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Live Report   

Metal Oper’art : un événement iconoclaste et fédérateur


L’idée un peu folle de faire jouer Empiryum dans un opéra est née d’Alca Culture, et surtout de Jérémy Tissier connu pour être le bassiste du groupe Psygnosis. Le samedi 29 avril a donc eu lieu le premier concert/festival en France dans un opéra, intitulé Metal Oper’art. À l’Opéra National du Rhin, dans la belle ville de Strasbourg, le public a eu la chance de voir se succéder cinq groupes singuliers. Au programme : Laniakea, Grorr et Psygnosis. Le tout avec les très attendus Igorrr et les rares Empiryum. Retransmis par Arte, cet événement a été concocté avec passion dans un lieu peu commun, à l’image du festival In Theatrum Denonium qui se déroule chaque année à Denain.

On s’assoit confortablement dans ces sièges de l’opéra, parmi la foule de curieux venus en masse pour profiter de cet événement iconoclaste. De tous âges et avec tous les styles, le lieu est assez bien garni et l’on démarre la soirée avec un jeune groupe français : Laniakea. Sur scène, on peut voir encore le décor de l’opéra La Calisto, programmé la veille et le lendemain de cette soirée metal, avec en outre une grande structure cylindrique et un immense perchoir qui renforcent le gigantisme du lieu.

Artistes : EmpyriumIgorrrPsygnosisGrorrLaniakea
Date : 29 avril 2017
Salle : Opéra National du Rhin
Ville : Strasbourg [67]

Laniakea

À l’origine, la soirée devait démarrer par le groupe alsacien Dust In Mind mais ce dernier a eu la proposition, qu’il ne pouvait raisonnablement pas refuser, de suivre Pain lors de sa tournée européenne. Au final, c’est par conséquent une grande opportunité pour Laniakea, groupe d’Avignon, de briller. Le batteur se met en place, et dans la grande tradition du lieu, démarre les hostilités avec les douze coups habituels d’un début de pièce de théâtre. On appréciera cette chaleureuse attention. Le public a droit à un set de quarante minutes, à la fois lourd et aérien. On retrouve dans la musique du groupe ce que l’on peut aimer chez des artistes comme Gojira avec l’utilisation du tapping par le guitariste, sans oublier des influences marquées de post-rock et de death metal. L’expérience Laniakea, comme le prouve les changements d’atmosphère au sein de ses compos, se veut aussi sauvage que douce et le groupe livre une prestation très solide.

Etre assis dans un concert de metal n’est pas vraiment ce dont on peut avoir l’habitude et cela provoque quelques gênes. Cette originalité n’aura pas forcément d’effet négatif mais elle peut néanmoins créer une certaine forme de malaise car le public met longtemps à applaudir, ne sachant pas quand les morceaux sont finis et n’ayant pas la fougue d’une fosse en sueur. Timide, l’audience mettra souvent quelques secondes avant de se décider à applaudir les groupes. Par ailleurs, on aurait quand même aimé plus de lumière car les spots recouvraient à peine la scène. Les stroboscopes rajoutaient de la vie mais on connait la malédiction des lumières des groupes de premières parties. En tout cas, il aurait été agréable de mieux voir ce qu’il se passe sur scène !

Grorr

Grorr : un nom de groupe animal qui propose pourtant beaucoup de subtilités dans sa musique. Depuis les douze ans qu’elle existe, la formation joue une musique comportant à la fois des riffs death et des notes plus orientales. Le concert commence d’ailleurs avec une introduction à base de percussion tribale, comme si l’on tapait sur des pousses de bambous. Ce côté atypique est amené par un jeune homme s’occupant de prêter sa voix, ce qui ajoute un peu de calme à l’ambiance globale. Un jeune homme qui maniera également un sitar puis enchaînera avec ses différentes machines de drum tapping et ses soundboards. Grorr, dans la programmation du soir, se rapproche d’Igorrr dans sa capacité à passer d’une époque à une autre, d’une culture à une autre, avec seulement des instruments. Ce qui prouve, si besoin était, que la musique peut être créée avec tous les instruments du monde et les nombreux genres différents qui le compose. Dans sa voix, Franck, le nouveau chanteur du groupe, fait fortement penser à Jonathan Davis de Korn. Surtout dans ses notes les plus graves et les plus gutturales, comme sur le morceau « Unique ». Et qu’il est bon, enfin, d’entendre une basse résonner comme il faut parmi ses comparses !

Malheureusement, on note (encore) une ambiance très (trop) solennelle dans la salle, cette dernière ne participant pas beaucoup au cri de ralliement du chanteur. Ce qui est fort dommage lorsque l’on est devant une telle qualité musicale. Manquant à nouveau de lumières, et restant dans des tons très sobres et unis, il manquait un brin de folie et de mouvement à ce concert. Car le décor de l’opéra, situé derrière les groupes, limite les déplacements possibles. Et comme de nombreux groupes comme Grorr ont beaucoup de musiciens sur scène, et une installation importante, il est difficile de créer de l’interaction avec le public sans mouvement. Mais Igorrr réussira de son côté efficacement à pallier ce souci avec des chanteurs singuliers et très dynamiques.

Psygnosis

Psygnosis est un groupe avec une histoire un peu particulière. Après le départ du batteur et du chanteur, les membres se sont en effet concertés pour au final se dire : « Et si on ne les remplaçait pas ? » À la place d’une voix et de percussions pour leur musique, ils ont donc décidé de faire venir sur scène un violoncelliste, amenant cette touche d’opéra à la formation. Un violoncelle qui sera le premier véritable instrument « classique » visible de la soirée. Un moyen pour le bassiste de relâcher la pression, et d’enfin se faire plaisir sur scène après des semaines d’intenses préparations. La formation mâconnaise joue une musique purement instrumentale qui va permettre de faire résonner du violoncelle dans une atmosphère très sombre et épileptique. Car même si la musique reste avant tout agressive, cet instrument permet de rajouter un peu plus de corps et d’originalité à l’ensemble. Même si visuellement, comme pour les précédents groupes, la lumière reste beaucoup trop sombre pour le lieu (et pour rester dans la technique, on notera également ce larsen pas forcément agréable). 

La performance du groupe restera tout de même intense et sera d’ailleurs celle où le public commencera à se réveiller sous les injonctions du groupe. Il est à noter que ce dernier utilise souvent une boite à rythme et plusieurs effets électroniques dans sa musique. Et on est obligé de mentionner à ce sujet Hypno5e lorsque des bandes audio de dialogues sont passées. Une technique que le groupe utilisera régulièrement durant sa prestation. Psygnosis, c’est également l’occasion de voir sur scène un homme à crête avec des tatouages sur le visage. Un musicien qui n’hésitera pas à entraîner une foule à crier, l’instrument à la main.

Psygnosis, Jérémy Tissier profite de son opéra

La prestation va se poursuivre avec un petit monologue du bassiste, Jérémy Tissier, qui comme signalé plus haut a été l’instigateur de cette soirée. Soulagé que cette dernière se déroule sans soucis, il remerciera le public et l’opéra pour lui avoir ouvert les portes du lieu, sans oublier la mairie de Strasbourg et l’association ALCA. Précisant que pour le groupe Empyrium, il aura quand même mis quatre mois à les confirmer sur l’affiche.

L’événement se poursuit avec Gautier Serre, dont la démarche artistique est un contre-pied à la musique actuelle, qui va pouvoir nous réjouir de sa musique dans ce lieu fabuleux. Ces influences baroques collent parfaitement avec le lieu, même si sa musique a des influences venant du death metal ainsi que du breakcore et du trip hop. Dans sa musique unique, Igorrr nous dit de savourer à la fois du classique, du metal et de l’électro. Après quatre ans de travail acharné, le DJ propose Savage Sinusoid, son cinquième album. L’occasion de pouvoir voir la joyeuse bande de nouveau sur scène cette année. Oui, on ne peut rêver de meilleur lieu pour que se joue la musique d’Igorrr ! Surtout que Gautier Serre se produit à domicile, c’est-à-dire dans sa ville d’origine : Strasbourg.

Gautier Serre, l’homme derrière Igorrr

Depuis le début de sa carrière, le DJ s’est entouré de très beaux noms pour rendre sa musique encore plus puissante, notamment en live. Alors c’est avec une grande excitation que l’on peut observer sur scène son batteur Sylvain Bouvier, prêt à nous livrer ses blasts. Tandis que les impressionnantes voix du groupe se font entendre, le public peut observer sur la gauche de la scène Laurent Lunoir, vêtu de son plus bel habit de scène. Un maquillage corporel soigné, accompagné d’une tresse de barbe parfaite, pour un côté sauvage qui rajoute encore plus de charisme à la formation. Et sur la droite de la scène, sa compagne du groupe Öxxö Xööx, Laure Le Prunenec, est également présente. Ce quatuor de choix va pendant une heure nous transporter dans tout ce qu’il est possible de faire avec un mélange aussi improbable. Et même si les lumières sont plus travaillées qu’avant, le rendu global reste tout de même relativement sobre avec des couleurs allant dans des teintes violettes et plus d’effets de stroboscopie pour les passages dynamiques. Le public s’amusera de son côté à parfois crier « Patrick ! », le nom de la poule de Gautier Serre dont il s’est souvent servi pour créer des morceaux.

Ce dernier s’amuse beaucoup derrière sa platine en improvisant certains passages afin d’ajouter cet aspect unique à la performance. L’occasion de pouvoir profiter en live du grandiloquent « Tout Petit Moineau » et de voir la chanteuse, Laure, prouver ses grandes capacités de chanteuse d’opéra tout en maniant le chant extrême. Des styles avec lesquels elle jonglera avec facilité même si l’on verra sur son visage la prouesse d’alterner ces chants. Mais la frontwoman saura prendre le tout avec légèreté et offrira même quelques pas de danses à la foule.

Laurent Lunoir, chanteur d’Igorrr

Laurent Lunoir (chant) s’efforcera également de faire sortir la bête qui est en lui avec ses envolées lyriques, ainsi que ses cris extrêmes, qui surprendront le public de l’opéra. Nous sommes en face de deux chanteurs mettant toute leur passion dans leur voix et dans leur jeu scénique. Tandis que Laure sera davantage dans la légèreté, par sa danse et son attitude scénique, Laurent est lui dans une attitude beaucoup plus brute et démoniaque lorsqu’il se roule presque par terre en chantant. Et malgré tout ce flow de passion qu’ils ont en eux, il y a toujours ce public trop calme qui paraît ne pas savoir se comporter face à cette performance metal dans un opéra. Ceci provoquant parfois des blancs d’une dizaine de seconde après un morceau, avant que quelqu’un ne se décide à applaudir pour lancer la foule. Mais justement, peut-être que cela vient avant tout du lieu, et de la musique « classique », où l’on attend la véritable dernière note de toute une pièce de musique avant d’applaudir.

La musique d’Igorrr est en tout cas une des plus singulières qui soit… et peut-être même l’une des plus importantes qui puisse exister au XXIe siècle en termes d’ouverture musicale. L’occasion de se préparer au nouvel album (enfin signé chez un label metal, Metal Blade Records), sorti il y a quelques jours, et de profiter de nouveaux titres tels que « Viande », « ieuD » ou « Opus Brain ».

Setlist :

Moelleux
Opus Brain
Moldy Eye
Pavor Nocturnus
Caros
Viande
Tendon
Excessive Funeral
ieuD
Tout Petit Moineau
Grosse Barbe

Ulf, principal compositeur d’Empyrium

Qu’il est jouissif d’avoir l’honneur de voir Empiryum sur scène. Le groupe qui demande habituellement des lieux atypiques où se produire a été séduit par l’idée de se produire dans un opéra. Les six allemands se préparent donc sur la scène et démarrent un set qui fera un peu plus d’une heure. Empyrium piochera dans tous ses albums pour un concert riche en émotion qui permettra de se calmer après l’expérience Igorrr. Des musiciens sobres, jouant leurs titres avec calme et dans un grand professionnalisme, n’allant jamais dans l’excès. Un aspect noble ressort ainsi de cette prestation où les musiciens donnent un simple « merci beaucoup » à chaque fin de morceau. Dans ce lieu qui paraît si vaste sort une sacrée grandiloquence des morceaux. Lorsque Thomas Helm (claviers) entonne les paroles des chansons de sa chaude voix basse, des frissons nous emporte car c’est un plaisir immense d’entendre des pistes telles que « With The Current Into Grey ». Lorsque le claviériste mêle sa voix avec son acolyte guitariste, Ulf, on atteint une certaine perfection de l’harmonie musicale. Avec des solos d’une grande douceur, accompagnés des mélodies au piano et d’un violon qui viendra s’ajouter à la partition, le tout est interprété avec légèreté et calme.

Un rendu qui amène le public (ravi de voir le groupe) à offrir à ce projet mythique du folk metal le meilleur accueil de la soirée. On peut profiter également de lumières s’accordant à merveille avec le lieu, utilisant tout l’espace de l’opéra pour les projections afin de garder un semblant de mouvement dans une prestation qui est évidemment très fixe de la part des musiciens. On pourrait comparer Empyrium à un produit de luxe, comme du caviar. Rare, à ne profiter que dans certains endroits et pour certaines occasions. Le groupe fait son travail à la perfection du début à la fin, sans aucune fausse note. Sûrement l’artiste pour lequel le public non-familier avec le metal aura eu le plus d’affinités ce soir grâce à la voix et la musicalité proposées.

Setlist :

Mourners
The Days Before The Fall
The Mill
Where At Night The Wood Grouse Plays
Heimwärts
With The Current Into Grey
Lover’s Grief
Many Moons Ago
The Ensemble Of Silence

Empyrium et l’opéra

Voir Igorrr et Empyrium aura été une incroyable opportunité. Le line-up global proposé était d’ailleurs de grande qualité. Le tout dans un cadre somptueux avec une organisation au top. Voir les groupes jouer avec derrière eux le décor d’un opéra donne un cachet unique à la performance des artistes. Jérémy Tissier fera d’ailleurs un dernier passage sur scène pour remercier le public qui le remerciera également chaleureusement. L’audience espère par conséquent entendre de nouveau parler du Metal Oper’Art en 2018. Mais en attendant, nous repenserons avec nostalgie à ces beaux balcons lorsque l’on retournera dans la fosse se faire secouer dans les salles habituelles !

Live reports et photos : Matthis Van Der Meulen.



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