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Interview   

Morbid Angel : le réveil des dieux


Quel remue ménage ces deux dernières années et demi ont été pour Morbid Angel ! Entre les départs confus de David Vincent et Tim Yeung en 2015, la mère du guitariste Trey Azagthoth qui monte au créneau contre le projet I Am Morbid des deux musiciens susmentionnés, ou plus récemment les annulations à répétition pour cause de problèmes de visa, il était temps que l’un des grands patrons du death metal fasse à nouveau parler de lui pour sa musique. C’est désormais chose faite avec l’arrivée du neuvième album Kingdoms Disdained qui marque un nouveau départ, et un retour aux fondamentaux du combo, après l’épisode de l’éminemment controversé Illud Divinum Insanus.

C’est le revenant Steve Stucker qui a pris le combiné pour nous en parler. S’il peine à apporter des réponses sur le changement de line-up du groupe (Trey était à l’origine prévu pour répondre à ces questions), il s’avère au contraire instructif et enthousiaste dès qu’il s’agit de la dynamique créative qui le lie à Trey ou de son amour pour le death metal, voire passionnant quand il aborde la thématique des dieux sumériens.

« Le death metal est l’une des meilleures formes de musique sur notre planète. Je le pense depuis de très nombreuses années, et à mon avis je le penserai jusqu’à ma mort. »

Radio Metal : En juin 2015, on a appris que David Vincent et Tim Yeung quittaient le groupe, et que tu étais de retour. David a commencé par nier avoir quitté Morbid Angel, pour finalement le confirmer quelques jours plus tard en mentionnant « des incompatibilités entre Trey et lui, qui les empêchaient de travailler ensemble ». Tim Yeung, quant à lui, a parlé de « différend financier ». Les choses n’étaient vraiment pas claires à ce moment-là, et le groupe communiquait peu. Peux-tu nous éclairer sur ce qui s’est passé concrètement ?

Steve Stucker (chant) : Eh bien, je peux juste dire ce qu’il s’est passé pour moi. Le reste, je n’en sais rien, vraiment rien du tout. Tout ce que je sais c’est que Trey m’a contacté, que nous avons commencé à discuter, qu’il m’a demandé si je voulais refaire de la musique, faire un nouvel album et partir en tournée. J’y ai réfléchi et j’ai dit que oui, j’étais partant. Pour être honnête, à ce moment-là, je ne lui parlais pas de David. Cela ne me regarde pas. Je ne sais pas s’il y a des tensions entre certaines personnes, mais si tel est le cas je n’ai rien à voir là-dedans. Je ne suis pas responsable de ces problèmes. Peut-être que le simple fait que j’existe est à l’origine de ces tensions, je n’en sais rien. Je suis juste au courant de ce qui me regarde, moi. Quant à David et Trey, en fait ça ne regarde qu’eux, je ne suis pas impliqué là-dedans. En ce qui concerne Tim, je pense que lui et David sont très bons amis, et à cause de ça, ou pour toute autre raison qu’il estimait valable, il ne voulait plus être dans le groupe. Il pensait que ce serait différent et qu’il ne voulait pas en faire partie, mais tu sais quoi, c’est cool, tout va bien !

Mais pourquoi avoir si peu communiqué à l’époque ?

J’imagine qu’il y avait quand même une forme de communication à l’époque. Mais de là à savoir si cette communication a été prise au sérieux ou non, je ne sais pas. Tu vois ce que je veux dire ? Tout ce que je sais c’est que Trey avait des idées précises de ce qu’il voulait, et voilà. Quant à la façon dont tous les autres ont communiqué entre eux, franchement je ne peux pas me prononcer. J’étais en permanence en contact avec Trey. C’était très régulier.

Kingdom Disdained est ton premier album avec Morbid Angel en plus de dix ans. Comment t’es-tu retrouvé à bosser avec Trey à nouveau ?

Comme je te l’ai dit, nous avions recommencé à discuter. Un de mes amis m’a dit que Trey voulait mon numéro, et m’a demandé si ça me dérangeait qu’il lui donne. J’ai répondu que ce n’était pas un problème. Trey et moi avons commencé à nous parler au téléphone. Nous sommes amis, tu vois, nous avons fait de la musique ensemble, et pour être honnête, il n’y avait aucun problème entre nous. Parfois il y avait des problèmes de planning, des trucs de ce genre, mais jamais de problèmes personnels. Donc il a fini par me demander si je voulais refaire de la musique avec lui, j’ai dit que oui, et tout est parti de là. Nous nous sommes retrouvés, il m’envoyait des morceaux, nous travaillions ensemble dessus, puis nous avons enregistré l’album.

D’ailleurs, peux-tu revenir sur les raisons qui t’ont poussé à quitter le groupe, d’abord brièvement en 2001 puis en 2004 ? Estimes-tu que tout est réglé aujourd’hui, par rapport à l’époque ?

Tu sais, pour être honnête, il s’agissait juste de problèmes familiaux. Il fallait que je règle certaines choses dans ma famille.

Quand tu faisais partie de Morbid Angel entre 1997 et 2004, beaucoup de gens voulaient voir une reformation de Morbid Angel avec David Vincent. Maintenant que c’est fait, te sens-tu soulagé, te dis-tu que désormais cette idée a fait son temps et que ça ne planera plus au-dessus de ta tête ?

Je ne sais pas vraiment quoi répondre. Vraiment pas. C’est normal que certaines personnes veuillent cela, parce que c’est ce qu’elles ont toujours connu : les quatre membres d’origine. Donc je peux comprendre, mais d’un autre côté, je me dis que certains peuvent changer d’avis.

Comment as-tu vécu cette nouvelle collaboration avec Trey ?

C’est peut-être cliché de dire ça, mais c’est comme si nous ne nous étions jamais quittés, c’était génial. Donc ça fait très cliché, on pourrait se dire que ça ne devrait pas être comme ça, mais pour être honnête, dès que nous avons commencé à travailler ensemble sur les morceaux, les sensations d’avant sont revenues. Trey m’a envoyé de la musique, et la première fois que je l’ai entendue, je me suis dit : « Oh mon Dieu, c’est dingue ! Je n’ai jamais rien entendu de pareil de toute ma vie ! » Et j’ai travaillé à partir de là. J’ai écouté les morceaux encore et encore, je m’en suis imprégné et j’ai commencé à créer mes propres parties pour les accompagner. Exactement comme avant. Trey est arrivé avec un grand nombre d’idées qui m’ont vraiment, vraiment impressionné. Et nous nous sommes mis au travail, comme nous le faisions dix ans auparavant.

Malgré tout, votre relation de travail, mais aussi votre relation personnelle, a-t-elle évolué depuis que tu avais quitté le groupe en 2004 ?

Oui, je le crois. Dix ans ont passé, chacun a dix ans de plus et vit sa vie. Au cours des dix, douze, quinze dernières années de ma vie, je suis devenu beaucoup plus patient. Autrefois, j’étais le genre de personne… Je n’étais pas patient. Avant j’étais du genre à dire qu’il fallait avancer tête baissée. Je voulais toujours que quelque chose se passe, je pensais que travailler sans arrêt était la seule façon de bien faire. Avec le temps, je suis devenu plus patient. Je pense que Trey apprécie. Il aime le fait que je ne suis pas sans arrêt à mettre la pression pour que les choses se passent. Tu vois ? Et de mon point de vue, Trey a changé lui aussi, il est plus tolérant. Il est plus ouvert quand je lui parle, il n’est plus aussi protecteur à l’égard de son travail. Ce n’était pas comme ça il y a quelques années. Trey sait qu’il peut me dire ce qu’il pense, je ne vais pas m’énerver, me mettre en colère. Il suffit de discuter de ce qu’il n’aime pas et de le modifier. Il peut me dire des choses du genre : « J’adore ce que tu as fait, peux-tu changer quelque chose pour que ce soit encore meilleur ? » Et ensuite je le fais sans problème. Donc nous savons que nous voulons atteindre les mêmes objectifs dans notre travail. Et quand on va dans le même sens, tout va bien !

« Trey continue d’écrire certains des riffs heavy les plus originaux, les plus géniaux, les plus incroyables qu’il m’ait été donné d’entendre. Pour moi, ce n’est vraiment pas banal, ce n’est pas quelque chose que peut faire M. Tout Le Monde. »

Tu as toujours dit que si tu devais travailler sur un album de Morbid Angel, ce serait du pur death metal, parce que c’est de là que tu viens. En as-tu parlé avec Trey, pour mettre les choses au clair ?

Non, pas du tout. En fait, c’est marrant, Trey et moi n’en avons jamais parlé. J’ai toujours supposé, quand Trey m’a appelé pour savoir si je voulais bosser sur un album de Morbid Angel, qu’il voulait que ce soit un album de death metal vraiment heavy. C’est pour cette raison qu’il m’a appelé, j’en étais persuadé.

Kingdom Disdained voit clairement Morbid Angel revenir à du death metal pur et dur. D’après toi, est-ce un album nécessaire après un Illud Divinum Insanus aux influences très industrielles et qui a été rejeté par les fans ?

Je pense que c’est le résultat de l’alchimie entre Trey et moi. C’est un phénomène qui se produit lorsque Trey et moi nous réunissons pour composer des morceaux ensemble, il en ressort quelque chose de foncièrement death metal. Je pense que, il y a longtemps, quand Trey et David faisaient de la musique ensemble, c’était pareil, du death metal qui en ressortait. Le temps a changé ça, je pense, et l’intérêt du public n’est peut-être plus tout à fait le même, mais pour être honnête, j’aime toujours autant le death metal. Le death metal est l’une des meilleures formes de musique sur notre planète. Je le pense depuis de très nombreuses années, et à mon avis je le penserai jusqu’à ma mort. C’est le truc le plus proche qui soit d’une musique complètement orchestrée, sans être une musique moderne synthétique.

Comment trouve-t-on l’équilibre fragile et nécessaire pour composer un album de death metal traditionnel qui soit à la fois original et surprenant ? Comment atteint-on ce résultat ?

Je crois que ça nous est simplement naturel. Trey et moi sommes pareils dans le sens où nous voulons toujours faire quelque chose qui sonne frais. Ce n’est pas que nous voulons nous remettre totalement en question, mais nous voulons faire du neuf. Nous voulons trouver une nouvelle approche. En fait, « death metal » est une étiquette que les gens ont fini par poser sur cette musique. Ce ne sont que les opinions d’une poignée de personnes qui définissent certaines limites, ou un certain standard pour une musique. Et c’est comme ça qu’on se retrouve à décider ce qui doit obligatoirement constituer le death metal. Mais il y a aussi beaucoup de gens qui utilisent le terme à la légère. Je crois que Trey a toujours naturellement composé cette musique agressive qu’on a fini par appeler death metal. Cet album représente encore une progression dans sa composition. Comme avec un compositeur de musique classique, avec Trey, les arrangements se complexifient au fil du temps, ses idées sont de plus en plus profondes, et il faut dire qu’il essaie toujours de se renouveler, de ne pas répéter ce qu’il a déjà fait par le passé. C’est la même chose pour moi. Je veux toujours faire quelque chose de puissant, mais sans jamais répéter ce que j’ai pu faire dans le passé. Jouer avec Trey est une expérience très particulière. J’ai joué avec Trey pendant près d’une dizaine d’années, avant de partir dix ans, puis je suis revenu, et nous voici à nouveau ensemble. Trey continue d’écrire certains des riffs heavy les plus originaux, les plus géniaux, les plus incroyables qu’il m’ait été donné d’entendre. Pour moi, ce n’est vraiment pas banal, ce n’est pas quelque chose que peut faire M. Tout Le Monde. Et, d’une certaine façon, Trey y arrive, lui, il se réinvente en permanence. C’est quelque chose qui, si je me place d’un point de vue extérieur, m’impressionne énormément, et bien sûr, si je vois les choses en tant que collaborateur, je me dis que j’ai beaucoup de chance de pouvoir y participer.

A propos du titre de l’album, tu as dit qu’ « il semblerait que le monde soit arrivé à un stade de folie et confusion totale. » Penses-tu que, musicalement, c’est ce que cet album représente ? Avez-vous essayé de transcrire cette folie et cette confusion ?

Probablement, oui ! A certains moments, on s’en rend très bien compte. Le deuxième morceau de l’album, « D.E.A.D. », est complètement dingue, mec. Dans ce morceau, on trouve tellement d’éléments qui se heurtent les uns aux autres à un moment donné que c’est le chaos total, mais c’est aussi contrôlé, comme en témoigne la mélodie. Donc oui, la musique et les paroles reflètent tout ce qui se passe en ce moment, mais de façon prophétique par rapport à ce qui se passe depuis de très nombreuses années. Certaines questions sociales commencent à entrer en conflit avec la spiritualité, les croyances, et tout cela nous mène à un point où plus de gens que jamais sur cette planète remettent en question leur système de croyance. Ca génère en nous un sentiment de chaos, lorsque tant de gens aussi incertains de ce en quoi ils croient, ou ce en quoi ils ne croient pas, ce qui est vrai ou pas vrai. Je pense que quand on entre dans ce genre de zone grise, un monde où rien n’est vraiment délimité, comme en noir et blanc, où tout se situe entre la vérité et le mensonge, tout cela donne naissance à ce que l’on ne peut que qualifier de chaos. Je crois sincèrement que notre monde en est là. C’est une vision sinistre, mais c’est juste la réalité, c’est la situation dans laquelle se trouvent la plupart des habitants de cette planète. On en est arrivés à un point où n’importe quel petit problème devient source de conflit, au lieu de nous permettre d’apprendre et de discuter.

« Je crois qu’il y a beaucoup de dieux, ou pseudo-dieux, dans notre histoire, qui, en ce moment, montrent qu’ils sont davantage réels qu’imaginaires. […] Ce que je crois, c’est que la volonté des dieux s’exprime en ce moment sur notre planète. »

Apparemment Trey et toi avez beaucoup discuté de l’idée de « dieux sumériens qui se seraient réveillés et qui seraient revenus pour manifester leur colère. » Crois-tu à l’existence de ces dieux ou qu’ils aient existés ?

Je crois qu’il y a beaucoup de dieux, ou pseudo-dieux, dans notre histoire, qui, en ce moment, montrent qu’ils sont davantage réels qu’imaginaires. J’ignore si le terme « dieu » a toujours été le même au cours des siècles. Je crois qu’à un moment de l’histoire ce terme pouvait désigner un roi, par exemple. Bien sûr, d’après ce que l’on sait de l’Egypte, cela aurait été le cas là-bas : ils considéraient leurs rois, les pharaons, comme des dieux. Et dans certaines cultures, certaines personnes étaient perçues comme des demi-dieux. C’est dans la mythologie grecque, et dans presque toutes les mythologies que je connais. On y trouve toujours ces êtres mi-hommes, mi-dieux, et une partie de moi pense vraiment qu’il y a toujours des êtres de ce genre sur notre planète, des êtres à part. Ils ont des facultés d’esprit bien supérieures à la moyenne. Je suis convaincu que ces forces sont à l’œuvre en ce moment même. Cela fait des années qu’on en parle, en fait, de ces idées. De ce que disent ces prophéties, ces légendes, pas dans la chrétienté, mais chez des civilisations bien plus anciennes, qui avaient prophétisé certaines choses, qui sont en train de se réaliser. La Terre a atteint un stade où des continents sont en train de rétrécir, l’Antarctique est en train de fondre. Le monde est en train de changer. Mais le monde est constamment en train d’évoluer et changer, et je crois que, parfois, ce que subit la Terre peut s’assimiler à l’action de ces dieux, comme un ouragan, par exemple, peut être causé par un dieu. Ce que je crois, c’est que la volonté des dieux s’exprime en ce moment sur notre planète. En ce moment, en plein milieu de notre pays, les Etats-Unis, un super volcan se comporte comme s’il s’apprêtait à entrer en éruption, et s’il le fait alors notre existence sur ce continent ne sera plus la même. Il coupera notre continent en deux. Ce n’est pas une théorie, c’est une réalité scientifique. Les experts le savent, c’est un volcan géant, il fait ce qu’il a à faire. D’après moi, s’il y a une époque où les dieux expriment leur colère, c’est bien maintenant.

Comment avez-vous intégré ces idées à l’album, suite aux discussions que tu as eues avec Trey ?

Le truc, c’est que Trey et moi faisons quelque chose que j’ai toujours apprécié. Dès qu’un nouveau morceau fait son apparition, nous en parlons. Et je viens toujours questionner Trey si lui-même ne se manifeste pas avec ses idées. En général, il me dit toujours lui-même ce qui a inspiré telle partie d’une chanson, d’où lui vient telle idée. A partir de là, je crois que j’arrive à comprendre parfaitement où il veut aller, quel est son ressenti, quel genre d’atmosphère il veut développer. L’étape suivante consiste à m’imprégner du morceau, en l’écoutant des millions de fois. Je l’écoute encore et encore, et bien souvent, avant que j’aie le temps de m’en rendre compte, je suis prêt à écrire. Je me réveille le matin avec un couplet dans la tête, que je dois écrire aussi vite que possible, et quand je l’écris tout fonctionne parfaitement. C’est toujours un processus. C’est le troisième album pour lequel nous procédons ainsi, en partageant des idées. Cela marche très bien parce que ce n’est pas si souvent que cela peut arriver, que ton esprit peut se laisser aller à faire surgir des idées comme par magie. Mais en fait ce n’est pas magique, tu vois. C’est plutôt que dans mon subconscient, dans un coin de ma tête, j’entends tel morceau encore et encore, et tout à coup l’idée surgit. C’est donc un processus intéressant, et c’est très amusant d’y prendre part.

D’après les historiens, les Dieux sumériens ont façonné les hommes avec de l’argile dans le but d’en faire leurs esclaves. Penses-tu que le but de notre existence est de servir des forces supérieures ?

C’est à toi de me le dire. Tu paies tes impôts ? Alors je dirais que tu es là pour servir quelqu’un qui se situe au-dessus de toi. Pour moi, c’est une des facettes de l’humanité, cette idée qu’il doit y avoir des meneurs et des suiveurs, c’est une partie intégrante de ce que nous sommes. Cette mentalité tribale est profondément inscrite dans la nature humaine. La plupart des gens sont faits pour être membres d’une tribu. Des choses comme la musique pop et la culture pop sont fondées sur cette notion que les gens veulent être comme les autres. Donc si on met sous les feux de la rampe une personne à propos de laquelle tous les autres estiment que c’est cool de lui ressembler, alors tout le monde va commencer à l’imiter, à parler ou s’habiller comme elle. Vraiment, c’est de là que vient la philosophie de beaucoup de gens. A mon avis, si tu poses à la plupart des gens dix questions sur les Kardashian et dix questions sur l’histoire d’Europe, je crois qu’ils auraient neuf sur dix à propos des Kardashian, mais seulement deux ou trois sur dix à propos de l’histoire européenne. Donc je crois qu’on vit dans un drôle de monde, dans lequel les gens veulent ressembler à une image qui leur est imposée. Il semble qu’on soit naturellement conditionnés pour être des esclaves, qu’on le comprenne ou non. Si on dit à la plupart des gens que leurs leaders ne font pas les choses comme il faut, ils se sentiront offensés. Ils seront prêts à se battre, à faire la guerre rien que parce que tes idées sont différentes des leurs. Je trouve que c’est vraiment mesquin. C’est vraiment étrange de voir à quel point les gens veulent qu’on les balance dans des catégories. C’est très étrange, et tout cela vient de cette notion d’êtres d’argile modelés par les dieux. Et comme il n’y a pas un nombre infini de moules, alors il existe un grand nombre de clones. Les deux premiers êtres d’argiles se reproduisent, leurs enfants en font à leur tour, mais ils sont toujours constitués des mêmes pièces principales. C’est ainsi, la plupart des gens sont des esclaves sans le savoir. C’est vraiment dommage, car je crois que la plupart des gens ont la faculté de faire de grandes choses, s’ils libèrent leur cerveau, mais ce que je constate avec le temps – j’ai maintenant la quarantaine -, c’est que les gens ont surtout peur du changement. Ils ont peur d’apprendre des choses qui vont remettre en question ce qu’ils pensent, ils craignent que leur réalité soit chamboulée. C’est la réalité du monde. La plupart des gens redoutent le changement au plus haut point.

« On vit dans un drôle de monde, dans lequel les gens veulent ressembler à une image qui leur est imposée. Il semble qu’on soit naturellement conditionnés pour être des esclaves, qu’on le comprenne ou non. »

Tu as déclaré vouloir « essayer de peindre des tableaux, de créer des images. » Essayez-vous, Trey et toi, de composer de la musique de la même manière qu’un peintre compose un tableau ?

Je crois, oui. Je crois que la plupart des musiciens et des peintres ont quelque chose en commun, comme l’épaisseur du trait ou du coup de pinceau, si on compare à d’autres peintres, par exemple. C’est le genre de chose qui donne une identité. De la même façon, nous superposons des textures pour créer des images. J’étais très content de la pochette de l’album, car elle nous fait bien entrer dans cet univers. Elle représente visuellement le monde que nous créons, un monde parallèle, cette toile qui prend forme grâce à la musique. Pour moi, quand tu fais de la musique, si tu n’essaies pas de créer des images, alors je ne sais pas ce que tu fais. Vraiment je ne sais pas, parce que quand j’avais sept ou huit ans, j’allais à l’opéra pour écouter des symphonies, et quand j’entendais l’orchestre, des images apparaissaient dans mon esprit. Il n’y avait aucune image à regarder, on pouvait juste les entendre, on ne voyait que les musiciens, mais une image naissait à chaque fois dans ma tête. Donc pour moi, la musique et les images sont indissociables, tout comme il faut respirer pour rester en vie.

Le line-up de Morbid Angel a été entièrement renouvelé, y compris le guitariste de tournée. Vous avez également changé de label. Kingdom Disdained marque-t-il une renaissance pour le groupe ?

C’est un pas en avant, autant qu’une sorte de rajeunissement. Le fait que Trey et moi travaillons à nouveau ensemble, évidemment, c’est une reformation, une façon nouvelle de faire revivre le passé. Mais aussi le fait d’avoir Scott Fuller derrière les fûts aujourd’hui me procure un feeling nouveau, et l’arrivée de Daniel [Vadim Von] à la guitare est également un nouvel élément, et d’une certaine façon cela nous apporte de la fraîcheur, une nouvelle jeunesse, nous nous sentons vraiment vivants. En ce moment je trouve que Morbid Angel est un groupe excitant, bien en vie, et j’ai l’impression que l’avenir est radieux.

Vous avez récemment dû annuler votre participation à des festivals en Europe, ainsi que votre tournée cet automne à cause de problèmes récurrents avec le Département d’Etat (équivalent américain du ministère des Affaires Etrangères, NdT) et vos passeports. » Que s’est-il passé ? Cette question est peut-être naïve, mais comment un tel problème peut-il se présenter à un groupe comme Morbid Angel, qui a l’habitude de tourner et de gérer ces problèmes depuis presque trente ans ?

Chacun est responsable de ces formalités administratives, chacun doit s’occuper de demander les formulaires, etc. Le management et les organisateurs ne peuvent pas tout faire, et si quelqu’un s’y prend mal, alors cela peut créer un blocage. A vrai dire je ne peux pas vraiment discuter de ça, parce que c’est un problème avec la justice et le Département d’Etat, donc bon… Il y a effectivement eu un blocage, mais nous en avons pris acte, et c’est réglé. Ce ne sera plus un problème maintenant que nous nous en sommes occupé, c’est résolu. Ce qu’il se passe c’est qu’on pense en général que c’est facile de voyager, qu’on pourra le faire de toute façon, mais en réalité on est à la merci des gouvernements, tu vois. Si un gouvernement décide de te mettre des bâtons dans les roues, alors il le fera. Voilà, c’est comme ça, c’est la réalité.

David Vincent a monté I Am Morbid avec Tim Yeung pour pouvoir jouer les morceaux de l’époque de son passage dans Morbid Angel. La mère de Trey s’en est même offensée. Penses-tu que ce que fait David cause du tort à Trey et Morbid Angel ?

Non, je ne crois pas du tout. Avec des groupes qui ont sorti beaucoup d’albums, qui ont souvent tourné, un fossé commence parfois à se creuser entre les plans professionnel et personnel. C’est un des aspects du problème. Je ne peux pas me prononcer pour la mère de Trey, ce n’est vraiment pas quelque chose que je peux commenter. Ce qu’elle a dit correspond à une opinion personnelle. Je veux dire, c’est le groupe de son fils, c’est davantage personnel que professionnel. Je comprends très bien, sur le plan professionnel, ce que David cherche à faire. Je le comprends parfaitement. Mais je vois aussi que cela peut être mal perçu, alors que cela n’a rien de négatif. Peut-être qu’il comble un vide auprès du public. Peut-être que les gens veulent venir voir David jouer ces morceaux. Et si c’est ce qu’ils veulent, pourquoi ne le ferait-il pas ? Aller, en ce moment il y a tellement de groupes dans cette situation, il peut faire comme eux. Des groupes comme Queensrÿche, et il y en a des tonnes, même Venom, mec ! C’est de pire en pire, untel et untel ne veulent plus bosser ensemble, mais ils ne sont pas capables de se mettre d’accord sur le problème. Ceci dit, la réalité, en ce qui nous concerne, c’est que Morbid Angel est, a toujours été et sera toujours le groupe de Trey. Il a composé la musique de presque chaque morceau que joue David. Ce sont les morceaux de Trey, en plus d’être ceux de Morbid Angel, mais si David veut les jouer, d’accord, pas de problème, c’est cool ! A titre personnel, cela ne me pose pas de problème, et je ne crois pas que Morbid Angel ait le moindre problème avec ça. Tout le monde a le droit d’aimer faire son truc et de gagner sa vie avec. Alors en fait, où est le problème ?

Puisque vous avez changé de batteur, avez-vous envisagé de contacter Pete Sandoval pour qu’il revienne dans le groupe ?

Nous sommes effectivement en contact avec Pete. Pete est notre ami. Pete et Trey n’habitent qu’à quelques minutes l’un de l’autre. Pete est venu nous voir jouer à Tampa, il sera toujours comme un frère pour moi, et d’autant plus pour Trey. Le problème avec Pete est qu’une fois que quelque chose a été décidé… Tu sais, Pete a dû se faire opérer, il a dû régler beaucoup de problèmes, et comme je n’étais pas là à l’époque, je ne sais pas tout, et la vérité est que Pete n’était plus physiquement capable de faire partie de Morbid Angel. Il n’était plus capable de jouer nos morceaux tous les jours, il a donc décidé de se faire opérer et de partir. La rupture ne s’est pas faite dans la douleur, personne n’était en colère, personne n’en voulait aux autres, c’est juste triste que ça ait dû arriver. Pete est un athlète, tu sais ! La plupart des gens ne s’en rendent pas compte, mais tous ces batteurs de death metal sont des athlètes. Pete est un athlète au même titre qu’un joueur de football. Ces mecs maltraitent leur corps chaque jour qui passe, ils font des trucs qui sont physiquement à la limite du possible tous les soirs, et leur corps s’use, exactement comme pour un joueur de football américain. A force de se faire maltraiter, leur corps n’est plus capable de jouer, il n’est pas fait pour ça.

Interview réalisée par téléphone le 31 octobre 2017 par Philippe Sliwa.
Fiche de questions & introduction : Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Julien Morel.

Site officiel de Morbid Angel : www.morbidangel.com.

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