Une confirmation. C’est ce que nous étions venus chercher au Ninkasi Kao vendredi 9 novembre dernier. Mass Hysteria avait déjà frappé fort en studio avec un retour musclé aux bases du groupe, une évolution sonnant comme une évidence, écartant tout le superflu, et ayant rencontré un franc succès.
Ce que d’aucuns aiment chez Rammstein, on peut aussi l’aimer chez Mass Hysteria. Mass, c’est la combinaison parfaite entre la puissance de riffs metal immédiats et l’effet corporel et de transe que peut provoquer le côté déshumanisé et répétitif de la musique industrielle.
Autrement dit, nous savions ce que nous allions voir, d’autant plus qu’une réputation d’excellent groupe de scène précède Mass Hysteria.
Quand, à la base, on s’attend déjà à quelque chose d’exceptionnel, est-il possible d’être encore surpris ?
Artistes : Mass Hysteria – Mon Côté Cocker
Date : 9 novembre 2012
Salle : Ninkasi Kao
Ville : Lyon
Trois groupes étaient prévus à l’affiche, mais seul deux se sont produits, Fumuj ayant annoncé quatre jours auparavant sur sa page Facebook l’annulation de son set d’ouverture pour « problème d’incompatibilité technique indépendant de notre volonté ». Le groupe publiant ensuite, suite aux réactions étonnées, incrédules, voire de colère, par commentaire : « Le lieu ne disposait pas de suffisamment d’espace pour accueillir trois groupes et autant de matériel et permettre de faire un concert dans de bonnes conditions. Plutôt que de venir à Lyon proposer au public un concert de mauvaise qualité dans ces conditions, aussi bien pour nous, que les autres groupes, nous avons choisi d’annuler le concert. Ce n’est que partie remise, il n’y a donc pas à tirer de conclusions hâtives au sujet de Mass Hysteria ou de l’organisation. » Une bien étonnante (quoique) raison pour annuler un show quatre jours seulement avant la date.
Lors du set de Mass, Mouss détendra l’atmosphère en disant : « Oh, Fumuj, je sais pas trop, on a appris aujourd’hui qu’ils jouaient pas, on a fait ‘Ha bon' », puis en rappelant : « Mais tout ça, ça n’est pas grave, ça n’est pas une raison pour ne pas les soutenir, vous n’avez pas besoin de nous pour aller les voir en concert ! ».
C’est donc à Mon Côté Cocker d’échauffer un public pour un groupe qui n’en a pas vraiment besoin, nous y reviendrons. Le groupe mélange rock, grunge, pop et punk, avec parfois même quelques vocaux très éraillés. Le résultat est plaisant. Les mélodies sont accrocheuses et l’énergie est là. Face à un Ninkasi bourré à craquer, le groupe, notamment le chanteur qui évite le regard d’un public au départ assez calme, paraît légèrement crispé. Mais il est aussi une entité très soudée qui se soutient et s’encourage du regard constamment. Une solidarité très plaisante à observer, tout comme le plaisir que le groupe finit par prendre au fur et à mesure que le concert avance, que la crispation disparaît et que l’audience se réveille. Le final du groupe, reprenant « Shout » des Tears For Fears est très réussi, créant une ambiance festive idéale pour enchaîner avec Mass Hysteria.
Nous savions exactement quelle type d’ambiance Mass Hysteria était capable de créer sur scène, quelque part à la croisée entre l’hypnotisme et l’hystérie. Un lâcher-prise complet, presque animal, où l’on sent que, « bercé » par la musique, mais aussi par l’effet de groupe, on pourrait se laisser aller à n’importe quoi. Mass Hysteria porte définitivement bien son nom, puisque le groupe s’est donné pour nom la réaction qu’il était capable de générer sur une foule. A observer depuis le balcon du Ninkasi Kao, ce public était particulièrement réjouissant et presque effrayant par moments, tant tout semblait ne plus avoir d’importance. Ce n’est pas une somme d’individus qui saute en même temps, c’est une foule compacte qui saute, headbangue au rythme de la musique. Plus que ça, c’est une foule et un groupe. Mass Hysteria ne fait qu’un avec son public. Les spectateurs montent sur la scène pour se rejeter dans le public. Les filles se dandinent sous et sur la scène, parfois en se collant aux musiciens de très, très près. Deux demoiselles, en particulier, ont squatté la scène pour une bonne partie de la soirée, l’une montrant brièvement sa poitrine et les deux se retrouvant pour un langoureux roulage de pelle sous les sifflets de mâles surchauffés – non, nous ne confondons pas avec un show de Steel Panther !
Le très bon jeu de scène du groupe (on en reparle plus bas) en devient presque accessoire tant il fait déjà preuve d’une présence énorme. En soi, l’idéale combinaison (« Contraddiction », « Donnez Vous La Peine » ou le traditionnel morceau de fin, « Furia ») entre metal et indus et le chant de Mouss, quelque part entre mélodie, hargne, slam et le flow d’un rappeur, rend fou le public. « L’Archipel Des Pensées », issu de l’album Failles de 2009, titre répétitif et dans le même temps garni d’un riff quasi stoner, est la parfaite illustration de ce savant dosage. De temps à autres, le groupe fait pencher la balance de ses deux facettes prédominantes d’un côté ou d’un autre ; voire au-delà comme sur le tube « Respect To The Dancefloor ». Ce titre, sorte de pastiche disco à la sauce Mass Hysteria, volontairement kitsch, à la rythmique dansante et au chant affublé d’un surplus de réverb’ afin de créer une ambiance de boîte de nuit, aura vu Mouss inviter l’audience féminine à monter sur scène pour danser. Un Mouss qui s’amuse à se trémousser façon ‘Fièvre du Samedi Soir’ au milieu de l’assemblée ainsi constituée. A l’issue de ce moment mémorable, Mouss les remerciera en leur faisant la bise à toutes sans exception. Mais là où le groupe est plus convaincant encore, c’est dans un registre plus purement metal, avec des titres qui pousse l’audience à lâcher prise, tels que « Tout Doit Disparaître », « World On Fire », « Même Si J’explose », « L’Homme s’Entête » ou le très rapide « P4 ». Le dernier album, L’Armée Des Ombres, très représenté ce soir, semble accepté et même déjà intégré par le public et passe bien le cap de la scène.
La musique du groupe aurait largement suffi pour générer cet état de transe et d’énergie pure. Mais cela n’a pas empêché Mass Hysteria de se donner et de produire un excellent jeu de scène. Toute l’équipe déambule sur scène comme s’ils se sentaient chez eux. Les deux guitaristes, Yann et Nicolas s’approchent tête baissée au plus près de la foule alors que Mouss s’accroupit régulièrement pour chanter directement à la face des premiers rangs. Mass Hysteria est un bon groupe de bad boys à l’ancienne, tatoués, fringués comme bon leur semble et qui, simplement, bougent, picolent et suent le plus possible. Les trois membres précités et même Alexis, manager du groupe (qui avait participé à la fête quelques minutes plus tôt en accompagnant le batteur Raphaël par quelques motifs joués sur la charley) n’hésitent pas à se jeter – et ce à plusieurs reprises – dans le public pour slammer tout en continuant à jouer ou chanter. Un public d’ailleurs respectueux qui leur permet rapidement de remonter sur scène. Vincent, le bassiste récemment arrivé, est débordant d’énergie, secoue sa couenne comme un diable et se montre à l’aise et intégré comme s’il avait toujours fait partie du groupe. Raphaël, le batteur, joue tête baissée et de manière musclée, et se lève régulièrement pour féliciter le public et hurler sa rage de vaincre et sa satisfaction. Mention spéciale à son jeu particulièrement mature, qui va à l’essentiel avec efficacité et groove en ne s’autorisant des breaks que lorsque c’est nécessaire. A ce titre, soulignons également la parfaite mise en place du groupe, une vraie performance vu le foutoir organisé sur scène !
Pour terminer, Mouss est un frontman peu commun. Ses prises de paroles peuvent être très franchouillardes – comme lorsqu’il interagit directement avec le public – ou très incantatoires – comme lorsqu’il récite presque comme un slogan des paroles entre les titres. Dans les deux cas, ses prises de paroles sont fédératrices et acclamées comme celles d’un chef d’État charismatique. L’homme paraît à la fois très accessible et complètement possédé. Mention spéciale (eh oui, on en distribue !) à ses intenses et autoritaires regards lancés au public en dessinant des doigts un sourire sur son visage, tel un gourou qui ordonnerait à sa secte de le suivre dans on ne sait quelle danse obscure ou, plus concrètement, à s’adonner à cet impressionnant « wall of death » dont l’impact a semé le chaos le plus total dans la fosse.
Et en l’occurrence, en cette soirée du 9 novembre, le public lyonnais aurait suivi Mass Hysteria n’importe où. Un groupe qui d’ailleurs ne paraissait pas s’attendre à une telle folie dans l’accueil qui lui a été réservé. Mouss n’a cessé de répéter, sans l’ombre d’une hypocrisie, qu’il s’agissait « déjà de la meilleure date de la tournée » ou bien s’interrogeait : « Pourquoi est-ce toujours les meilleures dates que l’on oublie de filmer ?! » ; ou encore s’exclamait : « Mais en réalité, c’est vous qui faites le show ! On va devoir vous rembourser les billets ! »
Un concert qui a parfaitement répondu à nos attentes, en les dépassant très largement. Nous attendions une confirmation. Nous avons eu bien plus. « Une heure et demie de Furia », pour reprendre les termes de Mouss en référence au titre qui clôture en apothéose les concerts du groupe, soit une heure et demie de pulsion à l’état pur.
Setlist :
Positif A Bloc
Tout Doit Disparaître
World On Fire
Babylone
Une Somme De Détails
Echec
Attracteur Etrange
Aimable A Souhait
Sur La Brèche
Donnez-vous La Peine
Knowledge Is Power
Mass Protect
L’Homme S’Entête
Vertige Des Mondes
Pulsion
L’Archipel Des Pensées
Même Si J’Explose
Rappels :
Contraddiction
P4
Respect To The Dancefloor
Furia
Article co-écrit par Metal’O Phil et Spaceman
Photos : Nicolas « Spaceman » Gricourt
A voir également :
Galerie photos du set de Mass Hysteria
Galerie photos du set de Mon Côté Cocker
Hello, je suis le batteur de mon coté cocker, merci beaucoup pour la chronique et les photos, en plus vous n’avez pas l’air d’avoir détesté et ça c’est coool 🙂
Bien joué, vous nous avez parfaitement « lus » : c’est vrai qu’on était un peu stressés au début parce qu’on a pas l’habitude de jouer dans des salles comme le kao plein a craquer et que mine de rien c’est vachement intimidant mais on s’est détendus après quelques titres et au final on a bien kiffé.
Merci encore!
Ricky.
Mass hysteria sont des bêtes de scène reconnues, et ce concert est venu confirmer avec des « poings » sur les i cet état de choses.