Finalement, quand on a un public habitué à nous voir délivrer un rock brut de décoffrage et authentique, le summum de la subversion n’est-il pas de tenter une collaboration avec des producteurs mainstream, avec la certitude de contrarier une bonne partie de ses propres fans ? C’est ce qu’a fait Monster Truck, groupe libre et toujours avide d’expériences, peut-être un peu naïvement mais avec beaucoup de sincérité dans la démarche de découverte des limites du groupe. Et puis, cela ne concerne que trois chansons dans un nouvel album, baptisé True Rockers, gorgé de rock n’ roll et de fun.
Ci-après, le chanteur-bassiste Jon Harvey nous raconte à la fois la genèse de l’album et la démarche qui a été la leur lorsqu’ils ont décidé de frapper à la porte de Gavin Brown et Maria Davies, et comment il a vécu la collaboration avec ces deux machines à tubes. Mais pas seulement, puisqu’on évoque notamment certains thèmes abordés dans ses textes ; textes sur lesquels son regard a changé depuis sa paternité. Monster Truck, qui s’apprête à célébrer ses dix ans, a certes muri, mais son rock conserve une part de légèreté juvénile et n’a pas perdu de son énergie, bien au contraire.
« Je suis un musicien de rock n’ roll qui bosse, c’est ça que je fais. Je veux dire que me qualifier d’artiste serait me placer dans une catégorie dont je ne m’estime pas digne [rires]. »
Radio Metal : Jeremy a déclaré que, pendant que vous tourniez pour Sittin’ Heavy, vous avez composé et enregistré un autre album. En fait, vous avez pris du matériel d’enregistrement avec vous en tournée. Généralement, les groupes ont tendance à séparer le mode tournée et le mode créatif, mais penses-tu que ceux-ci s’entremêlent pour Monster Truck ?
Jon Harvey (chant & basse) : Honnêtement, mec, je ne crois pas que je pourrais arrêter de composer des chansons si je le voulais. J’aime faire ça toute la journée. Il se trouve simplement que le truc que j’aime faire est aussi celui que je dois faire [petits rires]. Donc c’est parfait ! En gros, il n’y a jamais de stress. Nous composons toujours sur la route parce que… Pour plusieurs raisons. Au stade où nous en sommes, on est pas mal dévoué à ce qu’on fait, et parfois, nous aimons essayer de nouvelles chansons auprès du public et voir comment elles passent. C’est dur à dire sans public. Et puis, le temps passe vite, il faut donc en faire le plus possible tant qu’on peut, voilà comment je vois les choses [petits rires].
Ça signifie que l’album a été conçu au beau milieu d’une atmosphère de tournée. Est-ce ainsi que vous parvenez à faire que vos enregistrements studio se rapprochent de l’énergie live ?
Ouais, nous essayions vraiment de faire ça mais nous avons toujours eu du mal, car je pense que nous sommes un meilleur groupe de live que nous sommes un groupe d’enregistrement. Donc c’est dur pour nous d’aller au studio et essayer de recréer ça, car il manque toujours quelque chose. Ce n’est jamais satisfaisant. Donc nous avons une nouvelle fois essayé, et je vais être honnête avec toi, nous avons toujours le même sentiment, ce n’est pas vraiment un enregistrement live. Peut-être qu’il faudrait que nous fassions un album live mais… Enfin, nous essayons toujours de capter l’énergie live et généralement, ça implique d’ajouter quelques guitares en plus et ce genre de choses sur les enregistrements, car il n’y a pas moyen de capter cette énergie visuelle qu’on obtient en regardant quelqu’un jouer.
Avez-vous songé à enregistrer vos albums en live face à un public ? Je crois que les Black Crowes ont fait ça…
Ouais, Peter Frampton l’a également fait et ça a bien marché pour lui. Assurément, nous balançons ce genre d’idée en l’air et je trouve que c’est une super idée. Le seul problème est que personne ne connait les chansons ! Donc si tu les joues face à un public qui ne connaît pas les chansons, ils ont tous l’air déboussolés [rires]. Ça ne fonctionne pas si souvent.
Après avoir travaillé sur tous vos albums précédents avec Erik Ratz, vous vous êtes tournés vers Dan Weller pour la majorité de True Rockers. Avez-vous ressenti un besoin de changement et de nouvelle expérience ?
Effectivement. Lorsque tu es pris dans tout le truc avec le groupe, parfois, tu penses à des choses étranges et plus tard, tu te dis : « A quoi je pensais à ce moment-là ? » Nous adorons Erik, c’est l’une des personnes que je préfère au monde, mais Dan était une oreille neuve et je pense qu’à ce stade, nous avions besoin de quelqu’un de nouveau pour essayer de faire que ça sonne… Je ne sais pas, au moins différent, car tous nos trucs avant sonnaient toujours pareil, c’était toujours Erik. Nous avions besoin de quelque chose de différent mais maintenant… Avec un peu de chance, avec notre prochain album, nous retournerons vers Erik [petits rires].
La dernière fois, Jeremy nous a dit que travailler avec Erik Ratz était une formule gagnante, mais justement, l’était-ce trop, dans le sens où c’était trop confortable ?
Exact. C’était lassant pour nous aussi parce que nous nous connaissions trop bien, donc quand nous nous retrouvons en studio avec Erik, nous finissons simplement par traîner ensemble au lieu de travailler. Erik est un assez vieil ami, nous le connaissons depuis environ huit ou neuf ans, donc c’est plus une relation d’amis. Dan est vraiment un très bon ami maintenant, mais au début ce n’était pas le cas, c’était maladroit et différent. Je dirais que la différence entre eux est que Dan est un guitariste très talentueux et un musicien vraiment extraordinaire. Erik a une super oreille, il sait comment faire pour que ça déboîte. Donc je pense que la différence est purement dans le sens musical. Mais ce sont deux expériences géniales avec deux personnes géniales. Travailler avec Dan était super marrant, il bosse dur et nous avons passé d’excellents moments avec lui. J’adore ce gars et j’adorerais enregistrer un autre album avec lui, et je pense que True Rockers sonne super ! Donc nous essayons d’aller de l’avant du mieux que nous pouvons.
Vous avez enregistré aux Echo Mountain Studios, qui sont construits dans une vieille église dans le paysage pittoresque des montagnes Appalaches. Quel impact l’atmosphère et le contexte a eu sur les sessions d’enregistrement et votre état d’esprit ?
J’ai trouvé ça super ! Nous adorons aller là-bas. Nous avions déjà enregistré des bouts d’albums là-bas avant et c’est une sorte de ville tranquille de hippie. Ce n’est pas la folle Amérique. C’est paisible, relax. Il y a, genre, quatre brasseries pour cent-mille personnes, c’est assez absurde. Mais ouais, c’est une atmosphère super relaxante. Donc je pense que ça nous a vraiment permis de nous détendre et nous amuser, sans stress. Je pense que tous les artistes… Je ne vais pas me qualifier d’artiste, mais quiconque a une carrière créative et est détendu produit son meilleur travail, car il n’y a rien pour t’embêter. Tu peux complètement te focaliser sur ta tâche plutôt que de te soucier d’un million de choses différentes. Il est certain qu’une atmosphère relaxante, ça m’aide. C’est bon pour moi ; je ne peux pas parler à la place des autres gars mais pour moi, c’est important. Et nous avons aussi des musiciens locaux de là-bas : il y a un joueur d’harmonica qui vient de là et aussi des chanteurs qui ont aussi travaillé sur l’album. C’était l’atmosphère parfaite !
« Internet donne trop de pouvoir à l’opinion des gens, ça réprime les gens, ça les inquiètent. Il ne faut pas se soucier de ces choses et simplement faire ce qu’on veut. Neuf fois sur dix, tu as raison. Tu as raison ! Les autres gens qui te disent que tu as tort, ils ont tort, tu as raison. Suis juste ton cœur. »
Tu viens d’hésiter à te qualifier d’artiste. Tu ne te considères pas comme tel ?
Non ! Je suis un musicien de rock n’ roll qui bosse, c’est ça que je fais. Je veux dire que me qualifier d’artiste serait me placer dans une catégorie dont je ne m’estime pas digne [rires].
La grande nouveauté de cet album sont ces trois morceaux (« Evolution », « Young Cities Hearts » et « Hurricane ») pour lesquels vous avez travaillé avec des producteurs de tubes, Gavin Brown et Maria Davies. Ça peut paraître surprenant dans la mesure où le rock n’ roll que vous jouez semble loin de cet univers. Qu’est-ce qui vous a motivé à essayer cette collaboration ?
Je crois que c’était simplement pour essayer ! Je veux dire que nous voulions prendre un risque. Si on reste constamment sur le même terrain, on n’avance jamais. Donc nous pensions : « Tu sais quoi ? Essayons ça ! Qu’importe. Allons voir des faiseurs de tubes. On a ces chansons, passons les dans la machine et voyons ce qu’il se passe. » Le fait que les gens disent que c’est ce truc dingue de rock moderne signifie que nous avons réussi ce que nous essayions de faire. C’est tout ce que ça veut dire. Mais ouais, c’est loin du blues rock que nous faisons normalement, mais tout le monde a besoin de changer après dix ans et trois albums constitués du même type de chansons. Nous avions le sentiment que nous avions besoin de montrer des facettes différentes et prendre un risque, balancer ça, qui sait ? Je veux dire, si la chanson était un succès planétaire, personne n’aurait rien à redire [rires].
Est-ce ça le rock n’ roll : prendre des risques ?
Je le pense, oui ! Je pense que les gens qui ne prennent pas de risques vivent dans une boite. Si tu n’as aucune inspiration venant de l’extérieur, alors tu es replié sur toi-même et ce n’est pas attirant. Il faut bouger là-dehors et vivre des choses afin de rendre tes propres trucs bons. C’est comme ça que je vois les choses. J’écoute tous les styles de musique, grosso-modo, car je veux savoir ce qui se passe et améliorer ma musique, même quand parfois je n’apprécie pas ! Parfois j’écoute des chansons que je n’aime même pas rien que pour être au courant de ce qui existe.
Je suppose que la façon dont ces personnes travaillent est très différente de ce dont vous avez l’habitude et que leur point de vue sur la musique et leurs priorités sont différents. Comment a été cette expérience et collaboration pour vous ?
C’était bien plus difficile de lâcher prise que je le pensais, de juste dire : « D’accord, pas de problème, comme vous voulez. » J’avais des paroles qui n’allaient pas fonctionner ou une mélodie vocale qui ne convenait pas pour telle partie, ou même un riff où ils étaient là : « Nan, on le dégage et on fait ça à la place. » Il faut faire ces compromis pour ce genre de personne, qui connait un tel succès, tu les laisses faire comme ils veulent et vois ce qui se passe. Il y a plein de choses sur lesquelles j’aurais pu batailler et je ne l’ai pas fait, mais peu importe. Je veux dire que nous sommes allés les voir pour une raison, donc tu ne batailles pas quand tu t’es mis dans cette situation [petits rires]. Mais c’était un super apprentissage. Ça m’a appris beaucoup de choses sur moi et sur la composition des chansons, et ça m’a vraiment donné confiance en moi pour aller de l’avant et continuer à composer, et ce genre de choses. Par exemple, j’ai appris que je complique trop les choses [rires]. J’ai appris que j’aime rendre les choses plus difficiles qu’elles ne le sont. J’ai aussi appris quelques astuces au sujet de la production de chansons, de la composition d’une super mélodie de chant, etc. S’il y a quelque chose de vraiment chargé au-dessus, si le chant est chargé par exemple, il faut alléger la musique en-dessous et vice versa. Ce sont des trucs de l’ordre de l’arrangement qui permettent à la chanson de mieux se tenir. Majoritairement, ce n’était que de la technique mais ouais, j’ai aussi appris que je me complique bien trop la vie [petits rires]. Donc nous avons vécu une super expérience avec ces machines à créer des tubes mais, je pense, au final, que nous sommes plus à l’aise à trainer entre nous et faire ça dans notre studio [rires].
Ce genre de producteurs est vraiment très différent de gars comme Dan Weller et Erik Ratz ?
Absolument. C’est une production plus collaborative avec Weller et Ratz, même s’ils prennent vraiment les commandes aussi. Avec les autres gars, c’est surtout « d’accord, cool, ouais. Oui, monsieur. Pas de problème. » Mais avec Erik et Dan, c’est super détendu, c’est comme ça que nous avons l’habitude de travailler. Et avec Gavin aussi c’était très détendu, c’est juste que nous ne contrôlions rien [rires], ce qui est dur pour des gens qui ont fait ça eux-mêmes pendant aussi longtemps ; donner le contrôle à une tierce personne est dur. Enfin, j’adore ces gars, ils sont géniaux, et je trouve qu’ils ont fait un boulot extraordinaire. Peut-être que c’est mon égo qui parle mais j’aimerais avoir plus de contrôle la prochaine fois [rires].
N’étiez-vous pas inquiets que les trois chansons qui sonnent plus produites et modernes brisent la cohérence de l’album, ou penses-tu qu’au contraire, ça apporte une diversité de couleurs ?
Ouais, je pense qu’ajouter ces trois chansons a été bénéfique. Je veux dire qu’elles sont clairement différentes, et ce n’est pas un souci, mais je pense que ça apporte effectivement des couleurs à l’album. Et ce n’est vraiment qu’un instantané d’où en était le groupe à ce moment donné dans le temps. Ce bout de nos vies durant l’enregistrement de ces deux sessions et tout le reste, ça représente comment les choses se déroulaient, c’est-à-dire un peu chaotique, un peu fou… Je pense que l’album est une très bonne représentation de notre groupe à l’époque.
« On a un gros souci de bouc émissaire, partout dans le monde, dans chaque culture, et personne ne veut assumer quoi que ce soit, donc nous créons ce diable ou un genre de démon-monstre que nous pouvons accuser pour nos problèmes, mais en réalité, ça reste nos problèmes. […] C’est un peu sans espoir. Il faut que quelqu’un nous sauve mais il n’y a pas de superman, pas de Dieu… »
Penses-tu que ces chansons évolueront en les jouant en live ?
Ouais, mais nous faisons toujours ça avec les chansons. Nous raccourcirons des riffs ou d’autres parties, ou parfois je changerais des paroles. Il y a quelques chansons qui ont des passages différents dans les paroles par rapport à quand je les ai écrites et enregistrées. Si on ne fait pas ça, on ne s’amuse pas. Il faut s’amuser et vivre de nouvelles choses, autant que possible.
En fait, le premier single que vous avez révélé tiré de cet album était « Evolution ». Etait-ce un message à l’intention des fans au sujet de l’évolution du groupe ?
Oh non, bon, peut-être un peu. Je n’y ai pas du tout pensé en fait, mais c’est pas mal ! Enfin, ce n’est assurément pas une indication de la direction que prend le groupe. C’est juste que nous essayions de nouvelles choses. Je suis certain que le prochain album sera du blues bien sale et tout le monde fera de supers commentaires sur YouTube à son sujet. Cette chanson, c’est plus une histoire de prise de conscience, genre : « Hey, je ne sais pas ce qui va se passer, mais on peut tous ressentir que quelque chose va se passer. Je ne sais pas ce que ça sera, mais ça arrive. Donc soyez prêts. » C’est en gros ça le message de la chanson [rires]. Il y a eu un énorme changement dans notre tissu social, entre Trump en Amérique et d’autres endroits… Entre tous les problèmes qu’ils ont connus avec les finances en Turquie et ce genre de chose. Les choses ne sont pas stables dans le monde en ce moment. Donc la chanson dit : « Préparez-vous, parce que quelque chose va se passer. »
Ce n’était pas risqué d’offrir cette chanson en tant que premier aperçu de votre nouvel album, vu qu’il n’est pas représentatif de l’album dans sa globalité ? En plus il pourrait faire croire que vous vous êtes vendus, ce qui n’est généralement pas très bien reçu par les fans de rock…
Exact. Je suis complètement d’accord avec toi. Avec le recul, c’était une idée un peu dingue mais c’était à un moment où l’album était fait depuis pas mal de temps, c’était une époque très stressante et c’était dur de réfléchir correctement. Mais avec le recul, nous voulions juste sortir quelque chose de différent pour secouer les choses, faire parler les gens ! Et c’est un peu ce qui s’est passé. Que ce soit en positif ou négatif, les gens en parlent quand même et si quelqu’un en parle, c’est mieux que s’il n’en parlait pas. A cet égard, ouais, c’était un risque, mais je pense que c’est un risque qui nous a mis dans une étrange position, un peu mystérieuse, parce que les deux choses suivantes que nous avons sorti sont totalement différentes [petits rires]. C’est assez cool. Je ne sais pas, j’ai pensé que c’était clairement une décision risquée mais je pense que ça a marché !
C’était d’autant plus surprenant que ça sortait d’un album qui s’appelle True Rockers…
[Rires] Nous sommes des blagueurs, tu sais. Nous n’aimons pas prendre les choses au sérieux. C’est comme AC/DC, à défaut de pouvoir nous comparer à un autre groupe, ils ont ces chansons, comme « Let Me Put My Love Into You » et tous ces trucs, c’est hilarant, c’est une chanson très drôle. C’est un peu comme ça que nous voyons le rock n’ roll. C’est du bon temps ! Amusons-nous avec ça ! Ne soyons pas aussi rigides, ou peu importe, genre [avec une voix idiote] : « On est des vrais rockers, mec ! » [Rires] Et bien sûr, ces chansons sonnent quand même comme des chansons de rock. Il y a quelques parties qui, pour moi, n’ont pas assez de guitare, mais ça n’est pas grave, ça reste de supers chansons, ça me va. Je pense que ce que nous avons obtenu était heavy et cool à écouter. Plein de mamans de mes amis adorent ! [Rires]
Quelles ont été les réactions jusqu’à présent ?
Ça va ! Il y a eu pas mal de négativité mais je pense que plein de gens commencent à voir ce que nous voyions et à écouter plus de deux fois. Mon père disait toujours : « Il faut écouter quelque chose dix fois avant de pouvoir juger, en ce qui concerne la musique. » Et je pense que c’est assez sage parce qu’il y a un million d’albums que j’ai apprécié avec le temps, après des écoutes répétées, car je suis là : « Je devrais aimer ça, je sais que je devrais ! » Et ensuite, ça devient ton album préféré. Donc ça demande du temps au gens, comme avec n’importe quoi, du temps.
Penses-tu que ce soit le rôle des musiciens de rock de secouer et surprendre un peu son public parfois ?
Je pense que c’est le rôle de quiconque essaye de travailler dans n’importe quel domaine créatif. Le but est d’être différent de tous les autres pour sortir du lot, d’aller dans des directions auxquelles les gens ne s’attendent pas. C’était un peu notre état d’esprit quand nous faisions ça mais nous nous demandions aussi si nous en étions capables. Je ne sais pas, nous ne savions pas du tout si nous pourrions vraiment écrire ce type de chanson. Tout ce que je sais est que c’était une réussite pour nous parce que nous avons pu voir que nous en étions capables. Je ne crois pas qu’il devrait y avoir des règles à quoi que ce soit. Tout le monde devrait pouvoir faire tout ce qu’il veut. Peu importe ce que les gens disent… Internet donne trop de pouvoir à l’opinion des gens, ça réprime les gens, ça les inquiètent. Il ne faut pas se soucier de ces choses et simplement faire ce qu’on veut. Neuf fois sur dix, tu as raison. Tu as raison ! Les autres gens qui te disent que tu as tort, ils ont tort, tu as raison. Suis juste ton cœur.
« Lorsque nous étions plus jeunes dans ce groupe, nous avons écrit plein de chansons qui parlait de fumer de l’herbe, boire, s’amuser, et je pense qu’en vieillissant, maintenant je réalise que mon enfant va un jour avoir quatorze ans et lira mes paroles [petits rires]. J’ai intérêt à rendre ça un peu plus propre, faire que ce soit un peu plus réfléchit. »
« Thundertruck » est une chanson provenant à l’origine des sessions de Sittin’ Heavy mais vous êtes tombés sur trop de problèmes, donc vous avez décidé d’y revenir plus tard. Quels étaient ces problèmes et comment les avez-vous résolus ?
Je crois que le problème était juste que ce n’était pas une bonne chanson. Nous avons écrit une chanson et elle ne convenait pas, ça ne le faisait pas. Lorsque nous l’avions pour Sittin’ Heavy, ça n’aurait pas été une bonne idée de l’inclure ; l’énergie de la chanson n’aurait pas convenu à cet album. Sittin’ Heavy est un peu plus lent et détendu. Et puis, lorsque nous nous sommes posés et l’avons faite pour True Rockers, le rendu était super ! True Rockers est bien plus entraînant. Elle cadre mieux avec les autres chansons dans True Rockers, c’est certain. Et puis elle est totalement différente. La seule chose qui est restée est la partie d’orgue. En fait, la partie d’orgue était faite à la guitare quand nous l’avions écrite pour Sittin’ Heavy. Il y avait un texte totalement différent, le refrain était différent, les couplets étaient différents. Donc nous avons grosso-modo pris une partie d’une vieille chanson et avons dégagé le reste pour recommencer de zéro. C’était donc une question de timing. Il s’agit de savoir quand abandonner quelque chose et quand persévérer. Nous faisons ça constamment. Il y a une poignée de chansons de Sittin’ Heavy que nous avions mises de côté pour l’album suivant, prenant juste quelques petits bouts ici et là, parce que nous les aimions bien mais nous ne savions pas quoi en faire à l’époque. Maintenant, nous avions une meilleure idée de quoi en faire. C’est un processus d’apprentissage. Nous pourrions probablement sortir un album complet de face B désormais ; nous avions huit ou neuf chansons en rab qui ne servent pas. Doucement, je suis sûr que nous les mèneront à bien à mesure que nous avançons, au cours de ce cycle d’album. Sur True Rockers, nous avons fini avec quinze chansons, mais on verra ce qu’il adviendra. Je n’en suis pas tout à fait sûr. Personne ne me dit quel est le plan. Je le découvre en même temps que vous !
L’album s’appelle True Rockers (« vrai rockeur », NdT) mais qu’est-ce qu’un vrai rockeur ? Est-ce que cet album est votre manière de rétablir les paramètres qui définissent le vrai rock ?
Mes amis et moi blaguions. Un ami à nous qui travaille pour pas mal de groupes comme Godsmack, Alter Bridge, etc., c’est un bon ami, il s’appelle Shane, il est génial, mais nous avons écrit ce texte parlant de vrais rockeurs, parce que nous nous amusions avec cette idée, nous avons même fini par nous faire tatouer que nous sommes de vrais rockeurs. C’était comme un genre de club pour rire, et puis un jour j’étais allongé dans mon lit et je me suis dit : « Oh, pourquoi on n’utiliserait pas simplement ça comme nom d’album ? C’est hilarant ! » Donc voilà ! [Rires] Ça vient d’une blague. C’est comme si tout ce groupe était né d’une blague ! [Rires] Mais je ne crois pas que nous essayions de proclamer quoi que ce soit, genre « voilà ce qu’est le vrai rock ! » Je pense que nous disons juste que personnellement, nous avons le sentiment que nous sommes de vrais rockeurs, nous sommes là pour nous amuser, boire quelques bières, passer du bon temps. Quoi que les gens veulent dire à ce sujet me va bien, ils peuvent l’interpréter comme ils veulent, mais en aucun cas nous disons… Nous ne faisons pas une déclaration à la Refused, ceci n’est pas la forme que prendra le rock à avenir, c’est juste un truc marrant que nous faisons.
Quel est ton sentiment personnel sur le rock d’aujourd’hui ?
Je trouve que c’est super ! Il y a des tonnes de groupes qui jouent et assurent carrément. Quand on voit des groupes inspirants, comme Rival Sons ou Greta Van Fleet qui ont un joli succès aujourd’hui, on se dit que le rock se porte très bien. Ces groupes sont supers ! Il y a une tonne de rock actuellement, les gens vont toujours aux concerts, c’est juste qu’il y en a moins, ce qui est aussi bien parce qu’alors on obtient plus de qualité. C’est comme à la vieille époque, tout le monde n’était pas dans un groupe, tout le monde ne pouvait pas enregistrer un album dans un garage, et les gars qui bossaient comme des acharnés sont ceux qui réussissaient, et je pense que c’est toujours comme ça aujourd’hui. Si tu travailles suffisamment dur, tu peux faire tout ce que tu veux.
La chanson éponyme voit la participation de Dee Snider : est-il pour vous le parfait exemple de vrai rockeur ?
Oh ouais ! [Petits rires] Bon, il a écrit toutes ces chansons qui ne parlaient que de rock. C’est le parrain des chevelus. C’est un sacré bonhomme ! C’était très facile de lui demander de faire ça. Et puis qui d’autre aurait pu le faire ? Je n’imaginerais personne d’autre ! Nous nous connaissions, nous avions déjà parlé quelques fois. Nous avions écrit la chanson et elle avait cette partie, et je me suis dit : « Bon sang, j’aurais bien aimé avoir un genre de prédicateur là-dessus. Il faudrait qu’on invite quelqu’un pour faire une sorte de sermon. Voyons si Dee Snider peut le faire… » Car, pourquoi pas ? Je veux dire, c’est parfait. Et puis je l’ai appelé et il a dit « pas de problème ! » Voilà comment ça s’est fait, c’était assez facile.
Il y a une chanson qui s’appelle « Being Cool Is Over ». Penses-tu qu’on a un peu perdu le sens de l’amusement et de l’insouciance par rapport à il y a plusieurs décennies ? C’est le sens de cette chanson ?
Ouais, en gros, ce que je pensais être cool n’est plus cool et je m’en fiche, ce que je pense être cool est toujours cool. Ou peut-être que je n’ai jamais été cool, qui sait ? En gros, la chanson dit qu’il n’y a plus autant de personnes qui portent des lunettes de soleil et des vestes en cuir, tout le monde porte des pulls en laine et des chaussures des années 90. C’est genre, peut-être que ce que je trouvais cool ne l’est plus, voilà ce que je dis [rires].
A propos de la chanson « Devil Don’t Care », tu as expliqué que « le diable ne veux pas passer d’accord avec vous parce qu’il s’en fiche. Vous merdez déjà tellement, pourquoi aurait-il besoin de mettre son grain de sel ? » Dirais-tu que c’est là tout le drame de l’humanité : on ne se rend pas compte qu’on fait nous-même tout le boulot du diable ?
Ouais ! En fait, on a un gros souci de bouc émissaire, je trouve, partout dans le monde, dans chaque culture, et personne ne veut assumer quoi que ce soit, donc nous créons ce diable ou un genre de démon-monstre que nous pouvons accuser pour nos problèmes, mais en réalité, ça reste nos problèmes. Surtout maintenant, en voyant comment les choses progressent ici en Amérique du Nord, c’est assez dingue ! Pourquoi quiconque voudrait s’en soucier ? [Rires] S’il y a un Dieu, pourquoi s’en soucierait-il ? C’est le même genre d’adage. En gros, je dis que c’est un peu sans espoir. Il faut que quelqu’un nous sauve mais il n’y a pas de superman, pas de Dieu… Je suppose que nous sommes nous-mêmes plus ou moins le diable ; nous l’avons conçu, donc il doit bien être dans la tête de quelqu’un, n’est-ce pas ?
« Dès que tu mets les pieds sur scène, les gens te regardent et ils sont à fond dedans, il y a cette drogue qui est libérée, je ne suis pas certain de laquelle il s’agit, la sérotonine, l’adrénaline, l’une d’elles, mais c’est de la bonne ! Et ça te donne envie de continuer [rires]. »
« Undone » est une chanson très émotionnelle écrite à propos de gens qui galèrent avec les addictions et le sentiment de désespoir. Est-ce quelque chose auquel tu as toi-même été confronté ?
Ouais, via des membres de ma famille, des amis, etc. C’est plus que j’ai eu des proches qui ont vécu plein de problèmes avec ce type de chose, l’alcool, les drogues et autre. J’ai donc écrit cette chanson au sujet de ce sentiment qu’on a… Même si tu bois trop de bières et tu te réveilles le matin, tu as le même sentiment, tu es déconnecté. La chanson parle de ça. C’est un peu plus désespéré que ça parce qu’en gros, tu es toxicomane mais c’est le même sentiment de désespoir, et tu n’as pas toute ta tête [petits rires]. Je pense que si on ne fait pas des choses au moins un petit peu personnelles, c’est très facile de se retrouver à ne pas dire la vérité. J’ai l’impression qu’il faut parfois parler de ces sujets difficiles parce que ça fait partie de notre vie.
« The Howling » pose la question : « Est-ce que les esprits sont réels ? » Mais toi, quelles sont tes croyances ? As-tu une réponse ?
Non, pas du tout. C’est en gros ce que dit la chanson : je ne sais pas ce qui se passe, je n’en ai aucune idée. Quelqu’un pourrait me dire ? Ou alors j’attendrais de voir ce qui arrivera [rires]. C’est une façon de dire que je ne sais pas ce qu’il y a après tout ça. S’il y a quelque chose après tout ça, je me dis que peut-être les choses ne sont pas aussi simples ou aussi compliquées qu’on le pense. Tu vois, j’ai grandi dans une église ; mes parents allaient à l’église durant toute mon enfance, mais en grandissant, de nombreux problèmes se sont révélés à moi, un tas de contradictions et ce genre de choses. Je pense avoir développé mon propre lot de croyances qui me vont bien aujourd’hui, mais je dirais que la spiritualité est quelque chose de très étrange. Je veux dire qu’on pourrait se réveiller au beau milieu de la nuit et être à moitié dans un rêve et penser avoir vu un fantôme, ou alors on pourrait avoir été totalement réveillé et avoir réellement vu un fantôme, on ne saura jamais ! [Petits rires] J’ai vu plein de choses qui tendent à prouver que c’est réel… J’imagine que c’est comme avec les extraterrestres. On croit qu’ils ne sont pas réels, eh bien, je ne sais pas, ils le sont probablement. Les fantômes sont probablement aussi réels mais je n’en ai pas encore vu avec certitude.
Tu es donc plutôt agnostique ?
Je dirais ça, oui. Agnostique et pas vraiment préoccupé par ça [rires].
Depuis Sittin’ Heavy, tu es devenu père. Tu as déclaré que l’effet que ceci a eu sur tes chansons est que ça t’a donné la capacité de te séparer de toi-même et devenir moins égoïste. Qu’est-ce que ça veut dire concrètement ? Quels en sont les effets sur la musique et les paroles ?
L’effet est que je veux que mon enfant soit fier de moi quand il sera plus grand. Lorsque nous étions plus jeunes dans ce groupe, nous avons écrit plein de chansons qui parlaient de fumer de l’herbe, boire, s’amuser, et je pense qu’en vieillissant, maintenant je réalise que mon enfant va un jour avoir quatorze ans et lira mes paroles [petits rires]. J’ai intérêt à rendre ça un peu plus propre, si tu vois ce que je veux dire. Faire que ce soit un peu plus réfléchi que juste parler de fumer un paquet d’herbe et boire de la bière. Donc je pense que ça m’a vraiment fait prendre conscience de ce que je dis aux gens et quel est vraiment le message. Ça nous a tous changé en ce sens. Notre batteur a un enfant d’un an maintenant aussi. Ça te déconnecte totalement de toi-même. Ca a changé ma perspective sur tout dans ma vie. Tout. C’est une expérience de dingue. C’est vraiment énorme. Je pense que ça m’a vraiment aidé aussi dans la composition car ça m’a apporté une nouvelle inspiration pour essayer de nouvelles choses et explorer des directions qui me permettraient de le rendre fier. La dernière chose que je veux est, lorsqu’il sera plus âgé, qu’il écoute ma musique et dise « je n’aime pas ça » [rires].
Penses-tu qu’il deviendra un « vrai rockeur » aussi ?
On verra ! Je m’en fiche. Il n’est pas obligé [rires]. Peu importe ce qui fera son bonheur. S’il allait dans la musique, je serais aux anges parce que j’aime beaucoup ce que j’ai fait jusqu’à présent. Les choses que j’ai vécues, je n’aurais jamais pu les vivre dans un autre domaine créatif. J’ai envie qu’il vive ça. Mais, enfin, ce serait super aussi si… Nous allons l’encourager dans tout ce qu’il pourra faire [rires].
Jeremy a exprimé à quel point la vie en tournée peut lui peser, et a dit que la nature-même du musicien est d’être « malade en tournée mais à la fois il ne peut pas vivre sans. » Est-ce quelque chose que tu ressens aussi ?
Oh ouais. Bon, ça ne me dérange pas autant ça le dérange lui. J’aime tourner. Je trouve ça marrant. J’aime me rendre dans de nouveaux endroits chaque jour et en profiter. Jeremy est quelqu’un de solitaire [rires]. Mais c’est un bon gars. Il aime tout autant s’amuser que n’importe qui. C’est juste que parfois il y a trop de gens. J’aime partir en tournée, je trouve ça génial ! Lorsque je suis à la maison, la chose qui me manque le plus est ce sentiment naturel de planer quand tu es sur scène. C’est ça qui manque. Et c’est ça qui lui permet de tenir sur la route. Dès que tu mets les pieds sur scène, les gens te regardent et ils sont à fond dedans, il y a cette drogue qui est libérée, je ne suis pas certain de laquelle il s’agit, la sérotonine, l’adrénaline, l’une d’elles, mais c’est de la bonne ! Et ça te donne envie de continuer [rires].
Malgré tout, tourner n’est-il pas plus difficile, psychologiquement, étant loin de ta famille maintenant que tu as un enfant ?
Oh ouais, c’est super dur. C’est ridicule. Mais pour être honnête avec toi, c’est aussi le boulot que j’avais avant de rencontrer ma partenaire, le boulot que j’avais avant d’avoir un bébé. Je veux dire que c’est mon gagne-pain. Il y a pire ! Je pourrais être un vendeur d’aspirateurs ou être dans la finance. Au moins, je suis là-dehors à jouer des concerts de rock n’ roll. Il n’y a pas grand-chose à redire là-dessus. Combien de personnes peuvent faire ça ? [Petits rires] Mais ouais, c’est dur et il me manque beaucoup, constamment. Il vient une fois de temps en temps, c’est vraiment sympa. Plus tard, quand j’arrêterais de faire toutes ces tournées, je pense que ce sera quelque chose de précieux, j’aurais beaucoup appris et ça fera de moi un meilleur père et une meilleure personne.
« Lorsque ton salaire repose complètement sur ce qui sort de ta tête et tes mains, c’est assez fou comme truc. Et le maintenir, parce que tu ne veux pas le perdre, c’est encore plus de stress. Donc c’est dingue et je compatis totalement avec les gens qui dépriment et deviennent anxieux en évoluant dans l’industrie de la musique. »
Vous allez célébrer les dix ans de Monster Truck l’année prochaine. Vous avez parcouru un sacré bout de chemin, en partant de ce groupe originellement formé par des mecs bourrés, juste pour s’amuser, à ce groupe qui tourne dans le monde entier que vous êtes devenus, avec trois albums sous le coude. Qu’est-ce qui vous a poussé à faire de ce groupe quelque chose de sérieux et même une carrière ?
Quelqu’un qui a manifesté de l’intérêt ! [Rires] Nous avions un ami qui était manageur et il a dit : « Je veux vous manager, les gars ! » Et nous avons dit : « D’accord, cool. » Nous sommes donc rentrés et avons parlé : « Bon, si nous devons prendre un manageur, ça veut dire que nous allons probablement devoir partir en tournée, donner des concerts et tout. Est-ce que tout le monde est partant pour tenter le coup ? » « Oui, bien sûr ! » Donc nous avons tous quitté nos boulots et sommes partis en tournée, et ça ne s’est jamais arrêté ! [Rires]
C’était facile !
Bon, non, ce n’était pas facile ! Nous avons passé une vingtaine d’années à nous brancher dans des bars vers chez nous, à cravacher, à faire ces tournées vraiment ratées où on ne mange pas et ne fait rien. Il était temps que nous commencions à avoir un peu de popularité. On verra ce qui se passera. Mais ces dix dernières années ont été géniales ! C’est une super période de ma vie. Je n’aurais même jamais cru que j’aurais l’occasion de voyager en Europe, et nous y avons été à plusieurs reprises et avons joué dans de grandes salles, c’est dingue ! C’est quelque chose que je ne prends jamais pour acquis. Et je ne sais pas si je le mérite suffisamment mais il est clair que j’apprécie.
Sur Sittin’ Heavy, vous aviez mis un peu plus l’accent sur le chant et les harmonies, cette fois, vous avez trois morceaux davantage produits et avez incorporé des instruments additionnels, comme de l’harmonica. On dirait que plus le temps passe, plus vous ajoutez des éléments à votre rock. On dirait que de ce groupe brut de rock n’ roll, Monster Truck est progressivement en train de devenir un groupe assez sophistiqué…
J’espère. Enfin, qui sait ? Il se peut que, pour le suivant, nous sortions notre Sticky Fingers et que nous le ferons sur un huit-pistes, qui sait ? Nous avons plus ou moins pris une décision au début de True Rockes, où Dan était là : « Est-ce qu’on vise un truc à la Queen ou bien ? » Et j’étais là : « Qu’est-ce que tu veux dire ? » « Tout. Du super chant, etc. » « Ouais, faisons ça, pourquoi pas ? Allons-y à fond. » Ce sera donc en fonction de chaque album. J’aimerais vraiment faire un album très, très dépouillé pour le prochain et vraiment juste me concentrer sur le morceau et le faire aussi live que nous le pouvons. Mais c’est marrant ! Chaque album est une expérience différente et jusque-là ça a été extraordinaire. Peut-être, avec un peu de chance, qu’un jour nous aurons un chœur et tous ces trucs supers. Un jour ce serait super marrant d’avoir un chœur gospel et faire tout un mélange de gospel et de rock sur un album, ce serait génial. Je pense que les gens adoreraient. C’est marrant d’aller en studio et voir ce que tu peux ajouter pour que ça sonne mieux.
Penses-tu que le son caractéristique de Monster Truck sera toujours là, peu importe ce que vous lui ajoutiez ?
Je le pense. C’est ma voix. Donc, à moins que quelqu’un change ma voix ou me donne un coup à la gorge ou autre, ça sonnera probablement toujours comme nous. Et nous allons toujours avoir des guitares et nous n’allons jamais faire tourner des pistes préenregistrées. Ce sera toujours Monster Truck. Donc non, le son ne changera probablement pas tellement.
Le pressbook dit que « alors que Sittin’ Heavy était un album plus ‘sérieux’, True Rockers est le son d’un groupe qui lâche prise et s’amuse. » Où places-tu la différence ? Qu’est-ce qui fait de Sittin’ Heavy un album plus sérieux et True Rockers un album plus pour s’amuser ?
Je crois que c’est la pression de Sittin’ Heavy qui le rend plus sérieux. Je pense qu’un second album correspond à une période très révélatrice pour un groupe. Nous étions un peu nerveux et inquiets de ça. Nous ne savions pas quoi faire, nous ne savions pas quelle direction prendre. Est-ce qu’on part à fond commercial ? Est-ce qu’on fait ce truc de rock moderne maintenant ou bien on attend ? C’est dur à faire. C’est dur de s’imposer ce genre de stress. Et ça a pris beaucoup de temps à enregistrer et tout. Ça ne paraissait pas aussi léger et sympa qu’enregistrer True Rockers. Et je pense que nous avons beaucoup appris… Nous apprenons beaucoup avec tout ce que nous faisons. Ça fait partie du processus quand on est un groupe : tout le monde apprend toujours quelque chose et c’est important. Je pense que maintenant, avec True Rockers, il s‘agissait juste de lâcher prise et s’amuser. Il n’y a rien d’autre que nous puissions faire. Nous faisons nos meilleurs trucs quand nous nous amusons.
Est-ce une pression que vous vous étiez mis vous-même ou bien ça venait de l’extérieur ?
Je crois que ça vient de partout mais surtout de nous-même. Je veux dire que si nous échouons, si nous ne composons pas le meilleur album, ce n’est pas notre manageur qui… Il serait contrarié mais personne ne va l’appeler pour lui dire : « Hey, ces gars ont fait un mauvais album ! » [Rires] C’est de notre faute ! C’est ça la pression, elle est complètement sur tes épaules. C’est là que le fait d’intégrer et être dans un groupe et tout… Car j’ai toujours pensé à tous ces gars qui disent qu’ils sont dans un groupe et ils sont déprimés et stressés, etc., genre : « Mais ouais, bien sûr… Tu gagnes ta vie en jouant de la musique ! » Mais lorsque ton salaire repose complètement sur ce qui sort de ta tête et tes mains, c’est assez fou comme truc. Et le maintenir, parce que tu ne veux pas le perdre, c’est encore plus de stress. Donc c’est dingue et je compatis totalement avec les gens qui dépriment et deviennent anxieux en évoluant dans l’industrie de la musique, car c’est vraiment impitoyable. Tu peux totalement sortir un mauvais album et plus personne t’aimera du jour au lendemain. C’est fou ! Mais c’est comme tout.
Interview réalisée par téléphone le 24 août 2018 par Nicolas Gricourt.
Transcription & traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Mathew Guido.
Site officiel de Monster Truck : www.ilovemonstertruck.com
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