Mars Red Sky a définitivement décidé de pousser ses auditeurs à voir en eux plus qu’un groupe de stoner. Peut-être d’abord parce qu’ils envisagent eux-mêmes être davantage un groupe de heavy psychédélique plutôt qu’une formation héritière directe de Kyuss ; mais aussi parce que leur nouvel opus, Apex III, emporte dans une direction encore différente que celle abordée avec le monde imaginaire de Stranded In Arcadia, et riche de beaucoup plus d’influences que les ambiances désertiques ou enfumées propres au stoner.
Peu importe, finalement, qu’on voit dans les envolées éthérées, dans les guitares fuzzées, dans les mélodies efficaces à souhait de ce nouvel opus des Bordelais, telle ou telle référence à Pink Floyd, Acid King ou les Beatles. Les sources sont là, mais le brassage est lui, unique.
Mars Red Sky vit en effet de l’opposition entre deux hémisphères : l’une rythmique, privilégiant les ambiances lourdes, pesantes, lentes et presque grasses, représentée par un machiavélique couple basse-batterie, et une autre mélodique, plus délicate, où Julien, le chanteur, s’éclate de manière de plus en plus décomplexée dans des phrasés à la fois aériens et accrocheurs. Dans les titres majeurs de ce troisième album du trio (« Apex III », « The Whinery », « Under The Hood»… ), placés entre des morceaux plus aisément identifiables dans un registre stoner/doom plus typique (« Mindreader », « Prodigal Sun »), on retrouve cette recette assez unique, faite de forts contrastes. Mais au-delà de ce jeu réussi des contraires, la grande force d’Apex III réside dans la capacité des Français à ne pas faire retomber l’intérêt de leurs compositions, peu importe le style de leurs morceaux, et dans une suite possédant une grande cohérence. Ainsi, au centre même des débats, on passera, sans anicroche aucune, d’un « Mindreader » lourd et metal à souhait, à une envolée post-rock presque pop sur un fond fuzzé, sans toutefois perdre une seule seconde l’auditeur.
Cet auditeur, il va forcément s’étonner du fort parti pris pour les mélodies vocales légères, presque naïves, qui feront irrémédiablement penser aux Beatles, donc, mais aussi aux Beach Boys, et à… Ghost. Oui, difficile de ne pas penser aux Suédois quand on entend les titres « Under The Hood » ou « Prodigal Sun », si tant est que l’on s’intéresse au moins au registre vocal. Des guitares parfois très 70’s, avec un chant plutôt aigu et des refrains marquants évoquent forcément un mélange bien connu dans l’univers de Papa Emeritus et de ses Goules, ainsi qu’un sens aigu du riff rentre-dedans mais accessible, que les deux groupes maitrisent. Quoi qu’il en soit, si le rendu global peut parfois être voisin de Ghost, il l’est de manière plutôt « accidentelle », par des références communes.
Car le contenu du monde de Mars Red Sky est varié, complexe, et plutôt atypique dans le paysage du metal. Si les trois viennent d’un milieu musical indie et punk rock, et sont associés au milieu du metal par extension et adoption de la part du public, sur Apex III, ils ont à nouveau utilisé leur arme favorite pour que leur son se démarque de la concurrence : leur producteur. Tombés au hasard dessus lors d’une pérégrination impromptue en Amérique du Sud, les Bordelais ont à nouveau fait confiance à Gabriel Zander, un Brésilien, pour travailler sur les arrangements et l’enregistrement d’Apex III, comme ils lui avaient déjà donné les clés du camion sur Stranded In Arcadia. Le résultat est un son à la fois brut et aérien, subtil et dynamique, ne mettant de côté ni les parties pop, ni les passages metal plus massifs, et assurément une grande réussite de l’opus.
A la fois belle incitation à la rêverie par ses ambiances éthérées et développements psychés invitant au voyage cosmique à bord du « vaisseau saphir » (le « Sapphire Vessel » qui avait permis de rejoindre Arcadia sur l’opus précédent et dont on aperçoit la cabine de commande sur l’artwork secondaire du présent album), mais aussi vrai recueil de très bonnes compositions accrocheuses, sans oublier un cocktail de riffs gras à souhait et de rythmiques au groove sombre mais dévastateur : Mars Red Sky en impose avec ce troisième effort qui les propulse clairement à la fois au-devant de la scène française, et encore un peu plus hors des sentiers battus.
Voir le clip de la chanson « Mindreader » :
Album Apex III (Praise For The Burning Soul, sorti le 26 février 2016 via Listenable Records.