Tous ceux qui suivent avec attention la scène rock ou pop ont dû à un moment donné entendre parler de Monte Pittman. Le guitariste de génie n’est autre que l’un des musiciens qui s’est illustré à de nombreuses reprises auprès de Madonna, en plus d’avoir été le guitariste de Prong. Ce dernier amorce à peine sa carrière solo, influencé par le hard rock et le heavy. Après trois opus électriques, dont un The Power Of The Three (2014) convaincant, véritable orgie de riffs, le musicien revient avec non pas un mais deux albums, le heavy Between The Space et l’acoustique Better Or Worse. De quoi apprécier toutes les facettes de son talent guitaristique, mais pas seulement.
La démarche de Monte Pittman sur ces deux albums est peut-être la plus personnelle jusqu’à présent. C’est simple, ce dernier a tout fait, de la composition et de l’exécution de tous les instruments jusqu’à la production. Monte Pittman est tour à tour batteur, bassiste, chanteur, guitariste et producteur. Seul l’album acoustique Better Or Worse a quelques sons de batterie joués par son fils de huit ans que Monte Pittman a retraités par la suite. La philosophie des deux albums est différente, Between The Space devait être constitué de titres heavy accessibles et directs (d’où le choix du guitariste de jouer lui-même la batterie), tandis que Better Or Worse devait dévoiler au fur et à une mesure une instrumentation plus complexe. Pour ce qui est de Between The Space, il est clair que les rythmiques sont d’une simplicité souvent suffisante, à l’instar de l’ouverture « Evidence » et son binaire massif qui vient soutenir un riff très typé année 90, avec beaucoup de modulations dans la voix. Parfois en revanche, la batterie se montre un poil insuffisante, à l’image de « Changing Of The Guard » et de cette rythmique cavalière qu’Iron Maiden n’aurait pas renié. Il manque cependant de puissance et on sent poindre un décalage entre l’exécution sans failles des riffs de guitare et d’une rythmique presque trop sobre. Surtout si l’on considère le choix de Monte Pittman d’obtenir un son plus « garage », ce qui fonctionne de manière inégale. La formule fonctionne pour la guitare, que ce soit sur un titre comme le très thrash « Reverse Magnetism » et son riff très incisif ou sur les élans doom de « Beguiling », mais moins pour la batterie, avec une caisse claire trop ténue, ce qui se ressent particulièrement sur « Between The Space ». La qualité de Between The Space réside dans les évolutions harmoniques et la capacité qu’a Monte Pittman de faire évoluer ses compositions. Le refrain de « Between The Space » passe d’un riff heavy à des mélodies éthérées. Cette aisance à transiter d’un riff agressif et lourd à une ouverture totale sans briser la cohérence de la composition est l’arme principale du guitariste (on ne parlera pas évidemment des soli, Monte Pittman se balade de ce côté-ci, notamment sur la mélancolique « Once Upon A Time » et « Reverse Magnetism »). « Evidence » en est l’exemple même. En outre, le procédé permet d’apprécier le timbre nasillard de Monte Pittman qui confère à l’ensemble de ces titres ce cachet très fin 80-début années 90.
Si Between The Space parvient à convaincre avec un peu de difficultés, c’est une toute autre affaire pour l’acoustique Better Or Worse. Une fois que les inégalités de jeu et d’exécution rythmiques (c’est surtout le contraste avec l’excellence du jeu de guitare qui parfois dérange) n’entrent plus en compte, Monte Pittman démontre réellement l’étendue de son talent. Ceci se perçoit particulièrement sur l’approche vocale, le musicien semble infiniment plus à l’aise lorsqu’il est seulement accompagné de sa guitare. « Depth Perception » prouve que même avec une rythmique envolée à la Bjorn Berge, Monte Pittman ne voit pas son timbre faiblir. Paradoxalement, son album acoustique paraît avoir une intensité bien supérieure à son comparse heavy. Le plutôt tranquille « Have Faith » a davantage de conviction sur le refrain, Monte Pittman semble littéralement libéré. Surtout que celui-ci accorde toujours un point d’honneur à la pertinence de ses évolutions harmoniques et de ses arrangements. « The Right Words » se conclut par quelques notes qui raisonnent amplement : un effet simple pour un résultat garanti. Le très suave « Whose Side Are You On ? » et sa rythmique réarrangée rapproche le guitariste du travail d’un maître en la matière, Fink. Monte Pittman fait preuve de davantage d’audace avec la seconde moitié de « Torchbearer » et son impressionnante reverb sur les percussions et le lead électrique qui donne une dimension épique à la chanson, ou l’apport d’une batterie trip-hop et une tonalité parfois proche d’un Radiohead sur « Witch Trials ». Seul l’approche folk et le chant de « Turning Retrograde », tous deux un peu mielleux, ne présentent pas autant de conviction que le reste des compositions acoustiques.
Monte Pittman a réalisé un travail colossal, c’est indéniable. Peu de gens peuvent se targuer de réussir sur presque tous les tableaux d’une réalisation musicale, même si évidemment cette dernière souffre de carences qui n’empêchent pas d’apprécier l’ensemble. Il faut toutefois souligner que Better Or Worse l’emporte sur sa contrepartie électrique, que ce soit en termes de prouesse vocale et d’arrangements intéressants. Si les riffs du guitariste et ses transitions sont chirurgicaux, sa facette moins agressive est celle qui lui rend le mieux justice sur l’ensemble de cette œuvre.
Chanson « Evidence » en écoute :
Chanson « Depth Perception » en écoute :
Album Between The Space, sortie le 31 août 2018 via Metal Blade. Disponible à l’achat ici
Album Better Or Worse, sortie le 31 août 2018 via Metal Blade. Disponible à l’achat ici