’étais là : « Hey, tu peux sucer ma bite, mec ! » Je suis désolé mec, je ne suis… Comprend moi bien, c’était du genre : « Hey gars, nous n’avons pas formé ce groupe pour devenir des rock stars, alors pourquoi j’irais faire ton stupide concert ? Si tu nous veux en tant que première partie, nous serons heureux de le faire mais traitons-nous avec respect et ne nous traite pas comme un putain de joujou d’ouverture ou quelque chose comme ça. » Voilà donc une des raisons pour lesquelles nous n’avons pas fait ça et l’autre raison est que nous n’avons pas reçu beaucoup de demandes. Et une autre chose est que nous avons toujours bénéficié de suffisamment d’intérêt, même si ce n’était que cinquante ou cent personnes qui venaient au concert. D’ailleurs, je préfère jouer [face à] cinquante ou cent personnes qui viennent pour mon groupe, plutôt que d’ouvrir pour un autre groupe où les gens ne manifestent pas beaucoup d’intérêt à notre égard. On en revient au côté bricoleur. Je ne savais pas faire autrement : nous organisions les concerts et nous jouions ; nous n’avons jamais eu le souci de ne pas intéresser les gens, si tu vois ce que je veux dire. Entendons-nous bien, je ne cherche pas à paraître arrogant ou quoi, c’est juste que pour une raison ou une autre, ça ne s’est pas fait.

Il y a vraiment une certaine efficacité dans les nouvelles chansons sur Ode To The Flame, surtout « Era Borealis » qui est très simple et accrocheuse et qui sera assurément un hit en concert. Dirais-tu que tous ces concerts vous ont poussés dans cette direction ?

Je ne sais pas mec. Je pense que c’est plus par accident. Nous n’avons rien planifié de tout ça. Plein de gens renvoient à cette chanson en particulier mais je peux te dire, mec, c’est bien plus simple que ce que s’imaginent les gens. Nous sommes simplement entrés en studio et les structures des chansons sont très grossières, ce ne sont que des idées grossières et nous avons enregistré d’une façon très brute et directe. Et si une partie accrocheuse en ressort, comme avec « Era Borealis » par exemple, c’est plus par accident ; nous n’avons rien planifié. Je dirais que peut-être le fait de jouer live a fait de nous de meilleurs musiciens et nous nous concentrons sur nos forces et sur ce à quoi nous sommes bons et nous évitons les conneries et le reste. Tu vois ce que je veux dire ? Mais nous ne nous posons pas pour façonner le scénario live parfait où les gens pourront chanter ou ce genre de trucs. Non, ça ne se passe pas ainsi [petits rires].

Ode To The Flame étant votre second album, comment avez-vous abordé la conception et production de cet album par rapport au premier ?

En fait, nous n’avons pas changé grand-chose. Nous avons fait grosso-modo pareil. Ne pas changer une équipe qui gagne ! Nous avons à nouveau enregistré dans le même tout petit studio. Quatre-vingt pour cent ont été enregistrés dans la salle de répétition. Encore une fois nous n’avions pas de producteur et l’avons enregistré avec le même matériel que pour le premier album et que nous utilisons en tournée. Nous faisons en sorte que tout reste super, super facile et simple. Nous nous restreignons, nous n’avons que des guitares et de la batterie, donc nous sommes obligés de tirer le meilleur de ce scénario. Nous essayons de ne pas tout perdre dans la production, de ne pas nous perdre dans trop d’opportunités et possibilités. Nous sommes un groupe très unidimensionnel et direct et essayons de faire les choses de façon aussi facile, simple et primitive que possible.

L’album s’appelle Ode To The Flames, ce qui laisserait entendre qu’il s’agit d’une suite au premier album Death By Burning. En quoi les deux sont-ils liés ?

Évidemment, par le feu. Le nom Ode To The Flame, bien sûr, fait référence au premier album qui s’appelle Death By Burning, car nous voulions conserver ce fil rouge du feu. C’est juste que nous aimons l’idée du feu, c’est tellement intense ! Il a la possibilité et la capacité d’anéantir tout type de fléau et tout réinitialiser et détruire pour de bon, il ne reste rien après un bon feu.

Mantar 2015

« Tu ne croirais pas à quel point nous sommes incultes ! Je suis certain qu’Erinç [Sakarya], par exemple, ne connait même pas la différence entre death metal et black metal, car il n’en a simplement rien à foutre! »

Au sujet de cette métaphore, tu as déclaré que « c’est évidemment une ode à la passion et à l’implacable détermination. » Dirais-tu que c’est une métaphore pour votre passion pour la musique ?

En fait, lorsque je fais référence à la passion et à l’implacable détermination, je ne fais pas référence à la passion d’un artiste ou d’un musicien ou quelque chose d’aussi trivial. Je fais plutôt référence à la volonté de survivre et la volonté de détruire pour de bon. Ça va bien au-delà de la passion d’un artiste, c’est plus la passion d’un… Je ne sais pas, une créature vivante, que ce soit un animal ou un être humain. Une bonne part des paroles de Mantar fait référence à des batailles, à des temps révolus, à la glace éternelle, aux hivers et ce genre de choses et plein de scénarios liés à la nature ; ceci dit, ce sont des choses très sombres et radicales. Ce n’est pas à propos d’art mais de survie.

Apparemment la nature joue un rôle important dans votre inspiration, surtout avec les thèmes de la nature qui reprend le contrôle, du feu purificateur, la glace, etc. Peux-tu nous en dire plus à ce sujet ?

On vit une drôle d’époque, mec. Ça fait des décennies et des décennies maintenant que les gens disent ça mais chaque génération, lorsqu’elle est arrivé à mon âge, a probablement commencé à avoir le sentiment d’être assis sur une bombe à retardement et que ce n’est qu’une question de temps pour que le monde entier implose ou la terre/nature trouve enfin le moyen d’anéantir ce fléau qu’est l’homme. C’est très intéressant parce que pour une étrange raison, l’être humain est grosso-modo la seule force destructrice sur cette planète. Nous n’avons aucune raison d’être là. Les seules choses que font les hommes, c’est détruire tout pour de bon et ne rien laisser derrière eux, si ce n’est des cendres, comme le feu, et du verre brisé et tout est foutu ; personne ne justifie que l’humanité existe, c’est tellement étrange !

Ce qui est intéressant avec Mantar, c’est qu’on ne peut pas vraiment déterminer si c’est du death metal, du black metal, du doom metal ou autre. Est-ce que ça traduit votre large panel d’influences ?

[Réfléchit] C’est difficile à expliquer. En fait, tu ne croirais pas à quel point nous sommes incultes ! Je suis certain qu’Erinç [Sakarya], par exemple, ne connait même pas la différence entre death metal et black metal, car il n’en a simplement rien à foutre! Tout ce qui nous a jamais intéressé, c’est de jouer aussi fort et intensément qu’humainement possible, et nous sommes putain de heavy mais je ne sais pas si nous sommes un groupe de metal ; donc je ne sais pas si nous sommes un groupe de heavy metal, nous voulons juste jouer heavy et intensément pour le pur plaisir. Et certaines personnes disent : « Ouais, vous jouez des trucs black metal. » Certaines personnes disent : « Ouais, mais il y a du doom là-dedans. » Mais mon gars, nous essayons juste de groover et être d’enfer, c’est tout. Peu importe ce que les gens en retirent, ça me fait plaisir, je trouve ça très cool et j’espère que tout le monde en retire quelque chose que lui ou elle apprécie, peu importe comment tu veux l’appeler. Mais tu sais, les noms, ça ne veut strictement rien dire au final.

Tu trouves que les gens se préoccupent trop de toutes ces stupides étiquettes et classifications ?

Absolument, mec, c’est que des conneries ! C’est une perte de temps. Soit le groupe est bon et il tue, soit il est nul. Et s’il est bon, pourquoi est-ce que ça serait si important ? As-tu besoin d’une certaine étiquette ou, comme tu dis, classification à lui accoler, pour justifier le fait que tu aimes ce groupe ? Parce que tu te ballade avec une veste metal et tu n’as que des patches dessus de groupes de death metal, mais maintenant tu aimes Mantar et du coup tu ne sais pas, alors tu le justifie en disant : « Ouais, mais il a une bonne dose de death metal là-dedans. » Mon gars, je ne pense pas que ce soit important ! Soit le groupe est bon, soit il ne l’est pas. Je ne fais que jouer de la musique forte, intense et heavy pour tous ceux qui apprécient la musique forte, intense et heavy, c’est à peu près tout ! Je n’y connais que dalle aux différentes étiquettes.

D’ailleurs, ce qui est intéressant à propos de ces étiquettes, c’est qu’elles ne sont pas données par les musiciens car eux sont trop occupés à composer la musique. Ceux qui créent ces étiquettes, ce sont les auditeurs et…

Et toi ! [Rires] Mais pour être honnête, je pense que parfois, si ton groupe n’est pas très original ou s’il est ennuyeux… Je pense que beaucoup de groupes essaient de se cacher derrière les étiquettes. Un bon exemple, c’est les groupes qui se disent être des soi-disant groupes de sludge. Qu’est-ce que ça veut dire ? Jouer lentement et heavy et… Mon gars, lorsque je pense à ça, je pense à des vieux mecs de quarante-cinq ans qui fument de l’herbe ! Tous les groupent sonnent exactement pareil ! Pour moi, c’est le truc le plus ennuyeux au monde ! Mais hey, si je nous considérais être un groupe de sludge, les gens ne se poseraient plus de questions ! Je crois que les gens considèrent faire du sludge lorsqu’ils ne connaissent pas leurs propres racines musicales. Mes racines musicales, c’est AC/DC et Motörhead et quelques musiques crust et ce genre de choses ; c’est peut-être pourquoi ma musique a du cœur. Mais plein de gens forment un groupe et disent : « Formons un groupe de sludge » ou « Formons un groupe de death metal » ou « Formons un groupe de black metal » ; je pense que ces gens-là sont condamnés et ça sera toujours nul lorsque tu formes un groupe pour satisfaire les besoins d’un certain genre ou d’une certaine scène ou peu importe comme tu veux appeler ça. Je pense que c’est ce que les gens aiment chez Mantar, car nous n’avons jamais prêté attention à ce que les gens apprécient dans notre musique. Nous n’avons pas écrit notre musique pour un public particulier, nous jouons simplement aussi heavy que possible et tout le monde est invité à prendre son pied. Nous n’avons même pas eu l’occasion de copier quiconque parce que nous ne connaissons pas d’autres groupes et étiquettes.

Dirais-tu que c’est ce qui rend Mantar unique, le fait qu’on ne puisse pas déterminer votre style et que tout ce qu’on peut dire, c’est que ça sonne comme Mantar ?

Ouais, c’est bien, c’est super ! Et pour être honnête, allez, nous n’avons pas réinventé la roue, mec ! Ce n’est pas comme si nous avions créé un nouveau style ou je ne sais quoi mais, bien sûr, je suis très content que les gens aient ce sentiment, qu’ils disent : « Je ne sais pas exactement ce que c’est, mais c’est fort et c’est Mantar et j’aime ça » ; tu ne peux rêver mieux, j’adore ça !

Mantar - Ode To The Flame

« Je ne veux pas entendre : ‘Hey, pour un groupe à deux, vous sonnez pas mal.’ Non, je veux entendre : ‘Putain, vous assurez !' »

Quels sont les ingrédients principaux d’une chanson de Mantar ?

Je crois que la chose la plus importante, c’est de créer une atmosphère très sombre, destructrice et violente, c’est ça le premier ingrédient, la rendre dangereuse. J’aime lorsque la musique est dangereuse et te met mal à l’aise, mais d’un autre côté, j’aime quand ça groove et c’est, je pense, ce que Mantar fait le mieux. Plein de groupes metal ne connaissent pas les bases. Ils ont plein de gimmicks : les blast beats, la double grosse caisse, les solos à deux guitares, mais ils ne savent pas groover. Mais nous, nous sommes tellement restreints, nous sommes tellement basiques, nous n’avons qu’une guitare, pas même une basse, et une batterie, que nous n’avons qu’une option qui s’offre à nous, donc nous savons faire groover, nous savons comment pousser les gens à secouer la tête. Tu vois ce que je veux dire ? Le plus important est que nous ça groove. Erinç, il connaît que dalle à propos de la double grosse caisse, des blast beats et ce genre de trucs, mais il sait comment jouer de la batterie pour faire bouger les gens. Je pense que c’est ça le plus important dans Mantar, le fait qu’il y ait un certain groove là-derrière. Et dans le meilleur des cas, nous combinons cette atmosphère vicieuse et diabolique avec ce côté groovy de façon vraiment épique. J’aime la musique épique, j’aime Bathory, j’aime Manowar, ce genre de choses. J’aime cette musique épique, médiévale, presque comme si c’était la bande son d’une bataille. Tu as des chansons comme, par exemple, « The Hint » ou « Schwanenstein » qui sont vraiment épiques et j’aime ça ; je suppose que c’est un autre ingrédient.

Penses-tu que tous ces groupes de death metal techniques que l’on voit de nos jours oublient un peu ce que c’est que de faire une bonne chanson et que tu peux être extrêmement violent en faisant une simple chanson punk, par exemple ?

Ouais ! En fait, je ne parlerais même pas de punk mais j’appellerais simplement ça du rock ‘n’ roll, du genre qui te fait taper du pied avec une rythmique qui groove. Mais entendons-nous bien, je n’ai aucun problème avec le death metal technique, en dehors du fait que personnellement je n’aime pas ça, mais tous ceux qui l’apprécient en ont parfaitement le droit. Le truc, c’est que plein de gens ont plein de gimmicks et… Tu sais, je suis quelqu’un de très simple et, en fait, nous ne sommes pas non plus de très bons musiciens [petits rires]. Donc, nous faisons simplement ce que nous pouvons et jouons des chansons simples, très unidimensionnelles et brutes. C’est ce que nous aimons faire. Mantar, c’est une démonstration de force brute.

Lorsque l’on écoute vos albums et que l’on lit vos paroles ou même en voyant la façon dont vous communiquez sur Facebook, le premier mot qui vient en tête pour décrire votre univers c’est la « rage ». D’où vient cette rage ?

[Réfléchit] C’est une question intéressante. Si tu joues de la musique violente, tu te dois d’avoir une certaine fureur en toi. Il faut apprécier être furieux. D’où est-ce que ça vient ? Je n’en ai aucune idée, mec. Que ce soit clair, je ne suis pas une personne négative, je suis le gars le plus facile à vivre qui soit. J’aime trainer avec des amis, j’aime être un mec paisible mais lorsqu’il s’agit de musique… C’est ce que j’aime le plus à propos de Mantar. Pour moi, ce n’est pas tant une question de chanson que de plaisir et de beauté de cette rage destructrice dans laquelle nous sommes lorsque nous jouons ; nous célébrons vraiment cette violence, ce moment violent. Je ne sais pas, tout ce qui est lié au groupe, pour moi, a beaucoup à voir avec la passion. Lorsque les gens deviennent parfois un peu trop passionnés – ce qui est grosso-modo mon problème, je suppose -, il se peut qu’ils tombent dans une certaine forme de rage, c’est tout. Mais d’un autre côté, ça crée de bonnes chansons heavy, et c’est tout ce qui compte.

La biographie sur votre page Facebook insiste sur des termes comme « brut », « primitif », « pur » et sur le fait qu’il n’y ait pas d’image et de production sophistiquées ou de bidouille en studio. Est-ce important que votre art reste aussi spontané et inaltéré que possible ?

Oui ! C’est très important pour nous que la musique de Mantar reste aussi brute que possible, comme tu l’as dit ; « brut » est un bon mot pour la décrire, parce que… C’est difficile à expliquer, tu vois. Je veux me concentrer sur notre mission principale, qui est d’envoyer la sauce, de faire tout péter, c’est ce que nous aimons. Si tu as trop de gimmicks et trop d’images avec lesquelles s’accorder, alors tu passes à côté de tout ça. Je ne sais pas, peut-être que c’est pour ça que je viens d’un background punk. Tout est très basique et tu ne réfléchis pas à tout ça… Tu sais, être limité, c’est une bénédiction, c’est ce que je crois ; c’est difficile à expliquer.

Les groupes qui sont mentionnés comme étant des influences sur votre page Facebook sont Motörhead, Manowar, Darkthrone, les Melvins. Tous ces groupes sont connus pour avoir une identité forte et ne pas faire de compromis par rapport à ça, peu importe ce que les gens pensent. Est-ce pour cette raison que vous vous sentez proches d’eux ?

Ouais, peut-être que c’est pour cette raison. Je n’y avais jamais réfléchis mais c’est un point de vue intéressant. Il faut que je sois honnête, je n’ai vraiment jamais pensé à ça mais maintenant que tu le dis, je pense que tu as totalement raison ! J’adore les groupes qui n’en n’ont rien à foutre de qui que ce soit. Plein de gens se moquent de Manowar et je comprends pourquoi il est facile de se moquer de Manowar, mais d’un autre côté, ils font leur truc et emmerdent les autres ! Pareil avec les Melvins ! Mon gars, incontestablement, je n’aime pas tout ce que les Melvins ont fait. J’aime surtout Ozma, Stoner Witch et le génial Houdini mais je crois qu’ils ont fait plein d’albums que je n’aime pas du tout, mais au moins, ils ont fait ce qu’ils voulaient faire et n’en avaient rien à foutre. Et Manowar, par exemple, c’est pour moi comme AC/DC. C’est un véritable amour pour le rythme, le groove, les riffs simples et, ouais, globalement la simplicité parce que le rock ‘n’ roll est censé être spontané, simple et brut.

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« Être limité, c’est une bénédiction. […] Nous ne pouvons pas faire grand-chose parce que nous n’avons que deux instruments, alors nous devons faire preuve de créativité. »

Mantar est un duo. Est-ce par choix ou bien est-ce qu’originellement vous n’aviez pas trouvé d’autres membres pour compléter le line-up ?

[Petits rires] C’est à peu près ça, en fait. Lorsque nous avons commencé, nous ne voulions pas forcément jouer en duo, mais tous les gens à qui nous avons demandé étaient soit occupés, soit ils ne voulaient pas nous rejoindre pour diverses raisons. Nous avons donc commencé à jouer juste tous les deux et après quelques jams ou, en gros, quelques heures, nous savions que nous n’avions pas besoin qui que ce soit d’autre parce que la puissance et l’énergie entre nous était vraiment intense, nous avons même arrêté de chercher d’autres membres. Ça fait presque vingt ans que nous nous connaissons, même si nous avons commencé à jouer en tant que groupe il y a seulement trois ans, mais nous nous connaissons très bien et nous connaissons très bien la socialisation musicale de l’un et de l’autre. Je sais comment Erinç joue de la batterie, je sais ce qu’il aime, il sait comment je joue de la guitare, il sait ce que j’aime et ce genre de trucs. C’est donc une machine bien huilée et désormais, je pense qu’une troisième ou quatrième personne affaiblirait Mantar, car les autres n’ont pas la même connexion qu’Erinç et moi avons.

D’ailleurs, comment ça se fait que vous n’ayez pas pensé à monter un groupe plus tôt ensemble ?

Nous y avons pensé mais, tu sais, il était occupé ou bien c’est moi qui l’était… Et je pense que c’est bien que nous ne l’ayons pas fait parce que maintenant, lorsque nous avons formé le groupe en 2013 ou peu importe, nous avions vraiment, vraiment hâte d’envoyer la sauce, de tout tuer et de jouer. Je suis content que nous ne nous soyons pas formés plus tôt parce que peut-être nous n’aurions pas sonné aussi fort, car nous n’aurions pas été aussi motivés.

Comment parviens-tu à obtenir cet énorme son avec juste une guitare pour remplir l’espace qui est généralement rempli par deux guitares et une basse dans les groupes normaux ?

Ouais, d’abord, c’est le volume, tu pousses tout à fond, tu joues aussi fort qu’il est humainement possible et ensuite tu joues sur autant d’amplis que possible en même temps. Je joue sur deux amplis et enceintes de guitare et un ampli et une enceinte de basse, en même temps, et je joue super fort et… Ouais, il semblerait que ça soit suffisant ! Même sur album, nous travaillons uniquement avec la guitare et la batterie, nous n’utilisons pas de basse sur l’album et nous ne faisons presque pas d’overdubs, c’est très simple !

Les duos sont quelque chose que nous voyons de plus en plus dans le rock avec des groupes comme Royal Blood ou King Of The North. Penses-tu que cette configuration de groupe a quelque chose de spécial qui fait que les gens l’apprécient ?

Je pense effectivement que c’est toujours quelque chose de spécial parce que la plupart des gens ont l’habitude des plus gros groupes, avec plus de membres, et c’est toujours particulier lorsque tout d’un coup il y a un groupe avec juste deux membres, complètement brut et qui sonne énorme. Et c’est peut-être quelque chose que les gens apprécient mais, étant dans Mantar, ça ne signifie pas grand-chose pour nous d’être un groupe à deux, j’en n’ai rien à foutre, c’est juste comme ça, mais je m’en fiche. Je ne veux pas que les gens nous jugent sur le fait que nous soyons un groupe à deux, je veux que les gens nous jugent sur le fait que nous sommes un bon groupe heavy. Car je ne veux pas entendre : « Hey, pour un groupe à deux, vous sonnez pas mal. » Non, je veux entendre : « Putain, vous assurez ! » J’ai bien conscience que nous pouvons rivaliser avec n’importe quel groupe à cinq membres, quand tu veux, et ça me rend fier !

Comment est la dynamique de travail entre vous deux ?

C’est facile. Nous avons soit un bon riff de guitare ou un bon rythme et dans le meilleur des cas, nous avons les deux mais c’est à peu près tout. Nous n’avons pas beaucoup d’ingrédients que nous pouvons ajouter à notre son. Nous devons simplement essayer de trouver des riffs de guitare simples, basiques et qui sonnent d’enfer et ensuite nous devons nous assurer de souligner ça avec un rythme vraiment solide et, bien sûr, il faut que ça groove parce que je veux que les gens bougent leur tête et… Je ne sais pas, parfois nous essayons d’expérimenter un peu, Erinç joue des rythmes qui ne sont pas standards, parfois il joue des rythmes qui sont assez uniques. Lorsque tu vois le couplet de la chanson « Oz », par exemple, c’est un motif rythmique qui sort de l’ordinaire, ce n’est pas juste « grosse caisse, caisse claire, grosse caisse, caisse clair… » ; nous essayons d’expérimenter un peu parce que nous sommes évidemment très limités, nous ne pouvons pas faire grand-chose parce que nous n’avons que deux instruments, alors nous devons faire preuve de créativité.

Dans les groupes normaux avec plus de deux membres, c’est assez facile de prendre des décisions de manière démocratique. Du coup, comment fait-on lorsqu’on n’est que deux ?

C’est génial ! En fait, c’est la parfaite démocratie parce que si quelqu’un dit non, alors c’est non et nous n’avons pas besoin de discuter davantage. Car, bien sûr, si quelqu’un n’aime pas une idée, une décision ou peu importe, alors nous ne la ferons pas. C’est génial ! Être un groupe à deux a beaucoup d’avantages. C’est bien, j’aime ça.

Est-ce plus facile de partir sur les routes et faire des concerts lorsqu’il n’y a que deux membres dans le groupe ?

Ouais, absolument, c’est plus facile parce que si tu as plus de personnes, tout le monde doit voir s’ils sont disponibles ou peut-être qu’ils ont des boulots, peut-être qu’ils ont une famille et des enfants et ce genre de choses ; plus de personnes, plus de problèmes. Le seul désavantage, c’est que lorsque nous sommes en tournée, nous ne pouvons trainer que tous les deux, ce qui peut être assez pénible de temps en temps parce que lorsqu’on se dispute, c’est un peu la merde car alors tu ne peux pas… Dans un groupe à cinq, un jour tu traines avec le batteur et le bassiste et un autre jour tu traines avec le chanteur et les guitaristes ou quelque chose comme ça mais là, non, il n’y a toujours que nous deux. Donc dès qu’il y a un conflit entre nous, il faut tout de suite le résoudre – ce qui est une bonne chose, ceci dit.

Est-ce plus facile d’être payé pour les concerts, dans la mesure où il n’y a que deux musiciens à rémunérer ?

Non, je ne pense pas. Car nous demandons le même cachet qu’un groupe à cinq. Nous ne voulons pas être payés sur la base du nombre de personnes, nous voulons être payés en fonction de la qualité de notre musique. Mais bien sûr, c’est plus facile pour jouer, par exemple, dans d’autres pays parce que c’est plus facile pour un tourneur de payer seulement deux billets d’avion au lieu de cinq ou une chambre d’hôtel que nous partageons plutôt que trois ou quatre chambres d’hôtel. En fait, pour les organisateurs du concert, c’est toujours moins cher, évidemment.

Mantar 2015

« Vivre en Floride, c’est super, mec. Il y a plein de vieux, c’est lent et c’est silencieux, c’est mon truc ! »

Pour ce second album, vous avez signé sur un gros label, Nuclear Blast. Les choses semblent aller vite pour vous, au niveau de votre carrière. Comment l’expliques-tu ?

Je ne sais pas. Il y a surement un facteur chance ; d’un autre côté, nous avons toujours été très, très occupés, nous avons tourné comme des acharnés, nous avons bossé comme des acharnés, nous avons fait beaucoup de sacrifices. Nous avons tous les deux perdus notre travail. Je suis plus ou moins sans domicile fixe [petit rires]. Je pense que, même si je me répète, nous avons un background de bricoleurs, ce qui signifie que nous avons organisé beaucoup de choses nous-mêmes, nous avons calé nos propres concerts et tournées, nous avons fait notre propre merch et ce genre de choses. Donc, bien sûr, les labels sont au courant de ça et ils aiment les groupes qui sont auto-organisés, car c’est plus facile de travailler avec eux. Et au final, pour le second album, nous avons reçu des offres venant d’à peu près tous les labels metal dans le monde. Et Nuclear Blast a simplement été celui qui proposait l’accord le plus favorable. L’accord est juste et ils ont respecté le groupe et, plus important encore, ils nous laissent tranquilles. Nous n’avons pas envie de parler de trucs avec le label, ils sont juste censés s’occuper du business, ils ne sont pas censés mettre… Lorsque nous avons choisi le label, nous cherchions juste une meilleure infrastructure, car nous avons joué partout dans le monde et c’est très important pour nous que les gens, par exemple en Amérique du Sud, puissent acheter l’album ou que ceux qui sont aux USA puisse aller dans un magasin et acheter l’album, c’est très important pour nous. Le label, en soi, je m’en fiche un peu, parce qu’ils sont censés nous ficher la paix. Je leur fourni juste le master, l’enregistrement, l’artwork et eux se chargent de le sortir. Nuclear Blast est génial parce qu’ils nous donnent une liberté totale et n’interfèrent pas avec nos plans ; ils nous laissent tranquilles et, ouais, nous laissent faire ce que nous voulons. Jusque-là ce sont de très, très bonnes personnes. Mais tu pourras me reposer la question dans un an [petits rires].

As-tu constaté un changement d’un point de vue business et de soutien du label en étant chez Nuclear blast ?

Nuclear Blast s’occupe des choses, tu sais, c’est une grosse entreprise. Svart Records (leur ancien label, NDLR), que j’aime et qui est un super label, c’était grosso-modo un empire d’une personne, genre une ou deux personnes, alors que Nuclear Blast, mon gars, il y a des centaines de personnes qui travaillent pour eux. Il sont donc, évidemment, mieux organisés, ils ont plus de pouvoir et ils peuvent arranger plus de choses. Mais d’un autre côté, j’ai été content des deux labels. Pour être honnête, je ne suis quasiment pas en contact avec le label parce que nous sommes très timides dès qu’il s’agit de traiter avec des structures liées au business et nous voulons juste faire notre truc et qu’on nous laisse en paix, nous voulons juste qu’ils sortent l’album, « tope là » et qu’ils soient de bonnes personnes, mais c’est à peu près tout. Je ne leur demande pas ce qu’ils pensent de mes plans ou quoi que ce soit, nous faisons notre truc et ils font avec, je suppose.

Apparemment, vous prévoyez déjà de sortir un album live. Comment ça se fait ?

C’est quelque chose que nous avons fait par le passé. Lorsque nous avons commencé Mantar, plein de gens ont entendu Death By Burning, notre premier album et disaient : « Hey, pensez-vous pouvoir amener ça sur scène ? » Et nous disions : « Bien sûr que nous le pouvons ! » Et ce que nous avons fait, c’est que nous avons réenregistré l’album live en studio. Nous l’avons simplement joué en live dans le studio, tu peux le voir sur YouTube. Nous l’avons fait pour prouver que nous pouvions le faire sur scène aussi bien que sur album et plein de gens ont apprécié, et donc nous avons décidé de le mettre à disposition. Car plein de gens préfèrent le groupe en live que sur album parce que c’est un peu plus rapide et peut-être même un peu plus agressif.

Tu as dit plus tôt que tu étais « plus ou moins sans domicile fixe. » Qu’est-ce qu’il s’est passé ?

Nous avons tellement été en tournée, la moitié du temps, que je n’ai pas… Ça n’avait aucun sens d’avoir un appartement parce que nous étions quasiment tout le temps en tournée et donc j’ai abandonné cette idée. Je n’ai plus d’appartement depuis un an, je crois, ouais, c’était ça la dernière fois où j’ai eu un appartement, il y a un an, et désormais je passe tout monde temps avec ma petite amie qui vit en Floride. Lorsque je ne suis pas en tournée, je suis ici en Floride, donc ouais. En fait, je vais probablement déménager ici aux States très bientôt parce que je suis ici et à un moment donné, il faut bien que je paie un loyer quelque part et que je me trouve un chez moi. Parce que ce n’est pas très sain d’être sans domicile pendant aussi longtemps, car tu es toujours obligé de demander à des amis si tu peux dormir sur leur canapé ou autre, c’est assez pénible. Tu sais, j’ai trente-cinq ans, je n’ai plus dix-huit ans [petits rires]. Et j’avais un très bon boulot avant ça, nous avions tous les deux des vies normales. Personne n’a vu venir le succès ou peu importe ce que c’est, personne n’a prévu à quel point ça deviendrait chronophage, c’est donc pour cette raison que nous avons perdu nos boulots et que je n’ai plus d’appartement. J’aime beaucoup les USA ! Vivre en Floride, c’est super, mec. Il y a plein de vieux, c’est lent et c’est silencieux, c’est mon truc !

Interview réalisée par téléphone le 11 mars 2016 par Philippe Sliwa.
Fiche de questions : Philippe Sliwa & Nicolas Gricourt.
Retranscription : Daphnée Wilmann.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Photos promo : Tim Klöcker.

Site internet officiel de Mantar : www.mantarband.com



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