My Opinion Sucks – 05 octobre 2010 : Le Hellfest
NDLR : aussi disponible sur youtube
Salut les metalleux aguerris, salut les petits clous de la dernière averse, les headbangers exaltés, salut aux gothiques convulsifs et black metalleux frénétiques, My opinion sucks traitera aujourd’hui de l’excellent reportage consacré au Hellfest et plus largement au petit monde démoniaque du métal, diffusé cet été, dans le cadre de l’émission d’information hebdomadaire 7 à 8 sur TF1. Une émission présentée de main de maître par Harry Roselmack dont on ne saurait contester la légitimité sur l’écran d’une grande chaîne nationale, et ce, même à une heure de grande écoute où les enfants pourraient malencontreusement se trouver devant un poste de télévision…. oups, calmons tout de suite nos velléités d’humour au troisième degré, car les années 80 sont bien lointaines et le spectre de la poursuite en justice plane désormais au-dessus de chaque gaudriole contraire à la morale dominante. Même si, qu’on se le dise, il serait bien difficile de me taxer de racisme dans la mesure où ma vie sexuelle est émaillée de rapports non protégés avec de nombreux hommes de couleur. Et j’ai des vidéos pour le prouver. Je vous conseille, à ce titre, une production plutôt divertissante intitulée » au pays des Masaï » que j’ai eu l’honneur de réaliser tout en tenant le rôle principal de ce surprenant road movie érotique qui m’a fait découvrir quelques uns des plus beaux paysages de Tanzanie et des hommes d’une rare générosité à mon égard. J’en frémis encore.
Revenons donc à l’essentiel : Ainsi donc, TF1 s’intéresse à nous!!!!!! Ouais, on y est arrivés les gars, nous y voilà : après des années de boulot accablant dans les fanzines 4 pages imprimés en noir et blanc, les émissions de radios locales qui solliloquent, les mini-labels de salle de bain, après les concerts underground dans des salles vides aux relents de pisse, les joints de culasse défaillants de minibus de tournée, les studios d’enregistrement tapissés de cartons de boîtes à oeufs, les démos 4 titres gravées au PC de maman sur des CD Verbatim…. Nous y voilà!!! Le Métal s’est taillé une place au soleil médiatique : TF1 en access prime-time dominical, rien de moins!! Au même titre que la tumeur vaginale de Loana, au même titre que le trafic de cannabis de Mantes-la-Jolie ou encore les ravages de la chirurgie esthétique discount!!!!! Une émission qui parlerait de nous autres, entrecoupée des réclames d’annonceurs pour ménagères comme Danone, Canard WC, Ferrero Rocher, Cetelem, Vania Pocket!!!! Qui l’eût cru???? Mon Dieu est-ce réel???? Mon Dieu réponds moi, je ne te reçois pas… Allô..?
Le documentaire de Sept à Huit est sobrement titré « La guerre des Mondes » (comprenez guerre entre défenseurs de Dieu, et supporters satanistes… vous, quoi… ben oui, vous). Le premier éclat de rire de ce reportage est à attribuer à l’appellation du genre musical qui nous concerne : en langage TF1, vous êtes donc amateurs de « hard rock survitaminé »… là où la variété française, elle, propose une musique « normalement vitaminée », j’en veux pour preuve un Vincent Delerm au Benco, une Carla Bruni à la Juvamine ou un Raphaël au pur jus d’orange. Voilà ce qui constitue la base de normalité, ainsi vous commencez à saisir dans quelle mesure vous êtes désaxés à travers le prisme de ce qui constitue indéniablement le miroir de la société moderne dans laquelle vous évoluez tant bien que mal. Entendez donc mon appel, il est encore temps de réagir et de vous intégrer dans une saine logique TF1. Laurent Voulzy a sorti un album rempli de très belles chansons, les participants de Secret Story ne devraient pas tarder à enregistrer une reprise de Sheila, et la taupe en 3D vous prépare une nouvelle sonnerie de portable qui ravira les grands comme les petits. Pensez-y, tout n’est pas perdu.
Les reporters de choc envoyés au Hellfest nous signifient dès le début qu’ils auraient préféré une mission suicide dans la bande de Gaza, et l’on comprend assez vite qu’ils ont négocié une prime de risque avant leur départ de Boulogne-Billancourt, tant l’atmosphère paraît menaçante au sein de ce biotope à métalleux acerbes et provocants… on aperçoit ainsi à l’écran des visiteurs du Hellfest qui, trop occupés à agiter leurs cheveux longs ou touchés par la grâce, ont eu la bonté d’âme de ne découper en morceaux et de ne dévorer aucun preneur de son ou cameraman en chemisette manches courtes malgré l’incongruïté de leur présence au royaume du Malin… et du hard-rock survitaminé. Les journalleux de mes deux -mais de la une- ont même poussé la témérité à aller filmer le backstage de la scène principale pour apercevoir Kampfar… qu’ils décriront à la ménagère curieuse, comme des hommes de type « vikings et virils ». Il convenait de préciser leur virilité car nos cours d’histoire évoquent trop souvent les plaintes adressées par les guerriers vikings à leur commandement lors des invasions, au sujet de leurs haches trop lourdes et au manche de cuir trop peu ergonomique et parfois même non-hypo-allergénique, qui fait des cloques aux mains au bout d’une semaine de massacre intensif. Malgré tout, et qu’on se le dise, les vikings étaient bien virils.
Le reportage évoque logiquement le combat de Christine Boutin, qui tient à rappeler la traduction du « Hellfest » : « festival de l’enfer »… insistant derechef, si besoin était, sur la nature totalement démoniaque de cette manifestation. Sa pétition anti Hellfest a ainsi récolté 35000 signatures. 35000 soutiens de véritables citoyens normaux, chrétiens, blancs, de catégorie socio-professionnelle respectable. Des hommes et femmes qui ont le bon goût de mettre la fourchette à gauche, le couteau à droite, la voiture au garage, les scrupules à la cave, les phantasmes au placard, papy à l’hospice, Caramel au refuge, Jonathan en pension et sa drogue aux toilettes.
Mais l’espoir subsiste, retour sur le site du Hellfest. Au milieu des stands de shirts/CD/goodies/Tattoos… du festival, se ballade un cureton. L’homme de Dieu en question -sauf qu’un homme de Dieu n’est jamais en question… il n’a que des réponses, bande de mécréants baveux- est le prêtre Domergue, catholique et dans la force de l’âge. Ces images déconcertantes d’un petit aumônier perdu au Hellfest, tel une saucisse de Strasbourg qui se serait malencontreusement égarée dans une ratatouille nicoise, sont accompagnées d’un commentaire TF1 qui nous laisse caresser une éventuelle perspective de réinsertion dans la société : « Au beau milieu du festival de Hard Rock, un Homme de Dieu tente pourtant de renouer le dialogue ». Et pour renouer le dialogue entre l’église et le métal (que personne n’avait spécialement pensé à nouer une première fois d’ailleurs…?) le prêtre Domergue n’a pas hésité à chevaucher son vélo pour venir ici au Hellfest, là où ses pairs (ce qui tend à prouver que lui, le père, en a une, de paire) n’oseraient pas poser une sandale ou traîner un chasuble. Analyse de la discussion entre le prêtre et des metalleux de passage devant le stand merchandising : « bonjour je suis le prêtre Domergue » « ah mais y a pas de problème… » traduction en langage cordial de « balade toi où tu veux, comme tout le monde par contre tu vas me foutre en retard pour l’intro d’Hypocrisy »
La suite du dialogue est amusante : parmi les articles et goodies de metalleux qui s’offrent aux yeux clairvoyants de l’envoyé spécial de Jésus Christ figurent des croix de fer, des pentagrammes montés sur colliers et baguouzes d’ornementation pour boudins gothiques en robe de velours. Ahaaaahhh! Mon curé chez les fascistes a trouvé le pot-aux-roses!!! Il démontre et confirme ainsi, preuves en main devant les caméras de TF1 que les amateurs de rock n’roll sont bien habités par l’idéologie d’extrême-droite et l’influence de Belzebuth… Mais à ce moment précis, le préposé à l’administration céleste est interpelé par des metalleux paisibles qui évoquent la pédophilie au Vatican… le père Domergue, qui avait oublié son bon sens mais pas sa paire de burnes pour sa sortie dominicale au pays de Lucifer -Une paire de burnes désespérément inexploitée certes mis à part quelques tentatives masturbatoires dans le confessionnal, suivies de séance d’auto-flagellation- Le Saint Homme rappelle, donc, avec un aplomb auxquels seuls accèdent les véritables serviteurs de Dieu, que tous les prêtres ne sont pas pédophiles…. Ensuite, Benjamin Barbaud, l’organisateur du Hellfest, développe un point de vue subtil et parvient à défendre sa propre chapelle avec un certain brio… mais tous ses arguments, aussi solides et rationnels soient-ils, ne survivent pas à l’intervention suivante : nos reporters TF1 tombent nez-à-groin et comme de par hasard, avec un groupe de Black Métal sataniste nommé Watain, groupe de blaireaux notoires, autoflagellés avec des orties et des ronces eux-aussi, comme le père Moncul, à la différence que dans leur cas, c’est juste parce que c’est rigolo et follement black-métallique d’avoir mal. Ainsi, Watain s’exclame « Notre Dieu est le diable », juste avant d’entrer sur scène, tout en se barbouillant de sang de porc sacrifié du jour… alors que retentit sur la scène, leur intro d’orgue cheap qui rappelle l’air joué par le méchant Ganon dans « Zelda Ocarina of time ». Ils s’écrient une dernière fois « Heil Satan » juste avant leur prestation scénique, pour valider la certitude d’avoir l’air cons sur TF1, et de nous en faire tous profiter.
On apprend ensuite (puisqu’il s’agit d’un documentaire pédagogique sur le Hellfest… l’intérêt pour TF1 n’étant pas de faire du sensationnel) que les catholiques locaux, afin de protéger leur communauté, auraient enterré sur le site du festival, des crucifix, médailles pieuses et autres Cross-Toys bénis destinées à éloigner le malin… ainsi, il est temps de lancer notre grand jeu Radio Metal, en partenariat avec le Hellfest : lors de l’édition 2011 du Festival, vous êtes tous conviés à emmener avec vous, votre pelle et votre pioche pour la grande chasse aux trésors sacrée!!!! Faites confiance à votre intuition et creusez ici et là, sous la couche de vomi et de terre argileuse pour découvrir de véritables objets saints en plaqué or, que vous échangerez contre des bons-cadeaux valables sur tous les articles arborant une croix de fer, pentagramme ou autre croix renversée! C’est à vous, et que la chance divine vous accompagne! Jeu gratuit et sans obligation de baptême. Outils de forage motorisés chiens truffiers et baguettes de sourcier interdits.
Pour en finir avec l’affligeance de ce documentaire Téèfuneste, signalons à titre plus anecdotique et positif, l’intervention finale du reportage que l’on doit à Patrick Roy, illustre homonyme du regretté présentateur du Juste Prix et d’une Famille en Or, dont les penchants artistiques étaient sans doute beaucoup plus aléatoires, mais dont le brushing était indiscutablement mieux ajusté. Patrick Roy, donc, député du Nord, affirme avec une certaine conviction son attachement historique aux valeurs du rock n’roll, ce que n’aurait pu contredire son propre costume s’il avait pu s’exprimer autrement que par l’éclat bigarré de ses couleurs pastels, qui constituent chaque semaine dans l’hémicycle parlementaire, la contre-offensive socialiste aux agressions esthétiques des tailleurs de Roselyne Bachelot. Quoi qu’il en soit, on peut se féliciter, en tant que contribuable, du fait que toutes les personnalités politiques n’aillent visiblement pas puiser dans les comptes publics pour se payer des costards chez Cerrutti. Plus sérieusement, Patrick Roy est sans le moindre doute un véritable défenseur de nos valeurs… il est proprement impensable qu’il déguise sa pensée en disant soutenir le Hard-Rock… et pourquoi cette confiance absolue envers un homme politique… socialiste de surcroît ? Très simplement parce qu’un élu qui défendrait sa conviction dans une logique électoraliste et démagogique saurait trouver une cause bien plus fédératrice auprès des ménagères, que l’appui désespéré aux quelques milliers de chevelus impopulaires, inquiétants et poilus sous les aisselles que nous sommes. Car, regardez-vous dans une glace et, même sans maquillage à la Immortal, vous conviendrez comme moi que les bébés phoques sont plus croquignolets et charmants que nous. Ainsi, Jack Lang a laissé une empreinte politique éternelle en promouvant les Défilés-gay et la fête de la musique… là où Patrick Roy a choisi la cause ingrate, anti-populaire mais intègre. Et nous l’en remercions tous.
Pour ma part, tout ce que j’ai à dire au chapitre des arguments inattaquables, concernant l’intérêt du métal dans la société, sa dangerosité ou son influence perverse…. c’est que tant qu’on écoute du métal, on claque pas l’argent du ménage au bistrot. Hein…? J’ai raison ou pas?
Non mais vraiment, Matt, c’est excellent; ça fait trois fois que je l’écoute, ta chronique, je suis morte de rire de voir comment tu as su, avec tant de subtilité, tailler un costume haute couture de surcroit !! à tous ces empêcheurs de tournée en rond.
Vive le hellfest, le métal, les métalleux !! et vive toi, mon Matt
Bisous..
mega fou rire , et puis non on claque pas au bistrot , mais au fest et la ca fais mal ….
Enorme !!!!! Matt je t’aime !!! ptdr