Nous nous sommes entretenus avec un Steve Hogarth et un Marillion fatigués mais heureux et soulagés. Le nouvel album du groupe fait leur fierté mais fut difficile et éprouvant à finir, pour des raisons d’emplois du temps surchargés. Le chanteur nous raconte quelques anecdotes concernant l’écriture ou l’enregistrement du disque presque comiques tant le groupe a parfois dû travailler « à l’arrache », de quoi faire sourire tous les jeunes groupes qui nous lisent et qui connaissent ce processus surréaliste et épuisant.
Encore une fois, le groupe a fait appel à ses fans pour financer l’enregistrement du disque via un système de pré-commandes. Un système apparemment très rentable et dont les auditeurs eux-mêmes sont friands, sentant une connexion plus importante avec l’œuvre qu’ils aident à voir le jour. Tout au long de sa carrière, Marillion a essayé de s’adapter avec intelligence au marché de la musique dans la gestion du business du groupe. Une facette bien malheureusement primordiale pour tout groupe, le rappelle Hogarth.
En fin d’interview, Hogarth évoque de manière captivante une autre source d’apaisement pour lui : le fait d’avoir enfin évoqué en chanson un thème qui, selon ses dires, lui provoquait des maux de tête depuis plusieurs années, à savoir la situation politique à Gaza. Et pour traiter au mieux le sujet, Hogarth a fait preuve d’une admirable rigueur en allant sur place et en s’entretenant avec des habitants, qui sont au cœur de la situation. Un exemple pour tous ces artistes soi-disant engagés qui parlent parfois un peu vite ou, plus généralement, pour ceux qui ont arrêté (voire n’ont jamais commencé) de chercher des réponses par eux mêmes.
Radio Metal : Comment se déroule la tournée ?
Steve Hogarth (chant) : Eh bien, la date de demain à Paris sera la première de l’année 2013. Le dernier show de l’année 2012 était, je crois, à Varsovie en Pologne : cette tournée nous a emmené en Amérique du Nord et du Sud, au Canada, en Europe et Europe de l’Est. La tournée se passe bien : les réactions au nouvel album ont été fantastiques et depuis que j’ai rejoint le groupe, je n’ai jamais vu ça. Cet album a eu une naissance difficile et le processus d’enregistrement et de finition a été chaotique, mais il a été incroyablement bien accueilli et c’est un soulagement énorme pour nous, car du moment où nous finissons un album, nous ne savons pas comment les gens allaient réagir.
Pourquoi Sounds That Can’t Be Made a-t-il été si difficile à réaliser ?
Je crois que nous avons sous-estimé le temps nécessaire à sa réalisation : en 2010, nous sommes allés au Portugal pour commencer à écrire et il est devenu clair que nous n’étions pas prêts à le faire. Nous avons donc pris quelques mois de vacances pour recharger nos batteries pour ensuite écrire et commencer l’enregistrement de l’album durant l’année 2011. Nous avons aussi des obligations personnelles et je crois que nous avons trop tiré sur la corde. Nous avons connu une histoire similaire en 2012 : nous nous étions engagés pour tourner en Amérique du Nord pendant l’été, et quand nous avons dû aller là-bas, nous n’avions toujours pas fini l’album, qui aurait dû sortir à cette époque. Non seulement nous étions partis en tournée avant que l’album ne sorte, mais nous terminions l’album sur nos ordinateurs portables dans nos chambres d’hôtels. Je rassemblais aussi mes parties vocales dans les avions ! (rires) C’était une manière assez folle de travailler et chacun des membres du groupe s’est retrouvé à travailler sur son ordinateur portable dans sa chambre ! Ensuite, nous sommes rentrés à la maison durant l’été 2012 et au lieu de prendre un break avant la nouvelle tournée, nous avons passé trois semaines pour terminer l’album. Nous sommes partis après en tournée en Europe : je me rappelle être dans ma chambre d’hôtel à Oslo, en Norvège, écoutant le mix final et transmettant nos observations à notre producteur en Angleterre, Mike Hunter. Cet album a été chaotique et difficile à réaliser, mais tout le monde à l’air d’apprécier.
Comme sur vos précédents albums, vous avez financé l’album par des pré-commandes auprès des fans : est-ce plus intéressant, financièrement parlant ?
Eh bien, c’est intéressant à plus d’un titre. Financièrement, tu peux évidemment avoir beaucoup d’argent avant que l’album ne sorte et soit terminé, ce qui est utile ; alors qu’avant, tu devais aller voir un label. Les labels étaient comme des banques : tu allais les voir et ils te donnaient de l’argent afin de réaliser ton disque. Bien sûr, cet argent servait à faire vivre six ou sept personnes pendant environ deux ans, et même si cela apparaît confortable, à la fin, cela ne correspondait pas à ce dont tu avais besoin (rires) ! Tu as aussi le coût du studio et de tout le reste. Aujourd’hui, tu n’as pas à faire cela et en fait, depuis que nous gérons tout nous-mêmes, nous sommes plus à l’aise financièrement que lorsque nous étions signés sur des labels importants. Nous avons juste réalisé combien d’argent allait dans d’autres poches que les nôtres. Nous nous sommes retrouvés dans une position, avec l’album Somewhere Else, où nous n’avions pas besoin de demander aux fans de l’argent : nous ne l’avons donc pas fait, car nous pensions que nous ne devions pas le faire. Je crois que je devais être le seul dans le groupe disant : « OK, même si nous n’avons pas besoin d’argent, nous devrions leur demander, car ils font partie de Marillion ». J’étais en minorité, car le reste du groupe a décidé que nous ne devions pas exploiter les fans quand nous n’avions pas de besoins, ce qui est très respectable. Mais nous avons reçu des e-mails de fans nous disant : « Qu’avons-nous fait de mal ? Pourquoi n’y-a-t-il pas de pré-commandes ? ». En réalité, les gens étaient déçus car ils adoraient financer les albums, parce qu’ils faisaient partie de quelque chose et que nous mettions leurs noms à l’intérieur du CD. Beaucoup de gens ont vraiment aimé ce processus, et même si nous n’avions pas besoin d’argent, ce n’était pas une question d’ordre financier, mais plutôt d’ordre spirituel.
Penses-tu que les fans se sentent plus concernés par l’enregistrement et l’industrie de la musique, lorsqu’ils font partie de ce processus de pré-commande ?
Je ne sais pas. J’imagine que si je voyais une Rolls Royce dans une vitrine et que je la regardais en me disant : « C’est une belle voiture que j’aimerais conduire un jour », ce serait un sentiment différent que si je l’avais commandée et que j’attendais qu’elle arrive. Je serais extrêmement intéressé de lire des livres sur les Rolls Royce, et je serais très excité le temps qu’elle arrive, car je l’ai commandé et elle est prête à arriver. Peut-être que cela fait une différence.
Considères-tu comme important le fait de rappeler aux gens qu’un groupe a besoin d’argent pour enregistrer un album ?
Si un groupe doit faire face à l’argent avec lequel il va travailler, je pense d’un côté que ce n’est pas bon pour un groupe d’avoir trop d’argent, car les musiciens, en règle générale, tendent à être des personnes se dispersant assez facilement, donc si tu leur donnes trop, ils iront le dépenser et rien ne marchera. Mais, d’un autre côté, si tu leur donnes peu d’argent, ils n’auront pas de conditions décentes pour enregistrer, et comme ils sont constamment sous pression, cela ne produira pas non plus le meilleur travail. Les gens doivent réaliser que la musique ne devrait pas être gratuite : je pense qu’il y avait un temps, dans les années 70 ou au début des années 80, où les musiciens à succès étaient décadents et parcouraient le monde en première classe, assis sur des coussins à duvets, allant dans des hôtels de luxe et vivant comme des aristocrates. Même si je suis un musicien, je ne pense pas que cela soit bon pour toi. Mais dans le même temps, on doit rappeler aux gens que la musique coûte cher : Pink Floyd n’aurait pas pu enregistrer Dark Side Of The Moon sans l’aide un gros label, et Peter Gabriel n’aurait pas pu faire « So » sans cela aussi. Maintenant, ces labels ont disparu, et cela change vraiment ce qui est possible. Les gens doivent savoir que comme tout, tu as ce pour quoi tu as payé.
Si le processus de pré-commande est intéressant, financièrement parlant, pourquoi est-ce que d’autres groupes ne font pas comme vous ?
Il y a plusieurs raisons à cela. Premièrement, certains membres du groupe sont très intelligents et fins, en particulier Mark Kelly (NDLR : le clavier de Marillion) et Steve Rothery (NDLR : le guitariste de Marillion). Pour être dans un groupe à succès, je pense que tu as besoin d’être plus qu’un musicien, car être un bon ou un excellent musicien ne suffit pas : tu as besoin d’autres talents, comme savoir anticiper les choses, où en est ton business que ton manager te vole ou travaille pour toi. Deuxièmement, en plus de savoir anticiper les choses, chose que Marillion a eu lorsque le music-business a commencé a changé en 1997, nous avons été chanceux de posséder une fan-base dévouée, vers qui nous pouvions nous tourner. Nous devions juste savoir qui étaient ces fans, et après avoir rassemblé leurs e-mails, nous pouvions leur parler directement. Il y a donc un nombre de faits qui ont fait que cela fut possible pour nous, alors que pour un groupe commençant sa carrière, cela aurait été peut-être plus dur.
Dans une interview, tu as déclaré que la situation à Gaza t’avait pendant longtemps provoqué des migraines. Il y a une chanson sur le disque appelée « Gaza », c’est peut-être la plus politisée que le groupe a composée depuis plus de dix ans : pourquoi as-tu écris sur ce thème, et si le sujet t’intéressait tant, pourquoi avoir attendu aussi longtemps ?
Tout d’abord, j’ai été progressivement de plus en plus préoccupé par ce qui se passe là-bas. Un jour, le groupe était en studio, jammant sur ce rythme arabe, il était donc naturel pour moi de trouver les mots lui correspondant. Je n’ai pas commencé à travailler tout de suite après, et dans un certain sens, heureusement que je ne l’ai pas fait, car nous savions que nous devions d’abord développer la musique. Mais je savais cependant déjà ce dont j’allais parler. Mais je ne voulais pas faire n’importe quoi : ainsi, j’ai décidé d’aller à Gaza, car je ne pouvais pas parler d’un endroit où je n’étais pas encore allé. Mais où que j’allais, on me conseillait de ne pas y aller. On m’a dit que je n’aurais pas de visa, et que même si j’en obtenais un, je n’arriverais peut-être pas à sortir du pays rapidement. Nous avions une tournée aux États-Unis prévue, et si j’étais allé là-bas sans pouvoir revenir, nous aurions dû l’annuler. J’ai eu de la chance d’être mis en contact avec une amie d’un ami qui travaille pour une ONG à Gaza : elle m’a mis en relation avec beaucoup de gens vivant là-bas. J’ai commencé à parler avec des gens de Gaza par Skype chaque week-end, quand je n’étais pas en studio : je parlais de leurs frustrations, de leurs vies, de leurs sentiments, de leurs opinions politiques et de ce qu’ils pensaient des Israéliens. J’étais aussi connecté avec des Israéliens et on parlait de leurs points de vue et positions. J’étais au contact de la réalité, et pas de ces conneries que tu lis dans les journaux : c’étaient les vies et les opinions des gens de tous les jours. Voilà comment la chanson a été créée. C’est devenu un véritable casse-tête, car je savais que je devais faire ce qui était juste, mais quoique je dise, je savais que cela heurterait des personnes. Et bien sûr, cela est arrivé : on a reçu certains e-mails de Juifs, vivant pour la majorité en dehors d’Israël, aux États-Unis ou en France, et donc qui connaissaient probablement moins bien la situation que moi, qui n’étaient pas contents et qui se sentaient insultés par la chanson. Je ne leur en veux pas, car si un garçon anglais aisé ouvrait sa bouche et écrivait une chanson sur Gaza, ta première réaction serait : « Mais putain, que sait-il de la situation ? ». Tout ce que je peux dire, c’est que j’ai travaillé dur avec mes recherches et que je ne renie aucun mot.
Vous étiez annoncés au Sonisphere en France, mais il y a quelques semaines, nous avons appris que vous ne vous y produirez pas : que s’est-il passé ?
Lorsque nous avons accepté de jouer dans ce festival, cela a été confirmé avant que tout le monde ait réellement pris une décision définitive, et plus nous y pensions, plus nous sommes arrivés à la conclusion que le public ne nous correspondait pas. Nous avons vu les autres groupes présents à l’affiche, leurs sites web, et on s’est dit que les gens qui allaient payer pour voir ces groupes, n’aimeraient probablement pas ce que nous faisons. Ce festival était juste trop metal pour Marillion pour être intéressant pour nous. Ce n’était simplement pas le bon choix à faire.
Interview réalisée par téléphone le 17 janvier 2013
Retranscription et traduction : Jean Martinez – Traduction(s) Net
Site internet officiel de Marillion : www.marillion.com
Site internet officiel de Steve Hogarth : www.stevehogarth.com
Album Sounds That Can’t Be Made, sorti le 14 septembre 2012 chez earMusic
hé !!
zut , il semble que ma citation fut squizée … hop je tente à nouveau :
» … la situation politique à Gaza. Et pour traiter au mieux le sujet, Hogarth a fait preuve d’une admirable rigueur en allant sur place … «
Salut ,
Bon le temps ayant passé je ne sais pas si je suis lu, tant pis, mais je tente juste UNE question . Quand il est écrit :
<>
… n’est-ce pas TOTALEMENT inexact ?…ou bien pensez-vous que ses nombreuses discussions via skype équivalent à être allé sur place ?
( Et je suis passionnément la musique de Marillion , donc aussi quasiment tous les textes de ces musiciens talentueux, et j’aime beaucoup Gaza dans l’ensemble .
amicalement , question neutre et simple afin d’essayer juste un peu dissiper mon étonnement …
A+
Super Groupe, J’été a au concert de Vendredi et malgré les soucis de Mark Kelly c’était sublime !!!!!!!!
effectivement , marillion au soni….pas le bon choix…mais samedi à paris , quel pied..