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Interview   

Mass Hysteria : furieux sous pression


Dix albums et trente ans de « furia ». Même s’ils cherchent toujours « le bien-être et la paix » auxquels ils aspiraient en sortant leur premier album en 1997 et qu’il a pu y avoir des coups de mou, les Mass Hysteria tiennent le coup et continuent à monter la pente sur laquelle ils se sont engagés depuis – au moins – L’Armée Des Ombres. Après la tournée historique du Gros 4, le combo parisien, qui mêle les genres de façon toujours aussi unique, a choisi de marquer le coup avec Tenace, un album de pas moins de quatorze morceaux qu’ils ont décidé de dévoiler en deux parties. Au premier chapitre, particulièrement sombre et dramatique, qui sort fin mai répondra un second, plus lumineux, à l’automne.

Attendez-vous, musicalement, à du gros riff, mais aussi à des expérimentations surprenantes, et sur le plan des textes, à des mots plus enragés que jamais sur le monde, la société, la politique, mais pas seulement : Mass Hysteria est aussi là pour galvaniser, tenir le coup, être tenace, en somme. Nous avons discuté de tout ça, deux heures durant, avec le guitariste, compositeur et tenant de la « vision » Yann Heurtaux et celui qui jongle avec les mots et les sentiments Mouss Kelai.

« Personnellement, je suis un très gros consommateur de musique et je m’aperçois que maintenant, tu as tellement de sorties que même moi qui avant écoutais les albums en entier, j’ai du mal à suivre. »

Radio Metal : Vous vous êtes lancés dans la tournée du Gros 4 en mars l’année dernière. C’était une tournée assez unique. Quel bilan en tirez-vous ?

Yann Heurtaux (guitare) : Franchement, le bilan est ultra positif ! Déjà, en termes de population des salles, c’était assez fou de voir tous ces gens, tous les soirs, venir nous voir, et puis il y avait surtout l’ambiance avec les autres groupes. Ça s’est ultra bien passé. J’ai vraiment un super souvenir de ce Gros 4, c’était vraiment cool. En plus, c’est un projet qui datait d’il y a très longtemps et qu’à l’époque, nous n’avions pas réussi à mettre en place. Là, ça s’est fait et c’était génial, super organisation.

Mouss Kelai (chant) : C’est Rage Tour, donc Tagada Jones, qui avait pris en main un peu toute l’organisation. Avec les quatre groupes, les techniciens, tous les bénévoles qui nous suivaient, les gens du merchandising, c’était vraiment une grosse orga ! Mais on connaît leur efficacité à ce niveau-là, donc c’était mortel. Nous n’avions jamais vécu une espèce de show itinérant comme ça avec toujours la même affiche, comme un Big 4, d’où le clin d’œil évidemment. Vivre à quatre groupes H24, sur quatre ou cinq jours, avec trois ou deux dates à chaque fois, nous nous demandions comment ça allait se faire. Il n’y avait pas de souci, je n’étais pas inquiet, mais non seulement ça s’est bien passé, mais comme le dit Yann, ça s’est vraiment super bien passé, à tel point que nous avons commencé à parler à la fin des dates : « Pourquoi on n’essaierait pas d’exporter le projet ? » Nous pensions aux Francofolies de Montréal ou à peut-être même une date en Suisse, au Paléo Festival. Nous avons commencé à nous projeter. Il n’y a rien du tout de fait, c’est juste que je te fais une confidence pour te dire à quel point nous étions tellement motivés, tellement contents du déroulement de ce projet, que nous nous sommes dit qu’il ne fallait pas que nous nous arrêtions là. Nous avons commencé à parler entre deux verres après le dernier concert et à faire des plans sur la comète. Donc oui, Gros 4 a été un gros succès. A refaire et à pérenniser.

Peu de temps après le début de la tournée, il y a eu ces accusations d’agression sexuelle qui ont été portées à l’encontre de Kemar, poussant No One Is Innocent à retirer de la tournée. Comment avez-vous vécu ça de votre côté ? J’imagine que ça a entaché la fête…

Yann : Ces histoires, c’est toujours compliqué, parce que tu ne sais pas trop où te placer. Nous laissons la justice travailler. Maintenant, effectivement, dès qu’il y a un sujet comme ça, c’est épineux. Du coup, plus personne ne voulait de No One nulle part. Je ne sais pas trop où ça en est…

Mouss : Je vais te dire où ça en est, Yann : il n’y a plus rien du tout ! A l’époque, évidemment, ça nous a embêtés. Nous étions pour que No One continue l’histoire, parce qu’il y a la présomption d’innocence. Et puis c’était quand même un petit groupuscule d’énervés qui ont lancé des accusations un peu à tort et à travers. Il y a eu plein de groupes qui ont été touchés. Maintenant, disons que tout ça a fait pschitt. La plupart des gens que nous connaissons se sont munis d’un avocat et ont porté plainte pour diffamation, et tout s’est calmé. Sans savoir [ce qui s’était passé], j’avais dit que j’étais pour que No One continue et qu’on attende la décision de justice. Point barre. Nous avons discuté avec des gars qui nous ont raconté les faits et qui nous ont dit qu’en même temps, on ne pouvait pas le prouver. Nous attendions donc la justice, No One s’est retiré, et il y a quelques mois, l’histoire a été classée. C’était beaucoup de bruit pour rien, mais après, il ne faut pas que ça entache le combat des vraies victimes. Je ne suis pas du tout en train de décrédibiliser une parole, mais il faut faire attention. C’est surtout dommage, justement, pour les vraies victimes. Déjà, le système judiciaire ou pénal français est encombré de tellement d’histoires, c’est tellement difficile d’aller jusqu’au bout d’une plainte, alors que s’il n’y a presque rien dans la plainte, ça encombre les tribunaux et ça dessert les vraies histoires, avec des vraies plaintes, avec des vraies victimes et des cas graves. C’est comme ça, c’est le monde aujourd’hui, ultra connecté. D’une petite rumeur ou d’un je ne sais pas quoi, on peut en faire tout un pataquès, ça monte, ça monte, ça monte… En fait, personne ne sait rien et ça buzze, parce que la victime présumée n’en dit trop rien et que l’accusé se tait complètement. Ça a été chiant, mais nous ne nous laisserons plus avoir comme ça. En tout cas, nous n’avons jamais rien eu, mais maintenant, si ça nous arrivait, dans notre entourage, il faudrait directement appeler les avocats.

« Quand je regarde les live de tous ces groupes de trap de Los Angeles, comme City Morgue, Suicideboys ou même Pouya, j’ai qu’une envie, c’est d’aller leur foutre des guitares sur leur truc ! »

Le problème aujourd’hui est que ça a été classé sans suite pour faute de preuve, du coup ça laisse un doute qui plane d’un côté comme de l’autre. Je ne sais pas où en est Kemar aujourd’hui, mais il y a quand même trois des membres qui sont partis…

Ça a fait du mal au groupe. Je ne sais pas s’ils vont repartir comme ils étaient avant ce problème, alors que maintenant ça a été classé sans suite. Le mal est fait. Je n’ai pas encore eu Kemar au téléphone, nous ne l’avons pas encore rencontré depuis que nous avons su que l’affaire était classée, mais je ne sais pas comment No One va continuer. Je sais que le groupe va continuer, mais je ne sais pas dans quelle mesure et avec quel line-up, si ce sera le même, ou à moitié, je n’en ai aucune idée. Mais j’espère que l’aventure va continuer. Je pense que Kemar a prouvé depuis tout ce temps qu’il tenait la boutique, qu’il emmenait son projet à peu près là où il voulait l’emmener. En tout cas, je souhaite que No One revienne.

Vous sortez aujourd’hui Tenace – part 1. La seconde moitié paraîtra à l’automne. C’est une première pour Mass Hysteria de diviser et sortir un album en deux parties. Aujourd’hui, on voit pas mal de groupes opter pour le format EP voire single indépendant. Le groupe de metal progressif Between The Buried And Me avait d’ailleurs fait comme vous. Généralement, l’un des arguments qui ressort, c’est le mode de consommation du public qui a évolué et sa capacité de concentration qui a diminué. Est-ce aussi votre argument ou bien c’est une démarche artistique qui vous a motivés ?

Yann : Il y a de tout. Personnellement, je suis un très gros consommateur de musique et je m’aperçois que maintenant, tu as tellement de sorties – tous les vendredis, tu as mille trucs qui sortent – que même moi qui avant écoutais les albums en entier, j’ai du mal à suivre. Au départ, nous voulions sortir dix titres, et puis nous n’avons pas arrêté de composer et nous nous sommes finalement retrouvés avec quatorze titres. Dans ces quatorze titre, nous ne voulions pas que certains passent à la trappe. Nous aimions les quatorze titres, mais nous nous sommes dit que pour un album, c’était hyper long. Tu peux être sûr que les gens – pas tous, mais une grande majorité – vont écouter les cinq premiers sur Spotify et que tout le reste va passer à la trappe, donc ça nous a un petit peu saoulés. En plus de ça, nous sommes partis sur un projet artistique au niveau de la pochette où il y avait vraiment beaucoup d’éléments. Nous nous sommes dit qu’avec tous les éléments visuels que nous avions et les quatorze morceaux, nous n’avions pas envie que certains morceaux passent à la trappe, donc, même si c’était un peu risqué, autant sortir ça en deux albums. Et puis, c’est notre dixième album, nous avions envie de faire un truc un peu spécial. Il y a plein de raisons, donc le tout cumulé, la consommation des gens, plus l’idée du visuel que nous avions, plus le fait que nous avions quatorze morceaux, a fait que nous nous sommes dit que faire deux fois sept titres, ça allait être mortel pour que les gens restent concentrés. Ça nous permet aussi de tourner plus longtemps [rires].

Mouss : Il faut savoir que c’est vraiment venu pendant l’enregistrement quand nous étions à l’ICP à Bruxelles. En voyant les morceaux arriver et comment ça allait sonner, dans les quatorze titres, il n’y en avait pas un à jeter. Nous ne pouvions pas en choisir que dix et en laisser quatre pour faire des inédits ou je ne sais quoi d’autre, en donner à des magazines – c’est bien aussi – comme nous l’avons déjà fait. Bref, quand c’est arrivé, nous nous sommes demandé ce que nous allions faire avec ces quatorze titres, est-ce qu’il fallait tous les garder ou faire un album de seulement dix morceaux ? Je ne sais pas exactement comment est venue l’histoire de scinder l’album en deux, en faisant deux fois sept titres, mais personnellement, je n’étais pas super convaincu, mais les autres étaient hyper emballés. Yann disait : « Ouais, c’est mortel ! Pour la pochette, on va pouvoir faire deux illustrations, faire une évolution avec le chapitre un, le chapitre deux, et peut-être trouver avec les morceaux un côté obscur, un côté lumineux, un côté bien, un côté mal. » Il y avait toute cette idée de dualité avec deux chapitres. Tout le monde s’est emballé et quelques jours après, j’étais convaincu. Ça soulevait aussi des questions sur la façon dont les fans allaient prendre ça, parce que je ne sais pas combien va coûter le sept titres, mais je crois que ce sera onze ou douze euros. Nous mettons vraiment beaucoup d’amour dans cet album, autant dans le fond que dans la forme, dans le visuel, la musique et les paroles. Nous n’avons pas toujours été un groupe de clips vidéo – nous avons été assez irréguliers dans la qualité de certains clips vidéo – mais il y a plein de choses qui se sont mises en place autour de nous via des connexions avec Yann et Fred [Duquesne], notre deuxième guitariste. Nous allons avoir encore deux autres clips vidéo.

Yann : Effectivement, nous avons plein d’idées, plein de choses qui se mettent en place autour de cet album. C’est plutôt cool ! Nous n’avons jamais été aussi productifs et épaulés par un label.

Mouss : Oui, on va remercier mille fois Verycords et même notre manageur Mehdi [El Jaï] qui est reboosté. A chaque album, il monte d’un niveau dans sa tête. Pas que nous soyons obligés de le calmer parfois, mais presque ! Il a des visions, comme Yann. Moi, par contre, je suis un diesel. Je comprends, mais il faut m’expliquer longtemps, prendre son temps, pas voir trop loin, mais il faut des gens visionnaires comme ça. Le fait que nous fassions cet album en deux fois, ce n’est pas du marketing pour faire du marketing. Ça s’est un peu imposé et nous avons travaillé l’histoire avec deux chapitres. Il y aura trois clips vidéo qui vont être faits – il y en a déjà un qui est sorti avec « Mass Veritas » et deux autres sont en préparation. Il y en aura peut-être encore d’autres qui seront en préparation pour le deuxième chapitre. Nous n’avons jamais été aussi productifs pour un album, mais nous voulions marquer le coup pour le dixième. Nous sommes bien contents ! Et nous n’avons pas encore parlé de la scène et de la tournée, car nous avons des surprises aussi.

« Tout ce qui était musique un peu extrême et violente, que ce soit dans le rap, le metal, le punk ou autre chose, ça nous faisait vibrer, et ça nous fait encore vibrer aujourd’hui. »

Est-ce qu’il n’y avait pas aussi une envie de renouer avec un format proche de l’âge d’or du vinyle voire avec des classiques d’un groupe comme Slayer – Reign In Blood fait vingt-neuf minutes, par exemple ?

Yann : Oui, évidemment, c’est un truc auquel nous avons pensé. C’est très personnel, mais en voyant qu’il y a plusieurs pochettes avec des couleurs de vinyle différentes, plusieurs supports, plusieurs visuels, etc., je suis hyper fan de construire tout ça. Je trouve ça génial, vu que je suis un gros collectionneur de vinyles. Comme disait Mouss, il n’y a vraiment rien de marketing derrière, parce que franchement, aujourd’hui les gens vont plus sur Spotify qu’aller acheter des disques. Je suis hyper excité de construire tout ça, et que ces objets restent – il y aura Tenace 1, Tenace 2 et certainement un vinyle qui regroupera les deux. C’est vraiment cool

Mouss : Surtout, quand il y a une belle pochette, en format vinyle, tu la prends encore plus dans la gueule ! Quand tu regardais sur l’écran d’ordinateur pour voir le projet, à chaque fois, quand c’est réduit au format CD, c’est toujours un peu frustrant. Nous sommes bien contents que la mode du vinyle soit revenue, parce que c’est le vrai format de pochettes. Tu peux même l’exposer chez toi dans des cadres exprès. Il y a des pochettes qui sont cultes ! Mass Hysteria, via Yann – parce que c’est quand même lui qui est à la base de toutes nos pochettes depuis le début –, nous avons toujours eu envie de faire de belles pochettes. Il faut que la musique autant que la pochette soient chiadées. Nous avons toujours voulu que le fond et la forme soient complémentaires. Ça nous aurait coûté moins cher si nous étions un groupe qui se foutait complètement des pochettes. Nous n’aurions même plus de CD ! Nous ne chercherions même plus à vendre en format physique. Nous aurions été direct sur Spotify ou sur les autres plateformes où tu peux vendre en numérique. Pour les groupes qui n’en ont rien à foutre des pochettes, tu économises beaucoup d’argent à ne pas en faire, à ne pas distribuer l’album dans les magasins, etc. Nous, nous sommes classiques, nous sommes de la vieille école, nous voulons faire un CD, nous voulons faire une belle pochette, nous voulons mettre les paroles à chaque fois à l’intérieur, nos remerciements, etc., maintenant le format vinyle et peut-être même le format cassette, on ne sait pas ! C’est pour pousser le truc.

Yann : Bien sûr qu’il y aura des cassettes !

Mass : Alors que, je suis sûr, il n’y aura pas beaucoup de gens qui achèteront la cassette et deux personnes sur trois, ce ne sera même pas pour l’écouter ! C’est vraiment pour l’objet en lui-même. Il y a des gens qui n’ouvrent même pas les vinyles, ils n’enlèvent même pas le cellophane autour. C’est quand même un peu étrange, mais c’est comme ça. Moi, j’écoute quand même les vinyles…

La pochette est très blanche pour un album plutôt sombre. Est-ce qu’on peut s’attendre à un rapport inversé pour la deuxième partie : une pochette noire pour un album lumineux ?

Yann : Non, tout restera dans les mêmes tons. Après, effectivement, il y a le côté sombre et le côté lumineux. Le côté sombre est plutôt dans la partie une et c’est plus lumineux dans la deux. Il y a vraiment le bien et le mal dans cet album. Tout le thème artistique restera sur ce blanc cassé. Il y a d’autres personnages dans Tenace 2 qui seront bientôt dévoilés. Après, j’aime bien aussi que les gens écrivent leur propre histoire des visuels que je peux amener.

D’emblée, l’album surprend par le son de synthé qui ouvre l’album, et de façon générale, l’électronique y prend une place prépondérante. Est-ce que l’expérimentation sonore et celle sur les atmosphères ont été au cœur de la conception de ce disque ?

Déjà, ça fait vingt-sept ans que Mass Hysteria existe et ça fait vingt-sept ans qu’il y a des machines dans nos albums, et même à l’époque de Contraddiction, les machines étaient assez prépondérantes sur la musique. Nous avons toujours trouvé le bon mix pour que les deux se marient super bien. Aujourd’hui, sur Tenace, je ne sais pas comment l’expliquer, mais oui, les machines ressortent peut-être plus que sur les albums précédents – bien que, je le répète, il y ait toujours eu des machines sur Mass. Nous avons collaboré avec Julien [Lignon] qui travaille beaucoup dans le hip-hop ; il y a toujours Olivier [Coursier] qui travaille avec nous, mais cette fois, les machines demandaient à être vraiment devant – enfin, ça se marie bien. Il y a des synthés et autres éléments qui demandaient à ce que ça redevienne un petit peu comme sur notre album Contraddiction où les machines étaient un petit peu prédominantes, donc nous l’avons fait. Quand tu écoutes bien tout, il y a des morceaux ou c’est moins et d’autres où c’est plus. Ça a été bien calculé et bien travaillé.

« Fréhel, c’est un choix vraiment fou. C’est un peu la Bad Brains de la chanson française : ceux dont on parle le moins, mais dont tout le monde s’inspire. »

Mouss : Je ne sais pas, Yann, mais je trouve qu’il y a une dimension supplémentaire dans cet album au niveau des machines. Peut-être parce que tu as beaucoup plus travaillé avec Julien et que Julien a une autre façon de travailler les machines, et peut-être que ça se marie avec toi et ça va plus vite. Parce que ça demande du temps…

Yann : Je ne sais pas comment l’expliquer, mais nous avons une façon de travailler depuis vingt-sept ans avec les machines et depuis trois, quatre, cinq albums – même plus que ça – avec Olivier, qui fait qu’il y avait une certaine routine. J’allais avec lui, je lui disais ce que je voulais et lui, après, il travaillait un peu de son côté. Pour le dixième album, j’avais envie que tout soit parfait, donc je n’ai pas laissé travailler les gens de leur côté. Je suis resté tout du long. Ça a été très méticuleux, à vouloir tel et tel son, telle ambiance, à se prendre la tête vraiment à fond sur chaque moment, sur chaque passage, sur chaque ambiance. C’est peut-être ça qu’on ressent, c’est qu’il y a eu beaucoup plus de travail sur les machines. Enfin, pas beaucoup plus parce qu’il y a eu énormément de travail sur les machines sur les autres, mais là j’ai pris plus de temps. Je voulais que ce soit parfait.

Mouss : Je sais que quand tu es arrivé avec le morceau « Tenace », ça faisait Stranger Things de ouf ! Et puis nous, les années 80, c’est notre adolescence. Je suis bien content que nous nous amusions un peu avec ces vieux sons de synthé, sans trop nous prendre au sérieux, mais en le faisant professionnellement quand même. Nous ne nous prenons pas au sérieux, mais nous sommes professionnels. Nous nous donnons vraiment pour faire notre musique et j’espère que ça s’entend. En tout cas, sur les machines, Yann, je voulais te dire que je trouve qu’il y a quelque chose en plus, un je ne sais quoi qu’il n’y avait pas sur les autres. Pas que ce soit mieux, pas que ce soit moins bien, mais c’est autre chose.

Yann : Oui, je l’entends aussi, mais je ne saurais pas vraiment l’expliquer.

Je parlais d’expérimentation : on retrouve une influence trap très claire sur « Mass Veritas » ou dans l’intro de « L’Art Des Tranchées ». Est-ce le signe que vous avez pas mal écouté de musique urbaine, de la trap notamment, dernièrement ?

Nous en avons toujours écouté, depuis que nous nous connaissons. En fait, la musique de Mass vient de toutes ces influences. Mouss et moi, par exemple, nous écoutons beaucoup de hip-hop. Toute la nouvelle scène de Los Angeles qui arrive, les City Morgue, les Suicideboys, etc. qui sont très influencés par les années fin 90, ça nous influence beaucoup. Quand je regarde les live de ces groupes – City Morgue, Suicideboys ou même Pouya, tous ces groupes de trap de Los Angeles –, je n’ai qu’une envie, c’est d’aller leur foutre des guitares sur leur truc ! D’ailleurs, ils en mettent eux maintenant, et je trouve ça moins bien. Eux devraient rester à faire du hip-hop, parce que quand ils mettent des guitares, ce n’est pas terrible. Mais effectivement, nous avons une grosse influence là-dessus. D’ailleurs, sur notre album d’avant, « Arômes Complexes », c’est déjà très trap, mais là, nous avons poussé un peu le truc.

Mouss : En 2001, c’était sur De Cercle En Cercle où il y avait La Brigade sur un morceau. En termes de musique urbaine, quand on était dans les années 80 et 90, on était tous dans les mêmes bars : les rastas, les metalleux, les hardcoreux, les punks à chien, les poppeux… Tout ça se retrouvait et c’était une fine équipe. Même dans les studios de répétition, nous étions au Liberty à l’époque, à Porte de Montreuil, il y avait une tendance un peu rock-metal, mais après, il y avait des gothiques, il y avait des punk de base… Nous avons toujours traîné avec toutes sortes de gens. Ce n’est pas que nous écoutons forcément de la musique urbaine, c’est que nous écoutons ce que nous écoutions déjà il y a trente ans, à savoir dans le rap, le metal, le keupon… Nous allons bientôt jouer avec The Exploited, par exemple, on sort complètement du rap et on est dans un autre extrême, mais nous adorons toutes ces musiques-là, parce qu’elles nous ont bercés quand nous avions entre quinze et vingt ans, qui est le moment où on commence à se forger. Souvent, c’était la musique hardcore. Tout ce qui était musique un peu extrême et violente, que ce soit dans le rap, le metal, le punk ou autre chose, ça nous faisait vibrer, et ça nous fait encore vibrer aujourd’hui. Maintenant, j’écoute un peu moins de rap qu’avant, mais je me mets toujours à la page avec Yann qui me ramène souvent des monceaux de groupes que j’écoute au compte-gouttes. Bref, nous sommes imbibés par toute cette musique, pas forcément urbaine, mais celle qui nous a fait vibrer quand nous avions vingt ans.

« Quand je suis rentré dans Mass Hysteria en 1995, je n’écoutais que du death ! Je ne voulais rien écouter d’autre. Je ne suis même pas allé voir Pantera tellement je trouvais ça naze à l’époque. Le fait de les rencontrer m’a ouvert à plein de choses. »

Encore plus expérimental et surprenant, le mashup sur la base de « Où Sont Tous Mes Amants » interprétée par Fréhel dans le « Le Grand Réveil ». Ça peut faire penser à des expérimentations que peut faire un groupe comme Rammstein. Comment en êtes-vous venus à cet exercice plutôt original ?

Yann : Ça faisait longtemps que j’avais l’idée. Je crois même que je l’avais déjà sur l’album d’avant, mais je ne sais pas, je n’avais pas réussi…

Mouss : Nous avions mis un accordéon sur l’album d’avant, il y a un truc un peu musette, un peu franchouillard – dans le bon sens du terme.

Yann : Oui. J’ai eu envie de vraiment mélanger les deux. Je suis aussi un gros fan de chanson française et Fréhel, à cause de son vécu, à cause de tout, je trouvais que ça collait vraiment bien avec ce que j’avais en tête, très français. Effectivement, Rammstein aurait pu le faire. D’ailleurs, je vais te donner une anecdote, c’est que quand le chanteur a émis l’idée de faire un truc avec Zaz, j’ai eu très peur parce que je me suis dit que ça y était, il allait me piquer mon idée. Surtout que Zaz peut très vite aller dans le Piaf et tout ça. Sauf que ce qu’il a sorti avec Zaz, je trouve que c’est tout pourri. Du coup, nous avons carrément envoyé le refrain de Fréhel et nous avons calé notre musique dessus. Finalement, ça s’est fait assez naturellement. Je suis très fan de ce morceau.

Mouss : Déjà, de Fréhel, je ne connaissais que deux morceaux : celui-ci et « La Java Bleue » – je ne savais pas que c’était d’elle, mais je connaissais. Sachant que ma maman est carrément de cette époque, elle est née en 1933. Quand Yann est arrivé avec ce morceau, avec ce featuring – presque – et qu’il n’est pas venu avec un Edith Piaf… Ça aurait pu être très bien, mais ça aurait été beaucoup plus convenu. Fréhel est l’artiste un peu méconnue des jeunes générations, et même des autres générations comme la mienne, c’est celle qui a vraiment inspiré toute cette chanson française. C’est la petite Parigote qui a inspiré Piaf, elle était même maquée avec Maurice Chevalier… Bon, on ne va pas refaire l’histoire ! Les gens iront chercher. Fréhel, c’est un choix vraiment fou. C’est un peu la Bad Brains de la chanson française : ceux dont on parle le moins, mais dont tout le monde s’inspire. Il y a plein de groupes comme ça, comme Killing Joke aussi, qui ont été précurseurs, tout le monde s’en est inspiré, tout le monde dira « c’est eux qui ont inventé ça », mais ce n’est pas d’eux que tout le monde parle. Fréhel a fait partie de ces artistes. Et comme le disait Yann, la vie de cette fille est folle ! Je vous encourage à aller voir un peu en résumé. De 1935 à 2025, pour faire large, ça fait presque un siècle, quatre-vingt-dix ans. Ma maman n’est plus là, mais direct ça m’a fait penser à elle, à ce qu’elle me racontait de cette époque, etc. J’imagine que toi aussi Yann. C’est un morceau qui me met les frissons. Je suis content que ce ne soit pas Edith Piaf, mais plutôt Fréhel, car c’est vraiment le dur du dur. Déjà la vie de Piaf, c’est dur, mais Fréhel, c’est incroyable, c’est du Zola ! Et même le titre, « Le Grand Réveil », on y est, les gars ! Il est temps de se réveiller. On nous a confinés comme des caveaux en nous forçant à porter un masque dehors alors qu’on ne risquait rien… Il faut vraiment se réveiller. On ne va pas reprendre l’actualité, mais ce morceau est beau et puissant.

J’imagine que vous êtes curieux de voir comment le public metal va le prendre, car il faut une certaine ouverture d’esprit et c’est souvent le genre d’expérimentation qui divise un peu…

Yann : Oui. C’est clair que c’est… Je n’ai pas envie de dire « risqué », parce que je m’en fous un peu. On verra bien comment les gens vont le prendre. Mon rêve serait que les gens le prennent bien, et de voir tout le Hellfest chanter ça ! Ce serait mortel !

Mouss : Je pense que les Français sont un peu chauvins, dans le sens où ils aiment bien qu’on parle de la France. Je pense que ce morceau sera bien accueilli. Comme le disait Yann, j’espère que les gens le chanteront. Ce serait rigolo de voir plein de metalleux chanter ça ! Tu te rends compte ? Des gros metalleux, tatoués de partout, avec des looks improbables, qui chantent Fréhel comme ça, en se tenant, presque comme à la fête de la bière à Munich, je rêve de voir ça ! Après, c’est un rêve, un souhait ou un fantasme, mais j’aimerais aussi voir ce que ça donnerait à l’étranger, parce que nous voulions aussi donner une connotation française à notre musique metal. Les Américains font de la musique avec le drapeau américain partout, des ailes sur leurs t-shirts, les Slayer, les Metallica, etc. Nous, nous ne mettons pas de tour Eiffel, ni de drapeau français, en tout cas, pas autant en exergue qu’eux, mais ce que nous faisons avec ce morceau, c’est un peu une musique tricolore…

« Nous avons remonté la pente, mais nous avons continué à la gravir. Matière Noire est sorti et ça a fait un truc que je n’aurais jamais pensé. J’ai été pris dans ce beau tourbillon, dans ce sentiment d’infini. »

Yann : Effectivement, comme tu disais tout à l’heure, Rammstein qui sont très Allemagne auraient pu le faire. D’ailleurs, ils l’ont fait, mais plutôt dans l’image, dans leurs clips. Nous faisons une musique anglophone parce que nous en avons écouté, mais il n’empêche que nous sommes fiers de nos couleurs et cette chanson en est un bon hommage.

Mouss : Ce que les étrangers aiment de la France, c’est un peu ça aussi, c’est tout ce monde-là – Piaf, Fréhel –, la capitale romantique, la gouaille Titi parisien, etc. Il y a un peu de tout ça dans « Le Grand Réveil », il y a un petit côté clichés historiques ou de l’histoire de Paris, donc de France. C’est plus qu’un drapeau, une baguette, un béret et un fromage : nous l’avons mis en musique. C’est une carte postale. Il y a une notion d’héritage.

C’est donc un morceau qui renvoie à la chanson française traditionnelle, tandis que le procédé du mashup est plutôt hérité du rap/hip-hop, puis on parlait des influences trap sur « Mass Veritas », puis la dernière fois, Yann, on parlait de tes influences death metal et de Slayer, et il y a bien sûr cette couleur industrielle qui reste très présente. Sur le papier, tout ça semble ne pas aller ensemble, et pourtant… Est-ce que c’est ça Mass : un grand assemblage d’« arômes complexes », pour détourner votre propre expression ?

Oui !

Yann : Déjà, le mashup, c’est Eminem qui m’en a complètement décomplexé. C’est vraiment en écoutant les premiers albums d’Eminem, quand il a fait le truc avec Dido ou avec Aerosmith, que je me suis dit que je voulais faire la même chose avec Fréhel. Ça vient de là. Et effectivement, dans Mass, nous écoutons tous des choses différentes. Nous nous rejoignons sur certains styles, mais nous avons un panel énorme de musique. C’est vachement bien. Je les remercie, car quand je suis rentré dans Mass Hysteria en 1995, je n’écoutais que du death ! Je ne voulais rien écouter d’autre. Je ne suis même pas allé voir Pantera tellement je trouvais ça naze à l’époque. Quand je suis rentré Mass, Mouss et Tittoo écoutaient Prong, Helmet, Prodigy, etc. et le fait de les rencontrer m’a ouvert à plein de choses.

Mouss : Tu nous as dépassés depuis ! A l’époque où nous t’avons connu, où tu as rejoint le groupe, tu étais un puriste dans le death. Il faut commencer comme ça, et après, quand tu t’es ouvert, tu as été puriste dans tout. Tu écoutais de tout à fond, y compris des groupes improbables d’Islande, du vénère, du ultra lent, du ultra deep, du ultra joyeux… Et ça se ressent dans les machines.

Je fais un petit détour dans la discussion, mais Yann, tu nous disais la dernière fois que Slayer était ton influence principale – on la retrouve d’ailleurs encore dans l’harmonisation du riff lancinant vers la fin d’« Allegorie Dans La Brume ». Le groupe a pris sa retraite depuis 2019 : qu’est-ce que ça te fait en tant que fan ?

Yann : Je suis allé au dernier concert à Los Angeles. Je peux comprendre qu’ils se soient arrêtés au sommet, mais j’avoue qu’ils me manquent. Il y a deux jours, la femme de Kerry King a posté une photo avec lui – je ne sais pas s’ils se sont mariés ou quoi – et en dessous, il y avait, genre, neuf cents commentaires de mecs qui disaient : « Vas-y, reviens ! » Personnellement, j’aimerais bien qu’on ne les revoie pas, mais c’est vrai que Slayer, ça me manque beaucoup. Après, si ça n’avait tenu qu’à Kerry King, ça aurait continué. C’est Tom Araya qui a arrêté, il en avait marre de tourner. J’étais à Los Angeles quand Kerry King a défait sa chaîne, il l’a jetée par terre, mais tu sentais que ce n’était pas voulu. Tu sentais qu’il jetait la chaîne en disant : « On s’arrête, mais je suis un peu vénère que ça s’arrête. » Pourtant, ils se sont pris dans les bras tous les deux, mais tu sens qu’il y avait quand même une petite tension.

Mouss : C’est son bébé ! Tu imagines, on lui dit que ça s’arrête… Il ne veut pas, je peux le comprendre. Et comme tu le dis, ils s’arrêtent au sommet. On n’aurait pas voulu qu’AC/DC fasse ça il y a vingt ans.

« Pour moi, De Cercle En Cercle et l’album noir ne sont pas de bons souvenirs, j’ai beaucoup de mal à revenir là-dessus et à faire des compos qui peuvent ressembler à ça, mais avec Tenace, j’ai réussi à me dire que ce côté-là, c’est nous aussi, et qu’aujourd’hui, nous sommes tout à fait aptes à l’assumer. »

La retraite est le sujet qui est dans le feu de l’actu. Vous êtes encore jeunes, mais songez-vous à votre propre retraite ou êtes-vous plutôt comme Lemmy, à vouloir quasiment mourir sur scène ?

Yann : Mouss n’est peut-être pas comme moi, mais aujourd’hui, si tu me dis que nous en avons encore pour dix ans, je signe. Je n’ai pas cette idée d’arrêt en tête, en me disant qu’il y en a marre, etc. Quand je vois les huit premières dates de la tournée que nous venons de commencer, j’ai l’impression que c’est encore mieux qu’avant, que le public est encore plus présent, que c’est encore plus gros, que nous avons toujours envie d’aller plus loin, etc. Ce dixième album, j’en suis hyper fier. Nous nous étions toujours dit que si nous faisions dix albums, ce serait chanmé, et là, nous y sommes. S’il y en a onze ou douze, je signe !

Mouss : Personnellement, j’ai eu l’envie à un moment donné, à l’époque de Matière Noire, d’arrêter. Je venais de perdre mes parents. Et peut-être que je me disais aussi qu’il fallait arrêter, non pas au sommet comme pour Tom Araya, mais en tout cas, quand tu n’es pas dans une phase descendante où tu commences à rejouer dans des petits clubs. J’avais envie d’arrêter à un moment où j’étais fier de ce que j’avais fait. Ça m’a duré six mois. Nous sommes repartis en tournée et j’ai vite oublié. Nous avons refait un autre album et nous en refaisons encore un maintenant. J’ai donc eu ce moment-là, mais je ne l’ai plus eu après, parce que je me suis laissé emporter et nous sommes repartis de plus belle, comme je n’aurais jamais pu l’imaginer. Nous sortions d’une période super dure, et je me disais que nous avions bien remonté la pente et que c’était peut-être à ce moment-là qu’il fallait arrêter. Nous avons remonté la pente, mais nous avons continué à la gravir. Matière Noire est sorti et ça a fait un truc que je n’aurais jamais pensé. J’ai été pris dans ce beau tourbillon, dans ce sentiment d’infini. Comme le dit Yann, je suis prêt à resigner pour dix piges !

Nous sommes encore jeunes, comme tu le dis, nous ne sommes pas encore à la retraite. Mais il faut y penser ! Enfin, financièrement. Je n’ai pas envie d’être à la retraite demain matin, mais il faut penser à la retraite financière, à l’argent. Il faut comprendre que quatre-vingts pour cent des français ne sont pas contents, donc c’est un souci. Mais là, pour l’instant, le fait d’arrêter la musique, nous n’y sommes pas encore. J’ai eu cette envie folle à un moment, et elle m’a vite échappé. Je me suis laissé emporter par l’aventure humaine que Mass Hysteria développe, mais c’est surtout grâce au public, car s’il n’y a pas de public, si personne ne vient nous voir, ça reste un groupe de potes qui joue dans un local de répétition. Mais grâce au public, c’est un groupe de potes qui joue sur des scènes de plus en plus grandes. Il y a encore quelque chose qui est en train de se tramer ; comme tu le disais, Yann, j’ai l’impression que c’est encore plus fou que l’album d’avant, et pour l’album d’avant, nous disions déjà que c’était plus fou que l’album encore avant, donc j’ai envie de voir jusqu’où ce joyeux bordel va aller ! Si c’est la volonté de l’histoire, si c’est notre destinée musicale, nous resignions pour encore dix ans, c’est clair ! En tout cas, il n’y a rien qui nous fait dire qu’il faut que nous nous arrêtions là, même pas moi !

Pour revenir au sujet des expérimentations avec votre son, vous aviez déjà fait des choses un petit peu différentes avec l’album De Cercle En Cercle et le sans titre qui est généralement vu aujourd’hui comme étant le creux de la vague pour le groupe. Aujourd’hui, quand vous expérimentez, on remarque qu’il reste toujours un fil rouge : les gros riffs. Est-ce que c’est ça qui fait que Mass Hysteria reste Mass Hysteria, ce sens du gros riff metal qui reste central ?

Indéniablement, oui.

Yann : Si j’analyse un peu, ce qui nous a un petit peut fait flancher, c’est le fait que l’album qui est venu après De Cercle En Cercle, l’album noir, je ne le voyais pas du tout comme ça au niveau de la prod. Je le voyais plus comme quand Max Cavalera a sorti Chaos A.D., il est parti sur un truc beaucoup moins death, beaucoup plus simple, beaucoup plus hardcore peut-être – je ne sais pas si c’est le mot qu’on peut employer. Ça devenait beaucoup plus primaire que ce qu’il avait sorti avant. Nous, ce n’était pas du tout primaire, nous sommes partis sur des morceaux peut-être plus pop, mais je voulais amener à la pop un son metal. Cet album noir nous a plantés parce que nous nous sommes trompés de producteur. Je suis complètement fan des morceaux de cet album, mais le mec a planté notre prod et tout ce que nous avions envie de faire avec ces morceaux. Ce sont peut-être des morceaux plus pop-rock, mais je voulais que ce soit un son énorme. Aujourd’hui, je regrette, parce que nous nous étions déjà approchés de Fred – qui est notre guitariste aujourd’hui – à l’époque pour qu’il produise l’album. Finalement, nous sommes partis avec l’Anglais et c’était une grosse erreur de notre part. Je pense que nous aurions dû le faire avec Fred.

« Nous gardons le postulat de Mass Hysteria, qui est que nous faisions de la musique tous ensemble pour nous payer une bonne tranche, pour vivre une belle aventure humaine, dans le bien-être et dans la paix, mais dix albums après, je ne suis pas sûr que ce soit le bien-être et la paix que nous voulions en 1995. »

Mouss : L’Anglais avait travaillé avec Colin Richardson. Il nous avait embobinés en disant : « Ne vous inquiétez pas, j’ai été assistant de Colin Richardson sur deux ou trois projets, je vois très bien son travail, je peux restituer le même son que lui. »

Yann : Nous l’avons rencontré, parce que c’était un homonyme, nous pensions rencontrer le Matt Hyde qui avait enregistré Slayer et compagnie. C’était une erreur de notre manageur de l’époque. Le mec est au resto avec nous à Paris et c’est là qu’il nous dit : « Non, ce n’est pas moi qui ai fait ça ! Moi, j’étais assistant de Colin Richardson. » « Ah ok… » Et en fait, le mec est tellement fan, il a tellement envie de le faire et il dit tellement qu’il comprend ce que nous voulons que nous nous disions : « Allons-y, on va essayer. »

Mouss : C’était un peu la surprise. Il a limé tout ce qui était rugueux.

Yann : Effectivement, nous avons eu du mal à nous en relever, parce que les gens n’ont pas compris cet album, et je le comprends. L’album noir de Mass Hysteria pourrait presque être un projet parallèle que nous aurions fait à côté. Après, c’est aussi très bien d’avoir connu ça, parce que, même si, comme je l’ai dit, je suis archi fan des morceaux, et peut-être qu’un jour nous les réenregistrerons, je ne sais pas, ça nous a permis de remonter la manivelle et de repartir à fond quoi. Ça a été compliqué, mais aujourd’hui, je peux dire sans prétention que nous avons réussi à revenir.

Mouss : Je me rappelle, après cet album noir, nous sommes repartis pour la composition d’Une Somme De Détails, tu as dit : « Nique sa mère les maisons de disques et les morceaux qui feront peut-être un single, rien à foutre de tout ça. Tous les prochains riffs, je vais les penser pour la scène. Il faut que ça jumpe, il faut que ça remue. Il faut que la tête et le pied bougent. » Tu avais dit que nous allions reprendre les fondamentaux et faire du riff pour la scène, repartir sur du Contraddiction que nous savons bien faire.

Yann : Et depuis, nous n’avons jamais changé.

Mouss : Tu t’es même endurci après avec Failles et L’Armée Des Ombres ! Je me souviens, pour Matière Noire, je t’avais demandé : « Yann, tu ne peux pas nous faire des riffs un peu, pas quand même à la ‘Respect To The Dancefloor’, mais un peu plus ‘fun’. » Tu m’as fait : « Fun ? Moi, je fais du riff pour la scène ! Si ça me vient, ok, mais je ne vais pas me forcer à faire un riff fun pour faire un riff fun. »

Yann : C’est toi qui amènes le côté fun, moi je fais des riffs ! [Rires]

Mouss : Tu es dans une dynamique, une créativité et à l’époque tu écoutais… Enfin, tu as toujours écouté du vénère, il n’y a pas qu’à cette époque, mais à ce moment-là, faire un morceau fun, ce n’était pas dans ton logiciel. Mais sur cet album, pas que ce soit un morceau rigolo, mais « Le Grand Réveil » est un morceau frais, qui sort de tous les cadres des riffs metal ou hardcore. Il fallait que je sois patient, et j’ai eu ce que je voulais.

Autant l’album précédent, Maniac, était très musclé, très agressif, autant celui-ci a une couleur particulièrement grave et dramatique – notamment dans le chant –, presque doom par exemple dans la seconde moitié d’« Allegorie Dans La Brume » où le riff lancinant dont je parlais tout à l’heure, avant qu’il s’harmonise à la Slayer, aurait presque pu avoir sa place dans un album de Candlemass par exemple. Est-ce qu’un palier émotionnel a été franchi ? Est-ce que ça correspond à votre propre cheminement émotionnel ces dernières années ?

Oui, complètement. Et puis avec l’âge que nous avons maintenant, je vois mes enfants qui sont adultes, il y a une tonalité un peu plus grave. Je suis moins insouciant qu’il y a dix ans et encore moins qu’il y a vingt ans. Il y a forcément quelque chose de plus grave, des fois un peu trop solennel peut-être, mais il le faut. C’est pour ça que je disais qu’à un moment donné, il faut un morceau un peu frais qui décompresse tout ça, même si « Le Grand Réveil » reste assez lourd de sens.

Yann : A vrai dire, je ne m’en rends pas compte. L’alchimie de Mass Hysteria, c’est vraiment mes riffs et la voix de Mouss. Je suis toujours impatient ; c’est toujours très long et très frustrant d’attendre ce que Mouss va mettre sur les compos que je fais, parce que j’ai toujours hâte d’entendre le résultat et que ça arrive toujours au dernier moment. Du coup, il faut s’y habituer, mais à chaque fois, il me couche parce que c’est toujours vachement bien. Donc l’alchimie des deux fait que ça donne du Mass Hysteria, et suivant ses textes, des fois il va y avoir un ton grave, des fois ce sera plus joyeux, et après, ça se mélange à la compo. Quand tu dis Candlemass, pour le coup c’était quand même très influencé par Slayer…

« Ce n’est pas une chanson de Mass Hysteria qui va changer le cours de la politique en France, mais j’espère que nous faisons partie du petit ruisseau qui alimente des grands fleuves. »

Mouss : Après, quand Yann amène ses riffs et que tous les musiciens travaillent ensemble pour mettre en forme, il y a des ponts et autres qu’il n’avait pas forcément créés et qui se créent à ce moment-là, et donc il y a peut-être des passages doomesques qui apparaissent. Ça n’a pas été écrit d’avance. Ça a été fait en prolongement du riff, du couplet ou du refrain de Yann. C’est ça qui s’est imposé. Ça pourrait être Jamie [Ryan] à la basse, Fred ou je ne sais qui, qui l’a demandé. Il y a des moments dans les morceaux qui n’ont pas été créés via des riffs de Yann mais tous ensemble, les deux guitaristes, la basse et la batterie. Des fois, il y a même des passages qui ne sont pas pensés, c’est inconscient. Enfin, peut-être que nous avons mis de façon consciente ce passage un peu doom, mais ça n’a pas été réfléchi avant. Après trente ans de musique, si tu fais un morceau metal, tu ne vas pas mettre un passage complètement salsa. Enfin, pourquoi pas, mais tu ne vas pas faire n’importe quoi. Dans la construction de la musique, il y a des choses qui s’imposent, il y a des codes. Des fois, nous cassons un peu les codes pour essayer d’être un peu original ou faire autre chose…

Yann : En tout cas, il y a certains de nos proches qui ont tout écouté, y compris la seconde partie, et ce que je trouve très positif, c’est que ça regroupe un peu toute notre discographie. Sur la partie deux, il y a des morceaux qui sont aussi très étonnants et qui auraient pu être sur De Cercle En Cercle. Pour moi, De Cercle En Cercle et l’album noir ne sont pas de bons souvenirs, donc comme Mouss le sait, j’ai beaucoup de mal à revenir là-dessus et à faire des compos qui peuvent ressembler à ça. Maintenant, j’ai envie, pas spécialement que ce soit bourrin, mais que ça envoie et que les gens viennent nous voir pour [se défouler]. Dans la partie deux, il y a des trucs pour lesquels au début j’étais hyper réticent. Quand Mouss enregistrait ses voix, je disais : « Mais non, ce n’est pas assez vénère ! » Vu que je suis un gros relou en studio, pour me faire plaisir, il a enregistré des parties plus vénères, mais de moi-même, j’ai dit à Fred : « Ecoute, on va reprendre les premières voix de Mouss qui étaient plus calmes, moins énervées. » J’ai réussi à me dire que ce côté-là, c’est nous aussi, et qu’aujourd’hui, nous sommes tout à fait aptes à l’assumer. Quand quelqu’un comme Pascal Larre, qui est dans la production de concerts et qui est très proche de nous, m’a dit qu’on retrouvait toute notre discographie dedans, j’étais hyper content. C’est cool qu’on nous dise ça au dixième album.

L’album s’intitule Tenace, qui est un mot fort. Ça renvoie au morceau qui ouvre l’album. Le message est-il un encouragement à ne pas se laisser abattre autant pour l’auditeur que pour vous ? D’ailleurs, Mouss, tu dis bien « on est tenaces », donc tu sembles t’inclure dedans…

Mouss : Bien sûr ! Si tu regardes le titre du premier album de Mass Hysteria, c’est Le Bien-Être Et La Paix. Dix albums et presque trente ans après, nous sommes tenaces. Il y a une logique dans tout ça. Le postulat de Mass Hysteria, quand nous avons commencé à faire de la musique, en mélangeant le metal et les machines, ce n’était pas Vulgar Display Of Power, c’était Le Bien-Être Et La Paix, c’est presque peace and love ! Nous avons toujours été un peu à contrecourant ou à contre-temps – nous avons d’ailleurs eu Contraddiction après. Nous pouvons faire un riff un peu à la Slayer, mais je ne vais pas chanter comme Tom Araya, je vais chanter comme Mouss. Ce sera peut-être plus tiré du rap, du reggae ou du hardcore que du thrash ou du metal. Je ne chanterais jamais selon l’ambiance du morceau. C’est ce que Yann me dit souvent : « Mouss, si on fait un passage un peu Deftones, ne chante surtout pas comme Deftones ! Fais du Mouss. » Alors que quand tu écoutes, tu as tout de suite envie de faire un truc à la Chino Moreno, mais c’est exactement ce qu’il ne faut pas faire. Bref, pour revenir à la question : oui, nous sommes encore là et nous gardons le postulat de Mass Hysteria, qui est que nous faisions de la musique tous ensemble pour nous payer une bonne tranche, pour vivre une belle aventure humaine, dans le bien-être et dans la paix, que ce soit sur les plans musical, social, professionnel et dans la vie de tous les jours. Dix albums après, je ne suis pas sûr que ce soit le bien-être et la paix que nous voulions en 1995. Ce n’est pas du tout ce dont nous avions rêvé à l’époque. En 2023, je n’ai pas l’impression qu’on a évolué, que la France soit épanouie et qu’on revive une espèce de Trente Glorieuses comme après la Seconde Guerre Mondiale, carrément pas.

« Nous avons tous envie d’être des frères et sœurs, qu’il n’y ait jamais de bagarre et que tout aille bien, évidemment. Nous pensons aussi bêtement qu’une Miss Monde qui veut la paix dans le monde. »

Mais je ne savais pas quand nous avons fait Tenace qu’il allait y avoir l’histoire des retraites et tout aujourd’hui. Nous l’avons fait à l’époque du Covid-19 – et Dieu sait qu’il y a beaucoup de choses à dire sur cette période ! Le narratif, c’est carrément du George Orwell, on est en train de vivre 1984, on y est les deux pieds dedans. La réalité dépasse la fiction, on marche sur la tête. Mais malgré tout ça, le fait que ça ne va pas mieux depuis que Mass Hysteria s’est mis à faire de la musique, nous sommes tenaces, nous sommes toujours là ! Nous essayons toujours d’être positifs aussi, tout en dénonçant. En fait, ce qui nous emmerde, c’est que nous ne sommes pas du tout politiques, vraiment pas… Franchement, si j’étais politique, si j’avais un parti, j’essaierais d’engrainer mes potes de Mass Hysteria, en disant : « Les gars, je suis engagé dans un parti politique, j’y crois à fond. Il faut que vous soyez avec moi, parce que c’est ça qu’il faut penser. » Déjà, ils m’auraient dit : « Bah non, on t’emmerde Mouss avec ton parti politique, on fait ce qu’on veut. » Ou alors : « Oui, on te suit. » Mais ce n’est pas ça du tout. Vraiment, dans Mass Hysteria, il n’y a pas de parti politique. Si nous allons voter, je pense que la plupart voteront blanc, pour dire qu’on a le droit de voter et qu’on participe. Donc le postulat, c’est : peu importe qui est au pouvoir, nous nous en foutons. Celui qui est au pouvoir fait en sorte que les choses aillent mieux, et peut-être qu’après, nous voterons pour ces gens-là, s’ils font que la France est mieux, qu’elle s’épanouit, etc. Mais depuis que Mass Hysteria existe, je n’ai jamais vu – je ne pense pas – un président à un meeting duquel nous avons participé ou pour qui nous avons voté. Il n’y en a pas un. Il n’y a pas un candidat pour lequel nous avons voté en nous disant : « Ouah, avec lui ça va changer, il y a un truc ! »

Ce n’est pas une chanson de Mass Hysteria qui va changer le cours de la politique en France, mais j’espère que nous faisons partie du petit ruisseau qui alimente des grands fleuves. Nous sommes juste là pour donner notre sentiment. Nous avons tous envie d’être des frères et sœurs, qu’il n’y ait jamais de bagarre et que tout aille bien, évidemment. Nous pensons aussi bêtement qu’une Miss Monde qui veut la paix dans le monde. Je cautionne son avis sur ce coup-là. On peut évidemment avoir ce côté un peu béat et dire qu’on est pour la paix dans le monde, mais c’est beaucoup plus compliqué, et ce n’est pas nous qui rendons les choses compliquées. C’est compliqué, mais ce n’est pas à cause de nous. C’est les dirigeants, c’est les politiciens, c’est leur programme, leurs conflits d’intérêts, que sais-je. Nous traversons tout ça depuis trente ans, nous sommes encore là, toujours aussi tenaces. Nous ne nous laisserons pas embarquer dans des mensonges, dans des politiques d’enfermement de la pensée, etc. Nous sommes pour l’émancipation, d’où le « émanciper au plus vite notre libre arbitre » dans « Mass Veritas ».

Globalement, s’il y a des messages pour donner du courage, la teinte de cet album est très sombre et surtout très ancrée dans le réel – vous avez d’ailleurs un morceau intitulé « Le Tromphe Du Réel ». Ça va vraiment à contrecourant de pas mal de discussions qu’on a eues ces derniers temps avec des artistes qui essayaient de procurer une évasion à l’auditeur par rapport à tout ce qu’il a vécu depuis 2020. Votre mission dans Mass est-il justement, au contraire, de pousser l’auditeur à faire face à la réalité, à la lui plaquer au visage ?

Yann : La réponse à ta question, je l’ai sur les huit premières dates que nous avons faites. C’est-à-dire que Mouss fait un constat des choses du moment. Enfin, il y a du constat, et il y a aussi des histoires où il parle de nous, etc. Et après, il y a ce que nous procurons aux gens avec notre musique et avec l’énergie que nous avons sur scène. Je suis fan des textes de Mouss, mais quand tu viens te prendre une heure et quart, une heure et demie de Mass Hysteria en concert, c’est un exutoire de ouf ! Tous les gens sont hyper fans et c’est de ça que je suis content. Le pari n’est pas gagné à chaque fois. Nous ne sommes pas sûrs à chaque fois que ça va marcher, mais quand je vois les huit dates que nous venons de faire, ça prouve que le message que nous faisons passer depuis presque trente ans [parle aux gens]. C’est : nous faisons un constat, nous n’avons pas vraiment de solutions, mais par contre, nous sommes là pour vous changer les idées et pour vous aider à aller plus loin. Si les gens viennent nous voir en concert, ils ne sont pas devant un écran ou ailleurs, c’est-à-dire que ce sont des gens qui se bougent le cul et c’est ce que nous leur demandons. Je dis que c’est opération réussie. Même avec des paroles qui peuvent être graves, le contenu global de Mass Hysteria fait que les gens ont le sourire, c’est ça qui est un peu fou. C’est le bilan que j’en fais.

« Tu écoutes ‘La Vie En Rose’ d’Edith Piaf, la chanson est belle et optimiste, mais elle part d’un terreau hyper dramatique. Mass Hysteria, c’est un peu ça. Nous sommes un peu dans la tradition de la chanson française. »

Mouss : Regarde dans le milieu et la culture hardcore, ce sont que des textes hyper durs, sur soi, sur le monde, et puis ça se fighte dans le pit, mais c’est hyper fraternel. Il y a toujours un message positif après, « on est une fratrie », « on est tous ensemble ». C’est assez joyeux, mais c’est violent – moi, je ne vais pas dans le pit quand je vais dans les concerts hardcore ! – parce que ça s’imprègne d’une certaine réalité. C’est pareil avec Mass Hysteria. On disait à une époque que nous faisions une musique un peu indus – indus hardcore, indus metal – à cause des machines. Oui, c’est vrai, nous avons un côté post-indus. En France, tu te balades à Paname ou autour, il y a ce côté un peu post-apocalyptique, de grandes usines un peu en ruine, etc. Mais il n’y a pas que ça, nous avons aussi un côté qui vient de la tradition de la chanson française. Tu écoutes « La Vie En Rose » d’Edith Piaf, la chanson est belle et optimiste, mais elle part d’un terreau hyper dramatique. Mass Hysteria, c’est un peu ça. Nous sommes un peu dans la tradition de la chanson française. Nous avons un terreau un peu dur, âpre, rugueux, avec des paroles ancrées dans le réel, mais avec des chansons aussi plus philosophiques, plus humaines, dans le sens de plus optimistes, plus poétiques, un bouquet de fleurs, une cascade d’eau fraiche… Il y a les deux : le réel et des chansons plus exercices de style, dans la philosophie et la poésie.

Ce n’est pas pour tout le monde pareil, chacun a son style, mais nous, nous avons ce style de franc-parler. Nous ne sommes pas des idiots, nous savons dans quel monde on vit, nous avons les yeux ouverts, mais nous ne sommes pas toujours revendicatifs, à toujours renverser la table. Nous exposons les problèmes. Nous essayons d’avoir, pas des solutions, mais des éléments de réponse. Et à côté, nous faisons de la musique, nous sommes tous ensemble et nous nous amusons ! Comme tu le disais tout à l’heure, il y a ce fil rouge, une trame avec des riffs un peu durs, et dessus, nous agrégeons des choses plus légères. Avec Mass Hysteria, nous ne faisons pas dans le divertissement, nous voulons que les gens s’amusent en se cultivant, y compris avec les riffs, en cherchant à savoir de quelle influence, de quelle tendance, de quelle époque ils viennent. C’est de la culture ! Les pochettes sont hyper travaillées et fouillées – de quel photographe Yann s’inspire quand il veut exprimer telle et telle chose ? Et puis, au niveau des paroles… Il y a donc toujours un fil rouge un peu dur, ça a toujours été comme ça, Yann vient du death, ça ne s’invente pas, mais il n’écoute pas que ça et il ne traduit pas que ça dans Mass Hysteria, et nous sommes aussi dans une tradition française. C’est donc chansons à texte, musique un peu dure, mais pas seulement.

Malgré les aspects plus poétiques et philosophiques, il y a quand même un côté très engagé dans pas mal de vos chansons. Ceux qui ne pensent pas comme Mass Hysteria sont-ils toujours les bienvenus aux concerts du groupe ?

Evidemment ! C’est quelque chose que nous avons vécu, et pas que d’aujourd’hui, depuis au moins vingt ans : dans les festivals, à chaque fois, il y avait des gens qui venaient nous voir – parce que nous descendons toujours dans la foule après les concerts – et qui nous disaient : « Salut les Mass Hysteria. Alors, nous, on ne vous écoute pas, on n’écoute pas ça chez nous, mais quand vous êtes dans un festival auquel on est, on vient vous voir. Vous faites partie des groupes qu’on veut voir dans le festival, parce que sur scène et dans le public, il se passe toujours quelque chose. » Il y a donc des gens qui viennent nous voir quand nous passons dans leur festival près de chez eux, ils sont peut-être venus pour Orelsan, mais si nous passons dans l’après-midi avant ou après, ils vont venir nous voir parce qu’ils savent qu’il se passe quelque chose. Donc j’invite les gens qui ne pensent pas comme nous ou qui n’ont pas forcément la culture de cette musique un peu dure à venir voir le spectacle vivant que représente Mass Hysteria. Là, il y a vraiment quelque chose qui se passe.

Par exemple, lors des huit premières dates de la tournée actuelle, nous avons joué un dimanche soir à Massy, dans la banlieue parisienne, c’était complet, nous avons commencé à jouer et entre chaque morceau, c’était les Beatles ! Les gens hurlaient ! C’était un truc incroyable, c’était frissons sur frissons. Tu te dis : « Il y a quelqu’un qui a payé les gens ? Qu’est-ce qui se passe ? On a joué hier, c’était fou, mais ce n’était pas comme ça ! » Franchement, c’était émouvant. J’ai eu la gorge serrée à la fin du show, la petite larme… Tu te dis : « Putain, c’est pour ça que je vis ! C’est pour ça que je fais ce boulot ! » Je vais te faire une confidence, il y avait tout un staff dans la salle de Massy et ils étaient tous là sur le petit balcon, ils ont regardé tout le concert. Je crois que c’était la directrice, Mass Hysteria n’est pas du tout sa came, mais elle est venue nous voir, hyper émue, et nous a dit : « Merci d’exister. » Tu vois la phrase ! Nous avons pris claque sur claque ce soir-là. Donc pour les gens qui ne nous connaissent pas, qui pourraient croire que, eh bien, venez nous voir en festival, si nous passons dans une programmation et que, par hasard, nous en faisons partie. Venez jeter un œil juste un quart d’heure. J’espère que nous ferons partie des groupes où vous vous direz : « Tiens, je vais regarder un quart d’heure, après je m’arrache » et finalement vous regarderez tout le concert, parce que vous serez scotchés.

« Si tu n’es pas un complotiste, tu es un raciste. Si tu n’es pas un raciste, tu es un fasciste. J’invite les gens à avoir des avis complotistes parce que souvent, ce sont des gens qui ont raison avant tout le monde. Je vous invite à avoir un ami complotiste dans votre bande, ça fait toujours du bien. »

En même temps, c’est normal d’être bien accueilli à Massy quand on s’appelle Mass Hysteria…

C’est drôle, ce que tu racontes : il y avait une pub dans toutes les gares parisiennes avec le metal pour aller au Hellfest et ils avaient rebaptisé la gare de Massy, Massy-steria. Il y a des potes qui avaient pris la pub en photo. J’avais oublié cette anecdote, comme quoi nous avions déjà été utilisés par la SNCF pour le train pour le Hellfest !

Il y a quelque chose de l’appel au soulèvement dans cet album. Les mots sont très durs parfois. Cet album était-il une forme de libération pour vous, une sorte de catharsis même ?

Pour moi, oui, complètement. Dans cet album, j’ai dit tout ce que j’avais à dire. C’était une vraie catharsis. Ça sert à ça aussi. Et c’est pour ça que dans le chapitre deux, j’espère qu’il y aura des morceaux un peu dans l’esprit « Positif A Bloc », moins engagés.

Yann : A savoir que le chapitre deux est fini mais qu’il reste deux textes à écrire.

Dans « Mass Veritas », vous évoquez le « pass sanitaire », le « pass climatique ». En commentaire de la news sur le clip du morceau, un internaute a commenté en disant que des gens allaient vous traiter de complotistes. Qu’est-ce que vous en pensez ?

Mouss : Oui, tu sais, c’est le nouveau mot à la mode. Si tu n’es pas un complotiste, tu es un raciste. Si tu n’es pas un raciste, tu es un fasciste. Donc il n’y a aucun souci. J’invite les gens à avoir des avis complotistes parce que souvent, ce sont des gens qui ont raison avant tout le monde. Je vous invite à avoir un ami complotiste dans votre bande, ça fait toujours du bien, et au moins ça remet les choses en perspective et ça soulève des discussions que les gens ne veulent pas entendre parce qu’ils ont peur d’entendre la vérité. Je préfère une vérité qui fait mal qu’un mensonge qui fait du bien.

En tout cas, on sent que le confinement t’a bien remonté…

Oui, j’étais blessé dans ma chair, dans mon amour-propre pendant le confinement. Le fait d’être confiné comme un clébard, ça m’a fait bizarre. A force de se sentir un peu oppressé, on devient animal. Et ce n’est pas bien, il faut se méfier d’un animal blessé – je parle du peuple. Si on avait été en Amérique latine dans les années 70, je crois qu’il y aurait eu une guerre civile – j’en aurais fait partie, en tout cas. Mais je ne suis pas du tout pour la guerre civile. Je resitue simplement dans un contexte au siècle dernier. Aujourd’hui, c’est impensable. Pourquoi on nous a fait ça ? Je ne comprends pas. On est gentils ! Les Français sont gentils quand même ! D’ailleurs, ils sont tellement gentils que le confinement s’est relativement bien passé. Il n’y a pas eu de soulèvement, des trucs qu’ont brûlé, des commissariats agressés dans toutes les villes, des débuts de guerre civile, rien de tout ça. Je pensais que ça allait péter des boulards ! Au bout d’une semaine ou quinze jours, je n’en pouvais plus. Après, tu te dis que, bon, tout le monde est à la même enseigne, tout le monde est docile. J’étais docile.

Je n’ai pas arrêté d’écrire à ce moment-là pour essayer d’analyser la situation qui était complètement ubuesque. On marche sur la tête. En plus, on nous dit après de mettre des masques, même dehors. Les gens mettaient les masques même dehors – pas moi. Ça s’arrête, tout le monde sort, tout le monde reprend le boulot, et là, Macron il se met quatre-vingts pour cent des Français à dos et là, on commence à sentir un petit parfum de guerre civile. Ça, par contre, je ne veux pas. Détruire, il n’y a rien de pire – ce n’est pas pour toi que je dis ça, Yann ! [Rires] Après, des fois, il faut détruire philosophiquement ou combattre des idées. Il faut détruire des idées comme celle de confiner les gens. Et puis on n’écoute même plus les scientifiques, c’est les politiciens qui décident : « Ouais, ça c’est bien, ça ce n’est pas bien. Lavez-vous les mains. Coupez la bûche, mais vous foutez les grands-parents dans la cuisine pour ne pas vous mélanger. » On en vient à des choses complètement ridicules. C’est aussi ça que nous voulons dire aux gens. Je n’ai pas à dire aux gens comment il faut penser. Nous disons aux gens qu’il faut penser et que la vérité est un combat. Moi, je n’ai pas toutes les vérités, à part être sympa avec mon prochain et ne pas lui faire de mal, ma philosophie s’arrête là. Même toi, quand tu sors, tu n’as pas envie de mettre des patates dans la tête des gens dehors ! Ça n’existe pas. Donc on est vraiment des mecs sympas ! C’est pour ça que je ne comprends pas.

« Je préfère une vérité qui fait mal qu’un mensonge qui fait du bien. »

Quatre-vingts pour cent des Français disent à Macron : « Tu me casses les bombecs pépé, retire ta réforme et on passe à autre chose. Tu la re-réfléchis jusqu’à ce qu’on soit contents. Nous, il faut qu’on aille bosser là. » Parce que Macron, Quand il va s’arrêter, je crois qu’il aura quarante-neuf ans et nous coûtera huit cent cinquante mille euros par an comme ancien président de la République. Il aura une voiture de fonction, des gardes du corps, on va lui donner un appartement, il fera partie du Conseil constitutionnel… Un mec qui va nous coûter huit cent cinquante mille euros par an et qui nous casse les couilles pour bosser jusqu’à soixante-quatre ans, je trouve ça un peu gonflé, et je pèse mes mots. Encore une fois, les Français sont gentils, ils sont vraiment sympas, il ne faut pas trop leur casser les pieds, et là, je trouve que Macron en fait un peu trop. En attendant, nous, il faut qu’on aille bosser. Les gens ont envie de bosser, c’est ça le truc. Encore, si c’étaient des fainéants… Il y a quelque chose qui ne tourne pas rond. Après, on a le président qu’on mérite. Il a été élu démocratiquement cet homme-là. Pas par moi, mais par mes compatriotes français. Je subis, mais je ne peux rien faire d’autre. Je ne vais pas mettre le feu à l’Elysée pour ça. Non, il va finir son mandat tranquillement, il va retirer sa réforme, et tout se passera comme prévu [rires].

Dans « L’Art Des Tranchées », on retrouve votre sens de la communauté metal – ce qui fait écho à « Plus que Du Metal ». Tu abordes ça de façon très premier degré, très descriptif, comme peuvent le faire les artistes dans le rap. Voyez-vous un rapport entre le sens de la communauté dans le rap et celui dans le metal ?

Yann : Tout dépend ce que tu vas voir dans le hip-hop. Si tu vas voir Orelsan, Booba ou autre, tu n’auras pas du tout le même public. Alors que dans le metal, tout le monde se regroupe, tous les gens sont cool. Même si tu vas voir du hardcore ou Scorpions, le mec qui écoute du hardcore aura forcément écouté Scorpions peut-être vingt ans avant. Je trouve qu’il y a quand même un côté plus cool dans le public metal que dans le public hip-hop. J’ai l’impression que les mecs dans le public du hip-hop ne savent plus trop s’ils sont dans des clips ou dans la réalité [rires]. Si tu vas voir Orelsan, c’est quand même beaucoup plus familial, mais si tu vas voir d’autres trucs, c’est très cliché. Dans le metal, effectivement, il y a des codes, mais au final ce ne sont que des gentils.

Mouss : Il y a une vraie fraternité. Les groupes de metal et le public du metal entre eux sont hyper fraternels. Dans le rap, le public peut être fraternel aussi, il s’en fout, il va voir Orelsan, Vald, même NTM, mais ce sont les artistes entre eux, quand ils se clashent. C’est un peu comme le cliché des boxeurs à une époque, où ils faisaient du trash-talk. C’est une image un peu bizarre. Il vaut mieux ne pas parler de quelqu’un que d’en dire du mal. Il y a tellement d’autres groupes à encenser, plutôt que d’en défoncer. Or dans le rap, c’est un peu ça. Après, tu as des publics qui s’identifient. Des super fans de Booba ne vont pas aimer un autre artiste que Booba aura clashé. Ils vont le clasher aussi, ils vont se mettre derrière Booba et adhérer à sa cause. Il n’y a pas ce genre de considération dans le metal. C’est plus fraternel, c’est plus cool, c’est plus étendu, c’est plus convivial, c’est beaucoup plus interactif. Ma fille qui a vingt-deux ans est allée voir un rappeur français que je ne connais pas et je lui ai demandé : « Alors, il y a des bagarres ? » Elle me dit : « Oh non, ça va. Il y en a eu deux ou trois, mais ça s’est vite calmé. » Il y a des mouvements de foule, des bagarres, puis hop, ça se calme, mais je vois rarement ça dans nos concerts, pas plus que dans les concerts en général. C’est un peu propre au rap, quand même. Je ne vois pas de bagarre dans les concerts de pop, par exemple, ou les festivals électro. Ça peut arriver partout que deux mecs se mettent sur la gueule, mais des mouvements de foule, des bagarres… Ils sont un peu au stade fœtal comme je le dis dans « Plus Que Du Metal » [rires].

Dans « Encore Sous Pression », tu chantes « De Défaites en défaites jusqu’à la victoire » : qu’est-ce qui à ce jour est la plus grande victoire de Mass ? Et quelles sont les défaites qui ont été les plus constructives pour le groupe ?

Yann : La défaite la plus constructive, je pense que j’en ai parlé tout à l’heure, c’est le fait d’avoir perdu un peu notre public à un moment à cause d’un album mal produit, mais nous avons eu la force de remonter. La plus grosse victoire, je pense que c’est de sortir Tenace aujourd’hui.

Mouss : J’allais dire la même chose pour la défaite la plus constructive. De toute façon, c’est toujours pareil : une défaite est constructive. C’est Nietzsche qui disait : ce qui ne te tue pas te rend plus fort. C’est quelque chose qui se vivait bien avant Nietzsche, mais il a mis les mots dessus. Je dirais aussi que c’était, non pas une défaite, mais une déception d’avoir pu à un moment croire que je voulais arrêter. J’avais commencé à tourner en disant que ce serait la dernière tournée, et comme je l’ai dit, en quelques mois, j’étais retourné comme une crêpe et je me demandais comment j’avais pu penser ça. Ça fait partie de mes défaites constructives, parce que maintenant nous sommes encore là en 2023 avec un dixième album. Et la plus grande victoire c’est exactement ça, de sortir cet album et d’être encore là en train de te parler, de faire cette interview. C’est d’être vivant et de se dire que demain ou après-demain, nous serons sur scène à déverser des tonnes de sueur, à recevoir des tonnes d’adrénaline. On est toujours surpris. C’est ça aussi qui fait notre « succès ». Je ne suis pas blasé, pas du tout. Chaque concert est différent, le public est fou, un peu moins, un peu plus, complètement… On se demande jusqu’où ça va aller. Il y a un sentiment d’infini. C’est ça la plus grande victoire. J’ai cru à un moment que ça allait s’arrêter, mais je m’y suis réembarqué, et comme dans une belle avalanche qui fait une grosse boule de neige, tu ne sais pas jusqu’où ça va aller. En tout cas, la danse me plaît. Cette aventure humaine me plaît énormément et on n’en voit pas encore le bout.

« Je n’ai pas à dire aux gens comment il faut penser. Nous disons aux gens qu’il faut penser et que la vérité est un combat. Moi, je n’ai pas toutes les vérités, à part être sympa avec mon prochain et ne pas lui faire de mal, ma philosophie s’arrête là. »

Cette année, Mass Hysteria fête ses trente ans. Mouss, avec Raphaël [Mercier], vous êtes les deux rescapés du tout premier line-up. Yann, tu es arrivé deux ans plus tard, en 1995. Qu’est-ce que vous retenez de ce parcours jusqu’à présent ? Les fondamentaux sont-ils restés les mêmes ?

Yann : Je pense que, Mouss, tu seras d’accord avec moi : jamais nous n’aurions pensé avoir cette carrière, même si, quand nous avons commencé, l’envie y était et que nous étions vraiment à fond. Ce que j’en retiens, d’hier à aujourd’hui, c’est la passion et la fraternité qui s’est créée entre nous. Je peux dire qu’aujourd’hui, Raphaël et Mouss, même si les deux autres c’est pareil, mais ils sont là depuis moins longtemps, ils font partie de ma famille en quelque sorte. Même si nous pouvons nous embrouiller très fort, nous savons que nous avons Mass Hysteria en commun et que nous n’avons pas envie que ça s’arrête, donc nous allons tout faire pour arranger les choses. Ce qui reste des débuts, c’est une passion commune très forte de faire ça ensemble. Nous avons toujours eu ce truc-là et je crois que nous l’avons même encore plus aujourd’hui, parce que nous avons vieilli et que nous nous rendons compte que ce que nous avons créé, c’est fou.

Mouss : Tu disais que c’est une famille, mais je pense qu’un groupe, c’est même un couple, et les bébés, ce sont les albums qu’on défend, qu’on fait mûrir, etc. Comme dans toutes les familles et dans tous les couples qui ont des enfants, les parents se prennent la tête. Des fois, ils s’engueulent et ils sont à deux doigts de se séparer, mais il faut penser aux enfants. C’est un peu pareil. Heureusement, nous ne nous embrouillons pas à chaque album, mais il y a eu des albums où nous nous sommes bien embrouillés. Après, on revient autour du berceau, on nourrit le bébé et on continue l’éducation ou plutôt la protection de ce bébé. Rien à voir avec nous, mais par exemple, Aerosmith, je ne sais pas comment ils font, ils ne peuvent pas s’entendre, ils ne peuvent pas se parler. Ils ont des loges séparées. Quand tu les vois en live, c’est comme au début, ils se regardent, ils se font des gestes, et hop, dès qu’ils sortent de scène, chacun va dans sa loge et s’ils se parlent, c’est par avocats interposés. En fait, dans Aerosmith, ils n’ont même plus besoin de fric, ils font ça vraiment pour le bébé, pour la musique, pour aller sur scène, parce qu’il n’y en a pas un qui dit : « Bon, je vais lâcher. » C’est le groupe à tout le monde, même s’ils ne se parlent plus. C’est la situation extrême. Nous, quand il nous arrive de nous embrouiller, nous trouvons une solution à nos différends, nous tranchons, « on fait comme ci, comme ça », « ok, d’accord », « la prochaine fois, j’espère que j’aurais plus raison, peut-être que je pourrais imposer plus mon avis, mais là ce n’était pas le moment pour moi ». Et des fois, tout va à merveille, tout le monde pense et avance dans le même sens. Il n’y a pas de quoi faire capoter le projet.

Vous êtes arrivés en 1993 à une époque de transformation du paysage musical général, et en particulier dans le rock. Yann, tu as commencé avec AC/DC, Scorpions, Maiden, puis Slayer. Tout ces groupes ont été un peu « balayés » par les années 90 et ont eu le plus grand mal à s’adapter – à part AC/DC qui est resté imperturbable. N’avais-tu pas toi-même l’impression d’enterrer tes idoles ?

Yann : Non, parce que, même si Slayer a eu à un moment donné un petit problème d’accordage – ils ont voulu se mettre un peu plus bas parce qu’il y avait les Korn et compagnie qui étaient accordés très graves –, je trouve qu’ils sont toujours restés [fidèles à eux-mêmes]. Effectivement, il y a aussi AC/DC, mais je trouve que Slayer fait partie de ceux qui ont traversé le néo-metal sans trop se dénaturer. Il y en a d’autres qui se sont coupé les cheveux, teint les cheveux en rouge, ils ne savaient plus trop comment faire pour pouvoir adhérer à la vague des Korn, Limp Bizkit, etc. Donc non, je n’ai pas trop eu l’impression d’enterrer mes idoles. J’étais fan de Korn autant que de Slayer et AC/DC. Mais c’est vrai qu’entre Rage Against The Machine et Korn, il y a eu une révolution musicale. Pour moi, c’est au moment où Rage Against The Machine est arrivé qu’il y a eu un réel changement, et après, Korn, ça a été encore pire, parce qu’eux ont carrément créé un mouvement. C’était vestimentaire, c’était le look, tout. Et c’était mondial. J’ai adoré leur premier album. Nous avons eu la chance de tourner avec eux en 1999, je crois. C’était absolument fou. Je trouve que tout ça est plutôt positif, finalement.

Pour finir, un mot sur la disparition l’année dernière de votre premier bassiste Stéphane Jaquet ?

Mouss : Oui. Tittoo nous regarde ! Nous parlons souvent de lui. Il y a même des gens qui viennent nous raconter des histoires de lui, des situations, des instants. J’ai fait mon deuil. Quand nous pensons à lui, c’est avec le sourire. Nous voyons toujours sa famille. Nous voyons ses enfants et son ex-femme, la maman de ses enfants. Il était grand-père avant de partir, donc il aura vu son petit-fils. C’est déjà une belle chose. Et puis cet album est pour lui aussi, évidemment. Nous sommes tenaces aussi pour lui. Nous continuons la musique pour lui aussi.

Quel regard avait-il sur le Mass Hysteria de ces dix dernières années, sur ce qu’est devenu son bébé sans lui ?

Il aimait bien. Il y avait toujours des petites critiques. Lui, c’était un peu le côté keupon de Mass Hysteria, donc il trouvait que ça en manquait un peu, mais il disait ça pour rigoler. C’est lui à l’époque qui était dans l’esprit d’ouverture vers la techno, de mettre un pied dans les machines. C’est lui qui avait un peu ces idées-là, et nous continuons à mettre des infrabasses comme il a toujours aimé. Notre Tittoo a toujours son empreinte dans la musique de Mass, il est toujours présent.

Interview réalisée par téléphone le 12 avril 2023 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Nicolas Gricourt.
Photos : Audrey Wnent.

Facebook officiel de Mass Hysteria : www.facebook.com/masshysteriaofficiel

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  • Rrröööaaarrr dit :

    « Si tu n’es pas un complotiste, tu es un raciste. Si tu n’es pas un raciste, tu es un fasciste. J’invite les gens à avoir des avis complotistes parce que souvent, ce sont des gens qui ont raison avant tout le monde. » Boom boom boom, Vive Mass Hysteria.Le voile du mensonge se déchire et se soulève petit à petit, le retour au réel,l’inversion des valeurs et l’inversion accusatoire se dévoile, le grand réveil des peuples et vivement Tenace2. Rendez-vous au Rockstore.

  • Excellente interview, bravo et merci. Je n’imaginais pas en 1997 en achetant « le bien-être et la paix », prendre autant de plaisir en 2023 avec un nouvel album, et Tenace surpasse toutes mes attentes, MERCI à Mouss, Yann and co. Mon premier concert de Mass remonte à 97 ou 98 et déjà toute la salle Victoire (avec oneyedjack et autres que j’ai oublié) à Montpellier était en ébullition, TOUTE la salle « Jumpé » de la scène au fond de la salle, et aujourd’hui, c’est la même ferveur puissance 10.Après le bien être, Mass est Tenace,et l’un des rares groupes à se rebeller contre cette « dictature » qui ne dit pas son nom…Respect à MH et longue Vie.

  • Red Hot Chili Peppers @ Lyon
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