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Interview   

Mr. Big défie les éléments


Si Mr. Big a connu des périodes de tumulte dans son histoire, lorsque le quatuor se montre soudé, rien ne semble pouvoir l’arrêter. Une maison de disques qui fait tout pour leur mettre des bâtons dans les roues ? Ils parviennent quand même à se hisser en première place des classements. Le batteur est atteint de la maladie de Parkinson ? Ils lui trouve un binôme-suppléant pour le seconder. Des emplois du temps qui ont dû mal à coïncider pour faire un album ? Pas grave, six jours pour tout faire suffiront bien…

Outre leurs talents de musiciens et chanteurs, l’adaptabilité est sans doute l’une des principales vertus de Mr. Big. Une adaptabilité que l’on retrouve jusque dans leurs jeux respectifs, grâce à cette spontanéité et décontraction dont ils font preuve, fruit d’une longue expérience et qui leur permet de proposer des shows des plus divertissants, entre une technique époustouflante et un sens de l’accroche affûtée. Nous avons rencontré le bassiste-héro Billy Sheehan pour qu’il nous parle de tout ça, à quelques jours de la sortie de Defying Gravity, le neuvième album du quartet, ou plutôt devrait-on désormais dire quintet…

« Si on te donne trois mois pour faire un album, ça te prendra trois mois pour le faire. Si on te donne une semaine pour faire un album, tu trouveras le moyen de le faire en une semaine. »

Radio Metal : Defying Gravity a été réalisé en seulement six jours. C’est assez impressionnant ! Est-ce que vous vous être imposé ce timing serré exprès ou bien était-ce dû à des contraintes d’emploi du temps ?

Billy Sheehan (basse) : Nous avons tous des emplois du temps différents, donc nous étions tous disponibles en même temps seulement pendant six jours. Maintenant Pat vit à Los Angeles, donc nous sommes ensemble, mais Paul et Eric vivent en dehors de Los Angeles, donc nous avons dû trouver une façon de nous rassembler tous et nous n’avions que six jours pour le faire. A la fin des six jours, Paul et Eric ont dû prendre l’avion, donc nous ne pouvions pas continuer. Donc nous avons fait autant que possible en six jours, nous avons fait toutes les pistes principales pour toutes les chansons, tous les arrangements. Nous n’avions pas beaucoup de chansons complètement écrites lorsque nous avons commencé, peut-être trois ou quatre, donc nous y sommes allés et avons dû travailler sur place. En fait, c’était un merveilleux défi et c’était un bon type de pression.

N’était-ce pas trop stressant d’entrer en studio, sachant qu’il fallait avoir tout fini en six jours ?

Non, c’est du bon stress ! Tu dois tout de suite te mettre au travail ! Pas question de faire l’andouille, pas question de commander à manger, pas question de traîner, « allez, faut s’y mettre ! » [Petits rires]. « Cette chanson, allez ! Dépêche-toi ! » Donc c’est une bonne chose, nous avons apprécié. Mr. Big travaille dur, nous accomplissons les choses. Nous répétons dur, nous travaillons dur, nous sommes un groupe de bosseurs, donc nous étions partants et nous nous sommes faits plaisir. Tu sais, ça fonctionne comme ça. Je n’y pense pas trop. C’est beaucoup de boulot. Nous allons jouer à New York demain et nous avons un événement durant la journée où nous devons jouer, nous le faisons, nous faisons les balances, et lorsque le groupe d’ouverture a fini, nous sommes sur scène, juste après le concert, nous devons prendre le volant pour conduire jusqu’à Nashville pour le concert suivant parce que c’est une longue route en bus. Ça sera une dure journée sous pression, tout plein de gens vont venir de partout dans le monde pour nous voir à New York, donc nous devons gérer pas mal de choses mais c’est le business, c’est le boulot qui veut ça ! Et j’aime ça ! Pour moi ce n’est pas un problème. Ça me va. Parfois lorsque nous ne sommes pas sur la route, nous avons du temps pour nous-mêmes, nous avons le temps pour d’autres choses mais j’aime l’excitation et l’énergie. C’est appréciable pour moi.

Comment cette pression affecte la musique ?

Je pense que c’est une bonne chose parfois parce qu’il faut réfléchir vite et être malin. Si on te donne trois mois pour faire un album, ça te prendra trois mois pour le faire. Si on te donne une semaine pour faire un album, tu trouveras le moyen de le faire en une semaine. Donc les dates butoir et un peu de pression parfois sont une bonne chose. Elles aident à faire en sorte que ça bouge, et ça te pousse à travailler, et ça vaut pour n’importe quel domaine. Je veux dire que toi, en tant que journaliste, si tu disais « on a six mois pour finir l’article ! », tu ne vas pas commencer tout de suite, tu vas attendre quelques jours et encore quelques semaines, et ensuite tu travailleras un peu dessus et puis le mettre de côté et puis t’y remettre. Mais si tu dis « on a besoin de l’article pour dans une heure, » alors tu diras « oh, j’ai intérêt à m’y mettre ! Allez ! » Donc ouais, peut-être qu’une heure, c’est trop court mais lorsque tu forces les choses dans une fenêtre de temps plus courte, je pense que c’est une manière plus efficace d’accomplir les choses et de les accomplir correctement.

N’y a-t-il rien pour lequel tu aurais aimé avoir plus de temps pour le peaufiner ou changer ? Tu penses que du temps supplémentaire n’apporte aucune valeur ajoutée ?

Non, ce n’est pas mon expérience. Généralement, le temps est gâché. Tu as besoin que les gens soient motivés ; tu as besoin d’être motivé. « On a une date butoir, on a dix jours pour faire tout ce boulot, donc allons-y ! » Et tu ne commences même pas à travailler avant que la date ne soit fixée [petits rires]. Donc il faut vraiment se faire violence. J’ai toujours été un bosseur comme musicien et nous n’avons jamais eu le luxe de prendre notre temps pour faire les choses. Certains de mes albums ont été faits en un ou deux jours ! Car personne n’avait l’argent, personne n’avait le temps. Nous avions des concerts à donner parce que nous devions nous faire de l’argent pour vivre, donc nous ne pouvions pas prendre une semaine pour enregistrer un album, nous ne pouvions pas faire ça donc nous devions le faire vite. Et nous ne sommes pas seuls ! C’est l’histoire de gens dans plein d’autres groupes, c’est pareil : jouer, jouer, jouer, prendre un jour pour faire une chanson en studio et tu es sur scène le lendemain. Le luxe de prendre des mois et de longues périodes de temps pour être créatif, pour moi, ce n’est pas créatif, j’ai besoin de me mettre au travail ! J’aime le rythme soutenu, j’apprécie ça. J’écoute les choses que j’ai faites et j’en suis content ! Je ne crois pas qu’il y ait quoi que ce soit que je changerais ! Je suis tellement content que les gens partout dans le monde m’apportent mes albums, pour leur faire des autographes et les signer, c’est fantastique ! Je ne changerais rien, j’adore ! La perfection est dans l’œil de celui qui la regarde, aussi. Et je crois que si la chanson fonctionne… Il y a des défauts dans mon jeu, il y a des défauts dans mon enregistrement, il y a des choses qui ne sont pas exactement correctes mais il y a des choses qui ne sont pas exactement correctes dans presque chaque morceau de musique, et presque chaque chanson, et presque chaque prestation. Parfois, ce sont ces choses qui donnent un vrai charme et un vrai caractère.

Quelle est la limite sous laquelle la musique souffre du manque de temps ?

Je ne sais pas ! Tout dépend de la musique ! Je pourrais probablement écrire une chanson ici en environ cinq minutes et l’enregistrer en environ vingt minutes, rien que moi, ensuite faire toutes les autres parties en… En peut-être dix heures elle peut-être complète, terminée, prête à partir. Si tu as une idée, si tu as une brillante idée, pourquoi aurais-tu besoin de prendre du temps ? Quelqu’un dit : « Hey, j’ai une super idée ! Ça s’appelle un ordinateur Mackintosh. Je pense qu’il faudra trois ans pour le développer. » Eh bien, devine quoi ? On n’aurait pas de Mackintosh aujourd’hui si ça avait été le cas. Quelqu’un a une super idée, il doit travailler dessus tout de suite, le lancer sur le marché très vite et boom ! Les choses vont vite dans le monde des idées. En plus il y a de la compétition ! Il y a un million de groupes ! Tout le monde essaie de faire des choses. Tu ne le fais pas tout de suite, quelqu’un d’autre le fera et tu te retrouveras à la traîne, donc c’est important.

« Il y a des choses qui ne sont pas exactement correctes dans presque chaque morceau de musique, et presque chaque chanson, et presque chaque prestation. Parfois, ce sont ces choses qui donnent un vrai charme et un vrai caractère. »

Dirais-tu que dans Mr. Big tout est question de spontanéité et de l’expérience live à jouer ensemble ?

Pour moi, oui. Les prestations live, c’est ce que je préfère. Enregistrer est agréable mais je préfère largement être en tournée et jouer en concert, c’est la chose que je préfère au monde. Et nous faisons beaucoup ça avec Mr. Big. Lorsque j’ai monté le groupe, j’ai gardé en tête que je voulais des gars qui, je le savais, assureraient en tournée. Tu peux trouver un super chanteur mais il ne peut pas chanter en live. Tu peux trouver un super guitariste mais il n’est pas bon sur scène. Peut-être que tu peux trouver un super batteur mais il n’aime pas voyager. Nous quatre, nous pouvions chanter et jouer sur scène, c’était là toutes nos spécialités, nous sommes tous prêts à partir en tournée immédiatement, donc c’était un bon choix de personnes, et nous nous faisons vraiment plaisir.

Penses-tu que les groupes de rock ont perdu cette spontanéité et cet art de l’impro dernièrement ?

C’est difficile à dire. Je n’écoute pas beaucoup de nouveaux groupes mais c’est un vaste monde là-dehors. Ça peut donner l’air de quelque chose quelque part mais il y a l’opposé ailleurs. Et il y a plein de musiciens et plein d’innovations et plein de styles de jeu partout dans le monde tout le temps. Donc je pense que c’est une bonne époque pour la musique, et je pense qu’il y a certains groupes qui font pas mal d’impro, pendant que d’autres non. J’ai la chance d’être plus âgé, donc je viens d’un temps où nous jouions constamment. Toutes mes premières années, je jouais tous les soirs. Je ne regardais jamais la télévision ou des films parce que j’avais un concert chaque soir. C’est ce que j’ai fait pendant des années et des années. Il fallait être prêt à jammer et écrire des chansons, être sur scène et gérer un public. Je suis reconnaissant d’avoir connu ça. Les musiciens aujourd’hui ne connaissent plus tellement ça mais ils ont d’autres avantages. Tu as un ordinateur portable, tu as un studio de dix millions de dollars dans ta main. Deux clics sur internet et tu peux atteindre des milliards de personnes. Donc ça équilibre, au final. J’avais mes avantages, ils ont les leurs, mais je suis content avec mes avantages [petits rires].

Pour Defying Gravity, vous avez retrouvé le producteur Kevin Elson, qui a fait tous vos albums depuis le premier jusqu’à Bump Ahead. Qu’est-ce qui vous a poussé à revenir vers lui après toutes ces années ?

Nous voulions faire ça depuis que nous nous sommes reformés en 2009 mais il était occupé. C’est dur de faire coïncider les emplois du temps. Cette fois il était enfin disponible, donc nous avons fait appel à lui. C’était une joie de travailler avec lui et nous avons passé de bons moments à parler du bon vieux temps. C’est un super producteur et un mec merveilleux, et je trouve qu’il a fait un boulot formidable sur cet album. Il a de supers oreilles et il reconnait la bonne musique lorsqu’il l’entend. Et il sait aussi être diplomate avec le groupe et s’assurer que le mec qui a les bonnes idées se fasse entendre, et si quelque chose de fonctionne pas, il sait comment dire diplomatiquement « essayons autrement. » Il sait quand s’imposer et quand s’écarter. Il a un très bon instinct par rapport à ça. Et c’est aussi un ami cher pour nous tous, donc ça a parfaitement fonctionné. Nous referont appel à lui si nous le pouvons, c’est certain.

Avez-vous retrouvé la même magie dans votre relation qu’à l’époque ?

Complètement. Nous avons tout de suite pris le rythme et c’était une expérience agréable que de travailler avec lui. Le seul problème que nous avons eu est que nous avons commencé à parler du bon vieux temps et plaisanter, rire et se raconter des histoires sur toutes les choses que nous avons vécues, et nous avons dû arrêter parce que nous perdions du temps ! Nous n’avions que six jours, « il faut qu’on la ferme et qu’on se remette au travail ! » Car nous nous éclations à nous raconter des histoires sur la belle époque et toutes les choses que nous avons faites. Kevin était très proche de nous lorsque nous avons commencé, il était notre mixeur en concert aussi et c’était l’un des meilleurs au monde. Et je crois vraiment que nous avions une magie sur ces premiers albums que nous avons faits avec lui. Ces vieilles chansons sont toujours adorées par des gens partout dans le monde et nous avons des amis et des fans partout, dans le monde entier, et ça, c’est grâce à la musique sur ces albums. Donc c’est la preuve définitive que nous avons vraiment un peu de magie sur ces disques. A chaque concert, j’ai un gars qui me présente une grosse pile d’albums de Mr. Big pour que je signe, et je suis content de le faire, et il les écoute toujours. Donc c’est une bonne chose. Et cette fois, c’était très similaire mais nous avons tous grandi, nous avons tous appris, nous avons tous gagné en maturité, nous sommes tous devenus de meilleurs musiciens, de meilleurs chanteurs, de meilleurs compositeurs, nous avons davantage d’histoires à raconter… Donc c’était ça la différence, nous avons beaucoup vécu depuis. Donc le fait d’arriver avec ces expériences de vie, je pense que ça se reflète dans les chansons.

Matt Starr qui a fait la tournée de l’album précédent a suppléé Pat sur la majorité de l’album. Six jours, était-ce trop court pour que Pat se charge de tous les enregistrements batterie avec sa maladie de Parkinson, comme il l’a fait pour l’album précédent ?

C’était très difficile, donc nous avons fait venir Mike Starr et il a fait presque toutes les batteries sur cet album parce que Pat ne peut pas s’asseoir derrière un gros kit double et faire ça comme il le faisait avant. Il est venu pendant un petit moment, mais nous n’avions pas le temps de vraiment passer des jours et des jours sur les pistes de batterie, nous étions un peu sous la pression de l’horloge en ayant que six jours. Donc c’était le choix de Pat de faire jouer les chansons par Matt. Mais Pat était très impliqué dans tout ce que Matt a fait. Entre les prises, il débarquait en courant dans la pièce où était la batterie et parlait à Matt du motif de charleston ou de l’accordage de la caisse claire ou quelle cymbale crash utiliser. Donc c’était vraiment Pat qui parlait à travers Matt. Et Matt a joué vraiment de supers trucs sur l’album, nous sommes très contents de lui. Il est en tournée avec nous maintenant. Et Pat et Matt sont de très, très bons amis. Matt est comme un saint, c’est une personne très altruiste et généreuse. Il permet à Pat Torpey de continuer sa carrière musicale en faisant la batterie pour lui, et c’est vraiment une merveilleuse situation.

D’ailleurs, comment va Pat ? Comment va sa santé mais aussi son moral aujourd’hui ?

Il va super bien ! Tu peux vivre avec la maladie de Parkinson, ce n’est pas une maladie mortelle. C’est gênant, c’est difficile. Il sera souvent exténué et fatigué. C’est dur pour lui de rester debout longtemps. Mais son moral est là ! Le même bon vieux Pat qu’on a toujours connu. Il est fort et même plus fort que jamais. Et donc nous nous éclatons, beaucoup de fous rires, beaucoup de fun. Il fait des blagues sur sa maladie aussi ! Il est marrant. Il a une bonne attitude sur tout. Et il a été très inspirant pour plein de gens partout dans le monde qui ont la maladie de Parkinson. Ils m’ont écrit et m’ont dit à quel point c’est merveilleux de voir Pat faire ça, et ça les inspirent pour se battre et se remettre à vivre autant qu’ils le peuvent, malgré la maladie. Donc c’est vraiment quelque chose de merveilleux.

« Matt [Starr] est comme un saint, c’est une personne très altruiste et généreuse. Il permet à Pat Torpey de continuer sa carrière musicale en faisant la batterie pour lui. »

Dans le clip vidéo pour la chanson « Everybody Needs A Little Trouble », on voit en fait les deux batteurs jouer ensemble. Est-ce qu’il y a de la double batterie sur l’album ?

Non, pas sur l’album. C’est difficile à enregistrer et ça prend beaucoup de temps. Mais en live Pat joue… Ce n’est pas un kit assis, c’est un kit pour jouer debout. Donc Pat joue sur la chanson « Temperamental » de notre troisième album avec Matt, les deux jouent ensemble. Pat joue « Just Take My Heart » sur un kit complet pendant que Matt prend une pause. Donc il y a pas mal d’interaction avec le jeu de batterie et Pat fait autant qu’il peut en faire.

En tant que bassiste, j’imagine que tu travailles étroitement avec la batterie. Mais comment travailles-tu avec la batterie quand il y a en fait deux batteurs dans la pièce ?

Pat l’explique, Matt le joue et je joue de la basse par-dessus. C’est à peu près tout. Je construis mes lignes de basse autour de la batterie, toujours, au sein d’une chanson, c’est tout basé sur ce que la batterie fait, et ensuite je relie ça à la mélodie avec ma basse. Et j’aime ça ! Parce que je suis à fond sur la batterie. Avant j’étais abonné à certains magazines, je joue de la batterie, j’ai mon propre kit à la maison, j’adore la batterie. C’est vraiment essentiel de connaître la batterie. Ça fera de toi un meilleur bassiste. Plus t’en sais sur la batterie, meilleur bassiste tu seras. La basse et la batterie devraient être étroitement liées. Donc plus j’en apprends sur la batterie, le mieux c’est pour moi à la basse. Donc j’en apprends toujours plus. Pat et Matt parlent toujours de batterie, tout le temps ! [Petits rires] Ils sont toujours en train de discuter de batterie, de jeu et de batteurs. Donc, en fait, j’apprécie ça et c’est sympa de côtoyer deux batteurs ! C’est encore mieux qu’un ! En fait, c’était moi qui a trouvé Matt et qui l’a amené dans le groupe. Parce que la première fois que je l’ai vu, je savais que c’était un super batteur et un super chanteur. Je ne connaissais pas la situation avec Pat mais dès que Pat a présenté la situation, j’ai dit : « Je connais un mec à LA qui est fantastique et serait parfait pour ça. Il s’appelle Matt Starr. » Et dès que Matt est arrivé, c’était le bon gars. Donc j’adore le jeu de Matt, et j’ai jammé avec lui à plusieurs occasions avant qu’il n’entre dans Mr. Big. Et aussi, lorsqu’il a joué pour la première fois avec Mr. Big, nous avons joué de la basse et batterie ensemble pendant quelques semaines avant que le groupe ne répète. Donc j’ai joué toutes les chansons rien qu’avec Matt, chaque jour. Et avant cette tournée, nous avons fait la même chose pendant environs trois ou quatre jours, avec moi, Matt et Pat en studio, basse et batterie, sur toutes les chansons, et ça a rendu la basse et la batterie vraiment carrés.

Est-ce que Matt est considéré comme un membre officiel désormais ?

Il tourne avec nous et lorsque nous jouons en concert Matt est notre batteur. Donc nous l’embauchons et l’indemnisons pour ça. Nous l’incluons dans les clips et tout. C’est comme un frère pour nous maintenant. Donc il fait vraiment partie du groupe !

Dans la vidéo making of de l’album, Eric dit que c’était intimidant de trouver des idées face à toi et Paul Gilbert. Il amène des choses qu’il a écrites et ensuite vous changez ça en diamant, comme il le dit. Est-ce parce que vous vous connaissez depuis longtemps que vous êtes capables de deviner ce qu’il essaie de faire ?

Je le crois ! Eric est un très bon guitariste mais parfois, il n’arrive pas à expliquer ce qu’il veut exactement. Paul et moi, nous jouons tous les deux des instruments à frette, je fais de la basse, lui de la guitare, mais je joue aussi de la guitare et lui de la basse. Donc nous en savons assez pour comprendre ce qu’Eric essaie de nous montrer. Nous disons : « Tu veux dire comme ça ? » Et nous le jouons : « Oh, ouais, ouais, c’est exactement ce que je veux dire ! » « Ok, parfait. » Mais nous sommes ensemble depuis longtemps, nous avons écrit de nombreuses chansons ensemble, joué énormément de concerts, nous avons été dans des bus de tournées, des avions, des aéroports, des hôtels pendant tant d’années, donc nous avons une bonne ligne de communication. Nous nous comprenons assez bien. Donc pour ce qui est de la musique, ça s’applique également. Nous nous comprenons musicalement. Donc si Eric n’arrive pas à exprimer ce qu’il essaie de faire sur une guitare, moi ou Paul pourront essayer de comprendre, et généralement nous y arrivons. Nous continuons à travailler dessus jusqu’à ce que nous obtenions ce qu’il veut. Donc s’il veut que ce soit d’une certaine manière, nous lui donnerons une idée et si ça ne va pas, nous lui donnons une autre idée, et nous continuons jusqu’à ce que ce soit comme il veut. Pareil avec moi : si j’ai une chanson ou une mélodie que je veux d’une certaine façon, Eric y travaillera jusqu’à l’obtenir. Nous travaillons les uns avec les autres et les uns pour les autres.

L’album s’appelle Defying Gravity (Défiant la gravité, NDT). Est-ce parce que le groupe défie les règles, d’une certaine façon ?

Peut-être un peu mais c’est aussi le fait que la gravité est une force qui nous entoure constamment, et elle semble impossible à défier. Mais c’est possible, tu peux pousser contre elle, et tu peux t’élever dans les airs et voler dans un avion. C‘est pareil, il y a souvent une force négative qui entoure les gens, elle est constamment là et elle semble ne jamais partir, mais tu peux te battre contre elle, et tu peux la repousser, et tu peux marcher sous le soleil, et tu peux afficher un sourire sur ton visage, et tu peux défier cette force négative, exactement comme tu peux défier la gravité.

La gravité étant une force d’attraction, dirais-tu qu’il y a une telle force entre vous dans le groupe, que vous êtes toujours attirés les uns vers les autres ?

Je crois que lorsque nous nous sommes réunis pour la première fois, nous savions que nous aurions une bonne relation musicale et personnelle. Nous apprécions traîner ensemble, nous amuser, et c’est très important, parce que nous allons être ensemble pour dix ou vingt ou trente ans, donc il y a intérêt à ce qu’on apprécie la compagnie des uns et des autres, ou alors ce sera très difficile. Et c’était le cas, et c’est toujours le cas aujourd’hui. Et maintenant, nous sommes ensemble en tournée ici en Amérique, dans un tour bus à voyager de ville en ville, nous nous éclatons et c’est agréable. Donc ouais, il y a un genre de force qui nous rassemble, et lorsque nous nous retrouvons ensemble sur scène, c’est quelque chose de très spécial. Et le public, nous essayons toujours d’aller lui dire bonjour après. Après le concert, le public est très, très satisfait de ce qu’ils voient, ils voient un genre de magie sur scène, c’est ce qu’ils nous disent, donc je pense qu’il y a une belle force.

« Malgré la négativité de la maison de disques, nous avons eu un hit. La maison de disques n’a pas aidé, ils n’ont fait qu’essayer de nous blesser, et ils ont essayé de nous arrêter, mais nous avons avancé grâce aux gens et c’est un message très positif. »

Il y a une chanson qui s’intitule « 1992 », qui est l’année où la chanson « To Be With You » est devenue votre single qui a été classé le plus haut et a été numéro un dans plusieurs pays. Avez-vous une certaine nostalgie pour cette époque parfois ?

Non ! C’était une super époque mais aujourd’hui est une super époque aussi ! Aujourd’hui est une merveilleuse époque. Grace à toutes ces expériences, nous avons grandi, ça a enrichit nos vies et nos vies, c’est aujourd’hui. Toutes ces supers expériences nous affectent aujourd’hui d’une bonne façon, c’est pourquoi nous vivons une super époque, une époque agréable les uns avec les autres et un joli succès. Ca a vraiment amélioré nos vies aujourd’hui. Nous avons ces supers souvenirs mais nous ne voulons pas revenir en arrière, il n’y a pas de nostalgie, nous apprécions ce que nous avons aujourd’hui. Tout ceci est grâce à ça mais je suis content que nous soyons là ensemble aujourd’hui, en bonne santé en 2017, toujours à jouer des concerts à guichets fermés partout. C’est une belle chose.

Il semble en fait y avoir un peu d’amertume dans les paroles de cette chanson…

La seule amertume vient du fait que notre maison de disques détestait notre album ! Ils n’aiment pas du tout notre album. Et ils ne voulaient pas le sortir. Je n’ai aucune idée du pourquoi. Ils n’aimaient pas l’album, ils n’aiment pas le premier non plus, ils ne nous aimaient pas, et ça ne les intéressaient pas du tout de soutenir l’album. La maison de disques nous a jeté directement à la poubelle. Nous avions un bon manager et il les a forcé à le sortir. Notre manager connaissait un gars à Lincoln, dans le Nebraska, qui s’appelait John Terry, et il l’a appelé et a dit : « Pourrais-tu nous rendre un service et jouer plusieurs fois ‘To Be With You’, pour voir comment tes auditeurs réagissent ? » Et John Terry a dit : « Pas de problème ! Je vais la passer plusieurs fois. » Donc il a passé « To Be With You » à la radio et les téléphones se sont allumés, « qui c’est ? C’est quoi ce groupe ? » Ils l’ont rejoué et les téléphones se sont à nouveau allumés. Et ensuite, très rapidement, nous avons eu un compte rendu qui disait que dans les magasins de disque à Lincoln, Nebraska, les albums commençaient à se vendre ! Donc d’autres stations de radio… Les stations de radio veulent des chansons à succès parce qu’alors, plus de gens écoutent et ils vendent plus de publicités, c’est comme ça qu’ils se font de l’argent. Donc une autre station de radio l’a découvert et a commencé à jouer « To Be With You », puis une autre, et en un clin d’œil, Seattle, puis Miami, puis Boston, puis Houston, puis Michigan, puis Colorado, et état après état ça a commencé à exploser, c’était partout ! Ça s’est fait tout seul !

Ensuite, la maison de disques a eu écho de ça et a dit : « Attend un peu, ça ne peut pas être vrai ! » Donc ils ont envoyé un gars de New York à Lincoln, Nebraska, pour voir si c’était vrai, parce qu’ils ne le croyaient pas ! Ils ne croyaient pas en cette chanson. Ils ont pris un mec et l’ont envoyé par avion à Lincoln, Nebraska, pour aller dans les magasins et voir si les gens achetaient vraiment notre album, et aller dans les stations de radio et voir s’ils recevaient vraiment des coups de téléphone, et bien sûr c’était le cas. Donc il est revenu et a rapporté à la maison de disques que c’était vrai et bien réel, mais la maison de disque a résisté, ils continuaient à travailler contre nous. Mais « To Be With You » a décollé toute seule. Ensuite, au final, elle est devenue numéro un grâce à notre manager. Si nous n’avions pas eu de hit, nous n’aurions probablement pas fait d’autre album pour eux. Mais les bonnes personnes ont écouté et nous ont tiré de là, et ont fait de nous un numéro un en 1992 [petits rires], c’est ce qu’ils ont fait ! Donc c’est quelque chose de très positif. Malgré la négativité de la maison de disques, nous avons eu un hit. La maison de disques n’a pas aidé, ils n’ont fait qu’essayer de nous blesser, et ils ont essayé de nous arrêter, mais nous avons avancé grâce aux gens et c’est un message très positif. Et puis, plus tard, la maison de disque a pris le train en marche et ils ont dit qu’ils aimaient la chanson et qu’ils étaient fans de Mr. Big. Ils mentaient et disaient : « Oh, on adore l’album. Depuis le début on vous a soutenu ! » Après que nous ayons eu un hit, ils nous adoraient ! Alors ils ont changé l’histoire. Mais c’est comme ça que sont les maisons de disque.

Et après ça, ils n’ont pas exigé que vous ne fassiez que des chansons comme « To Be With You » sur l’album suivant ?

Non, parce qu’encore une fois, nous avons un très bon manager. Il a gagné la partie. Il a fait de « To Be With You » un hit, ce n’était pas la maison de disques, donc c’est lui qui était aux commandes. Donc si la maison de disques venait vers nous avec une quelconque requête, ils devaient passer par lui et il s’assurait que nous faisions la musique que nous voulions faire. Mais la maison de disques a foiré parce que « Just Take My Heart » était prête à être un autre hit numéro un. Elle était dans les starting-blocks. Toutes les stations de radio s’apprêtaient à faire de « Just Take My Heart » notre second hit numéro un, mais la maison de disques a merdé et l’a poussé trop vite avant que « To Be With You » ne soit terminée, et ils ont tout gâché. Et donc « Just Take My Heart » était dans le top 20 mais n’a pas atteint la première place. Ça aurait été un autre numéro un mais la maison de disque a tout fait foirer.

Est-ce un regret pour toi ?

Eh bien, ça va, pas de souci. J’aurais aimé avoir deux hits à la première place, ou cinq, mais la maison de disques a déconné. Mais ça va.

Penses-tu que dans le monde actuel, Mr. Big pourrait avoir un autre numéro un ?

Qui sait ? Peut-être. Le monde est fou ! Ça pourrait arriver. J’ai toujours la foi. Mais mon but n’est pas d’avoir un album qui soit numéro un. Mon but est de donner des concerts et avoir plein de gens à ces concerts, et c’est ce que nous faisons aujourd’hui et c’est ce que j’adore. Avoir un autre hit serait sympa mais ce n’est pas si important à mes yeux. Je veux jouer ! C’est ce que je préfère.

« Les trucs en shred, c’est pour les chansons plus sauvages ou pour les solos en live, dont le but n’est que de divertir. Quatre-vingt-dix pour cent de mon jeu de basse est assez simple. »

A propos de ton jeu de basse, tu as déclaré que tu « ne fais pas grand-chose de manière consciente et [tu] n’y réfléchis pas, donc [tu] ne [t’attribues] pas forcément le mérite de ce qui arrive parce que ça arrive comme ça. » Est-ce que ça veut dire que tu ne contrôle pas vraiment ce que tu joues ?

C’est presque vrai mais je suis entièrement responsable de ce que je joue. Les notes viennent de moi, elles sortent de moi grâce à moi. Je les fais. Mais je le fais en me mettant en retrait et en laissant la musique se faire, au lieu d’y réfléchir et y prêter énormément d’attention. Je laisse juste la vie se produire. Tu peux vivre la vie comme ça ou alors tu peux vivre de façon décontractée. Je joue de façon décontractée, avec intensité mais je laisse la musique se faire. Mais toutes ces notes sont mes notes et elles ne seraient pas là sans moi, donc je suis vraiment responsable de ce qui sort. Mais j’aime vraiment laisser l’improvisation se faire, mais ça ne pourrait pas arriver sans des milliers d’heures d’entraînement et d’expérience. Ces notes viennent de milliers de concerts, de vingt mille heures d’entraînement, de centaines d’enregistrements, d’une expérience de cinquante ans… Tout ça combiné. Et c’est influencé par un large éventail de musique, au fil de plein, plein d’années, et tout types de musiciens. Pas seulement des bassistes mais des batteurs, pianistes, saxophonistes, la musique classique… J’adore la musique classique, je suis un grand fan de Claude Debussy – un compositeur français -, c’est un de mes préféré de tous les temps. J’ai une énorme collection de musiques, deux téraoctets de music sur iTunes, que j’écoute souvent.

Lorsque l’on regarde Paul Gilbert jouer en live, on dirait parfois qu’il est sincèrement surpris par ce qui sort de sa guitare. Est-ce qu’en fait, ça t’arrive d’être surpris par ce qui sort de ta basse ?

Absolument ! Parfois tu tentes ta chance ! Tu ne joues pas exactement ce que tu connais déjà, tu prends un risque, tu fais rouler les dés : « Il faut que j’essaie ce truc que je n’ai jamais essayé avant ! » « Oh ! Je l’ai fait ! Wow, quelle surprise, cool ! Je ne savais pas que je pouvais faire ça ! » C’est la joie de jouer en live et improviser, les chances que tu tentes et les risques, car il y a des gens devant toi. Tu fais une bourde ou une erreur, tout le monde l’entend. Donc lorsque tu tentes quelque chose, c’est excitant ! C’est comme marcher sur une corde raide, tu pourrais tomber ! Et c’est pourquoi c’est palpitant. C’est intéressant.

Y a-t-il des plans que tu as faits sur les albums qui t’ont déjà surpris ?

Lorsque j’ai dû me remettre dessus et apprendre certains plans de « 1992 » que j’ai faits en studio, je ne m’étais pas rendu compte à quel point ils étaient durs jusqu’à ce que je doive les jouer en live avec le groupe. Certains de ces plans sont très difficiles à faire, donc j’ai dû me poser et apprendre à mettre mes doigts correctement et comprendre quelle est la meilleure façon de les faire en live. Lorsque tu joues en studio, tu ne joues pas aussi fort qu’en live parfois, parce qu’en live, tu as des gens devant toi et tu es sur scène sous les lumières et tu as bien plus d’excitation et d’énergie, donc tu joues les choses bien plus fort. Donc jouer un plan qui est dur bien plus fort, c’est encore plus dur, donc je devais m’assurer que je savais ce que je faisais. Tout roule maintenant, ça joue tout seul et c’est amusant, mais pour l’amener au niveau de l’énergie que ça requiert de le jouer en live, il a fallu pas mal travailler.

Certains ont tendance à réduire ton style à celui d’un bassiste shredder, alors que tu as aussi un joli groove et sens musical. Penses-tu que les gens, en général, se font une fausse idée de toi ?

Ouais parce que… « To Be With You ! » [Rires] Voilà. C’est tout ce que je peux dire. « To Be With you », où est le shredding ? Numéro un, j’adore cette chanson. « Just Take My Heart », où est le shredding ? “Alive And Kicking”, où est le shredding ? “Green-Tinted Sixties Mind”, où est le shredding ? Lorsque je joue « For The Love Of God » avec Steve Vai, où est le shredding ? Lorsque je joue “Regret” avec The Winery Dogs, où est le shredding ? J’adore ces chansons ! Les gens sont mesquins et ils voient un clip de vingt secondes sur YouTube et ils disent que c’est toute ta vie, c’est tout ce que tu fais, c’est tout ce que tu peux faire, c’est tout ce que tu feras. Et les gens sont mesquins parce qu’ils ne sont pas intelligents. Et si tu es assez malin, tu sauras que chaque musicien a une longue vie, a joué sur plein d’albums et plein de styles. Il faut être suffisamment attentif dans le monde pour avoir l’intelligence de comprendre ça. Et donc voilà !

La chanson et comment la basse colle à la chanson, et comment elle colle à la batterie, c’est ce qui m’importe le plus. Les trucs en shred, c’est pour les chansons plus sauvages ou pour les solos en live, dont le but n’est que de divertir. Quatre-vingt-dix pour cent de mon jeu de basse est assez simple. Je joue avec la batterie et je joue des lignes de basses pour aller avec les chansons. Je fais plein de choses à la basse. Je joue simple, je joue un peu plus complexe, je joue très complexe de plein de façons, et je pense que tous les musiciens devraient être comme ça, ils doivent pouvoir jouer plein, plein de choses. Et au fil de nombreuses années à jouer, j’ai touché à plein de styles de jeu différents, j’ai joué sur des albums de country, j’ai joué sur des albums de heavy metal, j’ai joué sur des albums de pop, j’ai joué sur des albums de folk, j’ai joué du jazz, de la fusion, du prog… J’essaie d’incorporer ces éléments dans ce que je fais et je dois juger de ce qui est une ligne de basse ou partie appropriée pour une chanson. Et avec toute cette expérience, ça aide, parce que j’ai plein de choses parmi lesquelles choisir, plein d’idées et de styles que je peux choisir.

As-tu des nouvelles à nous donner sur le futur de The Winery Dogs ?

A la fin de cette année, nous allons commencer à écrire des chansons pour un nouvel album de The Winery Dogs et nous le sortirons probablement l’année prochaine. Je suis surexcité. J’adore jouer avec The Winery Dogs. C’est l’une des choses que je préfère, jouer live avec Mike et Ritchie. Une fois que la tournée avec Mr. Big est finie, je vais faire deux trois trucs et me mettre directement sur The Winery Dogs, et je suis surexcité par ça !

Interview réalisée par téléphone le 9 juin 2017 par Nicolas Gricourt.
Retranscription et traduction : Nicolas Gricourt.
Photos promo : William Hames.

Site officiel de Mr. Big : www.mrbigsite.com.

Acheter l’album Defying Gravity.



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