Lorsque la pandémie de Covid-19 a forcé toutes les salles de concert à fermer leurs portes, les vétérans du black metal de Mayhem étaient en pleine tournée pour défendre leur dernier album en date, Daemon, sorti fin 2019. Coup d’autant plus dur que de l’aveu même des musiciens, l’album était taillé pour le live, retour à l’efficacité diabolique de leurs débuts après les explorations plus complexes de la dernière décennie. Mais s’ils ne se sont pas, comme d’autres, précipités en studio malgré la déconvenue, ils ont décidé d’offrir de quoi patienter à leurs fans, en l’occurrence l’EP Atavistic Black Disorder / Kommando. Si ses titres datent tous des sessions de Daemon, pas question de les voir comme des chutes de studio, rassure le groupe : le fait qu’ils dormaient dans des cartons n’était pas dû à leur qualité mais au format – resserré, le plus cohérent possible – du dernier album. Avec une face A constituée de ces titres recalés et une face B composée de reprises de groupes de punk séminaux, Mayhem poursuit l’exploration de son passé…
C’est sur l’inédit « Voces Ab Alta » que s’ouvre l’EP : titre en latin, atmosphère inquiétante puis explosion de blast beat et éructations râpeuses, on y retrouve instantanément tout ce qui faisait Daemon, ses clins d’œil appuyés à l’ultra-classique De Mysteriis Dom Sathanas, sa maîtrise, son efficacité réjouissante et son impact instantané. À sa suite, « Black Glass Communion » et « Everlasting Dying Flame » seront familiers aux aficionados du groupe puisqu’ils figuraient déjà en bonus sur certaines versions de Daemon. Mayhem y paraît en grande forme – pas de sentiment de titres au rabais en effet –, de sa section rythmique historique (Hellhammer à la batterie et Necrobutcher à la basse depuis les premiers hauts faits du groupe) à ses riffs acérés signés Ghul et Teloch en passant par la performance comme toujours habitée d’Attila Csihar. Frénétiques et hargneux, ces trois titres constituent une introduction très efficace aux quatre reprises qui suivent, et légitiment la démarche du groupe. La transition se fait donc étonnamment sans accroc avec une reprise de « In Defense Of Our Future » de Discharge, le plus metal des groupes de punk que tout le monde, de Metallica à Bathory, a revendiqué comme influence. La version de Mayhem est presque proprette mais prouve que les musiciens ont toujours de la hargne à revendre. Le reste s’enchaîne pied au plancher, comme il se doit : « Hellnation » des Dead Kennedys, le très black metal dans l’âme « Only Death » de Rudimentary Peni, et pour terminer, et plus étonnamment peut-être, l’incontournable « Commando » des Ramones, choisi par Hellhammer parce que Marky Ramone est l’un de ses batteurs préférés.
L’enthousiasme du groupe est communicatif et écouter Attila se mettre dans la peau de Jello Biafra a quelque chose d’assez jouissif, mais au-delà de cette dimension presque ludique, la démarche se montre très cohérente avec Daemon, et rafraîchira la mémoire de ceux qui oublient l’importance que le punk a eue sur les musiciens des première et deuxième vagues de black metal, Quorthon et Fenriz en tête, sur son esthétique minimaliste et sur son attachement au DIY. Depuis la série de concerts où il a rejoué De Mysteriis Dom Sathanas (qui a donné De Mysteriis Dom Sathanas Alive en 2016), Mayhem semble s’attacher à explorer ses racines, que ce soit en en faisant revivre l’esprit ou en en célébrant les sources. Clin d’œil supplémentaire afin d’enfoncer le clou : les chanteurs des premières heures du groupe Maniac et Messiah font une apparition sur respectivement « Hellnation » et « In Defense Of Our Future ». Si on serait bien en peine de qualifier Atavistic Black Disorder / Kommando d’incontournable, l’EP demeure un cadeau de qualité pour les fans et rappelle au passage qu’aux sources du punk et du black metal, il y a une attitude similaire : « Dites NON, soyez CONTRE ! » rappelle Hellhammer, et ça, assurément, ça n’a pas pris une ride.
Chanson « Voces Ab Alta » en écoute :
Album Atavistic Black Disorder / Kommando, sortie le 9 juillet 2021 via Century Media Records. Disponible à l’achat ici