Artistes : Morbid Angel – Kataklysm – Marduk – Keep Of Kalessin – Arsis
Lieu : Paris (France)
Salle : Elysée Montmartre
Date : 28-11-2008
Public : 500 personnes environ.
Vendredi 28 décembre 2008, 13h. Le regard belliqueux, c’est d’un pied méfiant que l’on foule le sol parisien. Dans quelques heures, le Metalfest va entamer les hostilités que nous avons, comme tant d’autres, longtemps attendues. Mais en attendant, votre serviteur traverse l’industrieuse capitale, véritable cité de Caïn.
C’est ici qu’on espérait, il y a déjà quatre décennies, jouir sur les pavés… et pourtant on n’aperçoit guère de jouissances par ici. Les regards n’expirent pas l’orgasme: ils scrutent le sol comme s’ils y trouvaient une nouvelle icône admirable, un refuge pour couver leur profonde peur de l’autre. Tout est bas et profil bas. Pas de jouissances, mais l’on peut, à la rigueur, deviner une odeur de sperme séché se dégageant de toute cette bassesse. Dans un restaurant, un client se fait entendre, aboyant vers une serveuse blasée: “ je paie alors tu me sers”… Je paie = j’ai tout; quatre mots dignes d’un enfant gâté pour résumer la dégénérescence, tellement palpable ici, de l’homme aliéné par l’argent.
“World Of Shit”, ainsi parlait Morbid Angel.
17h. Après cette longue attente, les portes s’ouvrent, et c’est prestement que l’on fuit le monde grégaire de cette fourmilière pour s’enfermer dans l’Élysée Montmartre. La différence semble ici de mise: habits noirs, perfectos criblés de badges pour révéler nos goûts (et dégoûts) musicaux, les cheveux longs ou le crâne à vif, la barbe exubérante ou le poil soigneusement taillé si ce n’est rasé. Trente minutes plus tard, le premier groupe se charge d’ouvrir la soirée.

Arsis pour démarrer.
C’est étrange comme tout semble froid en ce début de Metalfest, d’ailleurs l’un des premiers noms de Morbid Angel était Ice. On peut d’ores et déjà pressentir que les death-métalleux d’ Arsis vont peiner à chauffer la salle. C’est laborieux, et c’est là d’ailleurs le dur périple des groupes d’ouverture. Mais Arsis garde le sourire : ils enchaînent leurs titres et cherchent à promouvoir leur troisième opus, We Are The Nightmare, sorti il y a quelques mois.
Malheureusement, un death ultra-technique à la Anata n’est pas ce qu’il y a de mieux pour embraser une salle en première partie. Le son est incisif, les grattes tranchent comme les lames d’un rasoir, mais la batterie est beaucoup trop mise en avant. Et c’est là une grosse erreur stratégique: Arsis a ce rare talent de nous pondre de magnifiques solis, et on ne peut que difficilement en jouir ce soir.
Leur choix est toutefois aisé à comprendre: pour cette tournée, ils bénéficient des talents de David Kinkade, qui avait déjà fait ses preuves auprès de Malevolent Creation, Divine Empire et actuellement chez Borknagar. Arsis fait-il ses preuves? Dur à dire, car tantôt le groupe envoie des parties ultra carrées assez impressionnantes, tantôt le batteur et le reste du groupe east-coast ne sont pas en phase. Mais rien d’alarmant à vrai dire, Arsis parvient à retomber sur ses pattes.
James Malone, le chanteur/gratteux, lance alors quelques “hails” que le public reprend quelques temps… sans trop de conviction. Notre homme, véritable sosie de Joe Duplantier de Gojira (en plus sec), garde un sourire à toute épreuve: c’est avec ce moral d’acier que le groupe poursuit. Une bonne volonté qui les pousse à assurer coûte que coûte cette première tournée européenne. Dur de voir un aussi bon groupe si mal accueilli… Leur premier album, Celebration On Guilt, nous avait laissé plein d’espérance envers le combo (et le death technique). Malgré tout, le groupe fera peu d’effet ce soir, avec un show d’à peine une demi-heure…
“Desolate ways”, ainsi parlait Morbid Angel.

KOK : la claque !
Après des sound-checks un peu longuets, Keep Of Kalessin entre en scène. Après quelques titres, on sent que le festival débute à proprement parler. Le son est plus puissant, et en plus le groupe entier est en mode “balayette”.
Le mode « balayette » ? C’est remuer la caboche circulairement comme Corpsegrinder, le vocaliste de Cannibal Corpse. Un autre bon exemple, carrément hilarant, et presque caricatural par contre, ce sont les trente-deux premières secondes du clip de “Runes To My Memory” d’Amon Amarth…!
Mais revenons au sujet, atmosphère Black oblige : les mecs de KOK se sont déjà un peu plus attachés à leur présentation. On retrouve donc les fameux yeux sombres d’outre-tombe, le teint livide, blafard, et la bonne vieille tenue en cuir. N’oublions surtout pas le plus évident, cet éclat qui dilate notre iris et fait le charme du groupe: une blondeur norvégienne presque innocente, voire pré-adamique.
Thebon le chanteur nous assure un show très expressionniste, gesticulant ses bras comme une mante-religieuse, la tête souvent dissimulée sous sa chevelure. C’est vraiment plaisant de voir un combo black-metalleux avec un frontman digne de ce nom. Il maîtrise sacrément bien son chant puissant tout en déambulant sur scène avec l’assurance svelte et souterraine d’un Jack l’épouvantail (cf Tim Burton).
Dans la fosse, on échauffe enfin ses épaules. Prêt pour la charcutaille. À l’arrière de la salle, le nuquomètre commence à grimper: ça remue ve-gra du cou, et les frimousses grimacent tant les riffs sont bons. Les Keep Of Kalessin sont déjà la première claque de la soirée, les gars en font trop côté show peut-être…mais c’est si bon de voir le batteur blaster d’une main en faisant tournoyer de l’autre sa deuxième baguette (vous savez, à la Tommy Lee de Motley Crüe). Et à vrai dire, tout ça va de paire avec leur musique agressive mais qui gagne en profondeur grâce à la prestation de ses infâmes dignitaires.
Jouer ainsi nécessite un conditionnement rude et rigoureux: impossible de jouer du black aussi frontal en dandinant avec légèreté comme un bisounours. Mais parallèlement, impossible d’alterner barbaries et mélodies sans une réelle maîtrise de soi. Voilà ce qui est donc renversant: KOK parvient à synthétiser tout ça et leur set en ressort des plus entraînants.
On aura bien sûr droit à leur dernier tube, “Ascendant”, extrait de l’album Kolossus. Et non seulement le chanteur assure bien son fameux refrain, repris d’ailleurs en choeur dans la fosse, mais il chante encore mieux en live. Sa voix est claire et agréable, pas de glaire déjectée ici. Après un set furieux mais très court (30 minutes), Wizziac, l’impressionnant bassiste, salue la foule. Le groupe nous quitte alors, non sans avoir relevé le défi de convaincre la meute de death métalleux qui leur faisait face.
“To The Victor, The Spoils”, ainsi parlait Morbid Angel.

Marduk : la déception.
Le public a hâte de voir Marduk…même si Legion au chant n’est plus là. Ne sommes-nous point d’accord pour dire que Heaven Shall Burn…When We Are Gathered est l’album de la gloire, et d’ailleurs 1er album des suédois avec Légion au chant?
Bref, voici Marduk avec son nouveau pourfendeur vocal, Mortuus (enfin Arioch pour les intimes). On baigne déjà bien dans l’ambiance: de la bonne darkwave en introduction, des sons glauques qui puent à la In Slaughter Natives. On sent la chose, voyez ce que je veux dire… putain ça vient… Mais les gars sont pas prêts, alors on coupe subitement l’intro, et puis on la remet, ni vu, ni connu….hum.
Bon, on se met quand même en condition, auto-masturbation spirituelle pour être d’attaque et accueillir comme il se doit les guerriers suédois. L’atmosphère se fait pesante. Putain ça y est, ça va partir…Les gars entrent en scène, ils nous tournent le dos alors que l’aura macabre monte encore. Ohh la la, j’sens ça va être d’un goûtu inouï. Oh oui…Oh oui… Ooooooh….Eh merde voilà que l’intro se coupe encore. Bon ok, certes on la remet directement pour que le tout s’enchaîne avec fracas, mais quand même!..
Au final, ce qui devait évoquer l’entrée d’une horde de soiffards sans pitié affutant leurs hallebardes, ressemble alors à un court-métrage burlesque et maladroit pour ne pas dire ringard… Quelle monstrueuse ignominie. Disons que ce n’est qu’un détail, passons à la suite. Bien sûr, les gars vont bombarder leurs titres les plus sans concession, en particulier des morceaux extraits des deux derniers albums, Plague Angel et ROM 5:12. On aura donc du “Steel Inferno”, le déjà culte “Throne of Rats” etc. Bien sûr encore, l’atmosphère est malsaine à souhait, avec des guitares bien grasses. Et puis l’imposant Mortuus impressionne et fait sourire avec sa démarche mammouthesque.

Mortuus de Marduk.
Mais il y a un “mais”. Ce cher Mortuus se fatigue bien vite et ça s’entend; à la fin du concert, notre chanteur demande au staff de monter le volume de son micro. Cela s’entend disais-je, mais cela se voit également: notre hyperboréen est pris de migraines qui le font grimacer après chaque hurlement, probablement à cause d’une mauvaise technique vocale.
Néanmoins, malgré les critiques acerbes que l’on peut lancer à ce groupe culte, Marduk fait toujours de l’effet, et ça tape dans le “pit of zombies” (NdlR: la fosse pour reprendre un vieux titre de Cannibal Corpse). Après bien trois quarts d’heure de concert, le groupe nous quitte sur un triomphal “Fist-Fucking God’s Planet”. Morgan revient vite sur scène pour nous saluer, ça fait plaisir, et il repart aussitôt. Peut-être en attendait-on trop des Suédois, d’où la déception, mais ils ont bon gré mal gré assuré leur “besogne”.
“Fall From Grace”, ainsi parlait Morbid Angel.

Kataklysm : un gros death !
Après le death technique, après le black, il est temps d’accueillir les Québecquois de Kataklysm, à savoir du gros death qui cogne. Pour décrire leur style de brutes, on parle d’hyperblast nordique; quand on sait que Fear Factory sont les pionniers de l’hyperblast, on capte direct ce qui va nous tomber dessus. Et en effet, dès leur arrivée, ça charcute dans la fosse. Le frontman Maurizio hurle: “je veux voir de la violence!” Non mais ils sont cinglés ces québecquois: qu’est-ce qu’ils veulent de plus, ils vont pas sortir des AK47 devant nos kids !
Côté folie, on savait de quoi étaient capables les gens du Canada: le death ultra-technique avec Gorguts, le froid insupportable qui vous glace les os, Céline Dion… Terrible, terrible, terrible. Là, c’est vraiment impitoyable: Clint Eastwood a l’air d’un démocrate face à eux. Dans la fosse, les gosses passent en mode “gladiateur”, j’essaie de récupérer des morceaux de reins pour les revendre sur le net, en vain. Tout ce que l’on reçoit n’a même plus forme humaine: ici on dirait des tagliatelles à la bolognaise, là un caniche imberbe dépecé… Quelle horreur! C’est la guerre!
Eh puis, Maurizio parla…en français…avec un franc accent made in sirop d’érable. Le public est sous le choc. Paniqué. Traumatisé. On se demande encore comment les organisateurs du concert ont pu être irresponsables au point de ne pas mettre en place une cellule psychologique pour les plus sensibles. “Mon dieu il parle français mais pas comme nous!” pensais-je également. Une telle différence, c’est trop dur. Beaucoup trop dur.
Écoutons-le: le frontman aux gros bras nous raconte son amour pour la France, pour Paris, pour ses concerts dans la capitale. “En général, c’est toujours la fête ici” déclare-t-il. Bien sûr, il a pris soin auparavant de s’auto-flageller en lançant un “tabernacle” complice à quelques membres médusés, toujours sur le choc, du public. Moralité: on a beau être impressionnant, il faut quand même savoir s’humilier pour être accepté par la foule…

Maurizio et ses gros biceps !
Maurizio, malgré cet accent qu’il assume fièrement, et c’est plaisant, continue à nous parler. Pour tout dire, il gagne le public. Les prochains titres seront tout à leur honneur: la fosse se transforme en cyclone. C’est pas de la fiction: les kids tournent en rond tous ensemble en pogotant. Grandiose. La musique du groupe est à leur image: musclée et carrée. “Blood In Heaven”, titre extrait leur dernier album, Prevail, casse le rythme et tape du tonnerre de Brest, enfin, de Montréal.
Le public est conquis depuis le début par les Québecquois, “vous êtes des fous!” ponctuera même Maurizio. C’est même avec apothéose qu’ils vont clôturer leur set avec un de leurs morceaux cultes, “In Shadows And Dust”. Tout au long de son show, notre cher frontman avait une voix death des plus trucidantes, en gros du bon chant death qui gargouille. Mais le plus impressionnant restera leur blasteur derrière les fûts: Max Duhamel, une furie pour le moins cataclysmique…
Argh! Kataklysm! “This Means War!”, ainsi parlait Morbid Angel.

Voir Morbid…et mourir.
Avant l’arrivée du groupe, encore une fois, on fait longuement les balances. On prend le temps qu’il faut, les mecs frisent même le perfectionnisme. D’ailleurs, lors du drum-check, assuré non pas par Pete Sandoval himself mais par un roadie, on entend à l’arrière la voix de « Punchy » (NdlR: Juan « Punchy » Gonzalez, le coproducteur de l’album Heretic qu’on peut entendre sur le titre “Drum-Check”).
On commence à apercevoir David Vincent au fond de la scène, toujours vêtu de son haut moulant en vinyl avec pour motif un pentagramme renversé. On remarque également, tapis dans l’ombre, le gratteux Trey Azagthoth ainsi que Pete “Commando” Sandoval. Dans le public, on se demande encore qui sera le guitariste de session. Est-ce que ce sera le grand Erik Rutan (Hate Eternal, ex-Ripping Corpse et ex-Morbid Angel)? Est ce que ce sera Tony Norman (Monstrosity)? Suspense…
Sans prévenir, le groupe déboule et on entend les premières notes de “Rapture”, morceau qui ouvre Covenant. Cet album sera ce soir, une fois de plus, plébiscité par le groupe. Le guitariste qui accompagne Trey est en fait Thor Anders Myhren, plus connu sous le pseudo de Destructhor et donc en tant que guitariste chez Zyklon (Zyklon, z’é bon!).
“Rapture” envoie bien du pâté et on comprend tout de suite quel est l’objectif du groupe avec le come-back du chanteur/bassiste David Vincent: revenir à la période Altars Of Madness/ Blessed Are The Sick/ Covenant/ Domination, la plus culte si ce n’est la meilleure. En gros, cela revient à bannir la période Steve Tucker, et voila qui est assez dommage, c’est vrai… On est donc face à un vrai changement de directive: il y a quelques années (avant le retour du grand David Vincent), Morbid Angel ne jurait que par Heretic, leur dernier album. Et maintenant, c’est retour aux sources!
Le groupe enchaîne avec “Pain Divine”, deuxième titre de Covenant: vont-ils jouer en entier leur troisième opus? En tout cas, le groupe sait ce qui plaît et le public en veut encore. Morbid Angel a certes choisi ses titres les plus aguerris, ses morceaux d’anthologie, tout ce qui évoque l’apogée des deatheux. Mais côté son, les floridiens ont opté pour la compréhension: pas un gros son brouillon qui décarcasse, plutôt quelque chose de net, de propre et précis. Ouf!
On peut ainsi vraiment sentir toutes les nuances, tous les degrés, toutes les strates de leur richesse musicale. Une fois dans sa vie, il faut voir Morbid Angel pour une seule et simple et irrationnelle raison: Trey Azagthoth. Vous n’êtes pas fan de solis? Pas grave. Pas gratteux pratiquant? Peu importe. Pas fan de death? C’est vraiment hors de propos ici. Trey est le meilleur guitariste de death; pas besoin de concours, pas besoin de tournoi, pas besoin de critère. Regardez-le jouer, vous comprendrez. Par exemple, sur “Sworn To The Black”, son tapping (une technique de guitare) est l’oeuvre d’un virtuose qui se paie le luxe de ne pas tomber dans la masturbation guitaristique. Technique et mélodique. Impressionnant et entraînant.

Trey Azagthoth : quel jeu !
Je ne sais si les muses inspirent toujours les artistes comme jadis, en Grèce antique. Si oui, elles sont devenues folles, elles sont furies. Mieux: je crois que c’est notre Trey qui les excite.
Trey, ou l’apologie de l’auriculaire.
Trey, ou la glorification de la souplesse digitale.
Trey, ou l’hymne promothéen à la main, à la technique, à l’homme.
À le regarder béatement jouer, on tendrait presque à la célébration. À l’expliquer, au mysticisme. Voila en fait en quoi Morbid Angel sera toujours l’un des groupes les plus efficaces à restituer les rites paiens. Nous sommes portés, sous l’effet de leur jeu extatique et violent, vers des sphères bien terrestres: celles des bacchanales, où les corps s’entre-déchirent les uns les autres. Mais voir notre Trey pris d’orgasmes satrianesques ( regardez Joe Satriani exécuter un solo, vous comprendrez), cela nous enveloppe presque d’une aura apaisante et intemporelle. Excité, et rassuré. Pris dans le chaos incontrôlable des sens, et compris dans l’ordre du cosmos.
Avec Morbid Angel, nous voyageons. Nous volons vers les abysses de la vérité nihiliste du pourquoi, nous nous enfonçons dans les hauteurs éthérées du comment. Le groupe continue avec “Maze Of Torments”, et nous ne sommes qu’au début d’un long pèlerinage. Nos pas sont guidés par la voix de plus en plus caverneuse de David Vincent, charismatique par excellence. Notre homme joue avec nous; l’assurance paie. À chaque fin de morceau, il nous contemple les uns après les autres. Individu après Individu. Paire d’yeux après paire d’yeux.
Encore une fois, un groupe qui suit à la lettre les préceptes de sa philosophie. Le public est fait d’individus que David Vincent regarde droit dans les yeux, en tant qu’individu face à un autre individu. Comment ne pas rigoler allégrement face à ces groupes (et ils sont légions) qui vantent l’individualisme satanique contre le grégarisme chrétien, et qui, face à leurs fans, face à la foule, face au public, emploient des noms de villes pour les qualifier ?! “Salut Paris!”, “salut Leipzig!” etc. Morbid Angel n’est ici pas de ceux-là.

David Vincent : il est peut-être déjà là…
Épatant, bluffant, touchant. David en vient même à taper la discute avec certains, comme si Morbid Angel était encore un groupe garage underground, genre “eh!..alors dis-moi, ça t’a plu?..C’était bon, hein?” Touchant. D’autant plus que notre hôte est terriblement gracieux – le sourire, qualité rare de nos jours. Sourire, c’était jadis amorcer la grâce du rire (sou-rire). De nos jours, celui qui sourit, c’est le faible, celui qui est trop gentil avec les autres, celui qui va se faire bouffer par les pourris. Balivernes, foutaises, niaiseries. Celui qui sourit, c’est bien plutôt celui qui accepte et déjà se rit de la dureté de la vie. Amor fati, c’est celui qui passe sur ses tourments pour n’en récolter que les calices les plus jouissifs. Le faible, c’est bien plutôt le blasé qui a érigé “faire la gueule” en devoir vital et quotidien.
C’est donc en nous tendant la main vers quelque chose qui tient du surhomme que Morbid Angel continue avec “Lord Of All Fevers And Plague”, suivi du cultissime “Chapel Of Ghouls”. Sur ce dernier morceau, tous les fans reprendront en choeur les nappes de synthé, en faisant “oooh-ooooh” ( un peu comme lors d’un “Heaven Can Wait” pendant un concert de Maiden). Le groupe nous offrira en plus le même privilège qu’au public du Hellfest 2008 en jouant « Nevermore », titre extrait de leur album à venir. Le morceau sonne comme “Cleansed In Pestilence” de l’opus Heretic, c’est-à-dire vif et incisif. Le break vient briser tout ça, au moins ici il porte bien son nom, et donne une touche bien lourde à la “Where The Slime Lives” de l’album Domination, avec en prime quelques chants en voix clairs comme on peut en attendre sur “God Of Emptiness”.
Le reste sera toujours au top, avec un setlist de rêve: d’abord “Blasphemy Of The Holy Ghost” et son solo final qui n’en finit pas (et où Trey laisse libre cours à son inspiration). Puis “Where The Slime Lives”, incontestablement un titre culte du death metal (écoutez donc “Mock The Cross” des suédois de “Bloodbath”, vous verrez la similitude…hum,hum…). Et enfin l’anthologique “God Of Emptiness”. Le seul bémol sera peut-être ce moment où Trey a monté le son de son instrument, ce qui a finalement plus gâché notre plaisir (pas trop, quand même) que donné de la puissance au spectacle.
Le groupe ne fera aucun rappel, même Trey ne descendera pas parler avec les kids, et notre soirée s’achèvera donc sur un “World Of Shit” bien placé. D’une part car étant le troisième titre de l’album Covenant, cela revient à dire que toutes les chansons que le groupe a jouées ce soir forment en quelque sorte un pont de Pain divine (deuxième titre dudit album) à “World Of Shit”. D’autre part, car c’est une belle manière, un joli clin d’oeil, pour nos hommes d’affirmer: “on vous laisse…dans un monde de merde”.
Ainsi parla Morbid Angel.