Afin de comprendre la démarche de MOPA et comment ce trio atypique a réussi à taper dans l’?il de Ross, nous les questionnerons ce soir dans Anarchy X.
Dans votre bio, vous vous définissez comme un groupe de « piano core ». Qu’est-ce que vous entendez par là ?Mika : En fait, nous n’y sommes pour rien dans cette étiquette. C’est tout le côté marketing qui a pris la décision de la définir ainsi. « Piano core » signifie que la musique tourne autour d’un piano avec un côté rock’n’roll porté par une batterie qui n’a rien de jazz et moi, au chant, qui utilise un registre un peu… sauvage (rires). Après, cela peut être piano romantique, hardcore, grunge, post punk…
On parle partout de « piano core » autour de MOPA. Serait-ce également que les gens inventent une étiquette car ils n’arrivent pas à définir votre musique qui est plutôt originale ?C’est en partie vrai. Il y a aussi le fait de devoir résumer le style en deux ou trois mots. C’est très difficile de parler d’une musique, en particulier MOPA en si peu de mots. Du coup, des gens ont inventé « piano core » pour nous définir, ce qui n’est pas bête dans l’idée. On a aussi vu une autre étiquette de « post piano rock » qui est assez parlante puisque l’on est un groupe qui utilise un piano à la place des guitares et basse avec un côté post rock/post hardcore.
Justement, votre formation est plutôt originale. Etes-vous les premiers à proposer cette formule piano-batterie-chant ?Lorsque l’on a fondé MOPA, on n’a pas cherché si d’autres formations de ce type existaient. C’est après coup que l’on a découvert qu’un groupe tchèque plus jazz/rock avait le même style de formation mais rien à voir avec le style musical que peut offrir MOPA. On peut donc considérer que la formation est plutôt originale mais ce n’est pas vraiment cela qui nous importe le plus, puisque ce n’est pas cet argument qui apportera de la bonne musique. C’est ainsi que l’on est très content d’avoir réussi à faire quelque chose avec cette formation mais c’est loin d’être un étendard pour nous.
Si ce n’est pas le côté original de cette formation qui vous traversait l’esprit, comment vous est-il venu l’idée de ce concept ?De mon côté, j’avais juste l’envie de faire valoir aux yeux du public les compositions de Tristan (piano) qui n’y croyait pas trop au démarrage. A l’inverse, j’aimais beaucoup la force des musiques qu’il écrivait. Tristan aimait ma façon de chanter et a un background très rock puisqu’il est très influencé par Kurt Cobain. Tout ça a amené à ce que l’on joue ensemble d’un côté pour l’envie commune mais de l’autre une volonté de Tristan de « foutre un peu la merde » dans le mileu rock/punk. Etant technicien, il trouvait que tout se ressemblait dans ce milieu à force de voir des concerts où il travaillait.
Il y a un côté très noir et dépressif dans la musique de MOPA. Pourquoi une telle couleur ?Ca vient de l’intérieur comme dirait Johnny Hallyday (rires). Plus sérieusement, on a tous une partie sombre au fond, sauf qu’elle est peut-être plus développée chez nous. A la base, MOPA était un terrain d’expériences pour exorciser toute cette noirceur, il fallait donc la tirer au grand jour pour pouvoir coller à un esprit romantique du piano et du jeu de Tristan. Cela a fait ressortir un côté dramatique, violent et rock’n’roll. Après, je ne m’estime pas plus malheureux qu’un autre!
Arrivez-vous à vous imposer dans le milieu metal/rock avec cette musique sans guitares ?Le passé nous a prouvé que oui dans le sens où tous les concerts que l’on a fait étaient dans un milieu très screamo, très hardcore et ce, par delà la France. Tous les groupes avec lesquels on jouait étaient violent avec des guitares/basse, on était donc les OVNI au milieu de l’affiche. Malgré tout, même si les gens étaient dubitatifs devant le projet au démarrage, surtout car l’on est tous assis pendant nos prestations, ils se rendaient vite compte de notre sincérité sur scène et nous respectaient. Les retours ont été rapidement positifs et une sorte de buzz s’est formé autour de nous en France.
Vous jouez donc tous assis. Je peux comprendre pour le piano et la batterie mais pourquoi toi également ?Cela vient des répétitions. J’étais le seul debout donc, mais au bout de 3h, tu en as vite marre d’être debout alors que les autres sont tranquillement posés. Du coup j’ai fini par m’asseoir et j’ai beaucoup apprécié être au même niveau que mes comparses. Sans compter que cela renforçait me donner une impression de nihilisme, de misanthropie qui correspond bien à ce que dégage la musique de MOPA. En plus, on veut vraiment que le groupe soit jugé par sa musique seule et non ses membres. Je ne veux pas être un frontman mais être logé à la même enseigne que les deux autres membres.
Le fait de pratiquer ce style de musique doit vous offrir pas mal de possibilités sur les groupes avec qui vous jouez. On peut autant vous voir avec un groupe de rock/metal qu’un groupe d’horizons différents, plus jazzy par exemple.La voix pose quand même pas mal de contraintes de ce côté là, surtout en France où la musique et chant saturés sont mal perçus. Par contre, cela nous ouvre des portes dans le noise qui n’est pas réellement un style à connotation brutale. La plupart des gens préfèrent surtout le côté instrumental de MOPA et ne perçoivent pas le groupe comme quelque chose de « frontal ». C’est pourquoi l’on nous a souvent mis avec des groupes instrumentaux ou post rock avec des tempos vraiment lents. Je trouve ça intéressant car nos influences ne sont pas que brutales.
Un « argument de vente » autour de MOPA est que vous avez été découvert par Ross Robinson, producteur de Korn et Slipknot entre autres. Comment s’est passé cette rencontre ?C’est tout simplement la magie de Myspace. On lui a envoyé une demande d’ami et le lendemain, on a retrouvé un message de lui nous disant qu’il trouvait notre musique merveilleuse et nous demandait si l’on désirait qu’il nous aide. Au début, on croyait vraiment que c’était un canular mais c’était bel et bien vrai. Puis de fil en aiguille, ça a passé de Myspace au mail perso, au mail perso au téléphone, puis la visioconférence. Lorsque l’on a trouvé un financeur courageux, on a pu partir à Los Angeles pendant 2 mois pour faire notre album Amen en janvier 2008. On a été vraiment chanceux, surtout que c’est Robinson lui-même qui nous a sollicité et non l’inverse. De toute façon, c’est lui qui choisit les groupes qu’il veut produire.
Pourquoi Los Angeles ? Un studio en France ou en Europe n’aurait pas pu faire l’affaire ?Avec Ross Robinson, c’est le groupe qui se déplace, ce n’est pas lui qui partira 2 mois loin de chez lui. C’est comme ça (rires)!
Comment se sont passés ces 2 mois à Los Angeles ? Ça a du être un certain périple, qui plus est pour enregistrer son premier album…Oui, après personnellement cela fait 14 ans que je fais de la musique, j’ai eu divers projets musicaux et j’ai entre 500 et 600 concerts dans les pattes. Donc on n’est pas nés de la dernière pluie. Mais c’est certain que pour un projet qui déboule pour faire un premier album, c’est quand même quelque chose d’assez fou. Humainement avec Ross, ça se passait très bien donc on a pu rester chez lui dans son loft pendant les 2 mois. On était à Venice Beach, à Los Angeles, face à l’océan pacifique. Il y avait donc un peu un coté « american dream ». Mais quand on était en répétition, ce n’était pas pour faire semblant. Ross fait exprès de te pousser à bout. Il fait exprès de te déstabiliser et de te fatiguer. C’est la raison pour laquelle beaucoup de groupes ne veulent plus enregistrer avec lui, car il te met à mal. Après, à toi d’accepter ce qu’il dit et d’encaisser ou pas.
Y a t-il eu parfois des conflits?Il y a forcément des échanges. Après, non, il n’y a pas eu de conflit car nous sommes des personnes assez posées et lui même était excessivement posé. Tout s’est fait dans le dialogue. Après il avait aussi le passif pour lui qui fait qu’on l’écoute plus qu’un autre. J’avais été subjugué par son travail avec Max Cavalera entre Chaos A.D. et Roots, pareil avec At The Drive In. Quand ce genre de personne te donne des conseils, soit tu l’envoi balader et alors tu es un abrutis ou alors tu écoute ce qu’il te dit. C’est le genre de personne qui a vraiment à t’apprendre. Il y a eu 15 jours de répétitions lourdes : de 7 à 8 heures par jour pour se mettre les morceaux dans les jambes. Pendant tout ce temps la Ross est dans cette salle exiguë en même temps que toi. Et puis il y a les session de « chirurgie mentale ». Il est pendant une heure, lumière éteinte, avec toi pour savoir ce que tu veux dire dans tes chansons, quelle énergie tu veux développer dans tes chansons et pour voir si tous les membres du groupe sont en phase. Le but est de te fragiliser. Car il estime que si tu es fragilisé tu va développer quelque chose de beaucoup plus émotionnel. Il estime qu’on se révèle beaucoup plus dans l’adversité, dans la douleur, dans l’effort que dans la facilité. Si j’avais fait ça il y a huit ans je pense que je ne m’en serais pas remis.
Tout a été très rapide pour MOPA. Y a-t-il eu de la jalousie par rapport ça ?Bien sûr. Personnellement, je le vis bien. Ça fait 14 ans que je fais de la musique et donné pas mal de concerts. Les autres également donc on estime que l’on a déjà pleinement payé le tribut de l’apprentissage et que l’on pouvait se permettre de griller des étapes avec MOPA. Après, c’est vrai que l’expérience a Los Angeles nous a fait évolué mais on garde quand même la tête froide. On joue dans des clubs et non des stades, on a des conditions de tournée pas toujours simple comme tout le monde. On n’est pas des géants en somme. Tout ce qu’on veut, c’est être jugé pour notre musique, pas pour notre exposition médiatique.
Ross Robinson est un producteur éminemment reconnu et doit coûter cher. Comment cela s’est-il passé sur le plan financier ?C’est Kertone Production qui a fourni beaucoup de moyens financiers pour produire l’album. C’était vraiment courageux de leur part puisque l’on est un groupe novateur donc un pari risqué. D’autant plus que Kertone était quasiment la seule boîte à nous soutenir dans cette entreprise, tous les autres avaient réellement peur de se planter, même s’ils appréciaient notre musique. Gloire à eux! (rires) Il faut se dire que sans argent, il n’y aurait pas eu de Los Angeles et de Ross Robinson.
Au niveau concert, vous avez fait la première partie de Metallica à Nîmes. Comment ça s’est passé ?C’était franchement fou! Déjà, j’ai vu des gros groupes aux arènes de Nîmes comme Radiohead ou Rammstein qui ont des shows énormes. Je considère donc cet endroit comme un lieu magique et avoir la chance de se produire là-bas, c’est tout simplement génial! Et puis, Metallica, c’est toute ma jeunesse. Ce que l’on craignait le plus était le public mais globalement, on s’en est bien tiré puisqu’on ne s’est pas pris des canettes dans la gueule. Juste quelques sifflets de certains qui voulaient de la grosse guitare, chose que l’on est pas apte à leur fournir. Le public a été très respectueux et on a gagné un nouveau public. C’est là que je me dis que les gens sont beaucoup plus ouverts aujourd’hui.
Comment avez-vous réussi à décrocher cette première partie ?Eh bien, une grosse boîte française nous a contacté car ils aimaient notre musique. Il s’avère que ce sont les mêmes tourneurs que Metallica et ils nous ont donc proposé d’en faire la première partie.
Avez-vous eu des échos sur ce qu’a pensé Metallica de MOPA ?J’ai entendu que Lars Ulrich avait vu notre prestation et avait bien apprécié le jeu de notre batteur. Après, je ne sais pas si c’était sincère ou s’il dit ça à tous les groupes de premières parties. J’espère que c’était sincère en tout cas.
Vous avez eu beaucoup de dates, notamment en France, au cours de mars/avril et vous allez enchaîner en septembre avec une tournée aux Etats-Unis. Pas trop dur d’avoir un rythme aussi soutenu ?Ce n’est pas évident, surtout que l’on ne vit pas de notre musique. On a un job à côté, voire une famille, des enfants… C’est difficile de tout concilier mais faire des tournées, c’est quelque chose de magique même si les conditions ne sont pas toujours roses.
C’est plutôt rare de voir un jeune groupe avoir des tournées de cette envergure. Qu’est-ce qui explique cet engouement? Le fait d’être produit par Ross Robinson ?J’avoue que l’étiquette Ross Robinson nous ouvre des portes dans le sens que des oreilles se posent sur la musique de MOPA alors qu’elles n’auraient pas forcément été posées sans cette étiquette. Après, il y a vraiment beaucoup de travail autour du groupe, beaucoup de personnes motivées pousse le projet de manière folle. Le nombre d’heures pas semaine et même par jour passées pour MOPA est réellement hallucinant, il faut le dire.
Dernière question: que signifie ce nom de groupe: My Own Private Alaska?Cela vient du film My Own Private Idaho de Gus Van Sant. C’est un film à la fois puissant et fragile qui correspondait un peu à ce que l’on voulait faire. Le seul problème venait de Idaho, on voulait quelque chose de plus froid et déshumanisé comme nom d’Etat. L’Alaska est certainement l’Etat le plus dur de ce côté là que l’on visualisait. En plus, le nom sonnait bien.
Interview réalisée Spaceman et Dimebag.
Salut à vous deux,
Merci pour votre réactivité, c’est cool !
En tout cas, vous faites pas de bile les enfants, ça arrive à tout le monde 😉
Portez-vous bien,
Tristan/MOPA
Désolée Tristan pour l’erreur, j’en suis responsable 🙁 (bon eh bien maintenant il reste plus qu’à me virer 🙂 )
Salut Tristan, merci pour ton message.
Pas de souci pour l’erreur, ça a été rectifié.
Salut, ici Tristan le pianiste de MOPA.
Belle interview, merci à vous !
Je souhaitais simplement rectifier une petite erreur:
Ce n’est pas Jerkov production qui nous a permis de financer l’album, mais bien KERTONE PRODUCTION.
Merci de faire le nécessaire pour rectifier cette erreur.
Jerkov Musiques étant notre tourneur, pour tout dire.
A bientôt !
interview super intéressante!
Enfin c’est MiLKa et non Mika
Mika, c’est Mathieu de Psykup non ? Ah, je suis en train d’écouter, oui, c’est lui !!!