Voir Michael Schenker et son Temple du Rock offre clairement un voyage dans le passé et deux éléments forts vous projettent assurément aux temps jadis. Le répertoire, évidemment, mais aussi le public. Le premier est un best-of de la carrière passée du guitariste, à quelques emprunts à un animal piquant près. Le second est une assemblée au look très hard rock des années 80, jeans, santiags et tee-shirts, avec une moyenne d’âge des plus élevée pour un concert de metal.
Précisons tout de suite pour les mauvaises langues qu’il n’y a pas de jugement de valeur dans ces propos mais l’énoncé de faits objectifs : les seniors sont de sortie ce soir ! Et ce sont des gens très bien qui ont bravé la circulation parisienne pour voir en nombre le guitar-hero. Le concert affiche d’ailleurs complet depuis un bon moment déjà.
En ouverture, une jeune pousse anglaise œuvrant dans le metal gothique orchestral, le groupe Hanging Doll. Entre eux et le heavy metal traditionnel du Schenk, la soirée nous propose donc deux facettes du catalogue metal. Intéressant comme écart. Mais ouvrons sans plus attendre la porte de ce Temple du Rock pour voir comment s’est passée cette soirée placée sous le signe des grandes chaleurs revenues, le thermomètre dépassant subitement les trente degrés. Peut-être était-il affolé de voir qu’une légende comme Michael Schenker n’était pas accueillie dans Paris intra-muros.
Artistes : Michael Schenker – Hanging Doll
Date : 24 Mai 2012
Salle : Le Forum
Lieu : Vauréal
Un mot sur la salle qui reçoit ce soir pour celles et ceux qui ne la connaîtraient pas encore. Situé à Vauréal dans le Val-d’Oise, en Région Parisienne, Le Forum tend à devenir incontournable dans l’agitation musicale de l’Ile-de-France avec une programmation assez solide. Voyez plutôt : ce soir, MSG, bientôt DevilDriver, UFO ou Devin Townsend. A l’intérieur, l’accueil est aux p’tits oignons et l’infrastructure assure : son impeccable, lumières assez élaborées pour une petite salle, bar, écrans qui permettent de voir ce qui se passe sur scène – la salle pleine, tout cela est utile. Deux points noirs à cet idyllique tableau : la situation géographique – Vauréal n’est pas la porte à côté – et le manque de transports en commun directs. Pour autant, certains concerts affichent complets prouvant ainsi que les fans ne s’arrêtent pas à ces détails. En tous les cas, l’équipe du Forum ne peut qu’être remerciée de faire bouger la banlieue.
Il est 20h45 quand Hanging Doll monte sur scène. La formation est composée de la charmante Sally Holliday au chant, Aryan Amoli au clavier, Kev Wilson à la basse, Alex Cooper derrière les fûts, et Daniel Leddy et Dave Cox aux guitares ; ce dernier renforçant le groupe en live a priori. Cela fait du monde dans un petit espace et pourtant le groupe sera très mobile assurant une prestation de bonne qualité malgré un début peu engageant, assez mou avec une impression de déjà-vu, déjà-entendu donnée par cette voix féminine soutenue par celle du bassiste plus grawlée.
Toutefois, au fur et à mesure de la prestation, l’oreille est séduite par des titres plus accrocheurs comme le dernier morceau, par exemple, et son efficace refrain. On se dit aussi que la chanteuse est plutôt douée et nous sommes agréablement surpris par la présence du groupe sur scène, son attitude et les sourires de ses différents membres. Le public assez réceptif salue d’ailleurs avec raison cette prestation de qualité. Sally n’oubliera pas de remercier Michael Schenker et, vers 21h20, les Anglais quittent la scène. Ils peuvent être satisfaits de leur concert : ils ont su piqué notre curiosité. Pour ceux qui veulent prolonger l’expérience, le groupe a un album disponible, Reason and Madness, sorti en 2008.
Le backdrop des Anglais laisse la place à celui de Michael Schenker, aux couleurs du Temple du Rock. On ne le voit pas en totalité, masqué par la batterie entre autres. Cette batterie signée HR avec un bout de scorpion rappelle sans ambiguïtés le passage de Herman Rarebell au sein des piquants Allemands. D’ailleurs, cet héritage Scorpions – aussi marqué par la présence à la basse de Francis Buchholz – est utilisé même hors des albums où Michael est intervenu avec la présence dans la setlist de « Rock You Like A Hurricane » et « Black Out ». Rappelons que le guitar-hero blond n’est présent finalement que sur l’album Lonesome Crow et un peu de Lovedrive dans la discographique du groupe allemand. Alors, les plus enthousiastes trouveront cette utilisation de bon aloi, les autres, les chagrins, questionneront l’utilisation d’un fond de commerce assurément rentable. Mais les esprits chagrins n’auront pas fait le déplacement ce soir car le public saluera comme il se doit ces deux pépites. Au moins, les musiciens seront-ils prêts s’ils doivent les jouer au Nancy On The Rocks lors de la grande réunion de la famille Scorpions.
Mais reprenons la suite chronologique de cette soirée qui met un peu de temps à démarrer. On sent une légère fébrilité sur les dernières minutes, avec les ultimes essais du clavier et de la batterie ou encore avec Michael qui passe derrière la batterie pour arriver du bon côté de la scène. Des « Shenker ! Shenker ! » s’entendent dans la salle et la petite lampe pointée en direction de la console qui indique un démarrage imminent libère le public qui se manifeste plus franchement.
L’instrumental « Into The Arena » entame les hostilités. Michael joue rapidement avec le public qui réagit. Au milieu du trio scorpionnesque, Wayne Findlay détonne clairement avec son look plus panteresque. Le guitariste joue d’ailleurs avec une signature Dime. Le décalage est plutôt sympathique et, en tous cas, le mélange prend très bien.
Doogie White, au chant, arrive sur scène pour « Armed And Ready » avant de présenter officiellement le « trio Scorpions » et que le groupe n’attaque « LoveDrive » et « Another Piece Of Meat ». Le chanteur introduit ensuite « Cry For The Nations » en précisant que ce morceau est issu du premier album de MSG. Les plus plus âgés se rappelleront leurs jeunes années avec ce titre venant de 1980 ! Ne faites pas les calculs, ils font mal ! « Let Sleeping Dog Lie », issu du second opus de l’Allemand, suit avant qu’un autre instrumental ne poursuive le concert. Il s’agit de l’excellent « Coast To Coast » qui voit Michael, Francis et Wayne se resserrer en milieu de scène et bouger en rythme. Il s’agira là d’un des plus flagrants effets scéniques. Pour le reste, Francis est très discret, Michael est souvent avec sa guitare, ailleurs, pur guitar-hero dont on comprend la relation intense avec son instrument, et se montre très minimaliste dans son jeu de scène. Les fans situés sur la gauche ne l’auront d’ailleurs pas forcément très bien vu. Wayne par contre se lance dans quelques headbangings mais l’exubérance scénique n’est pas forcément le style de la maison et les excellents titres se savourent pour eux-mêmes, sans nécessiter d’artifices superflus. Les lumières permettent toutefois d’avoir quelques tableaux visuels intéressants.
Côté public, on est plutôt calme aussi, attentif. Là non plus, l’exubérance n’est pas de la partie. A tel point que plus tard dans le concert, Doogie invitera les fans à se manifester sans obtenir une adhésion à chaque coup. Dommage. A la décharge du public, la chaleur écrasante qui était tombée le jour-même sur Paris assomme tout le monde, petits et grands, fans et groupe. Michael n’ôtera pourtant à aucun moment du concert son bonnet !
« Assault Attack » continue l’exploration de ce répertoire riche en beaux titres. Le son est bon, Michael n’est pas manchot (aïe, le manque de respect !), Wayne non plus qui prendra d’ailleurs quelques solos à sa charge et la section rythmique n’a plus à démontrer ses compétences. Par contre, Doogie est pour l’instant à la peine au chant et ce titre le souligne. Il sera plus à l’aise sur le titre suivant « Before The Devil Knows You’re Dead », morceau tiré du nouvel album du Schenk, avec un chant plus en place. Puis « Lights Out » rend hommage à UFO, groupe dans lequel Michael a passé de nombreuses années. Beau titre mais Doogie a à nouveau du mal à assurer le chant. A force, ça gâche un peu la fête.
« On And On » claque vraiment ce soir et le groupe enchaîne sur deux titres de UFO qui seront salués chaleureusement par la foule avant que n’arrive le morceau qui réveille définitivement l’assistance. Il s’agit de « Rock You Like A Hurricane » où Herman Rarebell prendra un micro pour faire chanter le refrain au public qui cette fois-ci répond présent et reprend les paroles en chœur. Tout le monde est chaud et l’excellent « Rock Bottom » avec son très bon passage instrumental est soutenu par les applaudissements du public.
Mais les meilleures choses ont une fin et il est 23h15 quand le groupe quitte la scène au bout d’une heure et demi de classiques et revient rapidement avec le magnifique « Holiday » que le public chante immédiatement. Doogie pourrait même aller boire une bière ! Ceci dit, il chante très bien ce titre qui voit Michael décocher un merveilleux solo avec sa guitare toute bariolée. Le groupe ne joue pas le dernier passage du titre toutes guitares déployées mais enchaine sur « Black Out », apprécié par le public et où Wayne montre une fois de plus ses qualités de soliste. Mais cette fois-ci, la fin est proche car retentissent les premières notes de « Doctor, Doctor ». Le public semble se rendre compte que le concert se termine et qu’il ne reste plus que quelques minutes pour en profiter, alors, il chante et saute. Le Schenk équipé d’un instrument aux visages noir et blanc se déplace enfin de l’autre côté de la scène.
Au bout d’une généreuse heure quarante-cinq de concert, le spectacle se termine sous les applaudissements d’un public conquis qui aura tout de même eu un peu de mal à se mettre en route. Le temps pour le Schenk de toucher quelques mains et les lumières se rallument ramenant le présent à Vauréal, laissant les fans la tête pleine de solos magiques et de titres chatoyants.
Toutefois une drôle d’impression demeure sur cette prestation. Pour utiliser un terme photo, la soirée aura eu une espèce de teinte sépia, technique utilisée lorsque l’on veut donner à une image un air d’antan. C’est joli et empreint de nostalgie mais pas forcément très moderne. C’est peut-être là que le bât blesse. Un zeste de modernité permettrait à un public plus jeune, plus large de s’intéresser à ce monument et à son Temple du Rock. Mais peut-être est-ce justement ce charme désuet qui lui donne toute sa saveur.
Setlist de Michael Schenker :
Into The Arena
Armed & Ready
LoveDrive
Another Piece of Meat
Cry For A Nation
Let Sleeping Dog Lie
Coast To Coast
Assault Attack
Before The Devil Knows You’re Dead
Lights Out
On And On
Let It Roll
Shoot, Shoot
Rock You Like A Hurricane
Rock Bottom
Rappels :
Holiday
BlackOut
Doctor, Doctor
Photos : Lost
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