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Interview   

Michael Romeo : hybride et épique


Il était temps. En 2018, alors qu’il sortait le premier volet de son double album solo War Of The Worlds, le guitariste Michael Romeo nous annonçait que le second volet était lui-même pratiquement terminé. C’est finalement quatre ans plus tard qu’il voit le jour, dans un contexte où le titre emprunté au célèbre roman de science-fiction de H.G. Wells prend un sens très palpable. Jouant toujours autant la carte cinématographique et l’hybridation, c’est finalement une forme d’évasion bienvenue que nous offre Michael Romeo.

Certes, on ne retrouvera pas de surprise de la trempe de « Fucking Robots » sur le premier album, mais le guitariste continue à démontrer l’étendue de ses talents d’instrumentiste, que ce soit avec l’emploi pour la première fois de guitare sept-cordes, mais aussi de violoncelle, de saz et d’oud… Car Romeo est avant tout un amoureux de musique au sens large, un grand curieux et un touche-à-tout. Pour preuve, ses influences, dont il nous parle en détaillant son parcours (et en répondant à Yngwie Malmsteen), qui vont de Black Sabbath à Stravinsky, en passant par John Williams et Al Di Meola. Nous discutons de long en large de ce War Of The Worlds, Pt. 2, de sa fibre musicale et de ses perspectives avec Symphony X dans un entretien largement complémentaire de celui réalisé en 2018.

« Je me suis dit : ‘Tu sais quoi ? J’ai un peu de temps, je vais acheter un saz et un oud.’ S’il y a des cordes dessus, généralement j’arrive à en tirer un son pas trop nul. […] J’adore les instruments, expérimenter et m’amuser. »

Radio Metal : La dernière fois qu’on s’est parlé, en 2018 quand la première partie de War Of The Worlds est sortie, tu nous as dit : « La seconde partie sera probablement la chose la plus rapide à faire vu que quatre-vingt-dix pour cent est déjà terminé. » Au final, ça sort quatre ans plus tard ! Pourquoi est-ce que ça a pris autant de temps si tu avais la musique et que c’était en majorité terminé ?

Michael Romeo (guitare) : Ça fait plus d’un an que cet album est complètement terminé. C’est comme pour tout, nous avons attendu pour voir comment la situation allait évoluer. Le label s’est demandé quand serait le bon moment pour le sortir. Tous les plannings ont été chamboulés. En 2019, j’étais en train de tourner avec Symphony X, tout semblait bien aller, tout était cool. Nous avions des tournées programmées aux Etats-Unis au printemps, genre en avril 2020, je crois. Donc au début de l’année, j’ai dit : « Tu sais quoi ? Je vais me pencher sur la seconde partie. Je suis sûr que je peux la terminer avant le début de la tournée. » J’étais en train de regarder ce que j’avais et je me suis dit : « Oh bon sang, en fait ça va faire un peu court. » Il y avait quelques trucs que je devais revoir et finir. Il y a deux ou trois morceaux que j’ai dû modifier et condenser pour qu’ils aient la bonne longueur. Mais tout se passait sans problème et tout d’un coup : « C’est quoi cette histoire de Covid-19 ? » Tout a fermé, y compris les studios, et c’était le confinement. Malgré tout, j’ai quand même fini l’album assez rapidement. Je crois que presque tout était terminé durant l’été voire avant, mais évidemment toutes les tournées étaient annulées et tout le planning a volé en éclats.

D’un autre côté, ça ne t’a pas donné du temps pour peaufiner la musique, justement ?

Pendant un temps, au début, oui. Il y a un peu de vérité là-dedans. C’était : « D’accord, la tournée est annulée. Ça craint. Mais au moins, je peux m’assurer que tout est en ordre avec l’album solo. » A la fois, une bonne partie était déjà faite. Comme je disais, il y avait deux ou trois chansons qui n’étaient pas tout à fait finies ou que je devais revoir. Donc au début, le fait d’avoir du temps en plus était cool pour finir ces chansons. Je me suis dit que j’allais utiliser la sept-cordes, balancer quelques instruments différents et expérimenter un peu plus, mais arrive un moment où t’es là : « Merde ! Maintenant, c’est trop » car arrivé 2021, la tournée était de nouveau annulée. Je me suis dit : « Ok, c’est le moment d’être créatif, d’être inspiré et d’aller en studio. » Mais c’est bizarre, l’équilibre était détraqué parce que ça faisait un moment que le groupe n’était pas monté sur scène, que nous n’avions pas été ensemble dans un bus, à faire les andouilles et des trucs de groupe. Les choses s’améliorent maintenant, nous nous sommes parlé et ça avance. C’est juste que c’est plus lent que d’habitude et je pense que c’est simplement parce que pendant longtemps nous n’avons pas été dans cet environnement. Il y a des gars qui ont été très productifs durant ce temps d’arrêt, ils sortaient des trucs à droite à gauche, mais pour ma part, quand je compose, j’essaye de réfléchir aux choses. Avec l’album solo, War Of The Worlds, j’ai essayé de trouver un truc qui m’inspirerait, que ce soit un roman, un thème, une histoire ou même la vie à faire des trucs de groupe avec les gars. Donc là, ça a tout un peu ralenti au moins pour se remettre dans le bain. Nous commençons tout juste à nous y remettre. Nous sommes en train de travailler sur un album et d’en parler, et nous avons une tournée qui arrive ici. Je pense que quand nous aurons commencé à répéter et à tourner, ce sera : « D’accord, c’est bon. Maintenant on a retrouvé une normalité. »

La première partie avait Rick Castellano au chant, mais pour la seconde, tu as maintenant le chanteur croate Dino Jelusick. C’était prévu depuis le début que la collaboration avec Rick ne serait que ponctuelle ?

Quand j’ai commencé, je n’étais pas sûr. Je ne savais même pas qu’il allait y avoir une seconde partie avant… Quand je suis en train d’écrire et que je me sens inspiré, je ne m’arrête pas, je continue d’écrire encore et encore. Il n’y avait même pas de première et seconde partie à ce moment-là, je ne faisais que composer. Puis, quelques mois plus tard, je suis revenu sur ce que j’avais fait et je me suis dit : « Bon, voyons ce que j’ai. Oh merde, j’ai beaucoup plus de musique que nécessaire. » Comme tout avait été composé au même moment, qu’il y avait pas mal de thèmes et d’idées similaires, je me suis dit que j’allais faire ça en deux parties. Voilà comment ça a évolué. Rick est à la fois un ami et un mec que les gens ne connaissent pas, et je me suis dit que ce serait sympa de donner une chance à un inconnu ; je pensais à lorsque j’étais jeune et que quelqu’un m’avait donné ma chance, et j’ai voulu faire la même chose. J’ai trouvé que ça avait super bien marché, il a assuré. Puis, pour celui-ci, quand je me suis remis sur la seconde partie pour la finir, je me suis dit que peut-être j’allais essayer quelque chose de différent avec le chant. Pendant une seconde j’ai songé à peut-être utiliser différents chanteurs sur différentes chansons, mais j’aime avoir une forme de continuité. Donc j’ai pensé : « D’accord, qui je connais ? Qui je pourrais faire chanter ? » Un jour, j’étais au téléphone avec Simone Mularoni – il m’aide avec tout le mixage et le mastering – et il était là : « Je vais appeler mon pote Dino. Je suis sûr qu’il adorera s’en charger. » Je connaissais un peu Dino. Donc il nous a mis en relation, je lui ai parlé et il était là : « Mec, compte sur moi ! Ce sera super. » Nous nous sommes donc envoyé des trucs et j’ai reçu les pistes de chant, j’étais là : « Oh, parfait ! C’est exactement ce qu’il faut pour ça. » Je trouve qu’il a fait du super boulot.

« Dans tous les cas, [la sept-cordes] n’est pas mon instrument principal et ça ne le sera jamais. En ce qui me concerne, six cordes c’est plus que suffisant. J’essaye déjà d’entretenir mon niveau sur six cordes. »

La dernière fois, je t’avais demandé si nous aurions d’autres surprises de la trempe de « Fucking Robots » dans la seconde partie. Tu avais répondu : « Je ne sais pas ! Peut-être qu’on verra en fonction de l’accueil que recevra cet album. » Or on dirait qu’il y a moins de surprises et d’expérimentations sur cette seconde partie, en tout cas pas autant que « Fucking Robots ». Est-ce que ça veut dire que ça n’a pas été très bien reçu ?

Non, je m’en fiche. Evidemment, on a envie que tout le monde aime tout, mais on balance un truc imprévu et les gens sont là : « Oh mon Dieu ! Bordel, qu’est-ce qu’il est en train faire ? » Mais je ne fais que m’amuser et essayer des trucs. J’adore le metal, la musique progressive, le classique, les musiques de films, l’électronique… J’adore tout ça ! Donc bien sûr, je vais essayer. Et il se trouve que je n’avais rien de particulier pour celui-ci, mais il y a quand même pas mal de synthés, il y a du sound design, et peut-être que c’est juste là en tant que texture. Je veux dire que je n’éprouvais pas vraiment le besoin d’avoir un autre morceau comme ça, parce que je trouve qu’il y a suffisamment de choses dans les chansons, y compris en termes d’électronique. Avec cette seconde partie, j’étais là : « D’accord, qu’est-ce que je peux faire d’autre ? La sept-cordes, je n’en ai jamais joué, alors essayons ça dans quelques chansons. Essayons de mettre un peu de violoncelle aussi. » Je joue un peu de violoncelle, je n’ai pas une énorme maîtrise, mais suffisamment pour en mettre en arrangement sous le reste. Pareil pour certains des autres instruments que j’ai ici. Il y a la chanson « Destroyer » qui a un côté oriental. En temps normal, j’aurais pris un patch de synthé ou un instrument virtuel pour faire du sitar, mais là – on en revient à ce que tu disais à propos d’avoir un peu plus de temps – je me suis dit : « Tu sais quoi ? J’ai un peu de temps, je vais acheter un saz et un oud. » S’il y a des cordes dessus, généralement j’arrive à en tirer un son pas trop nul. Ça faisait donc partie de ce que j’ai essayé de faire avec celui-ci, peut-être ajouter quelques vrais instruments, des textures, etc. Il y a encore des synthés, mais pas de façon aussi extrême que le morceau en dubstep, que je trouve toujours cool.

Etant un musicien qui tourne partout dans le monde, profites-tu de tes voyages pour apprendre d’autres formes de musique et instruments, et pour t’en inspirer ?

Oui, s’il y a des musiciens dans les parages ou si je vois un quatuor à cordes jouer, même ici dans le New Jersey, si ma femme et moi allons voir une symphonie, je vais essayer d’absorber tout ça. Ou si nous sommes en voyage et que je vois un magasin d’instruments de musique ou autre chose, ça pourrait être n’importe quoi, je peux tomber sur un kalimba ou des bongos quelque part, je les prends. Si ça rentre dans ma valise, je les ramène à la maison. Si je ne peux pas, alors je les commande. C’est comme ce que je disais à propos de la chanson « Destroyer », je suis comme ça. J’adore les instruments, expérimenter et m’amuser. Généralement, si j’entends quelque chose que je trouve sympa, j’ai envie de le faire. Je me souviens, pour Noël… Je vais poser le contexte : j’étais en train de regarder le film Mortal Kombat l’an dernier, je crois. J’ai trouvé le film – qui est tiré d’un jeu vidéo – divertissant, qu’il était très bien fait, mais j’ai surtout trouvé la musique vraiment cool. C’est très orchestral et il y a pas mal, disons, d’éléments EDM ou du sound design et des synthés, et il y a une flûte japonaise, le shakuhachi. Et j’étais là : « Bon sang, cet instrument a un super son ! » Puis ma femme m’a demandé : « Qu’est-ce que tu veux pour Noël ? » Il faut savoir que j’adore la cuisine et avoir tous mes couteaux, et je lui ai répondu : « Je veux un shakuhachi ! » Elle était là : « C’est un genre de couteau de chef japonais ? » Je lui ai dit : « Non ! C’est une flûte ! » Donc, pour Noël, j’ai eu ça dans les cadeaux. Il m’a fallu deux jours pour en sortir un fichu son. On apprend toujours ; nous les musiciens, on n’arrête jamais d’apprendre. Donc si j’entends un truc qui sonne sympa ou vois un instrument sympa, j’ai envie d’apprendre à en jouer, et qui sait ? Un jour peut-être je l’utiliserai dans un morceau.

Penses-tu que plus on joue de différents instruments, plus ça devient facile d’en apprendre des nouveaux ?

Ça dépend. S’il y a des cordes dessus, comme je l’ai dit, donne-moi juste deux heures et je serai au moins capable de faire quelque chose. Si c’est un instrument qui m’est vraiment étranger, comme un instrument à vent, mais que je comprends sa mécanique, ça peut aller. C’est juste amusant ! C’est comme la créativité. Tu es en studio, tu as des jouets, et on ne sait jamais, ça peut amener à quelque chose de cool pour une chanson.

Penses-tu que le fait d’apprendre d’autres instruments à cordes a une influence sur ton jeu de guitare ? Y a-t-il des techniques que tu as empruntées à ceux-ci ?

C’est une bonne question. Je ne pense pas. C’est probablement même l’inverse. Je regarde ces autres instruments et je me dis : « D’accord, sur la guitare c’est comme ça, donc… » La guitare, c’est mon truc, donc je fais toujours le lien avec ça.

« Quand je compose du metal, je pense à une image, comme un tripode extraterrestre géant et menaçant. Alors je suis là : ‘Ça sonne comme ça et voilà le riff’, puis boum, voilà une chanson. »

On dirait que la couleur orientale est l’une de tes préférées. Tu as mentionné « Destroyer », mais il y avait aussi « Djinn » sur la première partie, et on retrouve beaucoup ça dans Symphony X. Qu’est-ce qui t’attire là-dedans ?

Je pense que c’est vraiment la tonalité et, encore une fois, quand on parle d’apprentissage, quand j’étais jeune, ce sont les choses que j’écoutais qui m’inspiraient et m’emmenaient dans une certaine direction. J’ai commencé à jouer de la guitare à cause de Kiss ; j’étais en train d’écouter un album de Kiss quand j’étais gamin et Ace Frehley a fait un glissé de médiator, j’étais là : « Ouah ! C’est quoi ce truc ? Je veux faire pareil ! » Ensuite, à mesure que j’apprenais la guitare, c’était Randy Rhoads, surtout les albums Blizzard Of Ozz et Diary Of A Madman, et bien sûr Van Halen… Il y avait tous ces guitaristes quand j’étais jeune. Al Di Meola en faisait aussi partie et, certes, il jouait pas mal sur le côté latin, mais je me souviens de la chanson « Egyptian Danza » qui avait ce type de tonalité orientale, j’avais trouvé ça vraiment cool. Puis il y avait Scorpions avec Uli Jon Roth qui touchait pas mal à ça, comme dans la chanson « Sails Of Charon ». Evidemment, il y a Yngwie [Malmsteen] chez qui on retrouve pas mal cette tonalité dans certains de ses morceaux. J’aime cette tonalité. Des fois je vais avoir des riffs avec un Mi et un Si bémol et je pense à Black Sabbath, la chanson « Black Sabbath » ou « Symptoms Of The Universe », ce genre de chose, et c’est super, mais il y a aussi d’autres types de gammes et de tonalités qui apportent une couleur unique. C’est toujours sympa à utiliser. Pour moi, ça apporte de la variété, différentes gammes, différentes tonalités, et dans mon cas, ça me mène à essayer différentes choses et différents instruments.

Comme tu l’as mentionné, tu as utilisé une guitare sept-cordes sur certains morceaux. Tu as utilisé des accordages plus bas par le passé, mais pas de sept-cordes jusqu’à présent. Or un grand nombre de tes pairs dans le metal progressif joue de la sept-cordes voire de la huit-cordes maintenant. Alors pourquoi ne t’es-tu intéressé que maintenant à cet instrument ?

Dans tous les cas, ce n’est pas mon instrument principal et ça ne le sera jamais. En ce qui me concerne, six cordes c’est plus que suffisant. J’essaye déjà d’entretenir mon niveau sur six cordes. Je n’ai pas besoin d’une ou deux de plus. La vraie raison – pour revenir à ces chansons qui n’étaient pas terminées – est que sur la démo de « Destroyer », c’était joué à la six-cordes, c’était l’un de ces riffs en Fa dièse et c’était cool, mais je me suis dit : « Ça pourrait sonner un peu plus méchant, un peu plus sombre sous-accordé. » Je pouvais sous-accorder un peu plus ma guitare, mais c’est un cauchemar d’essayer d’enregistrer avec des cordes aussi lâches. Donc je me suis dit : « Je vais essayer la sept-cordes. » Il m’a fallu un peu de temps pour m’y faire. J’ai joué toute ma vie sur six cordes et là il y en avait une de plus, genre : « Oh bon sang, sur quelle satanée note est-ce que je suis ? » Il m’a fallu un ou deux jours, mais c’était cool, ça allait. Et c’était seulement pour ces quelques chansons. Ça servait un but particulier et la six-cordes reste mon instrument.

Est-ce que le risque n’est pas de tomber facilement dans une caricature de néo-metal quand on utilise une sept-cordes ?

Je ne sais pas. Je suppose que ça dépend de ce qu’on fait avec. Si tu fais quelque chose de… je n’ai pas envie de dire compliqué, mais un riff sympa bien chiadé, et qu’il s’y passe des choses, au lieu de [fredonne un riff heavy très simple]… Enfin, ça sonne super bien aussi. C’est ça le truc avec la sept-cordes. Tu peux jouer juste une note ou deux sur un genre de motif rythmique, et rien que ça, c’est : « Ouah, ça sonne à mort ! » Ça ne me pose pas de problème de jouer une rythmique basique, c’est cool, mas j’aime faire des riffs plus chiadés, avec même une structure mélodique autour. Et comme j’ai dit, ma six-cordes… Je ne vais pas changer maintenant ce que je fais, mais sait-on jamais ! Peut-être sur une chanson, de temps en temps, pourquoi pas. Cet album solo est l’exemple parfait. Je peux l’utiliser un petit peu, comme une texture ou pour que ça soit un peu différent, c’est tout.

Il y a un thème musical récurrent sur les deux parties, qu’on peut entendre dans l’introduction de la première partie ou dans « Maschinenmensch » et « Brave New World », par exemple, dans la seconde partie, et qui ressemble beaucoup au thème de Luke Skywalker dans Star Wars…

[Rires] Oui, je suis sûr que tu as raison. Je suis sûr qu’on retrouve ce genre de ressemblance. Absolument. Enfin, il y a plein de choses qui sont clairement des clins d’œil à mes héros, il y a des plans de guitares qui rappellent certains groupes, il y a peut-être un côté Rush ou orchestral à la John Williams. Ce sont des trucs qui coulent dans mes veines, donc j’assume. Parfois je dois écouter et me dire : « Oh merde, est-ce que c’est trop proche ? » Et je suis là : « Bon, ouais, un peu, mais ça va parce que c’est mon héros. » On imite un peu ses héros, donc c’est parfaitement normal. Mais concernant ce thème récurrent… Quatre-vingt pour cent de ce second album était déjà fait, donc une grande partie de ces thèmes étaient là depuis le début. En fait, généralement, le thème est un point de départ pour moi. Evidemment, j’ai des riffs et des idées pour un refrain et peut-être des idées mélodiques, mais généralement, j’essaye au moins d’avoir une poignée de thèmes, pour les développer et leur trouver des variations. Ensuite, je me mets sur les chansons et peut-être qu’il y a un petit passage où je me dis : « Oh ouais, il y a ce truc tiré de ce thème. » Quand je commence à composer, j’ai un paquet de riffs et d’idées, mais j’ai surtout un stock de thèmes musicaux dans lequel je peux piocher. Parfois je l’utilise sur certaines chansons et parfois pas.

« Peut-être que les Martiens n’ont pas besoin de venir ici avec des foutus armes et pistolets laser, peut-être qu’ils n’ont qu’à se prendre une bière et se dire : ‘Regardez ces idiots là en bas. Ils vont se battre entre eux. On n’a qu’à se détendre et les laisser faire.' »

Comme nous en avons discuté la dernière fois, ces albums sont vaguement basés sur le roman de H.G. Wells évoquant une invasion martienne. Vu que tu joues une musique spectaculaire, j’imagine qu’il te faut une histoire spectaculaire pour aller avec. Lis-tu ou regardes-tu beaucoup de science-fiction pour t’inspirer ?

J’ai quelques livres, mais je ne suis pas un énorme fana de littérature non plus. J’essaye juste de trouver une thématique avec laquelle je pense pouvoir faire quelque chose de cool et dont les gens connaissent l’idée, genre : « Oh ouais, c’est les Martiens, un truc de science-fiction. » J’essaye toujours de trouver une histoire qui parle aux gens mais aussi que je trouve excitante à mettre en musique, comme Le Paradis Perdu ou L’Odyssée, ce genre de grand récit épique. Je me souviens quand j’ai parlé avec Russ [Allen] du Paradis Perdu. Quand on s’attaque à ça, il faut lire un petit peu, au moins pour en dégager l’essence. Les films, c’est facile, parce que tu regardes pendant deux heures et tu te dis : « D’accord, cool. C’est bon. Je sais de quoi il est question. » Mais c’est plus cool, musicalement, de composer sur ce genre de grande histoire. Si tu te mets à faire un album sur Le Seigneur Des Anneaux, par exemple, t’es là : « Oh, c’est parti ! » Un cadre énorme. Des trucs grandioses. Il y aura un orchestre et un chœur. Alors qui si quelqu’un disait : « Eh mec, j’ai envie que tu composes une chanson qui parle de ces canards dans la mare. » Je serais là : « Je ne sais pas trop, mec… Je ne le sens pas. » Enfin, peut-être qu’on pourrait écrire un joli petit morceau acoustique, façon musique de pêcheur ou je ne sais quoi, mais je trouve que plus la vision est majestueuse, mieux c’est.

La science-fiction se prête toujours bien à ce genre de chose – la science-fiction ou l’aventure. Même l’horreur. Avec ces albums, je me souviens que Lovecraft est l’une des choses que j’avais envisagées. J’adore l’horreur et les histoires sombres, mais je me suis demandé comment on pourrait faire de grandes chansons épiques avec une histoire d’horreur. On peut le faire, mais ensuite, j’ai commencé à penser à Star Wars et aux Planètes de Holst. Je savais que je voulais aller plutôt dans cette direction avec ces albums, ainsi que Stravinsky et évidemment du metal et des éléments progressifs. Alors je me suis dit : « Qu’est-ce que je peux faire avec ça ? » Puis je suis tombé sur La Guerre Des Mondes et j’ai trouvé que ce serait un bon thème, ça collait beaucoup mieux que l’horreur. Je ne voulais pas que les textes parlent de soucoupes volantes et toutes ces absurdités. Je voulais plutôt aborder l’idée de « nous contre eux » – nous et l’ennemi, ce genre de chose. On n’est pas obligé de raconter exactement l’histoire, mais c’était ce thème, cette idée. Il y a certaines paroles où c’est peut-être plus une métaphore, mais il y a toujours ce fond de science-fiction, et musicalement, c’est toujours dans cette esthétique. Si j’ai un thème ou, lorsque que je compose, j’ai une image en tête, ça aide beaucoup. Généralement, quand je compose du metal, je pense à une image, comme un tripode extraterrestre géant et menaçant. Alors je suis là : « Ça sonne comme ça et voilà le riff », puis boum, voilà une chanson. A l’inverse de l’histoire des canards dans la mare, où tu n’auras pas un riff à la Black Sabbath sous-accordé en Do dièse, ça ne marchera pas. Enfin, ça pourrait marcher. Ça pourrait même être cool, rien que pour le contraste… mais non.

C’est donc de là que tu tires généralement ton inspiration, d’autres œuvres ?

Pour moi, l’inspiration peut venir d’un groupe, d’autres guitaristes, de livres, de films, de tout et n’importe quoi, donc je puise dans tout ce qui m’entoure. Par exemple, je suis allé voir le dernier Matrix avec un pote, et rien que le fait de s’évader au cinéma, ou de tomber sur un album qu’on aime, ou une nouvelle série qu’on aime, ou une émission de télé, peu importe, ça aide – en tout cas, pour ma part. Après, je viens ici pour composer, parce que je me sens inspiré. Je me dis : « Peut-être que je devrais faire quelque chose comme ça. Je n’ai pas envie de trop copier, mais juste un petit peu. » On a besoin de ces sources d’inspiration. Mon album solo était plus dans le style Star Wars, la science-fiction, mais par exemple, si le prochain album est dans la veine du Seigneur Des Anneaux, il y aura probablement des clins d’œil à Game Of Thrones, que j’adore. Mais qui sait ? D’un autre côté, ça a beaucoup été fait.

C’est l’autre chose, même avec le groupe : nous essayons de trouver des thèmes que nous n’avons pas encore abordés. Nous avons fait cette histoire du paradis et de l’enfer avec Paradise Lost, celle de l’homme contre la machine [avec Iconoclast] et The Odyssey est basé sur la mythologie grecque. Je me souviens avoir parlé avec les gars : « Merde, qu’est-ce qu’il nous reste ? Il doit bien y avoir d’autres trucs qu’on a oubliés. » Puis l’autre jour, j’ai même dit : « Peut-être que ce n’est pas obligé que ce soit basé sur quoi que ce soit. Contentons-nous d’écrire. » Peut-être que toute cette merde que le monde traverse… Je n’ai pas envie d’écrire à ce sujet, mais je ne sais pas, autant laisser faire l’inspiration. Pour moi, il est clair que c’est plus facile d’avoir une base thématique. Si tu me disais là maintenant : « Ecris-moi un album dont le thème est Game Of Thrones » ou Star Wars, ça devrait être vite fait [rires]. Enfin, ça va prendre quand même du temps, mais je vais tout de suite piger. Donc trouver un thème pour mettre la machine en route, c’est cool.

« Je pense qu’en général, la plupart des gens se foutent des prises de position. Ils ne s’intéressent qu’à la musique. On n’a pas besoin de ces conneries dans la musique ou l’art. »

Crois-tu aux extraterrestres ?

Pas vraiment. Enfin, il se pourrait qu’ils existent, bien sûr. Qu’est-ce que j’en sais ?

On peut aussi interpréter cette idée de guerre des mondes à la lumière de ce qui se passe actuellement dans la société, avec toutes les divisions, la culture woke, etc. Est-ce que ce pourrait être un commentaire déguisé sur la vie réelle que tu fais parfois ?

Une grosse partie de cet album a été écrite avant que toute cette folie arrive, mais oui, rien que dans une chanson comme « Divide & Conquer », on retrouve un peu de ça dans les paroles. Peut-être que les Martiens n’ont pas besoin de venir ici avec des foutus armes et pistolets laser, peut-être qu’ils n’ont qu’à se prendre une bière et se dire : « Regardez ces idiots là en bas. Ils vont se battre entre eux. On n’a qu’à se détendre et les laisser faire. » C’est un peu le bordel. Cela dit, je ne voulais pas consciemment rentrer là-dedans. Je ne suis pas très politisé ; la politique ne m’intéresse pas vraiment. J’essaye juste d’être créatif. Peut-être que je regarde autour de moi et commente toute la folie… On venait de sortir du Covid-19 et les perspectives semblaient un peu meilleures, y compris en Europe, et maintenant il y a la Russie, un nouveau truc. C’est genre : « Oh mec, tu vas vraiment commencer ça maintenant ?! » Après deux ans, le monde entier est tout juste en train d’essayer de se remettre en selle, et maintenant, sans crier gare, boum. On passe d’un foutoir à un autre. Qu’est-ce qu’il se passe ? Je croise les doigts pour qu’on puisse retrouver une forme de normalité et que les groupes et les musiciens, notamment, puissent se remettre à tourner. Ça va prendre un peu de temps, mais je pense que petit à petit, ça va s’améliorer.

As-tu l’impression que l’art et la musique sont l’un des derniers bastions où les gens peuvent se rassembler et s’accorder sur quelque chose ?

Oui, je pense. Enfin, j’espère, à moins d’essayer de créer de la musique ou de l’art tellement polarisé sur un bord de je ne sais quel débat qu’on ne fait que créer la discorde. Mais si on a vraiment quelque chose qui vient du cœur et qu’on est là : « C’est ma créativité. Voilà l’idée, parlons-en. Parlons de cet art ou de cette musique. » Je pense qu’en général, la plupart des gens se foutent des prises de position. Ils ne s’intéressent qu’à la musique. S’ils aiment et que ça leur procure des émotions, c’est super. On n’a pas besoin de ces conneries dans la musique ou l’art. Certes, il peut y en avoir qui font ça et qui ont des choses à dire, d’accord, je le respecte ; vous avez une position sur quelque chose, très bien, je ne vais pas me battre avec vous sur ce sujet. Chacun son truc. Mais pour ma part, quand j’écris de la musique, je suis dans mon studio, je suis créatif, je cherche des idées qui m’inspirent, donc avec un peu de chance, ça émouvra aussi d’autres gens d’une façon ou d’une autre.

Ce n’est pas un secret, Yngwie Malmsteen a été l’une de tes plus grandes inspirations. Nous avons eu une discussion avec lui l’an dernier et j’ai mentionné toi et d’autres guitaristes néoclassiques qu’il a influencés. Il a dit que vous dériviez à cent pour cent de lui et qu’autant vous avez « dû travailler dur parce que ce n’est pas facile de faire ces trucs, [autant] ce n’est pas original » et « ce qui en ressort sonne plus ou moins comme une copie ». Cela dit, il a précisé ne pas avoir « suffisamment entendu pour donner un avis ». D’ailleurs, pour ma part, quand je t’écoute, je n’entends pas Yngwie Malmsteen, j’entends Michael Romeo. Donc si tu devais analyser, qu’as-tu apporté à la « recette » néoclassique originale pour l’emmener plus loin et créer ton propre style ?

Ça dépend. Ça vaut pour n’importe quel musicien, guitariste ou batteur : quand on est en train de grandir, il y a des gars qui nous inspirent, qui nous influencent, et oui, on essaye d’imiter et d’apprendre ce qu’ils font. Si j’avais composé quelque chose au milieu des années 80, quand j’écoutais Randy Rhoads, ça aurait beaucoup sonné comme ce dernier, et plus tard c’était Yngwie et Al Di Meola, et là encore ça aurait sonné comme eux. Puis au fil du temps, de plus en plus de musiciens entrent en ligne de compte. Je suis devenu un grand fan d’Allan Holdsworth et, à l’époque, peut-être que certains de mes morceaux commençaient à sonner un petit peu comme lui. Mais je pense qu’avec le temps, tout ce qu’on a appris et tous ces riffs et idées musicales qu’on a imités… Oui, tous ces gars sont des influences pour moi, mais il y en a beaucoup et je les intègre à ma manière. C’est comme : « Ok, Randy faisait ce genre de chose, mais où est-ce que je peux emmener ça dans ce que je fais ? » Pareil avec Yngwie – un musicien phénoménal – mais peut-être que je m’orienterais plus vers la fin de la période romantique dans le classique ou même vers le classique du vingtième siècle. Peut-être pas tant Beethoven ou Bach que Bartók ou Stravinsky. Donc pour moi, c’était un apprentissage évolutif. On a tous nos héros et nos influences qui façonnent ce qu’on fait, et j’en ai qui viennent de différents domaines. Parfois, je suis en train d’essayer d’écrire un riff et je me dis : « C’est quoi ce truc à la Black Sabbath ? Il est cool ce riff. » Donc il y a toujours des petits bouts qui viennent d’ailleurs, mais au fil du temps, tu développes ta propre approche et tu rends tout ça original, tu te les appropries.

« De nos jours, quand je regarde un film, je prête probablement plus attention à la musique qu’aux images. »

Donc tu n’es pas d’accord quand il dit que tu fais de la « copie »…

Non, je ne suis pas d’accord. Je pense que s’il écoutait certains trucs, il comprendrait. Enfin, c’est clair que tu entends toujours un petit quelque chose chez tout le monde. Si je fais un tapping, ça vient de Van Halen – pour moi, en tout cas. Si c’est un véritable riff heavy avec une quinte diminuée, ça peut faire penser à Black Sabbath ou Pantera. Si c’est un passage très classique, ce sera clairement à la Yngwie. Si c’était toujours comme ça et qu’il n’y avait rien d’autre, alors je serais d’accord avec lui, mais j’ai plein d’influences différentes ; j’ai emprunté un tas de petites choses au fil des années et j’essaye de les intégrer à ma propre palette. Donc bien sûr, je ne suis pas d’accord avec lui. Nous lui enverrons cet album et je pense qu’il sera d’accord aussi. Peut-être que si on lui fait écouter du vieux Symphony X… Parce que sur nos premiers morceaux, c’était notre influence commune à [Michael] Pinnella et moi. C’est un pianiste classique et j’étais moi-même dans la musique classique, donc tout de suite, c’était un terrain d’entente facile : « J’ai ce truc. » « Oh ouais, à la Bach. D’accord, cool. Je suis dessus. On est bon. » Donc peut-être qu’effectivement certaines de ces musiques tendent vers le style néoclassique, mais encore une fois, au fil du temps, le côté classique a peut-être pris un peu une autre direction ou nous sommes devenus un peu plus heavy, ça évolue.

Ynwgie a expliqué qu’il avait « commencé à écouter des violonistes classiques, comme Vivaldi, Tchaïkovski et Paganini, [il a] été fasciné par les gammes linéaires et les arpèges, la façon de jouer bien plus vaste que présentait un violon. Voilà pourquoi [il a] commencé à faire ça ; c’était presque comme une révolte contre le blues. » Mais qu’en est-il de toi ? Comment as-tu acquis ta sensibilité classique ? Y avait-il aussi une part de révolte ou bien c’était une approche plus intellectuelle et académique ?

Pour moi, ce n’était pas une révolte contre quoi que ce soit. C’est juste que j’aimais ce genre de chose. Quand j’étais jeune, j’ai joué un peu de piano, donc je connaissais quelques pièces classiques et une partie de la théorie. Je n’étais pas non plus un mordu de classique. Enfin, j’appréciais déjà étant jeune, et je connaissais les musiques de, disons, Star Wars ou Les Dents De La Mer, et certains vieux films de science-fiction. Bernard Herman avait fait la musique de L’Île Mystérieuse et dans ce genre de film, l’orchestre apporte des textures mystiques qui ne sonnent pas si baroques. Ça m’avait marqué quand j’étais gamin, j’avais trouvé ça cool.

Puis, avec l’âge et au moment de commencer à jouer de la guitare, il y avait bien sûr tous les groupes metal et progressifs, et tous les guitaristes avec lesquels j’ai grandi. J’écoutais Randy Rhoads qui était une énorme influence pour moi et il avait clairement cette formation classique, puis bien sûr, Yngwie, qui a mis ça au premier plan avec la technique. J’aimais ce genre de chose et tout comme Yngwie, je me suis intéressé à Paganini, les Vingt-Quatre Caprices, et j’ai essayé de jouer ça à la guitare, et j’étais là : « Oh mon Dieu, c’est impossible ! » mais ça te pousse à travailler sur ta technique. Encore une fois, c’est passé d’une chose à une autre. D’accord, j’adore ça mais j’aime aussi Stravinsky, et tu te demandes : « C’est quoi ces poly-accords ? Comment ça marche ? » et c’est complètement différent. Mais j’aime tout. Ça ne me pose pas de problème de faire quelque chose qui soit un peu plus néoclassique, mais j’aime aussi toucher à des harmonies différentes, des poly-accords, etc. et c’est très différent des morceaux qui sont dans une veine classique plus ancienne. Et encore une fois, à propos de John Williams, dans ses pièces pour Star Wars, il y a partout des poly-accords et des techniques modernes, et j’adore parce que quand j’écoute, je suis là : « Oh, c’est quoi ça ? C’est quoi cet accord ? C’est quoi ce truc ? » Puis c’est rangé dans un coin de ma tête et peut-être que si j’en ai besoin à un moment donné, ça ressort.

Donc le côté classique vient clairement des films que je voyais quand j’étais gamin, et ensuite, bien sûr, de Randy Rhoads et d’Yngwie, et puis quand j’étais plus âgé, de Star Wars ou de Stravinsky, que j’aurais probablement détesté étant plus jeune – je ne sais même pas si j’ai entendu ça étant plus jeune, j’aurais dit : « C’est quoi ce vacarme ? » Alors que maintenant, je suis là : « Oh, il y a des trucs qui déchirent grave là-dedans ! » C’est juste que plus on vieillit, plus on découvre de choses, et tout ça se retrouve mélangé dans la même marmite pour obtenir son propre style. Il n’y a pas grand-chose que je n’aime pas, mais il y a clairement des fois où je suis en train de travailler sur un morceau, je tombe sur un plan et je me dis : « Ça fait un peu Bernard Herman. C’est cool. » C’était dans un coin de ma tête et c’est ressorti. Ou peut-être que ça rappelle Black Sabbath ; ça ne sonne pas vraiment comme Black Sabbath, mais il y a cette essence dans mon cerveau. Mon cerveau est comme une éponge, mon pote ! Quand j’entends un truc sympa, j’ai envie de tout savoir dessus et je me demande : « Comment je fais pour que ça sonne cool ? »

« Ce sera quoi après ? Des extraterrestres ? Ouais, les Martiens sont en route ! Tu te marres, mais je te le dis, mec, il va y avoir un putain de truc de dingue dans ce genre ! »

En dehors de la référence au roman, War Of The Worlds est aussi une référence au fait que, sur ces deux albums, plusieurs univers musicaux se percutent : le metal, le classique et l’électronique. Penses-tu que c’est avec l’hybridation qu’on innove maintenant ?

Oui. C’est une bonne affirmation, mec. Je le crois vraiment. Enfin, de façon raisonnable, et si c’est authentique. Si le dernier phénomène de mode c’est, je ne sais pas, du death metal avec des rythmes hip-hop, je me dis : « Mouais… » Enfin, si vous aimez ça et que c’est votre truc, tant mieux pour vous, allez-y ! On est clairement en territoire hybride. Si c’est quelque chose que vous appréciez vraiment et que vous avez cette vision ou que vous entendez ça dans votre tête, foncez ! C’est comme avec ces albums, comme tu l’as dit, c’est clairement metal, c’est mélodique, il y des éléments progressifs, il y a un peu d’électronique, il y a du sound design, il y a quelques instruments de world music, et j’adore tout ça. Il s’agit de réfléchir pour faire en sorte que tout ceci fonctionne ensemble malgré tout, et je trouve que c’est le cas sur ces albums. Je ne pense pas que ce soit une guerre des mondes en termes de palette sonore. Je vois ça plutôt comme une union de ce que j’aime. Il a fallu un peu de temps aussi avant d’arriver à ce résultat. Quand on parle de poly-accords et de Stravinsky, t’es là : « Bon sang, comment je rends ça metal ? Je ne sais pas. » Mais tu trouves un moyen, tu intègres ces éléments, et je pense que c’est ce qui fait que ça se démarque. Les gens entendent ce côté hybride. Il y a des passages où ils se disent peut-être : « Je n’ai jamais vraiment entendu cette combinaison, mais c’est plutôt cool. »

Une chose que tu as et que quelqu’un comme Yngwie Malmsteen n’a pas forcément, c’est le côté cinématographique que tu as particulièrement développé avec War Of The Worlds. La prochaine étape serait-elle une vraie BO de film ?

J’en ai déjà fait quelques-unes ! Des films d’horreur, des thrillers, etc. à petit budget. Un pote à moi m’a m’envoyé un scénario l’autre jour. Je m’y essaye. Enfin, ces albums c’est ma véritable activité, mais j’aime faire des BO et, encore une fois, j’aime les films. De nos jours, quand je regarde un film, je prête probablement plus attention à la musique qu’aux images. C’est comme tout, il y a une courbe d’apprentissage. J’ai dû apprendre quelques trucs. Heureusement, je connais des compositeurs qui travaillent dans le cinéma et la télévision, ils me guident un peu : « Tu dois faire ça. Tu dois programmer les points de synchro et les time codes, etc. » mais c’est juste de la logistique procédurale. Musicalement, c’est : « D’accord, voilà la scène » et le réalisateur veut ceci, et il veut que ça sonne comme Predator, par exemple. Je suis là : « D’accord, cool. Je vais essayer. » C’est amusant. Ça reste de la musique et on essaye différentes choses. Ce qui est cool, c’est que certains compositeurs me demandent : « Est-ce que tu peux orchestrer cette partie ? Je suis trop occupé. C’est un cartoon » ou peu importe ce que c’est. Et je suis là : « Ouais ! » C’est amusant, ça change de ce que je fais d’habitude. Ça permet de faire un break et ensuite de retourner à ce sur quoi je suis à l’aise. Ça aide aussi, je trouve, de partir ailleurs, d’essayer des choses différentes pour ensuite revenir dans sa zone de confort. C’est sympa de faire une petite pause comme ça.

Tu l’as déjà mentionné, mais sept ans se sont écoulés déjà depuis la sortie du dernier album de Symphony X, Underworld. Les fans ne sont-ils pas en train de perdre patience ?

Oui, complètement ! Et c’est parfaitement compréhensible. Je pense que la plupart ont conscience de la situation. Nous avons fait Underworld et nous avons commencé à tourner pour le défendre, et ensuite Russ a eu l’accident [avec Adrenaline Mob] et tout s’est plus ou moins arrêté. Je me souviens avoir parlé à Russ juste après et il était là : « Mec, je ne sais pas si je pourrai continuer. » Quand tu te retrouves impliqué dans un événement tragique comme ça, tout d’un coup, tu commences à penser à ta famille et ça te fait contempler ta vie et tout le reste sous un nouveau jour. Tu te dis : « Qu’est-ce que je suis en train de faire ? » J’étais moi-même inquiet. Evidemment, je veux le meilleur pour Russ et il était là : « Je ne sais pas… » Je me demandais : « Ça y est, est-ce la fin ? C’est terminé ? » Donc nous avons pris pas mal de temps et nous avons dit à Russ : « Démêle tes pensées et dis-nous ce que tu comptes faire. » Au final, il était là : « C’est ce que je fais : je chante. » J’étais là : « En effet. Génial. » Donc nous avons remis la machine en route. Nous étions fin 2019 et il était de retour, nous étions passés par l’Europe, l’Amérique du Sud, et nous avions une tournée US qui se préparait. Nous étions là : « Ok, cool, on a toutes ces tournées. Parlons d’un album. » Et ensuite, boum, le Covid-19 arrive et tout part en vrille. Il y a simplement eu un tas de malheureux événements. Enfin, déjà en temps normal ça nous prend une éternité, mais si ça prend longtemps, ça veut dire que c’est important pour nous. Nous n’essayons pas juste de balancer un truc juste comme ça : « C’est le moment de sortir un album. Bam. En voilà un de plus sur le tapis roulant. » Hors de question. Nous y mettons beaucoup de réflexion. Nous essayons toujours de faire le meilleur album possible et ça met du temps, oui, je sais. Mais toute cette série d’événements, c’était beaucoup. Et maintenant en voilà encore un. T’es là : « Ce sera quoi après ? Des extraterrestres ? » Ouais, les Martiens sont en route ! Tu te marres, mais je te le dis, mec, il va y avoir un putain de truc de dingue dans ce genre !

[Rires] Avez-vous déjà une direction pour le prochain album ?

Nous avons échangé. J’ai parlé avec Russ l’autre jour et il y a quelques idées, et nous nous disons : « Oh, peut-être que ça peut être ça, si on peaufine un peu. » Je descends dans mon studio tous les jours et j’essaye de voir ce que je peux trouver, des riffs et des idées. Ça avance, mais je n’ai pas souvenir d’une fois où ça a été aussi dur de passer cette étape initiale. Habituellement, quand tu trouves un truc, c’est bon, c’est parti. Cette fois, c’est juste… Et je sais pourquoi, c’est parce que beaucoup de temps s’est écoulé et beaucoup de choses se sont produites. Le monde entier a été mis à l’arrêt pendant deux ans. Donc, encore une fois, ça prend un peu de temps. Mais une fois que nous serons calés sur quelque chose, que je serai inspiré, que nous commencerons les répétitions, que nous serons réunis dans une pièce pour faire l’album, je ne suis pas inquiet, ça ira.

Penses-tu que Symphony X pourrait bénéficier de ton expérience en solo d’une quelconque façon ?

Pas vraiment. Enfin, c’est similaire. Les albums solos sonnent forcément un peu pareil. Ça reste ma manière de composer, mais j’essaye toujours de démarquer les morceaux de mon projet solo de ceux du groupe, peut-être en les rendant plus cinématographiques, en utilisant des instruments farfelus, avec du dubstep ou avec du sound design, peu importe. Au moins, il y a un côté plus hybride, comme tu disais. Donc non, pas vraiment. Avec le groupe, nous faisons ce que nous faisons. Oui, nous pourrions essayer quelque chose, du genre : « Peut-être qu’on pourrait incorporer un peu de ça… » mais généralement le groupe fait son truc, parce que nous voulons séparer les projets. Un album de Symphony X ne contiendra pas d’EDM ou de dubstep. Enfin, ça pourrait être cool [rires]. Mais non, ce n’est pas notre truc. Et le projet solo, c’est là qu’on a un peu plus de liberté pour faire l’idiot, essayer des trucs absurdes et s’amuser.

Interview réalisée par téléphone le 7 mars 2022 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Danny Sanchez.

Facebook officiel de Michael Romeo : www.facebook.com/MichaelJRomeo

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  • C’est vraiment un bon gars ce Michael Romeo, humble et très posé. Content que SX soit de nouveau en route. Vivement la suite !

  • Comme d’hab’, excellente interview, très intéressante !
    C’est ouf la différence de melon entre Romeo et Malmsteem. ? Romeo est clairement plus humble, j’ai même été choqué lorsqu’il évoque un possible arrêt de Symphony X si Allen n’en est plus le chanteur (en tout cas c’est comme ça que je l’ai compris), alors que c’est quand même lui [Romeo] le leader.
    En tout cas, même s’il a du mal à se lancer, je suis content d’apprendre qu’un nouveau Symphony X est en route.

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