Difficile d’imaginer la scène metal contemporaine sans inclure l’une de ses figures les plus prolifiques en la personne de Marko Tapani Hietala. Le célèbre bassiste-chanteur n’est autre que la deuxième tête pensante de Nightwish avec Tuomas Holopainen, ainsi que le principal compositeur du groupe Tarot. Étant donné la notoriété conséquente de Nightwish et le rythme de vie effréné qui en découle, il a fallu attendre l’année sabbatique 2017, après la fin de la tournée Endless Forms Most Beautiful du mastodonte finlandais, pour que Marko Hietala s’attelle à son premier projet solo. En réalité, nombre d’idées existaient déjà dans l’esprit du musicien depuis les années 80, tout n’était qu’une question d’emploi du temps. Le succès de Nightwish lui laisse en outre une liberté créatrice, Marko étant totalement affranchi des contraintes commerciales. Originellement paru en mai dernier en Finlande et en finnois, sous le titre Mustan Sydämen Rovio, Pyre Of The Black Heart – rechanté en anglais pour sa sortie internationale – prend l’aspect d’un terrain de jeu où Marko Hietala peut se laisser aller à tout instant.
Marko Hietala a su s’entourer afin de mener à bien son projet et d’envisager de le défendre en live. S’il est la principale impulsion derrière les compositions de Pyre Of The Black Heart, il a profité de l’inspiration du guitariste Tuomas Wäinölä et du claviériste Villi Olila pour finaliser les morceaux, avec la participation du batteur Anssi Nykänen. Pyre Of The Black Heart ne prend définitivement pas l’allure d’un « Nightwish 1.5 », même si on peut en reconnaître quelques éléments. Marko Hietala semble s’amuser avec les registres : le single « Stones » ouvre l’opus en démontrant la volonté de Marko de mélanger tous ses ingrédients. La mélodie de guitare folk assistée d’arrangements de piano laisse place à un refrain heavy catchy. « Stones » a le mérite de ne pas trop dépayser l’amateur de Nightwish curieux de découvrir une facette plus personnelle de Marko Hietala. Pyre Of The Black Heart contient pourtant son lot de titres « insolites », notamment « Runner Of The Railways » à prendre au second degré, titre folk n’ roll qui alterne riffs groovy et soli de violons et de guitares complètement délurés. Marko Hietala se situe alors loin, très loin de l’univers épique que promeut habituellement le musicien. En réalité, seule la ballade ambitieuse « I Dream », et son final grandiloquent porté par la ligne de basse, entretient des similitudes directes avec son univers habituel au sein de Nightwish.
C’est justement tout l’intérêt de Pyre Of The Black Heart. L’album laisse transparaître cette sensation de liberté dont a bénéficié son auteur à de multiples endroits. Outre « Runner Of The Railways », Marko Hietala propose une virée dans les années 80 en reprenant des sonorités de synthwave au sein de « Star, Sand And Shadow ». Le titre renvoie à la science-fiction pop de l’époque et multiplie les arrangements à la frontière du kitsch pour finalement se muer en titre rock bourré d’accroches. « Death March For Freedom » profite lui aussi d’influences tirées des eighties, incarnées par des rythmiques presque dansantes et des nappes de clavier omniprésentes. Marko Hietala embrasse de fait les terres du rock progressif en ne reculant devant aucune tentative d’arrangement, à l’image du très floydien « For You » (en particulier son long solo de conclusion). « The Voice Of My Father » intègre des notes de guitares qui ponctuent la mélodie comme des échos lointains. Même le titre de conclusion, sorte de ballade folk aux forts accents celtiques, intitulée « Truth Shall Set You Free », cultive une forme de délicatesse et de subtilité dans son instrumentation rappelant le titre « Bretagne » de l’album Vagabond (2012) du célèbre guitariste de jazz Ulf Wakenius. Il supporte en outre une prestation incarnée de Marko Hietala, qui se livre parfois à quelques prises de risques vocales, à l’instar des tonalités aiguës d’« I Dream ».
Lorsque Pyre Of The Black Heart utilise un langage rock et heavy ancré dans l’univers habituel de Marko Hietala, il se montre agréable, accrocheur même, mais ce sont les prises de risques et les mouvements éloignés du registre habituel de l’artiste qui soutiennent réellement Pyre Of The Black Heart. Pour faire simple, Pyre Of The Black Heart touche lorsque Marko se trouve le plus éloigné possible de sa formation principale. Le tout est évidemment moins épique et grandiloquent mais conserve tout de même sa puissance émotionnelle.
Clip vidéo de la chanson « Stones » :
Album Pyre Of The Black Heart, sortie le 24 janvier 2020 via Nuclear Blast. Disponible à l’achat ici