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Éditorial   

Martin Eric Ain : au revoir à un monstre sacré


Samedi 21 octobre, un monstre sacré de la scène metal extrême s’en est allé, laissant derrière lui un vide sans fond. Martin Eric Ain s’est éteint d’une manière cruelle et banale à la fois, suite à une attaque cardiaque dans la ville de Zürich. Il y a maintenant plus de trente-trois ans, l’arrivée de Martin dans le monde du metal fut fracassante. En effet, à cette époque il fut l’un des deux acteurs principaux de Hellhammer avec Tom G. Warrior. Hellhammer : un combo suisse mythique apparu en 1984 et plus que détesté dès la sortie de son EP maintenant devenu culte, le fameux Apocalyptic Raids.

Très vite, ils provoquent eux-mêmes une « guerre » avec Venom, ces derniers étant adorateurs du Satanisme alors qu’Hellhammer voue pour sa part un culte à la Mort. « Venom are killing Music, Hellhammer are killing Venom … » était même la maxime inscrite sur les cassettes des démos avant l’arrivée de Martin. A l’origine, ce dernier débarque dans le groupe pour remplacer Steve Warrior à la basse.

Hellhammer dissous après deux années d’existence, Tom Warrior et Martin seront la même année les architectes du cultissime Celtic Frost, trio inclassable qui jettera les bases du metal contemporain en y incluant des voix féminines, des chanteuses d’opéra, des orchestrations de cuivres et de cordes mêlées aux guitares saturées, ainsi que des instrumentaux d’ambient déjà très travaillés pour l’époque. Dès le début, le concept artistique est affirmé avec notamment des artworks travaillés comportant des caractères originaux et des logos accompagnés d’une symbolique très distincte : le célèbre septagramme sur le verso d’Apocalyptic Raids et la pochette de Morbid Tales sont, par exemple, l’œuvre de Martin. Toutes ces mises en scènes graphiques resteront leurs signatures très reconnaissables par la suite.

Tom et Martin avaient au moins une décennie d’avance sur les futures évolutions du genre. Ainsi, comme tout innovateur, une part d’incompréhension les précédaient lorsqu’on évoquait leur nom. Une photo, une seule photo, restera à jamais gravé dans nos mémoires : au verso de l’EP intitulé Emperor’s Return, Martin Ain, plus encore que Tom Warrior, y est absolument phénoménal. Phénoménal de présence et de puissance appuyé par un maquillage black, très black. On est à ce moment précis en 1985, Martin avait seulement 18 ans mais il était déjà une référence pour ses fans. C’est toujours le cas aujourd’hui, demandez par exemple à Nocturno Culto ou Fenriz.

Tout allait très vite voire trop vite. Eté 1985, To Mega Therion est prêt à être enregistré en studio à Berlin. Cependant, Martin est indisponible au dernier moment pour des raisons personnelles et familiales. Un conflit parental lié au fait qu’il soit toujours mineur lui fera regretter à jamais son absence forcée et sa non-participation aux sessions d’enregistrement de ce deuxième album culte. Il avait choisi le titre de l’album, travaillé sur les droits pour exploiter cet artwork incroyable de HR Giger en collaboration avec Tom G. Warrior. On retrouve l’antagonisme avec Venom qui avait pensé un moment à utiliser Satan II pour la pochette d’At War With Satan un an auparavant. Martin revient en septembre et sa tentative avortée de réenregistrer l’album avec ses propres parties de basse se soldera par la sortie de l’EP Tragic Serenades, un lot de consolation accordé par Noise avec deux titres remixés. Noise dont le patron les arnaque sur leurs droits d’auteurs dès la signature du contrat initial en tant qu’Hellhammer puis Celtic Frost… Ce boss exemplaire multipliera d’ailleurs les déclarations sur le peu de crédibilité qu’il accorde aux Suisses. Un comportement clairement honteux et, surtout, un aveu criant de ne pas déceler le talent quand il est en face de lui.

Au passage, la pièce lugubre et ténébreuse en photo sur la pochette de l’EP est en réalité une pièce très spéciale aménagée par Martin à son domicile Zurichois, appelée the Dark Room. D’après certains journalistes ayant eu l’occasion d’y pénétrer, l’expérience était plus que singulière. Plus proches de nous, les albums remasterisés et redistribués cette année ont vu la participation de Tom G. Warrior en lien avec Martin Ain mais néanmoins sans que ces deux créateurs ne soient rétribués financièrement.

Fin 1986, Martin était ouvert à d’autres styles artistiques et c’est le gothique à la Bauhaus, Joy Division et autres Christian Death qui l’attire désormais. Dead Can Dance devient aussi une source d’inspiration indéniable. Il annonce la couleur sur les photos au verso de l’EP de 1986 où Martin apparaît très maquillé en soutane. A l’époque, ce look avait déstabilisé mais son retour dans Celtic Frost dominait largement la satisfaction des fans. Into The Pandemonium est et restera un ovni dans leur discographie. S’il a peu emballé à sa sortie en 87, on continue aujourd’hui à le redécouvrir à chaque écoute avec plaisir. Un album multi-facettes, un concentré de leurs inspirations du moment avec cette volonté de repousser encore les limites.

Tom et Martin seront liés pour toujours en tant que frères de sang mais aussi parfois en tant que frères ennemis. Ces deux-là ont en fait des problèmes avec le compromis. La misanthropie et leur aversion pour les relations humaines politiquement correctes (attribuées aux principes et concepts religieux) seront les dénominateurs communs qui les auront toujours rapprochés. Tout comme Warrior, Martin aura aussi prouvé qu’il n’est pas nécessaire d’être un prodige du manche pour être un génie dans l’inspiration, les arrangements et le message véhiculé. Il se passionne pour l’Histoire, la poésie (Baudelaire et Flaubert entre autres qui lui inspireront « Tristesses De La Lune ») ou les religions monothéistes afin d’en étudier les mécanismes, leurs racines et donc leurs faiblesses. Des manuscrits de Qumrân en passant par la philosophie d’Aleister Crowley le conduiront dans ses certitudes et le motiveront à proclamer haut et fort « There is no god! » avant d’entamer sur scène le morceau « Ain Elohim ». La perspective du vide absolu après la Mort ne le tourmentait pas. Son expertise en la matière explosera dans leur dernier et ultime chef d’œuvre qui a aujourd’hui une vocation quasi-testamentaire : Monotheist. Ce dernier est un disque qui réinvente la définition du mot heavy. Un album monstrueux qui doit être apprécié, étudié et compris comme une œuvre d’art.

Nous laisserons de côté les derniers années de Martin Stricker – son vrai nom – en tant qu’heureux propriétaire d’un club très tendance à Zürich nommé Mascotte et son show du mardi soir « Karaoke from Hell », pour se souvenir de son immense héritage artistique et scénique. A titre personnel, notre plus grand regret sera la fin de Celtic Frost en 2008. Le décès de Martin scellant à jamais la fin de l’espoir de les revoir un jour ensemble sur scène ou en studio. Le départ de Martin est une perte immense car un artiste véritablement unique s’en est allé.

Repose en paix Martin Eric Ain.

« Death — Decay.
Creator of corpses.
Principle of annihilation.
Secret of negativity.
Unspeakable silence.
Despairing monologue. »

« Totengott » de Celtic Frost, issu de l’album Monotheist (2006).

NB : pour les plus intéressés d’entre vous, allez jeter un œil sur le blog de Tom G. Warrior « Delineation II » dans lequel il a posté un hommage plus qu’émouvant à son partenaire de toujours.
 



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