Que se cache derrière ce titre sibyllin ? D’abord, une incontrôlable propension de l’auteur à ramener sa science en matière cinématographique et peut-être aussi l’esprit tordu du géniteur de cet article, esprit d’où ce titre est sorti – comme une flatulence qu’on n’aurait pas senti venir – quand il lui a fallu trouver comment attaquer notre sujet. Notre sujet ? Le CD live de Soundgarden – tout premier live officiel de l’histoire du groupe – qui sortira le 22 mars prochain et intitulé Live On I5 compilant des enregistrements (vous pouvez en trouver la tracklist complète sur le site officiel des grungeux) de différents concerts effectués lors du passage du groupe sur la Côte Ouest du continent nord-américain pendant leur tournée de… 1996 !
Nous savons bien que ce n’est pas le premier groupe ou artiste à ressortir de vieux enregistrements – souvent pas dégueus – dont nous ne nous plaignons pas d’apprécier les qualités musicales et le potentiel à éveiller une forte nostalgie. Mais dans le cas de Soundgarden, nos détecteurs se sont mis en état d’alerte et nous ont amené à caser cet article dans la catégorie « On nous prend pour des cons ». Explication du titre de l’article et de notre point de vue dans ce qui suit.
Le grand penseur français René Goscinny mit un jour dans la bouche du personnage Obélix les mots suivants : « A midi douze, j’ai toujours faim et je mangerais n’importe quoi, tu m’entends ? N’importe quoi ! » (extrait d’un dialogue du film « Les Douze Travaux d’Astérix », 1976). Et chez le label A&M, filiale du groupe Universal Music, chargé de la sortie de cet album live, on a dû sentir qu’il était midi douze pour les fans de Soundgarden.
Déjà en septembre dernier, avec le best-of du groupe, Telephantasm, sorti lui aussi chez A&M, on avait nourri ces mêmes fans à la (toute) petite cuillère avec un seul inédit du groupe : « Black Rain », un fond de tiroir de 1991 qui sera quand même parvenu à être nominé aux Grammy Awards de 2011 en tant que « meilleure performance hard rock de l’année 2010 ». En effet, une sacrée performance que d’être nominé pour un titre enregistré il y a vingt ans ! Sans doute que la promo de ce morceau y aura été pour quelque chose. Son succès peut être grandement dû à sa présence dans le dernier opus du jeu vidéo musical à succès « Guitar Hero », au passage du groupe dans le talk-show de Conan O’Brien en novembre dernier où ils ont interprété ce titre et à la communication qui tournait autour de tout ça.
Et quel était le grand thème de la communication autour de l’actualité des Jardiniers du Son ? Simplement de quoi faire fantasmer les fans : une reformation du groupe ! Depuis l’été dernier, toutes les nouvelles qu’on pouvait trouver au sujet de l’ancienne bande de Chris Cornell parlait du « groupe récemment reformé », des « légendes du grunge réunies ». Tout ça pour nous parler d’un unique passage au festival Lollapalooza, de ce CD best-of (pour lequel le groupe a dû faire la promo en jouant deux titres – dont « Black Rain » – sur un plateau de télévision) et du futur Live On I5. Des enregistrements vieux de quinze ans alors qu’on parle d’un groupe qui se reforme ? Pourquoi ne pas avoir enregistré leur concert au Lollapalooza, on croirait alors plus à un vrai retour.
Et qu’en dit le groupe lui-même pour le moment de cette « reformation » ? Aucune annonce de tournée, de projet d’album ou même d’un pauvre single pour avoir réellement l’air recomposé, ce qui nous laisse plutôt à penser que le son de Seattle réside bel et bien dans le Jardin du Bien et du Mal (pour ceux qui ne seraient pas familiers de la filmographie de Clint Eastwood, je traduis : le cimetière), peut-être pas complètement mort mais faisant bien partie du passé. Ce qui reste vivant, c’est avant tout la marque Soundgarden qu’une maison de disques cherche à relancer, les membres du groupe étant des employés devant faire leur travail de promotion. Il ne suffira plus que d’attendre que les fans achètent leur ration, bavant sur ce qui pourrait pousser sur les mots « reformation » ou « réunion ».
Mais c’est comme pour le slogan d’Actimel : ce n’est pas parce qu’on vous dit dans la pub que ça va améliorer votre santé que vous devrez baser votre repas de midi douze sur les petits flacons blancs au contenu sans saveur. Il y a beaucoup d’autres choses pleines de saveur pour lesquelles on ne vous fait rien miroiter et qui ne poussent pas dans les caveaux des grands labels. Donc ne vous faites pas prendre pour des cons, prenez les derniers mouvements autour du nom de Soundgarden pour ce qu’ils sont : une campagne de communication autour d’un produit, un produit qui peut être bon, dont vous pourrez vous délecter mais qui ne vous assurera pas forcément un meilleur transit intestinal dans l’avenir.