Dans le partage de sa musique ou de ses idées, le nouvel album de Mass Hysteria – Matière Noire est un bel exemple de ce qui a fait la force du combo sur ses disques récents : une musique de plus en plus agressive au service de textes toujours prêchés avec une conviction et une force qui prennent à la gorge. A l’écoute de cet opus, on se dit que ces « chiens de la casse » auront toujours de la matière et ne sont visiblement pas près de lâcher le bifteck en dénonçant, inlassablement, les systèmes et les nombreuses aberrations qui vont avec. Bref en étant toujours aussi « ré-vol-tés » comme le crie Mouss, le frontman du groupe, sur le morceau « Chiens De La Casse ». Qu’on partage ou non ses opinions ou sa vision du monde, le succès de Mass Hysteria ne peut que forcer le respect et prouve que le combo a su s’imposer en France comme une référence à travers les années. Son Olympia archi-bondé en avril 2013 à l’occasion de la sortie du remarquable L’Armée Des Ombres faisant à ce titre figure de point de référence sur son actualité récente.
Mardi 20 octobre dernier, Mouss Kelai était notre invité dans l’émission Anarchy X. Nous avons longuement échangé avec lui à propos du dernier album des Parisiens, le premier avec Fred Duquesne en tant que guitariste, en plus d’être le producteur de la bande depuis 2007. Un album intense, marqué par l’urgence et des propos forts et engagés qui, on le voit très vite pendant l’interview, sont loin d’être une façade, lançant des piques aux politiques de tous bords, aux Enfoirés, au Petit Journal de Canal +, etc., renvoyant à la part revendicative de l’histoire du rock. Nous en avons également profité pour faire un point concernant l’état de santé de Nicolas Sarrouy, l’ex-guitariste des Mass, qui se remet actuellement d’un grave accident survenu il y a quelques semaines.
« Les quatre derniers albums montent en intensité parce que j’ai l’impression de me répéter et me répéter et rien ne change. »
Radio Metal : Comment ça va Mouss ? Positif à bloc avec la sortie du nouvel album ?
Mouss Kelai (chant) : Ouais ! On est dans les starting-blocks ! On répète mille fois par semaine, on répond aux interviews… Enfin voilà, c’est reparti ! L’adrénaline est réinjectée.
C’est reparti pour un cycle. Est-ce qu’il y a toujours cette excitation ou bien vois-tu une différence cette fois-ci ?
Oui, il y a toujours de l’excitation, évidemment. On est toujours content de présenter le dernier bébé et de repartir. Mais sur cet album-là, je ne sais pas… Il y a un petit plus. Je ne sais pas si c’est l’âge ou quoi, parce qu’on a envie d’en découdre… On ne dit pas que c’est le dernier mais il faut le prendre comme si c’était la dernière tournée et le dernier album, et il se passe quelque chose, je ne sais pas… Rien qu’à la promo on peut voir qu’il y a de l’excitation, il y a des gens, des potes des quatre coins de la France qui nous disent : « Mais qu’est-ce qu’il se passe ? On ne parle que de votre album ! » Alors que nous, on n’a rien fait de plus ! On part de l’envie de faire un putain de bon album. Mais oui, il y a une excitation supplémentaire par rapport à ce qu’on a connu ces dernières années, avec les autres albums. Je ne peux pas t’expliquer mais en tout cas, c’est de très bon augure et je vais même rajouter que tout le monde est assez impressionné par les préventes de tickets de concert – avec Lyon qui est une des seules grosses villes de France où c’est à chaque fois complet à l’avance. Le Ninkasi Kao, c’est toujours un plaisir de venir là-bas, c’est toujours complet, et c’est l’une des très rares villes : on n’est pas du tout un groupe où on affiche complet partout, mais à Lyon, ça fait depuis deux ou trois albums où c’est toujours un pur plaisir. Parce que quand c’est complet, forcément, on se dit que ça va être excitant et il va falloir leur en donner beaucoup pour qu’ils soient rassasiés, donc c’est un challenge. Mais j’espère que Lyon va donner un peu l’envie aux autres grandes villes de France et que ça sera comme ça un peu partout. Ça en prend le chemin en tout cas !
On se souvient de votre dernier passage à Lyon, c’était un sacré bordel dans la salle !
Il y avait plus de gens que la salle pouvait en accueillir, je crois ! Il devait y avoir des gens qui essayaient de faire passer des potes [rires], il pleuvait carrément, mais c’était cool, c’était furieux ! A chaque fois c’est comme ça. Franchement, Lyon, même à la vieille époque au Pez Ner, à Villeurbanne, et au CCO, ça a toujours été furieux mais quand même, dans cette salle-là qui est un vrai club, il y a une vraie chaleur, j’aime bien. Je préfère ce genre de salle, c’est la taille optimale. C’est excellent, franchement. Et puis la dernière fois, ouais, c’était dingue de chez dingue !
Tu disais par rapport à l’album que vous n’avez rien fait de plus que d’habitude, alors que lorsqu’on l’écoute, on a quand même l’impression que vous avez eu certaines ambitions, pour ainsi dire. On a vraiment l’impression qu’il y a une poussée en avant de Mass Hysteria à plusieurs niveaux…
Ouais, alors je te dis qu’on a fait comme d’habitude mais les habitudes qu’on avait c’était de toujours faire mieux ! Et pas du tout de se reposer sur des morceaux moyens, on a toujours voulu pousser. Là, on a fait comme d’habitude et ça a peut-être mieux fonctionné. Après, il y a des circonstances qui s’alignent mieux. Comme on dit en astrologie : toutes les planètes sont alignées. Des fois tu mets la même force, la même hargne, la même envie, la même passion et tu ne feras pas un aussi bel album, et pourtant tu as tout fait pareil. Mais là on a procédé pratiquement de la même façon, peut-être avec un petit supplément d’âme, je n’en sais rien, mais les choses se sont mieux passées et ont été plus intenses. Donc forcément cet album est plus intense que d’habitude aussi. On s’est adapté à cette intensité d’ailleurs. On a tous vécu depuis un an ou deux des choses qui nous ont assez bouleversés, intimement et au point de vue socio-économique en France, dans le monde et en Europe surtout. Il s’est passé des choses qui font que cet album est beaucoup plus intense aussi. Et peut-être qu’on est moins patient, on a été plus urgent, autant moi dans mes déclarations, dans mes propos sur les textes, j’ai peut-être pris moins de gants que d’habitude, que musicalement où on a également pris moins de gants dans les riffs un peu tranchants. On a fait à l’instinct sans trop réfléchir. C’est peut-être ça aussi qui donne ce petit supplément d’âme, cette petite rage supplémentaire et cette urgence.
Quand tu parles d’urgence, c’est bien le terme, c’est vraiment ce qui ressort de l’album. Il y a une vraie urgence, il y a une tension maintenue d’un bout à l’autre, presque jusqu’au dernier titre qui est peut-être un peu plus ambiancé. Et c’est vrai que ça commence pied au plancher avec le premier morceau et on en prend plein la poire…
L’urgence, oui, parce que j’ai l’impression que ça fait… On va dire que les trois ou quatre premiers albums étaient plus mitigés, j’accordais plus de place à la poésie et la philosophie, je ne parlais pas que de sujets d’actualité. Et les quatre derniers albums, au contraire, montent en intensité parce que j’ai l’impression de me répéter et me répéter et rien ne change. J’ai l’impression qu’on va droit dans le mur au niveau politique, et donc l’urgence était là et la matière grise a mué en matière noire. On est plus pessimiste qu’on avait l’habitude de l’être. On ne peut pas non plus sans arrêt dire que ça ira mieux demain. La première phrase de l’album c’est : « Vous avez pris notre tolérance pour une faiblesse ». C’est-à-dire qu’aujourd’hui – je vais parler de la France parce que c’est ce que je connais, je ne parle pas de l’Europe -, j’ai l’impression que les gens ont été patients : quand on voit la crise, les plus riches deviennent toujours plus riches et les pauvres et les plus pauvres deviennent toujours pauvres et plus pauvres. Donc il y a un vrai problème, un vrai cri d’alarme à annoncer parce qu’on a été tolérant jusqu’à aujourd’hui. J’ai l’impression qu’ils tirent sur cette corde tolérante qu’on a par rapport à la crise – on attend en se disant que ça ira mieux demain. Je vois autour de moi des gens patients, des artisans, des employés, enfin bref, des gens qui bossent, je sens leur discours un petit peu se radicaliser. Et ce sont des gens de gauche à la base ! Ça devient alarmant. Voilà, après je ne peux pas m’étaler toute la soirée là-dessus [rires] mais l’album est une photographie ou un polaroid d’aujourd’hui, et ce polaroid est plutôt sombre.
Donc cette montée en puissance qu’on a pu voir avec Mass Hysteria avec les trois derniers albums – à chaque fois on avait presque l’impression que vous montiez d’un cran -, ça vient vraiment de ça, d’une montée d’une révolte dans le groupe ? D’autant que c’est un mot que tu répètes à la fin du premier titre « Chiens De La Casse »…
Ouais. Moi je fais du rock ou une ramification du rock, un peu plus métallique que le rock d’Elvis Presley, par exemple, [petits rires] que j’adore. A la base, le rock, c’est une musique sociale. Il y en a qui disent que c’est une musique rebelle. Moi, je n’aime pas trop ce terme « rebelle ». « Rebelle », ça veut dire « refaire la guerre », alors que je n’ai pas envie de refaire la guerre. Je suis plutôt quelqu’un de pacifique. C’est plutôt une musique de révolte. Quand on était ado, on faisait du rock pour se révolter contre l’autorité des parents, des profs, des flics, etc. Et le rock traduit ça depuis qu’il existe, depuis qu’il a été créé. Donc déjà, intrinsèquement, en faisant cette musique on est obligé de donner une part de social dans nos propos et ça, c’est dans tous les groupes de rock qui existent. On n’est pas là que pour divertir. Il y a des gens comme Patrick Sébastien, c’est leur métier mais ils ne font pas du rock ! Donc ils ont le droit. C’est respectable, je m’en fous. Ceux qui vont dans les campings, c’est important d’avoir cette musique-là, par exemple. On n’est pas dans la révolte là, on est dans le divertissement pur. Donc faisant cette musique-là, Mass Hysteria, on se doit d’être un minimum engagé, un minimum révolté – s’il faut l’être. Je ne dis pas qu’on doit être révolté pour être révolté, ce serait débile. Mais aujourd’hui la situation et la conjoncture actuelle nous y obligent.
« L’envie de Mass Hysteria, c’est d’éveiller le bon sens chez les gens. Je n’ai pas à leur dire ce qu’il faut aller voter, pas du tout. Nous, on dit que c’est un constat, on fait un polaroid du moment. »
C’est pour ça que je fais une petite pique aux Enfoirés dans un morceau, sur « Matière Noire », je dis : « Heureux qui comme les Enfoirés font leur promo sur l’ambulance. » Moi si j’étais dans les Enfoirés, ça ferait vingt ans que je fais la même chose sans que rien ne change – et rien ne change d’ailleurs, il y a de plus en plus de gens qui crèvent de faim en France et les restos du cœur ont de plus en plus besoin des Enfoirés -, à un moment donné, il faut arrêter de monter sur scène et dire « ça suffit ! » Parce que ça ne change rien, en fait ! Ça fait vingt ans qu’on chante « ça ira mieux demain » et ça ne change pas. Si j’étais les enfoirés, j’irais à l’Elysée, devant le président pour dire : « Ça fait vingt ans qu’on chante les mêmes inepties, rien ne change, on ne reprendra pas les Enfoirés tant que vous ne prendrez pas des mesures. » Quel intérêt de chanter tous les ans pour essayer de changer quelque chose qui ne change pas ? Ça n’a pas de sens. Au bout d’un moment, il faut sortir du spectacle et aller voir les instances politiques et dire : « Voilà, c’est terminé, on a fini de faire les pantins sur scène, ça fait vingt ans, il faut que vous changiez quelque chose sinon on va faire des chansons contre vous, des chansons politiques et non plus des chansons pseudo-comédies musicales où tout le monde est heureux et gentil. » C’est débilitant pour moi… L’urgence, elle est là aujourd’hui. J’ai l’impression que les Enfoirés, c’est la promo de la variété française et pas du tout ce que c’est censé être à la base, c’est-à-dire pour changer un fait de société qui est la crise, aider les restos du cœur, etc. Si tu demandes aux artistes, ils ne parlent jamais de politique, jamais ! Ils n’ont aucune offense, rien. Ils ne sont pas subversifs.
En même temps, la dernière fois où ils ont effleuré un sujet pseudo-politique, il y a eu une grosse polémique…
La chanson des vieux contre les jeunes ? C’est une polémique débile ! J’ai vu ça, j’avais honte ! C’est un pote, il m’a envoyé un message : « T’as vu le morceau des Enfoirés ? C’est pas possible, on dirait une blague. » Et j’ai été voir sur internet… De ce que je me rappelle, ils disent aux jeunes : « Bah, levez-vous le cul. Arrêtez, nous aussi on a galéré, on est riche mais on a fait notre part des choses, maintenant c’est à vous. »
C’est justement ce qui leur a été reproché.
Mais en fait, ils disent la vérité quelque part. A part que eux, les Enfoirés, ils ont l’impression d’avoir travaillé ou, au moins, œuvré socialement, c’est ça qui est atroce, en fait. Bon, ils ont fait, quelque part, mais c’est une façon perverse de pérenniser une situation. Ils ont fait tourner un business qui reverse de l’argent à ceux qui ont faim, ok. Mais eux quand ils tournent, ça dort dans des palaces. Ils pourraient leur filer plus que ça, en fait, s’ils serraient les boulons. S’il faut aller jusqu’au bout de la logique, normalement ils devraient arriver et payer eux-mêmes leur hôtel.
Pour revenir à Mass Hysteria, vous faites une musique qui est très galvanisante, qui fédère, qui soulève les foules comme on le voit bien pendant vos concerts. Est-ce que c’est votre but de faire prendre conscience de certaines choses aux gens et, disons, de stimuler un mouvement contestataire ?
Oui, quelque part, on veut éveiller les consciences mais on ne veut pas non plus être les seuls, parce qu’il y en a plein d’autres qui essaient de le faire, en littérature, en cinéma, même en radio, etc. Vous essayez d’élever les consciences quand même quand vous passez des musiques et des groupes que vous mettez dans votre émission, vous apportez votre pierre à l’édifice, comme nous. Et j’espère que ça devient une tendance, d’éveiller les consciences et d’avoir une espèce de sursaut, et dire : « Attendez, il faut arrêter de se plaindre maintenant. » Gauche, droite, on va dire que c’est kif-kif bourricot. En fait la finance a gagné. La finance file de la thune aux deux camps et les deux camps ne peuvent plus faire sans. Voilà, la boucle est bouclée, on sait que le système politique est véreux. Qui leur finance leurs campagnes ? On ne va pas revenir encore une fois sur toutes les affaires politiques qu’il y a eues, avec Cahuzac qui combat la fraude fiscale et qui lui, à côté, fraude fiscalement [petits rires]. Là on a fait le tour ! Et ça c’est le parti de gauche, ce n’est pas un mec de droite ! Il n’y a plus de frontières, ils ont les mêmes pourris à gauche comme à droite, et ce sont eux qui sont au pouvoir apparemment. Je ne dis pas qu’ils le sont tous mais ceux qui ne le sont pas, ils ne sont pas au pouvoir, dans les deux camps. Donc voilà, le sursaut, l’envie de Mass Hysteria, c’est d’éveiller le bon sens chez les gens. Je n’ai pas à leur dire ce qu’il faut aller voter, pas du tout. Nous, on dit que c’est un constat, comme je l’ai dit, on fait un polaroid du moment. On est des témoins, des observateurs, et aussi on subit ça, donc forcément on est témoins actifs et on n’est pas victimes mais on en subit aussi les conséquences de cette politique dans notre quotidien. On fait notre part du culturel, de divertissement, mais en élevant les consciences aussi. On n’est pas des Patrick Sébastien, encore une fois. Je respecte son métier, et il en faut des musiques de camping, il n’y a pas de souci.
Tu disais tout à l’heure que c’était le devoir du rock d’aller au-delà du divertissement et d’éveiller les consciences, se révolter. Tu crois que c’est vraiment une généralité ? Par exemple, quand on pense à un AC/DC, c’est surtout divertissant, il n’y a pas vraiment de conscience…
C’est vrai ! C’est vrai. Et c’est peut-être pour ça aussi que ça a tant de succès. Je n’ai pas étudié toute l’histoire des artistes engagés, mais pour rester en France, à une époque Renaud a essayé de s’engager un peu, même Daniel Balavoine qui faisait de la variété et avait tenu tête à Mitterrand sur un plateau, il avait quitté le plateau en disant « Terminé, je ne parle pas avec vous. C’est un cul de sac cette histoire, on n’est pas considéré, je m’en vais. » Un chanteur de variété aujourd’hui qui ferait ça, alors là, j’achète son disque, rien que pour le soutenir, pas pour sa musique. Voilà ce que je veux dire, on n’est pas obligé de faire du rock pour être revendicatif ou engagé, pas du tout, mais ça fait partie de son histoire quand même. Après, de ne faire que des chansons d’amour ou de déceptions amoureuses [soupir], ça me fait un peu chier quand même, ça m’emmerde un peu. Le rock pour moi, ce n’est pas ça. Enfin, le rock que j’écoute ce n’est pas ça. Je n’écoute pas exclusivement ça mais il se trouve que tout le rock que j’aime parle d’engagement, ils sont en phase avec l’époque dans laquelle ils vivent, ils disent ce qu’il se passe. Mais, comme Mass Hysteria, sans se priver de faire des chansons qui n’ont rien à voir, qui sont apolitiques, qui sont des morceaux, on va dire, philosophiques ou poétiques voire même une chanson d’amour, à la limite. Mais ce n’est pas ce qui nous motive le plus, en tout cas. AC/DC, c’est vraiment l’exemple type du rock que tu écoutes quand tout va bien. Ça parle des filles, des soirées, de l’alcool, des grosses voitures peut-être, je ne sais pas, je n’ai pas le permis de conduire, donc la mécanique, je m’en fous. AC/DC, j’aime bien mais je n’écoute pas ça tous les jours. Et puis je n’écoute plus ce qu’AC/DC fait depuis pas mal d’albums. Ce que j’aime d’AC/DC, c’est ce qu’ils ont été, pas ce qu’ils font aujourd’hui. Franchement, je n’aime pas trop ce qu’ils font aujourd’hui ou ça ne m’emballe plus. Si j’avais vingt ans, peut-être… Le AC/DC que j’aimais, c’est celui que j’écoutais quand j’avais vingt ans, pas celui qu’ils font aujourd’hui. Par contre, je vais les voir en concert et je prends une beigne à chaque fois ! Je prends une grosse claque, j’adore ! Angus Young, je l’ai vu il n’y a pas longtemps encore, cet été, je ne sais pas comment il fait à son âge pour tenir. Il est aussi puissant physiquement que Mass Hysteria ! Même plus, vu son âge. Et puis quelle bête de scène ! Quel guitariste extraordinaire ! On ne peut pas toucher à AC/DC, en fait…
Surtout que tu as un batteur qui est pas mal fan d’AC/DC et la batterie dans ce groupe…
A mort ! A fond !
« Si tout allait bien, je ne sais pas ce que je ferais comme musique, mais j’en ferais. Je ferais un duo avec Patrick Sébastien peut-être ! [Petits rires] Va savoir ! »
L’album s’appelle Matière Noire et tu fais un parallèle entre la définition scientifique de ce qu’est la matière noire et le peuple. Est-ce que tu peux développer un peu l’idée ?
J’utilise un sens poétique pour métaphoriquement expliquer une pensée simple. Il faut lui donner une métaphore pour qu’elle soit plus belle et plus percutante. J’ai utilisé un parallèle, effectivement. La matière noire, c’est la masse manquante mais qui existe tout de même dans l’univers, qui est là mais qu’on ne voit pas. Et je faisais un parallèle avec le vote blanc, surtout. Parce que moi, je vote blanc depuis un moment parce que rien ne m’intéresse, rien ne suscite mon intérêt en tout cas. Je ne me sens pas du tout impliqué. Ils ne parlent pas pour moi ces gens-là. Politiquement je ne comprends pas, je ne me situe pas dans leur politique, donc je ne peux pas voter pour des gens qui ne me représentent pas. Et donc le vote blanc n’est pas du tout considéré. Il est là mais il n’est pas là. Vraiment, on sait qui a voté quoi, même pour le plus insignifiant des partis mais on ne sait pas – enfin on sait mais on le cite des fois ou pas – le nombre de votes blancs. Et on se rend compte que souvent les présidents en France, depuis un moment, représentent que trente pour cent de la population qui vote pour un président. C’est-à-dire qu’ils ne représentent qu’un tiers de la population. C’est flippant qu’un tiers de la population seulement puisse voter pour un président, ou une présidente ! Il faudrait donc prendre ça en compte et dire qu’il n’y pas assez de vrais représentants, apparemment le peuple n’est pas du tout satisfait. Vu le vote blanc qui est majoritaire par rapport aux deux votes exprimés pour les deux candidats en fin de lice, je serais pour refaire, je ne sais pas, une campagne, à la limite ! Et on met un vice-président, en attendant, pour le pays. Je n’en sais rien, je te dis ça, je ne suis même pas savant. Mais il faudrait que le vote blanc, le peuple qui vote mais qui n’est pas représenté, puisse être reconnu et considéré ; on n’est pas considéré, on ne pèse pas dans la balance.
En fait, le vote blanc, il faudrait appeler ça le vote noir…
[Rires] On va dire que le vote blanc est la matière noire de la démocratie.
Il y a quelque chose qui transparaît dans les paroles et la musique de Mass Hysteria, il semble toujours y avoir un élan positif. Vous mettez en exergue des choses qui ne se passent pas bien et qui ne vont pas mais on a l’impression que vous voulez quand même voir l’espoir…
Oh oui, sinon je ferais de l’abstract pop ou de l’abstract hip-hop, un truc complètement déprimant, avec des petits sons, si j’étais pessimiste. Si je n’étais que pessimiste, je ne ferais pas cette musique-là ou alors j’aurais des paroles atroces. S’il n’y avait pas ce petit éclair d’espoir, ce ne serait que noir, ce serait ténébreux et ce n’est surtout pas ça que je veux. Ce petit éclair, c’est l’espoir et l’espoir c’est ce qui rend tout positif. Et c’est ce qui donne cette couleur, ce vernis à chaque fois. Même dans les chansons les plus sombres de Mass, il y a quand même cette petite brillance qui ne ternit pas forcément tout le tableau. Il y a un tableau assez sombre mais pas encore complètement obscurci. Parce que je connais des gens qui en ont assez autour de moi et qui ne savent pas comment faire, donc je me dis qu’à un moment donné, il y aura bien un sursaut populaire qui prendra le bon sens et il y aura un changement. Je n’ai pas envie de faire de politique, vraiment pas. C’est un métier et je suis sûr qu’il y a des bons députés qui sont sur le terrain, des mecs qui n’en n’ont « rien à foutre » d’être ministre et surtout pas d’être président parce qu’ils savent très bien que plus tu grimpes, plus tu es obligé d’être corrompu. Ils le savent ça, ils sont obligés. Il y a trop de compromis à faire. Et les députés, les élus municipaux ou même les maires, certains sont très, très bons, ce sont de vrais hommes de terrain. C’est pour ça qu’ils sont souvent élus, enfin, j’imagine, mais dès que tu es dans les hautes sphères, ministres et autres, c’est compliqué, tu as l’impression qu’ils ne font pas ce qu’ils veulent. Je ne sais pas par qui ils ont les pieds et poings liés, sûrement pas les lobbies et ceux qui financent leurs campagnes, et qui corrompent et pervertissent les lois qui sont votées. Je pense à la loi Macron, par exemple. Quand même, Macron qui vient de chez Rothschild et qui est ministre des finances à gauche. Plus c’est gros et plus ça passe ! Ils n’ont même plus honte de rien. Notre président était avec Trierweiler qui était une journaliste, alors que ce sont quand même deux pouvoirs distincts. Ils ne se cachent même plus aujourd’hui. Alors qu’avant, les journalistes et politiques, il ne fallait pas qu’ils aient de connivence pour être objectif, et l’un et l’autre. Aujourd’hui, tout ça est mélangé, ils se marient même entre eux, donc bon. On a même des mecs comme Macron au sein du PS, on leur file même les clefs de Bercy ! Et je parle du parti de gauche, c’est flippant. Donc… Je ne sais même plus quelle était la question !
[Rires] On parlait de la petite lueur d’espoir qu’il y a toujours dans votre musique…
Donc voilà, on n’est pas dupe, on voit très bien ce qu’il se passe mais qu’est-ce qu’on peut y faire ? Je n’ai surtout pas envie de leur donner du crédit, à pousser des gens à la guerre civile, pas du tout. Bien au contraire. C’est par les urnes et voies démocratiques qu’on pourra changer les choses. Ça prendra du temps mais s’il y en a qui pensent gagner du temps en utilisant la violence, ce n’est pas vrai. Car eux, au-dessus de nous, ils sont trop forts. Ils n’attendent que ça, à la limite. S’il commence à y avoir de la guerre civile, alors il y aura, comme en temps de guerre, le couvre-feu, l’armée partout dans les villes, et ils vont faire des lois atroces, pire que le Patriot Act, on va leur donner le bâton pour qu’ils nous tapent dessus. Ça c’est sûr. D’ailleurs, le terrorisme, aujourd’hui est le faire-valoir pour ces lois liberticides. Ils sont en train de faire des lois liberticides en France, en ce moment, à cause du terrorisme. Alors, si en plus on leur donne des guerres civiles ou la vindicte populaire… En plus ça ne serait pas légitime mais ça serait compréhensible qu’il y ait aujourd’hui des gens qui pètent des câbles. On l’a bien vu avec Air France. C’est-à-dire qu’à la violence sociale, on ne doit pas répondre avec une violence physique parce que, même si c’était presque légitime, elle ne l’est pas. Il n’y a pas de légitimité à être violent mais quelque part, il y a de quoi l’être aujourd’hui, vraiment. Donc à la violence sociale, il ne faut surtout pas leur donner de violence physique dans la rue parce que ça sera contre-productif, vraiment. Mais bon, après, je ne fais que parler. Je ne sais pas si j’étais à la place de ces gens-là… Je ne sais pas. On voit très bien comment ça a fini à Florange, les usines sidérurgiques rachetées par un milliardaire indien [Lakshmi Mittal, d’ArcelorMittal]. On avait voulu faire un concert pour eux à une époque. On avait discuté avec les mecs des syndicats, qui étaient fans de Mass pour certains, des petits jeunes. Et au final, leur porte-parole [Edouard Martin] qui c’était battu depuis des années et des années a été récupéré par le parti socialiste. Bon ben voilà, c’est terminé. Après tu auras beau dire : « Ouais, mais il va essayer de changer les choses de l’intérieur plutôt que de l’extérieur. » Non, ça c’est de la romance. Il s’est juste fait racheter : « C’est bon, maintenant tu es avec nous, tu vas te calmer un peu. Laisse tes potes continuer le combat. » Ils sont moins forts sans lui et c’est ce qu’ils voulaient. « Avec nous tu vas avoir un vrai métier, un vrai salaire, tu vas voir. Tu auras même un chauffeur. » Ce n’est pas de la corruption, c’est de la promotion. Après, chacun accepte les promotions en son âme et conscience. C’est dommage parce que les gens de Florange ont perdu un grand leader qui est passé, pas du côté obscur, mais presque et qui ne sert plus à rien.
On voit bien qu’avec Mass Hysteria vous vous nourrissez vraiment de ce qu’il se passe, de l’ambiance générale en France et dans le monde. Est-ce que tu penses que vous pourriez quand même faire de la musique sans ça, si tout allait bien ?
Mais bien sûr ! Evidemment ! J’aimerais bien moi ! J’ai envie de te dire, ça serait un idéal. Mais après, est-ce que je ferais cette musique-là ? Je n’en sais rien. Je suis incapable de te le dire. Mais j’aurais envie de faire de la musique. Est-ce qu’elle serait aussi virulente ? Je ne sais pas. Peut-être que je ferais du rock-reggae, peace and love…
Tu écrirais des chansons d’amour…
[Rires] Mais ouais ! En parlant de grands chanteurs, regarde Bob Marley, il a fait les plus belles chansons d’amour et aussi les plus belles chansons de révolte. Il était habité par ça. Il était aussi divertissant qu’enrichissant. Si on peut avoir un centième de cette vertu avec Mass Hysteria… Si je me rapprochais de plus en plus de Bob Marley, ce serait déjà pas mal. Mais si tout allait bien, je ne sais pas ce que je ferais comme musique, mais j’en ferais. Je ferais un duo avec Patrick Sébastien peut-être ! [Petits rires] Va savoir !
« Je voulais aussi rendre hommage à tous ceux qui viennent et qui se déchaînent dans ces festivals et pour cette musique. Je voulais représenter le plus de gens possible, et il y a peut-être des teubés mais c’est loin d’être la majorité, et c’est comme ça dans tous les styles de musique. »
Au niveau thématique dans l’album, il y a une chanson qui se détache un peu, c’est « Plus Que Du Metal » qui est un hymne aux musiques extrêmes…
Ah merci ! Tu es le premier qui me le dis !
Ça saute pourtant aux oreilles quand on écoute les paroles ! On dirait même que c’est un morceau que tu as écrit pour le live…
Ah mais complètement ! J’ai quarante-sept piges et de tout temps, je vois chez les punks, chez les hardcoreux, chez les metalleux, toutes les tendances, il y a toujours un groupe qui sort un morceau où c’est vraiment l’unité, qui fédère tous les gens de ce milieu musical. Je ne dis pas que j’avais la prétention de vouloir en faire un mais j’avais envie de m’en approcher. Déjà, rien que les gens qui aiment Mass Hysteria s’en accaparent et en fassent un hymne ; j’avais cette prétention, en tout cas, au sein des gens qui aiment Mass Hysteria. Si ça dépasse Mass, après, ce serait cool. Mais oui, ça c’est une chanson d’amour ! A fond ! C’est une chanson représentative. « Represent » comme disent nos amis américains. C’est clair que c’est une chanson qui représente, vraiment. En tout cas, moi si j’avais vingt piges, ou même quinze, je me sentirais visé [rires]. Et il y a d’autres phrases que je voulais mettre mais il n’y avait plus de place. Par exemple, il y avait une phrase avant le refrain que je voulais mettre qui parle de tous les gens qui viennent aux concerts et qui restent sur les parkings, qui ouvrent le coffre et mettent le son à fond, en buvant de la bière évidemment. Je voulais vraiment dédicacer ces gens-là mais il n’y avait plus de place. Ça m’a fait chier ! Je voulais la placer ! Je l’avais depuis X temps. Nous à Mass Hysteria, avec les vécus qu’on a, à chaque fois qu’on va dans les festivals, on voit des coffres ouverts, on fait : « Wah ! Ca y est, c’est le festival des coffres ouverts ! Les gens sont chauds ! Ca écoute la musique à fond, ça se chauffe… » Donc j’avais cette image en tête et je voulais la chanter mais je n’ai pas pu.
Vous n’avez pas pu rallonger un petit peu la chanson pour la caser ?
Non. Je t’avoue qu’il y avait aussi pas mal d’urgence dans l’enregistrement. Je n’ai pas eu beaucoup de temps parce que j’ai cramé tout mon capital temps à l’écriture et j’ai sacrifié pas mal de temps pour le studio. Donc arrivé en studio, j’étais sur le fil du rasoir… Mais j’ai essayé et je n’ai pas pu. J’en ferai une autre ! Je ferai un « Plus Que Du Metal 2 » [rires].
On connait plein d’hymnes au metal que des groupes allemands ou anglais ont pu faire – surtout allemands – et il semblerait qu’on n’en ait pas vraiment eu en France, en tout cas il n’y en a pas qui me viennent à l’esprit. Et du coup on se dit « tiens, c’est la première fois qu’un groupe français fait un hymne comme peuvent en faire les Allemands, à chanter pendant les festivals, etc. »
Ouais, j’espère qu’elle fera du chemin et qu’elle sera entendue. C’était le but. Déjà, elle va faire mouche en live, ça c’est sûr. Ah oui, voilà, et surtout… Ce n’est pas que je n’ai pas pu le placer mais c’est aussi surtout pour ça : en fait ce morceau je l’ai fait, à la base, vraiment, contre le Petit Journal. Le Petit Journal qui, pour moi, réduit le metal à cinq ou six chevelus qui hurlent et montrent leur cul. Et donc je voulais faire des rimes en « al » sur tout le morceau, et placer une crotte de nez un peu contre le Petit Journal mais ce sont les Mass qui m’ont dit : « Non, non, faut même pas leur donner ça. Faut même pas leur faire de pub, on s’en fout. » Et ils ont raison. Mais, à la base, je voulais dire que « Plus Que Du Metal », ce ne sont pas cinq connards qui montrent leur cul au Petit Journal. Ce n’est pas que je n’ai pas pu la placer, c’est que les Mass m’ont dissuadé de la placer. A la base, « Plus Que Du Metal », c’était ça parce que j’ai l’impression qu’au Petit Journal, ils voient les « fans » de cette musique comme des teubés, vraiment des idiots, des boutonneux, des Beavis And Butthead… Et il y en a aussi mais il y en a dans tous les styles. Il y a aussi bien de benêts dans le rap que dans le hardcore, dans la variété, etc. Il y a partout des benêts, mais le Petit Journal réduisait le metal à ça. Et donc je voulais un peu contredire ça. Et quand je dis dans le morceau : « Tous les corps de métiers viennent et se déchaînent, » nous on a des potes qui bossent chez les stups, chez les flics, des profs, on a un pote qui est un psychiatre addictologue, un des plus gros addictologues français qui est fan de metal [Laurent Karila] et qui va au Hellfest avec ses gamins, et j’imagine qu’il y en a d’autres, il y a des chefs d’entreprise, il y a des salariés, des étudiants… Cette musique-là est trans-générationnelle et trans-socio-professionnelle. Je voulais donc aussi rendre hommage à tous ceux qui viennent et qui se déchaînent dans ces festivals et pour cette musique. Je voulais représenter le plus de gens possible, et il y a peut-être des teubés mais c’est loin d’être la majorité, et c’est comme ça dans tous les styles de musique. Et c’est honteux de réduire une musique à ça. C’est honteux de devoir se justifier. Tu as envie de mettre une gifle au Petit Journal et dire : « Je ne vais pas me justifier, tu vas te prendre une baffe et tu vas voir ailleurs ! »
Je me souviens de Lofofora qui avait fait monter Maxime Musqua du Petit Journal sur scène au Hellfest 2014. Ce n’est pas quelque chose que vous auriez fait, du coup ?
Bah si, pour un peu pour contredire et leur dire : « Voilà, ok, vous ne voulez pas que réduire cette musique à ça, je vais faire gage de cette contrevérité. » Et en leur disant bien qu’ils arrêtent de réduire la musique à ça. Parce que nous, au Hellfest il y a deux ans, on s’était même embrouillé avec eux ! On leur reprochait ça, de mettre que des mecs qui hurlent et qui montrent leurs fesses. Ils voulaient faire une interview avant de monter sur scène. On a dit : « Ok, d’accord. Pas de souci. » Et on voulait parler de ce qu’on avait à leur reprocher et tout, et qu’est-ce qu’ils nous demandent ? On commence l’interview et ils arrêtent, je ne sais pas ce qu’ils nous demandaient, en fait, on avait été vexé… Ils nous avaient demandé d’hurler, de parler plus fort, avec une voix sépulcrale, j’en sais rien… Je ne sais pas ce qu’ils nous demandaient. Et donc on a dit : « On arrête. Ok, terminé. On n’en a rien à foutre du Petit Journal, en plus. » Et sur scène, j’ai envoyé une petite pique. Et après, quand ils interviewaient des gens dans le public du Hellfest, ils leurs demandaient de montrer leurs coudes au lieu de montrer leurs fesses. C’est pour te dire le niveau… Tout ça « à cause » de nous. Si on a fait évoluer les mentalités… Et en plus, le soir, ils ont donc fait un spécial Hellfest, sans notre interview, et ils ont été dithyrambiques avec nous ! Ils ont été super cool en plus. C’était louable. On n’en a pas rediscuté avec eux depuis mais bon… J’aimerais bien, peut-être, pour ne pas en rester là… Et j’ai revu le Hellfest de cette année avec le Petit Journal [soupir], ça ne change pas, à part qu’on voit des meufs montrer leurs seins maintenant. Donc ça a évolué, en fait. Mais bon, n’en parlons plus, on leur fait trop de pub !
Tu as dit juste avant qu’il y avait eu une urgence dans l’enregistrement aussi et que tu as dû te presser, comment ça se fait ?
Je n’avais encore aucun texte alors qu’eux étaient partis sur une petite vingtaine de morceaux, de riffs qui sont devenus des morceaux. Pendant un an et demi, ils ont fait tourner, retourner et recouper certains trucs jusqu’à en avoir quinze ou quatorze de bons, on a écrémé un peu. Et eux ils ont continué encore et encore, et ils n’avaient toujours aucune parole dessus – donc ça a mis du temps au niveau des paroles et je vais expliquer pourquoi ensuite. Ils ont donc fait tourner la musique pendant un an et demi ; ils avaient les riffs et les morceaux au bout des doigts, c’est pour ça qu’en studio ils ont en fait été assez rapides pour enregistrer leurs parties. Et pour moi, ça a pris du temps parce que juste pendant ce processus de création, au début de l’année dernière, j’ai perdu mon papa et j’ai perdu ma mère au début de cette année. Donc ça a plombé pas mal de mon élan. Ça ne l’a pas arrangé au niveau des éclaircies positives. C’est peut-être aussi ce qui a donné encore plus d’urgence, ça a donné de l’intensité, peut-être de la profondeur et du coup, je ne suis pas non plus allé chercher midi à quatorze heures. Donc, musicalement, les mecs étaient prêts depuis longtemps, ils sont rentrés en studio et ont fait ça rapidement, et ils m’ont du coup donné un peu plus de jours. Mais moi, je n’étais pas prêt au niveau de la construction des morceaux. J’avais la matière mais j’étais lent. J’étais assez éteint, on va dire. Quand il a fallu que j’y aille, j’y suis allé et on va dire que c’est l’expérience qui a fait le reste. Je me suis fait confiance. Je me suis dit : « De toute façon, je n’ai pas le choix, il faut que j’y aille. » Et d’habitude, je me prépare beaucoup mieux, je suis un peu psychopathe avec la versification, le nombre de pieds, etc. Mais là, j’y suis allé un peu à l’urgence mais confiant et déterminé. De toute façon, ça rejoint tout l’état d’esprit dans lequel cet album a été fait, vers la fin surtout. Mais il y a aussi des naissances et plein de choses positives autour. J’ai eu un bébé. Vince, le bassiste, a eu un bébé il y a deux ou trois mois. La vie continue. Mais, bref, tout ça faisait que c’était un album chargé en émotions, en vie, en sueur et en passion.
« C’était un album chargé en émotions, en vie, en sueur et en passion. »
Une chose qui saute aux oreilles musicalement, c’est qu’il y a eu un encore plus gros travail sur les arrangements, entre les sons électros, les cordes, les chœurs lyriques, etc. et puis aussi des grosses percussions qu’on entend sur certaines chansons qui appuient vraiment les rythmes et donnent un côté tribal à votre musique…
Je suis tout à fait d’accord. C’est une très bonne analyse. Et moi, je n’étais pas super convaincu des percus mais je faisais confiance aux musiciens, surtout Yann qui supervisait les machines et a vraiment été un arrangeur sur cet album au niveau des machines. Donc voilà, moi j’ai donné mon avis, j’étais mitigé sur les percus. Après, on m’a dit : « Mais tu vas voir, quand ça sera mieux mixé… » Et moi j’étais : « C’est pas faux, c’est pas faux, j’avoue que… » Parce que les machines ont tendance à beaucoup charger, déjà que les guitares font beaucoup de choses, et Rapha, il a huit bras donc il en met un peu partout aussi à la batterie. Donc j’avais un peu peur que ce soit des sons en plus, pas inutiles, mais pas forcément – sans jeu de mots – percutants. Mais en fait, au mix, ça a démenti tout ce que je pouvais penser. Et pour revenir à ce que tu disais, oui, pour la part des machines, on a mis un petit cran supérieur. Souvent, dans pas mal de morceaux de notre dernier album, il y a couplet/refrain/couplet/refrain, puis il y a ce qu’on appelle un pont, pour revenir après sur un dernier couplet/refrain, et les ponts, il sont à rallonge ! On s’est donc dit : il y a des ponts à rallonge, ça avait été pensé comme ça, et c’est à ce moment-là qu’il faut charger ! Comme s’il y avait deux morceaux dans un morceau, pour que les gens partent complètement ailleurs pendant cette transition, et on va donner des fois un petit côté soit psyché, soit progressif ou bien expérimental, comme avaient pu le faire à une époque les vieux groupes comme Led Zep ou les Beatles ou je ne sais qui d’autre. On n’a pas forcément réfléchi, mais quand les morceaux ont été créés, on s’est dit que les ponts étaient assez longs et en live, il faut que les gens soient portés, il faut qu’on aille voir ailleurs… C’était cohérent, et j’ai dit : « Ok, super. Pas de souci. » Et quand les machines sont arrivées, on a surtout insisté sur ces parties-là, donc, et au mix, on n’a pas hésité à les mettre bien devant, parfois même au détriment des guitares, pour l’ambiance, pour que ce soit purement musical et plus forcément le morceau du départ. Donc oui, il y a eu beaucoup d’arrangements de ce côté-là. C’est un petit effet qu’on a donné sur certaines compos pour varier les albums, aussi.
En live vous comptez utiliser des bandes ou bien vous pourriez jouer les percus ?
Alors, ce n’est pas prévu mais on en a parlé. Si on le fait, ce ne sera pas pour tout de suite mais on a parlé de voir avec des pads. Parce qu’après, transporter des fûts et de vraies percus, pour un morceau ou deux, ça prend beaucoup de place, parce qu’on n’a pas non plus des semi-remorques ! [Petits rires] On a juste de petits véhicules. Economiquement, c’est dur à gérer parce que s’il faut prendre des percus, ça prend de la place et on n’a pas forcément la place nécessaire dans le camion – car on n’en a qu’un. Faudra donc voir ça avec des pads, et en électronique, moi… S’il faut, ce ne sera pas avec moi que ça va avancer l’histoire ! [Rires] Mais oui, on y pense ! En fait… Je vais vous faire une confidence, on en a parlé avec la société Roland qui fait pas mal de choses. Car notre batteur voulait une batterie électronique, et donc on s’est dit : « Tiens, peut-être qu’on peut avoir des pads. Trouver un partenariat pour qu’ils nous fournissent des pads. Ca ne prend pas de place. » Mais le temps qu’on trouve un partenariat avec eux et qu’on lance l’histoire, ce sera plus courant 2016 que fin 2015. Mais on y a pensé !
(Question de Philippe qui a appelé l’émission pour poser une question à Mouss) De façon générale, vous avez des riffs qui sont toujours très efficaces et immédiats, même primitifs, dans le bon sens du terme, qui se mélangent à des machines qui au contraire donnent un aspect assez froid et sophistiqué, alors que pourtant, le résultat reste très cohérent. Du coup, comment est-ce que vous prenez ces deux aspects qui pourraient paraître opposés pour en faire quelque chose de cohérent ?
Il y a deux choses. Musicalement, tu as tout à fait raison, il y a le côté simple et efficace des riffs, même si derrière – et ça ne s’entend pas toujours – il y a des petites subtilités de coups de médiators. Et je sais aussi que c’est le rythme qui va déterminer la symbiose [avec les samples]. Parce que nous, on ne fait pas de morceau si on ne remue pas la tête. C’est con, mais c’est comme ça. Si ça ne nous fait pas au moins remuer la tête, si le rythme ne nous possède pas, c’est que ce n’est pas bon, qu’on n’a pas le truc, que la mayonnaise ne prend pas. Parfois on augmente plus ou moins de trois points [le tempo] ou on le redescend pour voir si on est trop rapide, il faut trouver le vrai pouls du morceau. Chaque morceau, chaque riff a un pouls et il faut le trouver, et si on l’a, si ça nous fait un peu danser ou taper du pied, si ça fait – comme disent les Anglais – groover, ça fait bouger le corps et la tête, alors c’est bon. Et après, il y a les paroles qui arrivent là-dessus, et si je mets une petite couche, je parle du soleil ou de choses un peu plus poétiques, du coup ça ne fait plus du tout froid. Je sais que Yann, parfois, quand on écoute des morceaux et qu’il arrive à la fin du riff, on est là : « La vache ! Putain, c’est violent ! » Et il dit : « Mais on s’en fout, les mecs ! Vous allez voir, une fois qu’il y aura la batterie, un peu de machines, et la voix de Mouss, ce ne sera plus du tout violent. Ce sera… doucement violent. » [Rires] Ca répond à la question ?
Complètement !
Alors super parce que c’est quelque chose qui nous tient à cœur, en fait. Et tu l’as quand même bien décrit au scalpel ! C’est une très bonne analyse !
Il y a une nouveauté, pour ainsi dire, avec cet album, c’est que vous avez un nouveau guitariste en la personne de Fred Duquesne, mais qui en l’occurrence a été producteur pour vous depuis les trois derniers albums, depuis 2007. Donc, concrètement, qu’est-ce que ça a pu changer pour vous qu’il soit maintenant dans le groupe ? Est-ce que tu penses qu’il a une meilleure vision de votre musique pour la produire maintenant qu’il fait ça de l’intérieur ?
Je pense que, du fait que ça fait un an maintenant que Fred est dans Mass Hysteria, qu’il soit à l’intérieur et qu’il produise aussi les albums en tant qu’ingénieur, peut-être qu’il a mis une petite ferveur supplémentaire par rapport aux trois autres où il n’était que producteur et pas du tout musicien avec nous. Je pense que ça a joué et je pense que ça joue encore parce qu’il connaît les riffs des quatre derniers albums en date, il connait les riffs de l’intérieur. Il a même participé à certaines variations dans la façon d’envoyer certains riffs. Il avait un œil de producteur mais comme il est guitariste aussi à la base – on ne va pas refaire son passé avec Watcha et autres -, c’est un très, très bon guitariste à la base, donc comme il avait déjà modifié des riffs quand on avait enregistré avec lui sur les trois derniers albums, c’était presqu’évident qu’il soit guitariste de Mass quand on a commencé à en chercher un. On lui avait déjà demandé il y a sept ou huit ans, avant que Nico, notre ancien guitariste, vienne dans Mass Hysteria, mais il ne pouvait pas parce qu’il montait le studio qu’il a actuellement, c’était un boulot presqu’à plein temps. Watcha se terminait mais lui reprenait une carrière d’ingénieur du son. Et il faisait aussi un groupe qui s’appelle Empyr, je ne sais pas si vous en avez entendu parler. Donc, il y a sept ou huit ans on lui avait déjà demandé de faire les parties de Mass Hysteria mais il nous disait : « Je ne peux vraiment pas, ça me fait chier, mais je ne peux vraiment pas. » Et donc, comme l’occasion s’est à nouveau présentée il y a un an, on lui a redemandé et il n’a pas hésité une seule seconde. Et c’est lui qu’on voulait de toute façon.
Mais ça reste Yann qui a fait la majorité des riffs, en termes de composition ?
Ouais, quand même. Après, moi je n’y suis pas ou des fois je pouvais donner une petite idée de transition ou dire qu’il y a trop de mesures, au lieu de six on en met quatre… Mon intervention dans la musique se limite à ça. Mais sinon, à quatre-vingt pour cent, c’est Yann qui fait la musique. C’est le guitariste de toujours dans Mass Hysteria, donc il connaît l’histoire… Comme à chaque fois c’est le deuxième guitariste qui change dans Mass Hysteria – Fred est le troisième nouveau guitariste dans la carrière de Mass -, lui il est toujours là, donc c’est lui la machine à riffs. Mais il n’est pas contre… Nico, notre ancien guitariste avait d’ailleurs fait un morceau entier dans l’album précédent et il avait apporté des riffs ou des refrains pour des riffs de couplets que Yann avait amené. Mais Yann, il avait fait, je ne sais plus, une centaine de riffs avant la création de cet album, vers la fin de la tournée de L’Armée Des Ombres. Il est possédé ! A l’époque, si Nico avait eu une centaine de riffs, on aurait fait moitié-moitié mais comme c’est Yann qui est le plus prolifique et le plus productif, c’est juste lui… Ce n’est pas une envie, ce n’est pas une décision commune de dire : « Bon, c’est Yann qui fait et tout le monde suit derrière ! » Non. C’est juste que c’est lui le plus productif et le plus prolifique. Il arrive avec des troncs d’arbres et après tout le monde sculpte pour en faire un morceau, mais c’est quand même lui qui arrive avec le tronc d’arbre.
« Chaque morceau, chaque riff a un pouls et il faut le trouver, et si on l’a, si ça nous fait un peu danser ou taper du pied, […] alors c’est bon. »
Fred, du coup, est producteur, guitariste de Mass Hysteria, guitariste aussi de Bukowski… Comment est-ce qu’il arrive à jongler entre tout ça ?
Alors, pour l’instant, ça va [rires]. Faudrait lui poser la question mais ça va ! D’ailleurs, on va faire une date ou deux avec Bukowski. Donc c’est cool… Enfin, je ne sais pas si ça va être bien cool pour Fred d’enchaîner deux gros concerts dans la même journée… Mais bon, il aura double paie, déjà, c’est pas mal ! Mais non, ça va bien se passer. On ne se pose même pas la question, pour l’instant ça se passe bien. Il gère bien l’histoire !
On a vu que vous aviez donné des nouvelles de votre ancien guitariste Nicolas Sarrouy, récemment victime d’un accident. Son état a l’air d’être rassurant…
Il est sorti depuis un moment du coma puis du service de soin intensif, il avait toute sa tête, il parlait, il n’y avait aucun souci. Il a encore quelques fractures ; avec son fémur, il ne peut pas marcher encore, il faut qu’il fasse de la rééducation. Mais étant sorti du soin intensif, il était dans un secteur beaucoup plus léger où on sort un peu de la lourdeur du service. On y est allé donc ce week-end, tous les Mass Hysteria. Pour l’instant il ne peut se déplacer qu’en fauteuil, à cause de son fémur. Hier il partait dans un centre à la campagne, en dehors de Paris pour faire une rééducation. Il faut qu’il réapprenne à marcher parce que ça fait deux mois qu’il ne s’est pas mis sur ses jambes. Mais sinon, ça va bien, en fait ! Ça va très bien. Il aura une petite rééducation de trois mois, je crois, et il devrait ressortir pimpant parce qu’il a toute sa tête, il redit les mêmes conneries [rires], il est au taquet… Ça me fait bizarre de reparler de ça parce qu’on était dans le drame le plus absolu il y a un mois et aujourd’hui, j’ai l’impression qu’il est tombé dans l’escalier et qu’il s’est cassé le fémur, et c’est tout ! Alors qu’il avait un œdème cérébral, l’aorte qui était touchée, etc. L’accident a été assez brutal. Mais aujourd’hui, s’il n’y avait pas le fémur, il marcherait et il serait déjà chez lui, si ça se trouve. C’est un truc de fou ! Franchement. Un miraculé, vraiment.
En fait, on remarque que vous êtes restés très proches avec lui…
Oui, évidemment ! A fond ! C’est le dernier arrivé, c’est le plus jeune, c’est la mascotte quoi ! Bon, il avait décidé il y a un an de quitter le groupe, on avait essayé de le faire changer d’avis mais il était décidé. C’était dur pour nous mais c’était son choix. Et on n’avait aucune raison de ne pas être en bons termes, pas du tout. On a respecté son choix de quitter Mass Hysteria mais on se revoyait et on se revoit encore, de toute façon, on habite à Paris, on fréquente les mêmes lieux… On se connaît bien ! Effectivement, on est toujours en bons termes. Mais même avec le tout premier guitariste de Mass, on se voit encore, on joue avec lui d’ailleurs, avec son groupe de Brest pour faire un petit rappel musical. On va jouer à Brest et le groupe de première partie, c’est le nouveau groupe de notre premier guitariste. Donc on continue de se voir, on continue d’aider. Même quand nos anciens membres ont des projets, on les prend avec nous. Après, par contre, il y a des personnes qui sont passées dans Mass Hysteria avant que le groupe fasse des albums qu’on ne voit plus du tout. Ça arrive. Mais de la période de Mass avec albums, on voit pratiquement tout le monde encore.
D’ailleurs, qu’est-ce qui avait décidé Nico d’arrêter le groupe ?
Je ne sais pas… Ca faisait sept ans qu’il était guitariste de Mass, il a fait trois albums avec nous… Je ne sais pas. Il faut comprendre que… Par exemple, je ne sais pas ce que c’est d’arriver dans un groupe qui existe déjà. On prend le train en marche dans une histoire qui existe déjà, alors peut-être qu’on ne se sent pas foncièrement à l’origine de l’histoire. Je n’en ai aucune idée. Est-ce qu’au bout de quelques années on a l’impression d’avoir fait le tour ? En tout cas, il y a un phénomène étrange dans Mass Hysteria : c’était notre troisième guitariste et chaque guitariste est resté sept ans, pile ! Le premier guitariste, Erwan Disez – celui avec qui on va jouer à Brest avec son nouveau groupe Working Class Zero -, c’était de 1993 à 2000, le deuxième, Olivier Coursier – celui qui a le groupe AaRON, je ne sais pas si vous connaissez, ce n’est pas très metal, ça n’a rien à voir, c’est même déprimant -, est resté de 2000 à 2007, et Nico, de 2007 à 2014. Je ne sais pas si c’est l’histoire des sept ans de mariage ou alors le deuxième poste de guitariste qui est marabouté, on ne peut pas y rester plus de sept ans. Je ne vois que cette explication ! [Rires]
Pour annoncer le premier titre que vous dévoiliez, « Chiens De La Casse », vous expliquiez dans un communiqué que vous ne vouliez pas au départ dévoiler de chanson parce que c’est un album que vous avez pensé comme une œuvre globale. Qu’est-ce que ça veut dire concrètement ?
C’est peut-être pour enjoliver ou argumenter qu’on a dit ça comme ça mais au fond, on ne voulait pas faire comme ce qui se fait en ce moment. Tu as des groupes qui permettent d’écouter tout l’album avant ou si tu fais écouter à trop de gens, ton album se retrouve sur internet avant que tu l’aies sorti… On voulait garder l’effet de surprise comme à l’époque, en fait, avant qu’il y ait internet. C’était plus ça. On ne voulait pas non plus dire qu’internet avait perverti l’effet de surprise de la musique, pas du tout. Donc pour éviter tout propos [mal interprété], on a dit qu’on voulait que les gens apprécient ça en une fois. Comme un film : on passe des extraits mais on ne passe pas un quart d’heure d’un film aux gens en avant-première, c’est une œuvre globale. C’était un petit peu pour faire chier aussi [rires]… Je parle un peu comme ça mais il n’y a pas une politique. C’était juste qu’on ne voulait pas donner trois ou quatre morceaux à écouter avant pour faire une espèce de promo déguisée, donner envie aux gens. On n’a pas les moyens dans le sens où… On est des artisans, on est un groupe moyen en France, donc on s’est dit qu’on allait rien donner sauf celui-là. Ça ne fera pas vendre moins de disques, en tout cas on ne le pense pas. On n’est pas Metallica ni AC/DC. Eux s’ils ne vendent pas d’albums, ils s’en foutent, ils sont déjà multimillionnaires, ça ne changera rien pour eux. Ils peuvent se permettre des petites fantaisies avec leur album. Nous, on ne peut pas se permettre. On voulait donner à la limite un seul morceau, et encore c’était sur la fin, et on n’a pas regretté.
Je vais vous refaire une confidence, on ne voulait même pas donner d’image, ni la pochette, rien ! Mais on s’est dit : « Il faut en donner un peu quand même, c’est n’importe quoi. » Et on a bien fait parce que du coup… Mais est-ce qu’on n’a pas bien fait aussi d’un côté de ne rien donner puis d’en donner un tout petit peu seulement ? Et les gens ont apprécié à sa juste valeur le peu qu’on a donné. Quand tu en donnes trop, après… Si tu donnes une bonne part de gâteau, ça ne donne pas forcément envie d’en acheter une deuxième, car si la première est gratuite et que tu es rassasié ou ça te suffit… Donc voilà, il y a un peu tout ça mélangé. Mais il y avait surtout l’envie de ne pas trop en donner au début. Sur le coup on disait : « Ah, on ne va rien donner, pas d’image, pas de son ! » A la old-school. Vous aurez tout d’un coup ou rien ! Mais on s’est un peu ravisé. C’est surtout la maison de disques qui nous a dit : « Non, les gars, ce n’est pas possible ! » ils s’arrachaient carrément les cheveux ! [Rires] Tous les journalistes, toute la presse demandaient [à écouter]. Et même les gens des salles de concerts, ce n’est pas parce qu’on est Mass Hysteria qu’ils vont nous faire venir jouer chez eux ! Eux ils voulaient aussi écouter du son, pour savoir ce qu’allait donner le prochain album et si ça leur donnait envie de nous faire passer dans leur salle. Donc on s’est ravisé un peu et on s’est dit : « Ok, on va arrêter de faire nos gros cons. » Parce qu’on n’a pas les moyens non plus de faire nos gros cons, en fait [rires].
« ‘Chiens de la casse, sans-dents, fous de liberté’, je dédicacerai ce morceau à notre président lorsqu’on jouera à Tulle. »
Est-ce que tu as l’impression que ces pratiques qu’on voit aujourd’hui – avec plusieurs morceaux dévoilés sur une période de plusieurs mois à l’avance, puis l’album en écoute intégrale une semaine avant la sortie -, ça dévalorise la musique qui devient un peu fastfood, que ça perd un peu de son mystère ?
Oui, peut-être un peu. Après, je ne sais pas, c’est peut-être comme ça que les gamins de vingt ans pensent aujourd’hui ou qu’il faut penser comme ça aujourd’hui. Pour eux, le marché du disque est devenu comme ça… Je ne sais pas, je ne suis pas très savant. Mais on n’est pas obligé de faire comme tout le monde. Si c’est comme ça qu’il faut faire, tant mieux, mais nous, on n’avait pas envie de faire comme ça pour cet album.
Et du coup, pourquoi avoir choisi les « Chiens De La Casse », le morceau d’ouverture de l’album ?
Eh bien, il fallait un morceau virulent. On ne voulait pas non plus décontenancer des gens avec un autre morceau qui n’était peut-être pas dans la tradition. C’était peut-être le plus consensuel. Et dans le fond, dans la forme, dans ce que je dis et dans ce que la musique exprime, c’est un morceau rentre-dedans. « Chiens De La Casse », c’est ce qui collait peut-être le plus au mot « furieux ». C’est le plus représentatif de ce qu’on est au fond, surtout aujourd’hui, et peut-être aussi de ce que les gens ressentent aujourd’hui. Voilà, c’est pour réveiller la meute ! « Chiens de la casse, sans-dents, fous de liberté », je dédicacerai ce morceau à notre président lorsqu’on jouera à Tulle, sa ville, le 13 novembre.
C’est vraiment de là que cette réplique t’es venue ?
Ah bah, oui ! Il fallait l’inventer ça, quand même ! C’est violent ! Tu te rends compte de ce que ça veut dire ? Il nous prend pour des Jacquouilles, des Visiteurs. C’est comme ça qu’il voit le peuple français, le petit peuple. C’est super violent ! Pour lui, c’est drôle, lorsqu’il discute avec ses potes en costard dans le salon, ça doit être fendard. Mais moi, ça ne m’a pas du tout fait rigoler. Pas du tout. Parce que déjà, ce n’est pas vrai, il faudrait qu’il vienne vérifier [petits rires]. Donc oui, ça vient de là. Qu’un président appelle son peuple comme ça… De toute façon, ils sont au-dessus de la monarchie les gars. Louis XIV, c’était un petit joueur à côté des politiciens d’aujourd’hui ! Il était moins riche et il avait moins de pouvoir ! On ne s’en rend pas compte !
Vous aviez rencontré Michel Houellebecq il y a pas mal de temps et il y avait une histoire comme quoi vous aviez envisagé de collaborer avec lui. Et aujourd’hui Michel Houellebecq est quelqu’un dont on entend de plus en plus parler et qui a notamment généré une polémique avec son dernier livre Soumission. Comment tu le perçois aujourd’hui ?
Déjà, j’adore Michel Houellebecq, en tant qu’écrivain. Faut que je lise son dernier livre, je ne l’ai pas encore fait. Je n’ai pas tout aimé mais son tout premier, Extension Du Domaine De La Lutte, je l’avais lu par hasard, en vacances, et je l’ai mangé en trois jours. Je trouvais ça cru, c’était très actuel, très fort, sans prétention ; j’avais vraiment pris une bonne claque ! Et après, j’avais vraiment aimé Plateforme. Ensuite j’ai lâché un peu. On l’avait rencontré parce qu’il avait un projet musical, il avait fait un disque avec plein de poèmes, et les musiciens qui étaient avec lui, quelques-uns étaient des potes à nous de Paris. Et, à un moment donné, on avait joué sur le même festival au Québec, et il s’est trouvé qu’on a pris l’avion ensemble. Donc on était à l’aéroport avec Houellebecq et le groupe qui l’accompagnait. Et comme je connaissais les musiciens, je leur disais : « Faut me le présenter ! Présentez-le moi, je suis un fan ! » Et on s’est pris une cuite avant de monter dans l’avion avec Michel Houellebecq. On était au digestif, il hallucinait, on ne prenait que des armagnacs, il faisait : « Ah bon ?! » Et puis on lui a mis trois ou quatre armagnacs dans la gueule pour le faire parler – parce qu’il est assez timide, en fait ! Et on a discuté dans l’avion, on est arrivé sur le festival au Quebec, on a pas mal parlé, il est venu nous voir aux balances, on a été le voir en concert, il est venu nous voir en concert. On s’était échangé nos contacts, on avait commencé à correspondre un peu avec lui. C’était à l’époque de l’album noir où j’avais demandé à Miossec de me faire des titres, et je m’étais dit pourquoi on ne lui demanderait pas qu’il nous écrive un texte. Mais ça ne s’est jamais fait. Il m’a envoyé un livre dédicacé que je garde précieusement, et son album aussi. En fait, son album, ce n’était que des musiques façon films érotiques des années 80, très « Je T’aime Moi Non Plus » de Gainsbourg, et lui récite des poèmes dessus. Il y a des choses très intéressantes. Mais il a fait un truc dernièrement, avec Jean-Louis Aubert, et je n’ai pas trouvé ça très bon.
Par contre, et je terminerai là-dessus. J’ai vu un film, qui s’appelle Near Death Experience, avec Houellebecq, et je pensais que c’était lui qui l’avait fait, qu’il s’était filmé et tout, parce qu’il n’y a pratiquement que lui de mis en scène dans le film. C’est un mec dépressif, qui vit la crise actuelle et qui va dans les Pyrénées, je crois, et il veut se suicider, et en fait il se passe tellement de choses dans sa journée dans la montagne… Enfin, je ne vous dit pas la suite. Et donc, je pensais que c’était lui qui s’était filmé et en fait, non, ce sont les gars de Groland, Michael Kael (NDLR : Benoît Delépine de son vrai nom) et Gustave Kervern ! Je vous conseille de le regarder les gars ! Moi je l’ai vu par hasard. Ça fait un peu cinéma d’auteur, un peu « caméra sur l’épaule »… Au début, ça part un peu chiant mais comme c’est du Houellebecq, j’ai accroché le truc et, putain, j’ai retrouvé le premier Houellebecq que j’ai aimé, avec son premier bouquin. Et à la fin, le générique, je m’attendais à ne voir que lui, alors que non. Lui n’est que l’interprète et c’est Gustave Kervern et Benoît Delépine qui l’ont fait. Et j’ai pris une claque ! Déjà, j’adore les mecs de Groland, vraiment. Le film Mammuth avec Depardieu, c’est une sommité ! Et là, ils ont réussi à faire quelque chose qui colle à la peau de Houellebecq, au point que j’avais cru que c’était lui qui l’avait fait ! Donc voilà, pour ceux qui aiment Houellebecq, je vous conseille de regarder ça. Ce n’est pas déprimant, en fait. Ça parle d’un mec qui veut en finir et qui se raconte la crise, c’est un soliloque pendant toute la journée, il rencontre deux ou trois paysans du coin avec qui ils font des trucs débiles… C’est surprenant [rires]. C’est un ovni, comme film.
Pour fermer la parenthèse sur Houellebecq, c’est quelqu’un que j’apprécie vraiment, qui est super intelligent, qui est super doué en tant qu’écrivain, qui est une personne très simple, parfois sulfureuse… Mais bon, j’aime bien les gens qui sont diabolisés… J’ai un profond respect pour cet homme. J’espère le revoir prochainement parce que j’ai plein de choses à lui dire encore ! Quand j’aurais lu son bouquin. Car il parait qu’il fait polémique, je ne sais pas, je ne l’ai pas lu, donc je ne peux pas en parler. Le prochain livre que je vais lire, c’est celui-là, pour me faire une idée de ce que Houellebecq a dans le sac en ce moment.
Interview réalisée par téléphone le 20 octobre 2015 par Nicolas Gricourt & Damien Renard.
Retranscription : Nicolas Gricourt.
Introduction : Amaury Blanc.
Photos promo : Eric Canto.
Photos live : Nicolas Gricourt.
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Je crois que nous sommes de plus en plus a nous désintéresser de la politique car si le but est noble, le chemin pour y parvenir est forcément dégueulasse.
Chanter tout haut ce que nous pensons tout bas c’est le combat politique de la majorité silencieuse des votes blancs.
Je verrai bien Mouss faire de la politique, il devrait créer le sien, on en a marre de gauche/droite, faudrait que les gens se réunissent et créent leur propres partis politiques, il n’y a que ça qui pourrait nous faire sortir de l’ornière
Concernant le problème du vote blanc pas assez reconnu, c’est un sujet intéressant. Des chercheurs se spécialisent dans les systèmes de vote et tentent tant bien que mal de se faire entendre. Notre système actuel est tout pourri et bourré de paradoxes, dont justement ce manque de sémantique du vote blanc. Exemple de truc plus rigolo : demander aux gens de noter chaque candidat, puis faire gagner le candidat s’en tirant avec la meilleure médiane (pas la moyenne, car trop biaisée). Ça permet notamment de dire « Hey, ok t’as gagné, mais ne te la pètes pas trop parce que tes notes n’étaient quand même pas terribles. », voire, chose suggérée par les chercheurs et évoquée ici presque en riant, de refaire des élections si tous les candidats sont trop à la ramasse.
Notez que je ne dis pas tout ça pour lancer un débat politique, car c’est casse-gueule et ce n’est pas trop l’endroit pour ça. Mais voilà : il est légitime de s’interroger sur la validité de notre système de vote comme le fait ce groupe, et nombreux sont ceux qui considèrent que cette histoire de majorité absolue est tout sauf démocratique (j’attire votre attention notamment sur le risque de victoire d’un parti quand les autres se partagent des voix en se tapant dessus sur les mêmes terres, alors que le parti qui l’emporte peut être détesté par les partisans des autres).
… À chaque fois que j’veux écrire un truc court, ça donne ça (↑)… Désolée. o( ^_^?)o
Belle itw !
Intéressant ce que dit Mouss sur la violence sociale et la violence physique.
Par contre, quand il reproche aux Enfoirés de ne pas arrêter pour mener le combat sur le terrain politique tout en disant que lui-même ne veut pas faire de politique, il n’y aurait pas une contradiction ?