Il y a cinquante ans Scorpions s’apprêtait à enregistrer son premier album Lonesome Crow dans les Star Studios de Hambourg. Aux côtés de Klaus Meine et Rudolf Schenker – deux membres encore actifs à ce jour au sein du groupe –, le frère de ce dernier, âgé d’à peine seize ans, faisait ses premiers pas avec le tout premier morceau qu’il ait jamais composé : « In Search Of The Peace Of Mind ». Cinquante ans plus tard, Michael Schenker a marqué le monde du hard rock avec UFO, influençant plusieurs générations de guitaristes, et une carrière atypique, préférant faire les choses à sa manière plutôt que de succomber à l’appel de la gloire et de l’argent.
Aujourd’hui, mettant de côté le patronyme Michael Schenker Fest qui lui avait pourtant réussi, c’est en tant que MSG qu’il revient fêter son anniversaire. Pas d’inquiétude, la formule n’est pas si différente : avec une pandémie qui l’a obligé à faire de gros efforts et à réaménager son projet initial, il a pu compter sur une pléthore d’amis talentueux pour l’assister. Dans l’entretien qui suit, il nous résume la genèse de ce disque – déjà abordée en conférence de presse – et surtout revient sur ses premiers pas en tant qu’artiste. Il nous parle de sa créativité, de son instrument fétiche la guitare, d’anciens collègues et même d’autres musiciens ayant marqué l’histoire de la six cordes. Qu’il paraisse amer, enflammé, un brin faux modeste voire prétentieux ou philosophe, une chose qu’on ne peut reprocher à Michael Schenker, c’est de délivrer sa pensée sans filtre.
« Quatre-vingts pour cent des guitaristes des années 80 ont copié mon style de jeu à la guitare. En fait, je devrais ouvrir un compte en banque pour recevoir les dons issus des millions qu’ils ont gagnés grâce à mon jeu de guitare ! [Rires] Je plaisante. »
Radio Metal : Tu célèbres cinquante ans de carrière avec un nouvel album de MSG intitulé Immortal. Qu’est-ce que cet anniversaire représente pour toi ?
Michael Schenker (guitare) : Ce sont les cinquante ans de Michael Schenker. Tous les line-up que j’ai eus étaient, en gros, un Michael Schenker Group, que ce soit Michael Schenker Fest, Temple Of Rock ou autre. C’est toujours la musique de Michael Schenker, et c’est toujours moi qui initie le processus. Je célèbre donc les cinquante ans de Michael Schenker et j’utilise les musiciens présents sur cet album pour mener ça à bien et qu’ils y contribuent. Soit dit en passant, ce n’était pas prévu comme ça au début. Le coronavirus a un peu tout changé. Au départ, c’était censé être un album avec Steve [Mann, claviers], Bodo [Schopf, batterie], Ronnie [Romero, chant], Barry [Sparks, basse] et moi-même, mais à cause du virus, nous avons souvent dû réadapter le projet. Ronnie était censé venir chanter, mais il n’a pas pu, car ça l’obligeait à faire une quarantaine de quatorze jours. Il ne pouvait pas se permettre de faire ça car il avait des contraintes. Il a donc constamment fallu trouver un plan B. Mais grâce à ça, nous avons des musiciens fantastiques sur l’album et j’en suis très content.
Je n’avais qu’une manière de me rendre au studio, qui n’était pas le chemin que je prends habituellement, en partant du Royaume-Uni pour aller en Allemagne, en passant par la Belgique et la Hollande. Cette fois, j’ai dû procéder très différemment : il a fallu que je conduise, puis prenne le ferry pendant neuf heures, dorme sur le bateau, puis reprenne la route. C’était le meilleur moyen, car j’avais besoin de mes amplis, mes guitares, etc., donc je n’aurais pas pu prendre l’avion. Le truc était que, vu que je prenais le ferry, à chaque fois que je revenais, il fallait que je fasse une quarantaine de quatorze jours. En totalité, j’ai passé quarante-deux jours en quarantaine. Sans ça, l’album n’aurait jamais pu se faire. Il fallait bien que je sois le pigeon ! Quelqu’un devait subir ça, et comme c’est mon groupe, je me suis sacrifié ! Je ne recommanderais à personne de passer quarante-deux jours en quarantaine. J’étais tout seul, parce que ma partenaire était au Japon, pour veiller sur sa mère mourante. Il faut être préparé quand on revient et avoir tout sur place. C’était très dur, mais c’est une question de compromis. Ce qui est bien, c’est que tous les musiciens qui ont joué sur cet album ont leurs propres studios et ingénieurs. Ce sont d’excellents musiciens et ils ont des connaissances en matière de production et d’enregistrement. Donc je suis entouré d’un paquet de personnes très, très saines, productives et positives qui ont rendu tout ça possible.
Peu de musiciens ont l’occasion d’atteindre cinquante ans de carrière. Te considères-tu comme un survivant ?
Je n’ai jamais recherché le succès, je n’ai jamais recherché la célébrité, je n’ai jamais recherché l’argent. Je n’étais qu’un gamin dans un bac à sable, qui jouait pour s’amuser, sans compétition, sans chercher à marquer des points, sans me mesurer à d’autres ou quoi que ce soit. Je ne faisais que m’amuser à jouer et pour cette raison, je n’ai jamais rien attendu dans ma vie, donc j’étais très surpris. Quand j’enregistre quelque chose, après je n’y repense plus – à moins d’y être obligé, pour me préparer à un concert, mais en général, je ne reviens pas dans le passé. Je n’écoute pas la musique d’autres gens, donc je ne sais pas ce qui existe. Je ne vais pas non plus sur internet pour m’informer. Donc je suis vraiment dans le brouillard, jusqu’à ce que les gens m’en parlent. C’est pourquoi ça a pris autant de temps avant que je comprenne et réalise le nombre de personnes que j’ai influencées et que j’étais un faiseur de tendance. Quatre-vingts pour cent des guitaristes des années 80 ont copié mon style de jeu à la guitare. En fait, je devrais ouvrir un compte en banque pour recevoir les dons issus des millions qu’ils ont gagnés grâce à mon jeu de guitare ! [Rires] Je plaisante. C’est quelque chose que je ne savais pas avant que les gens me disent, dans les années 90, que Slash était un fan, tout comme Kirk Hammett et un tas de gens. Je n’en avais aucune idée. J’étais choqué quand je l’ai su, parce que ça n’a jamais été mon but. Mon but était juste de m’amuser à jouer ce qui me fascinait et me fascine toujours : ce qu’on peut accomplir en réunissant trois notes qui créent une alchimie et un effet chair de poule. Ceci, pour moi, est le côté amusant et la récompense immédiate.
Je ne m’attendais pas à ce qu’il en ressorte quoi que ce soit. Autrement, si j’avais voulu toute cette célébrité, j’aurais rejoint Ozzy Osbourne, Aerosmith et Motörhead, ou je serais resté avec Scorpions ou UFO, qui aurait été l’un des plus grands groupes au monde. J’ai toujours été moi-même, dans tous les cas. Tout était prédestiné depuis le jour de ma naissance. Quand j’avais trois ans, je chantais, je jouais de la batterie, je m’amusais à tripoter les instruments. C’était toujours en moi. J’ai toujours été moi-même, je ne me suis jamais vendu. Deep Purple m’a demandé de les rejoindre en 93. J’ai eu trois offres : une de Deep Purple, une d’UFO et une de Scorpions. Toutes le même mois ; c’était assez drôle, d’une certaine façon. Au final, j’ai fait Scorpions et UFO ; je n’ai bien sûr pas fait Deep Purple. C’est le groupe de Ritchie [Blackmore] et je n’ai pas envie d’interférer avec ça. De toute façon, je ne copie pas. Ce n’est pas quelque chose que j’ai envie de faire. J’adore Ozzy Osbourne, mais je ne pouvais pas le rejoindre, car je ne me permets pas de copier d’autres gens. Je fais de l’expression personnelle ; je suis né pour ça.
« Dans l’art, il y a deux mondes : les aspirants et les artistes. Il faut décider si on veut être l’un ou l’autre. Les aspirants recherchent le succès, la célébrité et l’argent, et toutes les filles qui vont avec et ce genre de choses. Les artistes s’amusent avec la musique, tout simplement. »
Tu as déclaré détester la compétition dans la musique. Penses-tu que la compétition et la rivalité font du mal à l’art ?
Je ne sais pas. Tout dépend de la personne. Il y a les affreuses personnes et il y a les personnes innocentes, et il y a un mélange de toutes sortes de caractères. Il faut savoir qui on est, ce qu’on veut et comment on veut procéder. Je pense qu’il n’y a rien de mal à faire la compétition. Dans le sport, évidemment, si on court ou saute, on peut mesurer qui a sauté le plus loin, mais on ne peut pas mesurer l’art. Ce n’est ni bon ni mauvais, c’est juste quelque chose en lequel on croit. On ne peut pas le noter. Quand on a le courage de s’exprimer… La plupart des gens suivent des modes pour gagner de l’argent et avoir du succès, car ils ne croient pas en eux, mais ils veulent la célébrité et tout ce qui va avec, et ils ne veulent pas attendre. Or quand on fait de l’expression personnelle, il faut attendre cinquante ans ! [Rires] Si tu cherches ta part du gâteau, tu l’as tout de suite. Mais ce n’est pas mon monde. Tout dépend vraiment de la personne et comment elle choisit de s’y prendre. Il n’y a rien de mal à copier des choses ou à faire la compétition si c’est ce qu’on aime, mais pour moi, la compétition c’est du poison. Dans l’art, il y a deux mondes : les aspirants et les artistes. Il faut décider si on veut être l’un ou l’autre. Les aspirants recherchent le succès, la célébrité et l’argent, et toutes les filles qui vont avec et ce genre de choses. Les artistes s’amusent avec la musique, tout simplement.
Quelle était ton idée quand tu as réenregistré « In Search Of The Peace Of Mind », tiré de Lonesome Crow, le premier album de Scorpions ?
Quand je parle du cinquantième anniversaire, pour moi, c’est à compter du premier jour en studio. « In Search Of The Peace Of Mind » était le tout premier morceau de musique que j’ai composé, tout seul, dans la cuisine de ma mère. Il n’y avait personne. Il y a du jeu en doubles croches que mon frère n’aurait même pas été capable de jouer. Je pense même qu’il n’y a pas tant de gens que ça aujourd’hui qui sont capables de jouer ces parties, y compris des gens qui jouent depuis vingt ans. J’ai fait ça quand j’avais quinze ans. Les crédits de composition disaient : « Michael Schenker – paroles ». Excusez-moi ?! Je ne parlais pas un mot d’anglais et j’aurais écrit les paroles de cette chanson ? Vous plaisantez j’espère ! En second dans les crédits : « Rudolf Schenker – paroles. » C’est une blague ?! Rudolf ne parle pas un mot d’anglais, comment peut-il écrire des paroles ?! Pourquoi n’ont-ils pas mis : « Musique de Michael Schenker » et les paroles de je ne sais qui les a vraiment écrites ? Mais ce n’était certainement pas moi, ni mon frère. Peut-être que le batteur et Klaus [Meine] parlaient un peu d’anglais, l’un des deux aurait pu écrire les paroles, mais tout est faux ! J’ai réenregistré cette chanson parce que c’est le tout premier morceau de musique que j’ai écrit. J’avais quinze ans et c’était en 1970. C’est ainsi que ma carrière a commencé. Cette chanson s’est retrouvée sur cet album. Donc c’était logique : c’est la première chanson écrite, la première chanson enregistrée, et je voulais en faire une version épique. Je suis très content que ça ait fonctionné.
Tu as mentionné par le passé l’idée de peut-être faire quelque chose avec Phil Moog et Klaus Meine. Ce cinquantième anniversaire n’était-il pas l’occasion parfaite pour ça ?
J’ai beaucoup réfléchi à essayer d’impliquer des gars comme ça sur cet album mais je me suis dit : « C’est un nid à problèmes ! » Tout d’abord, le pauvre Pete Way est mort désormais, et Paul Raymond et Paul Chapman… C’est à droite, à gauche, j’en ai ras le bol de voir les gens mourir ! C’est horrible ! Mais je n’ai aussi pas envie d’ouvrir la boîte de Pandore. J’ai eu la paix pendant cinq ans, je me suis tenu à l’écart de ces personnes, à créer mes propres trucs, à m’amuser. A l’instant où je prends contact, j’ouvre la boîte de Pandore et toutes les merdes reprennent. Ça a commencé quand j’avais quinze ans : on a profité de moi et ça n’a jamais cessé. Donc je me dis personnellement, je vous adore les gars, mais… Je vois Phil presque tous les jours. Je passe en voiture dans sa ville et parfois je le vois avec son chien ou sur son vélo, et il me voit avec un masque, et il est là : « Oh, Michael ! » J’ai arrêté de klaxonner à chaque fois que je le vois, parce qu’il commence à être un peu… Je ne sais pas, il doit se dire que je le hante ou le traque ! Il s’est probablement dit qu’il m’avait échappé, mais il a déménagé et il vit maintenant encore plus près de chez moi [rires]. Il devait se demander pourquoi il me voyait faire des allers-retours en voiture tous les jours sur la côte ! C’est juste incroyable. Phil est complètement dans son monde, il a envie d’arrêter de faire tout ça.
Tous ces gens qui font ce truc de « ceci est mon dernier album, ma dernière tournée » pour attirer l’attention, je trouve ça cheap. Je n’aime pas faire ça. Je n’ai pas de raison de faire ça. Il faut avoir une personnalité particulière ou avoir des envies ou besoins particuliers pour vouloir attirer l’attention de manière aussi cheap, plutôt que de laisser parler la musique et de se faire des fans et des amis de manière authentique. Je n’ai pas envie d’être… C’est un peu comme ça : quand tu grandis avec ta famille, et que tu as des frères et sœurs, tu as une place dans la famille dont tu ne peux te libérer. C’est impossible. J’ai quitté la maison quand j’avais seize ans – j’ai vécu avec ma petite amie et c’était tout. A chaque fois que je revenais – trois ans plus tard, cinq ans plus tard – pour rendre visite à mes parents, et que ma sœur, mon frère et mon père étaient là, j’endossais le rôle de Michael Schenker. J’étais le second, j’étais le deuxième enfant et c’était ma position. Rudolf était le plus vieux ; il remplaçait presque mon père, parce que mon père n’était pas souvent à la maison. Ma sœur jouait le rôle de la petite sœur. C’est tout ! J’ai parlé à d’autres gens et ils vivent la même chose : on endosse automatiquement notre rôle. Je n’ai pas envie d’endosser mon vieux rôle, celui du musicien de quinze ans stupide et passionné dont les gens de vingt et un ans profitent. Ça suffit, je n’ai plus envie de revivre ça. Je n’ai pas envie d’être dupé par des gens qui sont des rois de la dupe. Je ne suis pas un roi de la dupe ; je suis un vrai musicien, je suis un artiste. Certaines personnes sont plus des magiciens que des musiciens, et ils utilisent plein de supercheries pour obtenir ce qu’ils veulent. Je n’ai personnellement pas envie d’ouvrir la boîte de Pandore et de devoir affronter mon passé, et automatiquement endosser mon vieux rôle. J’ai envie de rester dans le rôle que j’ai aujourd’hui. Je suis bien ici, je n’ai pas besoin de ces autres situations.
« J’ai eu la paix pendant cinq ans, je me suis tenu à l’écart de ces personnes, à créer mes propres trucs, à m’amuser. A l’instant où je prends contact, j’ouvre la boîte de Pandore et toutes les merdes reprennent. Ça a commencé quand j’avais quinze ans : on a profité de moi et ça n’a jamais cessé. »
Tu l’as mentionné, tu as perdu pas mal de partenaires dernièrement : Pete Way, Paul Raymond, Paul Chapman, Ted McKenna… Je suppose que plus on vieillit, plus on voit la mort autour de nous. Quelle est ta relation, personnellement, à la mort ?
Je vais te dire, je l’ai très mal vécu. Comme tu le dis, plus tu vieillis, plus les choses se produisent rapidement, et plus tu perds de gens. C’est comme si on était dans une file d’attente et on ne sait pas qui est le prochain. C’est horrible. Je déteste ça, vraiment. Même Eddie [Van Halen] a dû partir. J’adore son jeu. Pete, enfin… Qui aurait cru que… C’est juste déchirant et ça me fait prendre conscience que ça pourrait m’arriver n’importe quand.
Sais-tu comment tu aimerais partir ?
La meilleure façon de partir serait en un clin d’œil, sans douleur [rires]. Plus ça s’éternise, plus on vit une torture, plus ça devient horrible.
Ce nouvel album de MSG s’intitule Immortal, en référence au fait que l’art est intemporel et qu’il reste éternellement. Penses-tu qu’au final, l’immortalité est ce à quoi aspirent les artistes ?
Comme je l’ai dit, je ne suis qu’un gamin dans un bac à sable. Je ne fais que jouer. Je n’ai aucune attente. Je suis fasciné par l’expression personnelle, par les combinaisons qui donnent la chair de poule. Je suis un guitariste dans un laboratoire, j’assemble différentes potions et je vois ce que ça donne. C’est avec ça que je m’amuse. Je ne me pose pas plus de questions. Si j’avais souhaité autre chose, j’aurais rejoint Ozzy, Phil Lynott ou Ian Hunter, ou je serais resté avec UFO ou Scorpions. Plein de gens m’ont demandé de les rejoindre, mais j’ai dit : « Non, non, non, non, non. Je ne fais pas dans la copie. Je veux faire de l’expression personnelle, et c’est tout. » Ceci étant dit, ce titre ne vient pas de moi mais de Nuclear Blast, sachant que la plupart des artistes chez Nuclear Blast sont des fans de Michael Schenker. Ils savent mieux que personne qui je suis et comment me qualifier ou comment qualifier ma musique ! [Rires] Je suis plutôt content que ce soit eux qui aient trouvé ce titre plutôt que moi. Ils ont trouvé ce titre sur la base de ce qu’ils pensent de moi. Ils pensent que ma musique, tout d’abord, a inspiré tous mes fans chez Nuclear Blast et leur a permis d’en arriver là où ils sont. Ils pensent que ma musique est intemporelle et qu’elle ne vient d’aucun endroit physique sur cette planète. Elle vient d’une source de créativité, d’une source spirituelle, plutôt qu’un combat ou une compétition physiques. Ça vient de la source de toutes les créations.
J’ai juste envie de faire les choses telles que je les vois, c’est-à-dire qu’elles viennent des profondeurs de mon esprit. La plupart des gens vivent physiquement ; ils ne savent même pas qu’ils ont un esprit. C’est toujours un choix : ce qu’on fait, ce qu’on est, ce en quoi on croit. Comme je l’ai dit, je suis fasciné par l’expérimentation sur une corde de guitare et par les effets qui procurent du plaisir. C’est tout ce que je fais. C’est la pureté et le fait d’être soi-même – la vision, ne pas succomber aux modes, exprimer les choses telles qu’on les voit, aller à la source de la créativité, qui est une source spirituelle. Ça vient d’un endroit où seuls ceux qui y vont peuvent entendre ce qui s’y passe. En gros, être soi-même rend chaque individu unique. Tout ce qu’il faut faire, c’est avoir le courage d’être soi-même, et alors on devient automatiquement unique. Le son est dans notre tête. On entend ce qu’on veut entendre. On le recherche jusqu’à ce qu’on le trouve. C’est aussi notre personnalité : ce qu’on entend est ce qu’on est. Tout ce qui sort, y compris le son lui-même, est une combinaison de qui on est et de ce qu’on cherche à faire. C’est un tout. Ce n’est pas quelque chose qu’on peut acheter en magasin – c’est nous. Le son fait partie de nous.
Tu ne peux pas exprimer ce que j’exprime, et je ne peux pas exprimer ce que tu exprimes. On est tous nés à des instants différents, on est tous des individus, et chacun possède quelque chose d’unique. Si les gens le comprenaient, ils seraient plus nombreux à essayer de faire ça. Peut-être que certaines personnes n’ont pas l’assurance qui leur permettrait de parler pour elles-mêmes, mais moi si ; je comprends que là où je vais chercher ma musique, en particulier concernant le jeu de guitare lead, est un endroit où personne ne peut aller. Donc je deviens un faiseur de tendance plutôt qu’un suiveur, tandis que les autres sont des suiveurs. Je suis sûr que de nombreux fans savent que ma musique vient de l’intérieur. Ça ne vient pas des modes. Les gens normaux ne s’en rendent peut-être pas compte, mais les musiciens savent que ce que je fais est inédit, en particulier quand ils m’ont découvert au moment où j’ai rejoint UFO, voire déjà quand je faisais partie de Scorpions. On m’a souvent rapporté que des gens comme Dave Mustaine, Kirk Hammett ou Warren DeMartini ont dit : « Je n’ai jamais rien entendu de tel auparavant. » La raison est que je ne vais pas chercher ça au même endroit que vous ! Ça ne vient pas de l’extérieur, ça vient de l’intérieur. Ça vient d’un endroit qu’on ne peut voir. C’est la source de la créativité, la source d’où tout provient.
As-tu l’impression de canaliser une sorte d’énergie, ou quelque chose comme ça ?
Tout le monde canalise de l’énergie ! [Rires] Ça peut être de la mauvaise énergie ou de la bonne énergie, suivant qui on est, mais on canalise tous de l’énergie. C’est impossible de faire autrement, car dès l’instant où on vit et fait des choses, on canalise de l’énergie. Le truc, c’est que plein de gens vivent inconsciemment, et c’est un problème – ou pas, ça dépend, certains s’en fichent royalement. Mais on peut vivre consciemment ou inconsciemment. Si on vit inconsciemment, on ne comprend pas la plupart des choses de la vie. Si on vit consciemment, alors on pose des questions, et on peut trouver des réponses profondes aux questions existentielles.
« Plein de gens vivent inconsciemment, et c’est un problème – ou pas, ça dépend, certains s’en fichent royalement. Mais on peut vivre consciemment ou inconsciemment. Si on vit inconsciemment, on ne comprend pas la plupart des choses de la vie. Si on vit consciemment, alors on pose des questions, et on peut trouver des réponses profondes aux questions existentielles. »
Tu as mentionné Eddie Van Halen, qu’on vient de perdre. Dans le livre Van Halen 101, tu as été cité disant qu’« Edward a été [ton] guitariste préféré depuis la sortie du premier album de Van Halen ». Sachant que Van Halen a ouvert pour UFO au début de leur carrière, qu’as-tu pensé du jeune Eddie Van Halen à l’époque ?
Quand nous avons joué au Starwood, quelqu’un a dit : « Il y a ce groupe qui ouvre pour UFO et ils ont un excellent guitariste. » Mais je m’en fichais complètement. Je n’ai pas prêté attention, je n’avais jamais écouté. Nous avions le bassiste de Robin Trower dans nos loges, Jimmy Dewar, qui a chanté [des chœurs] sur notre premier album avec UFO (c’était en fait sur l’album de 1975, Force It, NDLR), donc je n’ai même pas prêté attention à Van Halen. Je ne savais pas du tout ce que c’était. C’est seulement des années plus tard, quand j’ai aidé Scorpions avec l’album Lovedrive, nous sommes allés… Apparemment, Eddie était un peu un fan de Michael Schenker aussi, au moment où il commençait développer son jeu. Certaines personnes disaient : « Ce qu’Eddie fait là, ça sonne exactement comme toi ! » Qui sait ? Bref, nous sommes allés le voir. Le truc, c’est que le premier album… Même si je n’ai pas écouté de musique pendant cinquante ans, parfois il y a des choses qu’on ne peut ignorer. C’est diffusé dans tous les magasins quand on va faire des courses ou autre chose. Eddie Van Halen, tout comme Yngwie Malmsteen, on ne pouvait pas l’ignorer. Quand j’ai entendu le premier album de Van Halen, la première chanson « Running With The Devil », j’étais scotché. L’une des raisons principales était le tapping, je ne connaissais pas cette technique. Ça m’a fait me poser des questions : « Comment diable peut-on obtenir un tel son, si fluide ? » Ceci, évidemment, a mené à ce que tout le monde copie le tapping, et tout le monde sonnait pareil. Il fallait que ça s’arrête, c’était exagéré. Mais le talent d’Eddie allait au-delà du tapping ; il avait la mélodie, il avait le rythme. Son frère est batteur, donc ça doit être un truc familial. Et il avait du goût ! [Rires] Il faut avoir du goût pour créer quelque chose de beau.
Tu parlais d’Yngwie Malmsteen aussi. Lui est réputé pour avoir poussé la guitare dans des extrêmes…
Yngwie était l’une de ces personnes qu’on ne pouvait pas ignorer parce qu’il était sensationnel. Il jouait tellement vite et ça, en soi, c’était comme être un acrobate dans un cirque ou quelque chose comme ça, c’était incroyable, sensationnel. Il fallait que je l’écoute, parce que j’avais entendu parler de lui et j’étais curieux. Le problème était que, très rapidement, c’est devenu répétitif. Ça sonnait toujours pareil, parce que ce n’était que des gammes qui étaient jouées très rapidement. Il n’y avait pas de profondeur, de fraîcheur et d’innovation. Ça allait être sans arrêt la même chose pendant je ne sais combien d’années.
Y a-t-il eu d’autres guitaristes qui t’ont impressionné et auxquels tu as prêté attention ?
Bien sûr, quand je grandissais, il y avait Jimmy Page, Jeff Beck, Eric Clapton, Leslie West, Rory Gallagher, Johnny Winter… Tous les grands guitaristes de la fin des années 60. J’avais quatorze ans quand j’allais à la chasse aux guitaristes dans les festivals pour voir certains des grands guitaristes des années 60 – et il y en avait un paquet. Ils avaient tous leur propre style, c’était la beauté de la chose. Ils sonnaient tous comme eux-mêmes et c’était fascinant. Puis quand j’ai eu quinze ans, j’ai progressivement arrêté de copier les gens, encore plus à seize et dix-sept ans, et puis quand j’ai eu dix-huit ans, je crois, j’ai complètement arrêté. Depuis, je n’ai plus jamais rien écouté. J’ai compris que, si je voulais garder l’esprit frais avec la musique et exprimer ma manière de voir les choses, si je voulais perdurer et sonner original, j’avais intérêt à arrêter d’écouter les autres et d’essayer de faire ce qu’ils font. Ils le font déjà, ça n’a aucun intérêt que je le fasse aussi ! Je trouve que c’est une perte de temps. Autant faire ce que j’ai en tête, ce que personne ne connaît jusqu’à ce que je le partage. A l’instant où je le partage, c’est quelque chose que personne n’a jamais entendu avant, parce que, encore une fois, chaque individu est unique.
Si on a le courage de partager quelque chose qui vient du plus profond de nous-mêmes, on apporte de nouvelles couleurs à la vie. Certaines personnes ont peur de le faire parce qu’elles croient qu’on les jugera et que les gens n’aimeront pas, et elles se disent : « Vaut mieux que je me contente de copier et faire ce que tout le monde aime. » Quand on fait quelque chose en lequel on croit, quand on a le courage et qu’on satisfait notre vision – ce que j’ai fait –, ça peut nous prendre longtemps avant d’être récompensés sur le plan matériel, mais on est tout de suite récompensés [moralement]. Ça a énervé beaucoup de monde. Les gars de Scorpions et d’UFO étaient énervés parce que je les avais quittés. Je ne pouvais pas faire ce qu’ils voulaient parce que ce n’était pas ce que je voulais. Je ne pouvais pas faire partie de la meute. J’avais cette vision et différentes idées que je voulais mettre en œuvre : pas de pression, de manière récréative, pas besoin de célébrité, pas besoin d’argent, pas besoin de succès. J’ai juste envie de me faire plaisir. C’est pourquoi j’ai coupé les ponts avec eux et je me suis libéré de toute pression. Quand j’ai composé Lights Out et que c’est devenu un succès, j’ai fui, car j’avais peur qu’après je sois obligé de faire les choses sous pression. Je n’aimais pas ça. C’est pourquoi j’ai créé Michael Schenker Group qui me permettait de faire ce que je voulais, comme je le voulais et sans pression.
« Je suis né musicien ! [Rires] Je suis qui je suis. Je suis né Michael Schenker ; personne n’a fait de moi Michael Schenker. »
Parmi d’autres choses, tu es connu pour une technique de jeu originale que tu as inventée et que tu appelles le « howler », avec l’usage d’un aimant. Comment en es-tu venu à utiliser ça à l’origine ?
C’est un truc marrant. J’ai connu plusieurs situations comme ça dans ma vie, ce qui me donne un peu l’impression d’être un inventeur. Je n’en tire pas vraiment profit, mais je suis un visionnaire. Je peux très facilement imaginer des choses, ce qui m’aide beaucoup avec ma musique notamment. J’ai la capacité de me mettre dans la peau des autres, de sortir de moi-même et d’imaginer quelque chose. J’étais en train de me balader avec ma partenaire et j’ai dit : « Tu sais quoi, Amy, j’ai une idée. Si je pouvais faire ci et ci, et ça et ça, je pourrais créer un son très intéressant. » Ce qui est drôle, c’est que dès que je suis rentré chez moi, je l’ai mis en pratique et ça a fonctionné exactement comme je l’ai imaginé ! J’étais choqué, tout comme Amy. C’était assez difficile à manier, parce que c’est une invention très étrange et son utilisation est très étrange. En fait, c’est assez limité, on ne peut pas faire énormément de choses. Mais j’ai mis du howler sur cet album et ça a très bien marché. Ça apporte une saveur supplémentaire. C’est bien pour pimenter le menu. Ça apporte un peu de fraîcheur, quelque chose de nouveau que les gens n’ont jamais entendu avant. Quand on fait quelque chose que les gens n’ont jamais entendu, ils sont toujours là : « Wow, c’est quoi ça ?! » Ça crée toujours une sorte d’excitation, ça maintient une certaine fraîcheur et ça fait que les gens se demandent comment ça peut bien fonctionner.
Peux-tu nous parler de tes premiers pas en tant que musicien ?
Je suis né musicien ! [Rires] Je suis qui je suis. Je suis né Michael Schenker ; personne n’a fait de moi Michael Schenker. Il y a eu d’autres instruments bien avant la guitare. Il y avait un violon appartenant à mon père, un mini-synthé sur lequel ma mère jouait. J’ai chanté quand j’avais trois ans et j’ai fait de la batterie à cinq ans. Je touchais à tous les instruments que je voyais. Puis, finalement, une guitare est arrivée à la maison. Il y avait toujours des instruments chez nous qui attisaient ma curiosité, mais quand j’ai vu la guitare, c’est là que j’étais le plus curieux, car Rudolf avait accroché plein de posters de stars dans notre chambre. Rudolf était obsédé par le fait de devenir célèbre, d’être une star, d’être riche et d’attirer l’attention. Il y avait les Beatles, les Rolling Stones, Elvis Presley, tous ces gens étaient affichés sur nos murs, donc j’imagine que la guitare était devenue l’instrument qui m’attirait le plus, celui pour lequel j’étais le plus curieux.
J’ai donc commencé à l’âge de neuf ans. Quand j’ai vu la guitare posée là, qui avait été offerte à Rudolf pour son seizième anniversaire… Il était allé travailler, je me suis levé le matin et j’ai tout de suite été fasciné par ce que je pouvais faire avec une note, puis en ajoutant une autre note, puis une troisième note. Ça ne s’est jamais arrêté. J’ai commencé à copier tout ce qui passait à la radio, toutes les musiques pop du hitparade – Dave Dee, Dozy, Beaky, Mick & Tich, les Beatles, les Rolling Stones, tout ce qui existait à l’époque quand j’avais neuf ans, en 1964. Je suis devenu un grand fan de The Shadows, de la musique instrumentale. J’ai appris « FBI » et plein de chansons de The Shadows. J’ai intégré mon premier groupe à Sarstedt, où je suis né. Deux ans plus tard, je suis allé à Hanovre, j’étais dans le plus jeune groupe d’Allemagne. Nous jouions encore de la musique issue du hitparade. C’était toujours la même chose, il s’agissait de comprendre comment les chansons étaient faites, et ensuite nous les jouions dans le groupe, et nous faisions des concerts.
A quatorze ans, j’ai entendu Rory Gallagher et – je pense que c’était à cette époque – Deep Purple Led Zeppelin, Black Sabbath. Le son de la chanson « Black Sabbath », la distorsion de la guitare et de l’amplificateur était ce qui m’a donné mon dernier : « Ouah, c’est l’instrument le plus parfait qui existe pour l’expression personnelle. » Le son dure grâce à la distorsion. Ça résonne aussi longtemps qu’on veut. On peut même y ajouter du larsen, partir dîner, et ça continue de résonner. Ou on peut jouer avec les boutons de tonalité, on peut mettre du vibrato… Ce sont des combinaisons infinies. La quantité d’émotions et d’expressions – la douceur, la colère, toutes les émotions, tout ce que tu veux – qu’on peut exprimer musicalement avec une guitare et de la distorsion est énorme ! Quand j’ai entendu Tony Iommi jouer de la guitare avec Black Sabbath ainsi que Jeff Beck et tous les guitaristes de la fin des années 60, il est devenu très clair que c’était l’instrument parfait pour exprimer tout type d’émotion quand on savait s’y prendre, et à partir de là, j’ai compris ce que je pouvais faire. J’avais quatorze ans. Je me suis associé à Klaus Meine et nous avons joué dans un groupe qui s’appelait Copernicus. Nous jouions du Rory Gallagher, du Deep Purple, du Black Sabbath, du Led Zeppeling, etc. Et puis, à quinze ans, nous avons été conviés à rejoindre Scorpions. C’était le début de ma période avec Scorpions.
Toi et ton frère Rudolf avez eu des carrières très différentes. Dirais-tu que vous étiez aussi des gamins très différents à l’époque ?
Oui, très différents. Rudolf est un aspirant à la célébrité, un poseur ; je suis un artiste. C’est la différence.
« Rudolf était obsédé par le fait de devenir célèbre, d’être une star, d’être riche et d’attirer l’attention. […] Rudolf est un aspirant à la célébrité, un poseur ; je suis un artiste. C’est la différence. »
Que ressentais-tu quand tu as fait tes premiers enregistrements il y a cinquante ans ?
J’étais excité et étonné d’être assis dans un studio, avec un producteur plutôt bon, Conny Plank, qui est maintenant décédé. Je suis celui qui, à quinze ans, nous a construit une salle de répétition. J’étais celui qui, quand tous les autres travaillaient, a mis « Scorpions » sur un gros camion de déménagement. J’étais celui qui a été cherché des matelas dans un hôpital pour isoler les murs afin de pouvoir répéter. J’étais celui qui a été chez mon père pour récupérer du bois afin de construire des murs pour pouvoir répéter. J’étais toujours celui qui poussait : « Quand est-ce qu’on va répéter ? Il n’y a personne, qu’est-ce qui se passe ? » Je voulais toujours qu’il y ait tout le monde à la salle de répétition et jouer, parce que c’était mon grand plaisir. J’étais tellement excité par ça. Et quand nous sommes allés au studio d’enregistrement, c’était incroyable. Tout d’un coup, nous nous sommes retrouvés à faire une composition avec Conny Planck sur Paramahansa Yogananda, un grand yogi ; c’est la raison pour laquelle Rudolf et moi avons été inspirés et avons acheté le livre Autobiographie D’Un Yogi, un livre fantastique. C’était le début de mon aventure de pure expression personnelle et de mon enthousiasme dans ce monde. C’était tout.
Tu sais le solo dans « In Search Of The Peace Of Mind »? Récemment, genre il y a trois ans, j’ai entendu l’un de mes solos préférés, « Theme For An Imaginary Western », de Leslie West. Je n’entends rien de mauvais dans ce solo. Après toutes ces années, il n’a rien d’immature, c’est parfait. Je ne réécoute jamais vraiment ma musique, mais ça peut arriver accidentellement. Je me suis retrouvé à écouter « In Search Of The Peace Of Mind » et ce solo est intemporel. Sur le reste de Lonesome Crow, on peut entendre que je suis en train d’apprendre. Sur cette chanson, je ne sais pas d’où sont venues les notes, mais elles sont absolument parfaites. C’est la raison pour laquelle j’ai copié ce solo sur la nouvelle version et que je l’ai joué tel quel – plus ou moins, peut-être avec un feeling différent. Mais je ne comprends pas d’où ces notes sont venues. Il n’y a rien de mauvais dedans ; il n’y a pas une mauvaise note, pas de mauvaise technique. Alors que sur le reste de Lonesome Crow, on peut entendre que tout est mal développé. Cette chanson, pour une raison, possède le seul solo dans lequel, à ce jour, je ne trouve rien d’approximatif ou de mauvais. C’est vraiment comme « Theme For An Imaginary Western ». C’est un solo parfait et je ne sais même pas comment j’ai été capable de faire ça !
D’après toi, quels sont les trois albums les plus importants de ta carrière ?
Je n’ai pas d’album important. Je suis content de tout ce que j’ai fait. Je ne regarde pas les chansons, les albums, les solos que j’ai joués et ce genre de choses. Même Lights Out qui a été celui qui a eu le plus de succès, je m’en fiche. Je ne regarde que la magie qui s’est produite de manière différente sur chaque album. Il y en a pour tous les goûts et ça se fait tout seul. C’est inexplicable. Je peux toujours trouver quelque chose à dire si je veux expliquer pourquoi j’aime un album en particulier, mais pour moi, c’est comme un livre. Tous mes albums rassemblés forment une histoire. C’est une progression. Même s’il y a des gens qui m’ont plagié et copié dans les années 80 et ont gagné plein d’argent grâce à ça – pas de problème –, je me suis toujours réinventé. Pas intentionnellement, mais je suis toujours passé d’une étape à l’autre de ma progression : « J’ai envie d’essayer quelque chose comme ci ou quelque chose comme ça. » J’avais toujours une longueur d’avance sur ceux qui me copiaient, et au final, tant de gens m’ont copié dans les années 80 que mon style de jeu de guitare des années 70 s’est retrouvé surexposé. Mais comme je n’arrêtais pas d’évoluer, je créais au fur et à mesure un nouveau style de Michael Schenker, tout en conservant les anciens éléments qui faisaient qu’on reconnaissait toujours que c’était Michael Schenker. Ça n’a jamais été radical. Ce n’est pas comme ce que Jeff Beck a fait une fois, quand il est passé de ses super solos de blues rock à des trucs à la John McLaughlin. C’était trop extrême. Il a abandonné trop rapidement son magnifique style pour peut-être de mauvaises raisons, mais il est revenu à Jeff Beck, je suppose.
J’ai toujours très lentement et légèrement changé de direction, de manière parfois à peine perceptible, mais si on écoute sur une période de cinquante ans, ça s’entend. Ça ne m’a jamais trop dérangé que les gens copient mon style de jeu des années 70, parce que je m’amusais trop à évoluer. Pour moi, l’évolution c’est ça qui compte. C’est ce que j’adore faire. La progression est ce qui me mène vers de nouvelles manières d’assembler trois notes afin de donner la chair de poule et créer de nouveaux styles. Je n’ai pas seulement créé une mode : je n’ai cessé de créer des modes. Les gens savent que Michael Schenker est toujours rafraîchissant parce qu’il compose avec ce qu’il a à l’intérieur. Donc quand ils sont à court d’idées, ils écoutent ma musique et m’empruntent des idées pour créer et s’inspirer. C’est comme ça que toute la scène suédoise et tous ces musiciens chez Nuclear Blast sont arrivés là. Quelqu’un en Australie m’a dit que sans moi, il n’y aurait jamais eu de scène thrash metal, par exemple. J’étais choqué d’entendre cette déclaration, mais c’est ce que les gens disent.
Où te vois-tu dans les cinquante prochaines années ?
Je prie chaque jour et je remercie Dieu de m’avoir laissé vivre et de me laisser encore vivre. J’y vais au jour le jour. Je fais aujourd’hui ce que je peux faire aujourd’hui. Demain n’est pas encore là ; je ne sais pas si je vais me réveiller demain matin. La vie devient de plus en plus imprévisible à mesure qu’on vieillit. Je pense que c’est mieux de vivre dans l’instant et de faire avec ce qui m’entoure. Je pense que toute mon énergie doit aller là-dedans. Je ne peux pas mettre mon énergie dans le passé ou dans le futur. Tout ça c’est hypothétique. Le passé est terminé et on ne sait pas si le futur va exister. Alors que le présent, c’est là-dessus que je peux me concentrer, mettre tout mon cœur et toute mon énergie, et c’est ainsi qu’on peut véritablement obtenir de bons résultats dans la vie.
Interview réalisée par téléphone les 28 août et 4 novembre 2020 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Tiphaine Lombardelli.
Traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Matthias Rethmann (1,3,5,6) & Stephanie Cabral.
Site officiel de Michael Schenker : www.michaelschenkerhimself.com
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rivalité fraternelle ou pas…:on s’en fou et on lui en tient pas rigueur ,tant que Michael continue à nous faire plaisir avec ses fresques musicales et ce, depuis tant d’années
« Rudolf est un poseur, je suis un artiste » … mais quel type hors sol et bouffi d’orgueil … (c’est vrai qu’il n’est pas poseur pour un sou sur les clichés qui accompagnent cette interview) … perso je ne suis pas musicien, donc peu a même de juger la technique des deux frères mais je sais un truc, dans 100 ans, on fredonnera toujours des airs de Scorpions qui aura marqué l’histoire du rock en général, alors que MSG hum hum …….. Si tant est qu’on en fredonne déjà aujourd’hui 😉
Je pense que tout le monde sera d’accord pour dire que Rudolf est un piètre guitariste mais un compositeur génial. Michael il commence à planer sérieusement…
Rudolf est loin d’être un mauvais guitariste . Il sait écrire des riffs catchy et ses soli sur les morceaux « Animal Magnetism » et « Lady Starlight » sont excellents. Après reste à définir ce qu’est un bon guitariste. Pour autant, je préfère un bon guitariste qui sait composer qu’un Dieu du manche qui s’éparpille dans tous les sens ce qui n’est pas le cas de Michael mais il n’a rien fait de légendaire via ses différents projets solo – trop nombreux à mon goût – exceptés Lost Horizons et Desert Song. Ses innombrables moments de gloire sont a créditer pendant sa période avec UFO. Mais ici Michael ne semble plus avoir la lumière à tous les étages. Triste.