La carrière solo de Myles Kennedy est désormais bel et bien lancée. Après un Year Of The Tiger intimiste et une tournée qui s’est ensuivie, il a profité du temps mort dû à la pandémie pour plancher sur une suite et étendre ses horizons. The Ides Of March n’est pas une simple copie de son prédécesseur. C’est plus une sorte de réaction à celui-ci et surtout à une envie de renouer avec son premier amour, la guitare lead. Myles Kennedy monte le son mais reste dans une forme de nuance, allant explorer les diverses ramifications du rock américain. C’est l’album d’un musicien qui se fait plaisir, s’épanouit et s’adonne à des explorations autrement impossibles dans ses entités principales.
Nous avons échangé avec le musicien pour qu’il nous explique tout ça et nous parle du rapport chez lui entre la guitare, qui est son instrument de prédilection, et le chant, qui est venu dans un second temps un peu par nécessité. Il nous parle également de la nécessité de prendre du recul et de garder espoir durant les temps difficiles, sorte de leitmotiv du disque.
« La raison en partie pour laquelle Jimmy Page est si génial, c’est qu’il a été musicien de session et qu’il devait être bien instruit dans un certain nombre de genres musicaux. Je voyais ça comme un modèle et j’ai choisi de passer beaucoup de temps à essayer de faire le même genre de choses que lui. »
Radio Metal : The Ides Of March est clairement un album de rock plus « bruyant » si on compare à ton premier album solo, qui était plus intimiste, acoustique et folk. Etait-ce une réaction directe à Year Of The Tiger ?
Myles Kennedy (chant & guitare) : Je pense que c’était simplement une… je n’ai pas envie de dire évolution nécessaire, mais sur Year Of The Tiger, quand nous avons tourné pour le promouvoir, nous avons changé les arrangements pour mieux les adapter à l’environnement live, et nous avons aimé monter le son et jouer plus de guitare. Je me suis donc dit que ce serait intéressant et un bon défi de faire un album dans cette veine d’un point de vue arrangement. Donc oui, c’est clairement un album plus bruyant, plus électrique et plus dominé par la guitare. D’un autre côté, le mot clé c’est « explorer ». Quand je commence à écrire un album, j’aime regarder le tableau sonore et me dire : « D’accord, allons par là et voyons ce qui se passe. » Généralement, j’essaye d’éviter de faire deux albums d’affiliée qui sonnent identiques, même si c’est déjà arrivé par le passé et que ça arrivera à nouveau, mais je veux essayer de définir chaque période. C’est assez important à mes yeux.
The ides Of March est un album très varié et qui possède un peu toutes les nuances de rock, allant du pur hard rock au blues, au folk, à la soul et à la country. Est-ce un aperçu complet de qui est Myles Kennedy en cinquante-deux minutes ?
Oui. Je suis assez… le terme que j’utilise toujours c’est « schizophonique ». Ce que ça veut dire, c’est que j’ai toujours embrassé un certain nombre de genres musicaux différents. Comme la palette musicale de ce que j’écoute est très variée, je me retrouve à l’explorer davantage dans mes albums solos. Il est clair qu’il y a des genres musicaux que je ne peux pas faire dans Alter Bridge ou avec Slash And The Conspirators. C’est le but des albums solos. Tu fais des albums et des choses que tu n’as pas l’occasion de faire en temps normal. J’ai envie d’explorer ça au maximum de son potentiel sur chacune de mes entreprises solos.
Dirais-tu que c’est devenu une nécessité aujourd’hui, pour ton propre épanouissement, de faire des albums solos ?
Incontestablement. Faire des albums solos et explorer ces ramifications, en termes de genre, ça me donne l’occasion de vider mon sac avant de retourner aux entités pour lesquelles je suis connu, que ce soit Alter Bridge ou Slash And The Conspirators. Je ne vais pas composer un album avec Mark [Tremonti] et préparer un album d’Alter Bridge en disant : « Oh, il faut qu’on fasse ce truc bluesy parce que je n’ai pas pu l’exprimer ailleurs. » Je balance tout dans mon univers solo et ensuite je vais dans mes autres entités établies et je fais ce pour quoi celles-ci sont réputées. C’est utile et très bénéfique pour moi.
Cet album est presque un résumé de l’histoire du rock américain. Te considères-tu particulièrement bien instruit sur cette histoire ?
Dans une certaine mesure. Il y a certainement des gens qui sont beaucoup plus instruits dans ce domaine voire qui sont de véritables musicologues, y compris parmi les gens et autres artistes avec qui je traîne. Je me souviens d’un coup où j’ai traîné avec Warren Haynes de Gov’t Mule, je l’écoutais parler de l’histoire de la musique américaine et j’étais vraiment épaté par l’étendue de ses connaissances. Pour ma part, j’ai suffisamment de connaissance et d’appréciation, et j’ai suffisamment passé de temps à écouter un tas de styles pour pouvoir les interpréter à ma manière. Les documentaires et l’histoire de la musique m’attirent beaucoup. J’ai toujours beaucoup aimé ça, l’histoire du jazz, du blues et tout. Je pense que le fait d’avoir cette curiosité m’a beaucoup aidé dans le sens où je ne m’abreuve pas seulement dans la mare des musiques contemporaines et où je ne m’abreuve pas seulement des vieilles formes historiques de musique. J’ai toujours sauté de l’un à l’autre, en essayant de tout assimiler et de créer quelque chose qui me ressemble. Après avoir passé du temps à apprendre, comprendre et absorber, tu emmagasines toute ces informations et tu fais quelque chose qui est toi. C’est très important pour moi.
« C’est plus une question de me soulager d’un poids et de m’exprimer, pour ensuite me remettre sur Alter Bridge en comprenant que c’est le moment de revenir à une approche plus traditionnelle parce que c’est ce à quoi s’attendent les fans. »
Au sein de ce vaste éventail de rock, que considères-tu être tes vraies racines en tant qu’artiste ?
Là où tout a commencé pour moi en tant que musicien rock, c’était lors de mon premier contact avec Led Zeppelin, ça a vraiment eu un profond effet sur moi. C’est en partie ce qui a déclenché mon intérêt dans un certain nombre de styles, car ce que j’ai remarqué dans leurs albums, c’était leur capacité à prendre de vieilles musiques américaines traditionnelles et blues, ainsi que des chansons et genres musicaux venant d’autres parties du monde, en conjonction avec leur propre histoire en Angleterre, la musique celtique et autre, pour finalement s’approprier tout ça. Donc je pense que cet amour, cette compréhension et cette exhaustivité… Tu sais, la raison en partie pour laquelle Jimmy Page est si génial, c’est qu’il a été musicien de session et qu’il devait être bien instruit dans un certain nombre de genres musicaux. Je voyais ça comme un modèle et j’ai choisi de passer beaucoup de temps à essayer de faire le même genre de choses que lui. Le résultat était évidemment très différent, mais c’est cet état d’esprit général que j’ai appris d’eux en particulier.
Tu as dit plus tôt que le mot clé c’était « explorer ». Explorer, ça signifie découvrir : qu’as-tu découvert à propos de la musique et de toi-même en faisant cet album ?
Je pense qu’à bien des égards, j’ai redécouvert à quel point j’adorais jouer de la guitare. Ça m’avait beaucoup manqué, même si je joue de la guitare, y compris des leads, dans Alter Bridge. Le fait de pouvoir rentrer dans ce domaine où tout repose sur tes épaules et où tu peux dicter le type de progression d’accords sur lequel tu vas jouer et le feeling, le style, c’est comme si tu étais un cheval de course et que ton cavalier lâchait les reines, et que ça te démangeait de galoper partout comme tu veux sur le circuit. C’est l’éclate ! Je pense qu’en faisant et composant cet album, j’ai réalisé qu’avec le temps, j’ai envie de jouer beaucoup plus de guitare, car la guitare est vraiment mon instrument de cœur. Je ne discrédite pas le chant, car je suis très reconnaissant d’avoir ça – plus que reconnaissant, pour être honnête avec toi – mais j’ai commencé en tant que guitariste et j’ai certainement envie de davantage intégrer ça avec le temps.
Est-ce que ça a été une frustration pour toi de ne pas pouvoir plus exploiter cette partie de ta musicalité ?
C’est certainement… Je ne sais pas si le mot « frustrant » est le bon, mais j’ai certainement conscience de… Voilà comment je vois les choses : quand j’étais enfant, dans un tas de groupes que j’aimais beaucoup, il y avait le frontman et ensuite un gars vers qui ton attention se déportait au milieu de la chanson. Il y a cette approche qui a fait ses preuves avec le temps, en particulier dans le rock n’ roll, c’est-à-dire cette relation entre chanteur et guitariste lead, bien qu’il y ait eu des gars qui faisaient les deux, et c’est cool aussi. Je pense que comme je fais partie de ceux qui appréciaient et comprenaient cette dualité et cette alternance entre deux personnes, et qui l’embrasse aussi… J’aime ça. Je trouve que c’est important pour le fan. En revanche, quand je me mets en solo, c’est le moment où je me dis : « D’accord, faisons les deux et ce sera pour toi plus que pour le fan. » Il y a clairement plus ce mode pensée. C’est un petit peu plus une… je n’ai pas envie de parler d’entreprise égoïste, mais c’est plus une question de me soulager d’un poids et de m’exprimer, pour ensuite me remettre sur Alter Bridge en comprenant que c’est le moment de revenir à une approche plus traditionnelle parce que c’est ce à quoi s’attendent les fans.
« Je savais que je pouvais chanter quand j’étais enfant, mais je n’y pensais pas trop. Pour être honnête avec toi, je pensais que tout le monde pouvait chanter. »
Comme tu l’as dit toi-même, tu n’as jamais eu l’intention d’être chanteur au départ. Comment et quand as-tu découvert que tu pouvais chanter, et que tu avais une très bonne voix, et ensuite décidé d’être chanteur ?
Je savais que je pouvais chanter quand j’étais enfant, mais je n’y pensais pas trop. Pour être honnête avec toi, je pensais que tout le monde pouvait chanter. J’allais à l’église tous les dimanches, car mon beau-père était un pasteur méthodiste et j’entendais tous les fidèles chanter. Je n’analysais pas, je ne prenais pas les gens un par un en pensant : « Oh, cette personne chante faux ou cette personne je ne sais pas quoi. » C’était juste : « Oh, tout le monde peut chanter ! » Donc je considérais ça comme un acquis. Je pense que j’ai su quand j’avais seize ans et que j’ai joué mon premier concert devant des gens avec une guitare, dans un groupe de rock. C’était à l’occasion d’un tremplin et dans le groupe dans lequel j’étais, chaque gars se relayait pour chanter. J’ai donc chanté une chanson, puis un de mes amis chantait une autre chanson ou deux, etc. Je crois que nous avons fait un total de cinq chansons lors de ce truc. Nous avons joué et quand j’ai chanté, je me souviens que les gosses dans le public semblaient beaucoup aimer. J’ai pensé : « Oh, c’est intéressant. » Je ne savais pas quoi en faire et c’était un peu la dernière fois que j’ai chanté avant quelques années. Puis j’ai intégré un groupe avec un vrai chanteur et c’est lui qui chantait toutes les chansons. C’est quand j’ai commencé à écrire mes propres chansons complètes – c’est-à-dire pas seulement les riffs de guitare et les progressions d’accords, mais aussi les textes, les mélodies et tout ça – que je me suis dit : « Bon, je suppose que je devrais apprendre à faire ça moi-même » et je n’ai jamais vraiment regardé en arrière.
Est-ce que le fait d’être chanteur affecte ton jeu de guitare lead ? Penses-tu qu’une dynamique se crée entre les deux ?
Oui, quand je joue des solos, j’ai tendance à les entendre presque comme des parties vocales, c’est-à-dire qu’il y a un côté mélodique que j’aime équilibrer avec une effervescence de notes, si j’ai envie de faire une envolée ou quelque chose de plus technique. Je reviens toujours à une forme de mélodie et à un truc émotionnel. Je ne suis pas très fan des jeux de guitare super rapides et super techniques. J’ai toujours écouté des gars comme Billy Gibbons ou David Gilmour en trouvant ça beaucoup plus efficace qu’une effervescence de notes ou que faire de la vitesse pour la vitesse. Surtout quand tu assistes à un concert dans une arène ou quelque chose comme ça, ça semble mieux passer qu’une tonne de notes, car les trucs super rapides et techniques se perdent, ça se réverbère et c’est dur de comprendre ce qui se passe, on voit juste que les doigts bougent très vite. Donc oui, c’est une question d’équilibre pour moi. J’aime intégrer un peu de technique, mais j’aime surtout ce qui est émotionnel et mélodique. De même, quand je fais un lead, je le chante pendant que je le joue ; par exemple, le solo du milieu dans « The Ides Of March », c’était clairement quelque chose que j’ai chanté dans ma tête pendant que je l’ai joué. J’ai appris ça en regardant des gars comme George Benson et en écoutant des jazzmen comme Oscar Peterson au piano. Car quand Oscar jouait un solo, même si c’était assez technique et rapide, on pouvait l’entendre chanter tout ce qu’il jouait. Donc je pense que c’est très important.
Tu as déclaré que « musicalement, cet album [t’a] permis de continuer de [te] donner des défis. En faisant ça, [tu] espère[s] que ça [t]’aidera à évoluer non seulement en tant que musicien, mais aussi en tant qu’être humain. [Tu es] un travail en cours ». Penses-tu que l’art joue un rôle essentiel dans la construction d’une personne ?
En ce qui me concerne, oui. Je pense que quand tu as un exutoire comme la musique ou si tu fais de la peinture ou peu importe quoi, tu prends constamment des choses autour de toi et ensuite tu les interprètes et les mets dans ton art, et au travers de cette recherche et cette introspection constantes, tu apprends sur toi-même, sur qui tu es et sur ta propre constitution. Ça m’a été très utile en tant qu’être humain. J’en suis reconnaissant. En fait, je ne sais pas ce que j’aurais fait sans cet exutoire. C’est pourquoi je milite autant pour que les enfants aient l’occasion de jouer de la musique à l’école ou ailleurs, pour qu’ils puissent y être exposés si c’est ce qu’ils veulent faire, si c’est leur ADN. Personnellement, ma vie serait très différente et très vide si je n’avais pas cet exutoire.
« Ce que j’ai appris au fil des années, c’est que, souvent, ces parties musicales façonnées par un état de rêve finissent par devenir très importantes dans les albums. […] Je prends les idées qui me viennent en rêve très au sérieux. »
La chanson éponyme est assez épique et ce qui est intéressant, c’est que les premiers éléments de ce morceau te sont venus dans un rêve. A quoi ressemblait ce rêve ?
Je ne me souviens même pas de quoi il s’agissait sur le plan visuel, je me souviens juste de m’être réveillé en entendant ça [chante] : « Well just beyond the blue horizon… » Ce n’était pas les paroles à ce moment-là, car je n’avais encore rien défini, mais en entendant cette mélodie, je me souviens que j’étais en train de regarder le plafond en me disant que je pourrais rester allongé là pendant encore quinze minutes ou alors que je pourrais me lever et essayer d’enregistrer ça et de m’assurer de m’en souvenir. Tu sais comment c’est quand tu sors d’un rêve, au départ tu t’en souviens, puis tu l’oublies complètement d’ici la mi-journée. Je ne voulais pas perdre cette occasion d’avoir une chanson, car ce que j’ai appris au fil des années c’est que, souvent, ces parties musicales façonnées par un état de rêve finissent par devenir très importantes dans les albums. Il y avait une chanson datant de plusieurs années dont le refrain m’est venu d’un rêve. Elle s’intitule « Standing In The Sun », c’était avec Slash And The Conspirators sur l’album Apocalyptic Love. C’est devenu un single et tout. Nous étions en tournée avec Ozzy en 2010 et je crois que nous étions à Phoenix, en Arizona, ici aux Etats-Unis. Je me souviens que j’étais dans cet état de rêve, en train d’émerger progressivement en entendant [chante la mélodie]. Je ne sais pas ce que c’est, mais il y a quelque chose là-dedans. Il y a une forme de clarté au moment où tu es en train de te réveiller et de sortir d’un rêve que tu n’as pas le reste de la journée. Donc je me souviens que j’ai enregistré ça, j’ai joué la progression d’accords. Puis lorsque Slash et moi étions en train de composer cet album, il avait une partie musicale pour un couplet, et j’ai pensé : « Eh, j’ai ce truc qui m’est venu en rêve, essayons ça ensemble. » Ca a bien fonctionné et c’est devenu un single et une chanson importante dans l’album. Donc je prends les idées qui me viennent en rêve très au sérieux.
L’album a été réalisé en pleine crise sans précédent due à une pandémie. Quels ont été les impacts de cette situation sur la réalisation de cet album ?
Je pense que le plus gros impact a été que ça m’a donné énormément du temps pour rester focalisé sur l’écriture, ce que je n’aurais pas eu en temps normal. J’ai voulu profiter du mieux possible de ce temps libre, car tout d’un coup, je n’étais pas dans une situation, du genre : « Oh, tu as un concert dans deux heures » ou « Tu dois voyager pour aller ici ». J’allais être à la maison à moyen terme, or vu que je suis… Je ne sais pas, une fois que je commence quelque chose, une fois que je sais qu’un truc doit être fait, je suis plutôt bon pour m’y tenir. C’est sympa de ne pas avoir de distractions et de pourvoir mener à bien et concrétiser une vision avant de passer à la suite.
Sur le plan des thèmes, l’album s’inspire de ce qu’on a collectivement vécu au cours des quelques dernières années, tandis que le titre de l’album est une référence au Jules César de Shakespeare. Comment lies-tu cette tragédie historique de Shakespeare et le monde dans lequel on vit actuellement ?
Pour moi, cette phrase « prends garde aux ides de mars » a toujours eu un côté prophétique. La genèse de ces paroles a été posée sur papier en mars ou avril 2020 et il y avait beaucoup d’incertitude, et certaines questions devenaient de plus en plus répandues au sein de la société sur le tournant que les choses pourraient prendre ou pas. Pour moi, ces paroles impliquent une sorte d’avertissement que les choses pourraient possiblement mal tourner et qu’il faut prendre ça au sérieux. Ça c’est la première moitié de la chanson, c’est le récit, les potentialités sombres du moment. Mais ce que j’aime dans la manière dont la chanson se termine, c’est que la coda est très exaltante et ça nous rappelle que le sang-froid prévaut durant les périodes de changement, et l’idée de garder un certain recul, une certaine compréhension et une certaine capacité à communiquer, et qu’au final les choses vont se résoudre, plutôt que d’avoir cette horrible conséquence. C’était important. Je voulais finir sur une note positive.
« Il faut aussi que je me souvienne de rester optimiste et de toujours avoir cette lueur d’espoir [car] j’ai toujours été un peu du genre à voir le verre à moitié vide, un peu pessimiste. […] C’est un monde sombre et étrange, et je refuse de baisser les bras et de ne pas m’accrocher à une sorte d’étincelle, comme quoi les choses vont toujours s’améliorer. »
Ça rejoint quelque chose que tu as dit au sujet du premier single, « In Stride ». Tu as déclaré qu’il « sert à se rappeler qui faut se détendre et garder du recul durant ces temps étranges ». Penses-tu que les gens ont sur-dramatisé la période qu’on vit ?
Non, je ne pense pas qu’ils ont sur-dramatisé, mais je pense que c’est pour moi… Cette chanson se rapporte beaucoup à moi. Je devenais tellement… je n’ai pas envie de dire obsédé, mais j’oubliais juste de rester calme, et à en juger d’autres personnes que je connais, on faisait tous la même chose, surtout au début. Quand j’ai écrit cette chanson, j’ai voulu qu’elle ait plusieurs significations différentes. C’est ainsi que j’essaye toujours d’aborder l’écriture, c’est-à-dire faire en sorte que ce soit suffisamment ambigu pour que la chanson n’ait pas une durée de vie trop courte. Je voulais que ce soit quelque chose qui était clairement inspiré par la période que l’on vit mais qui pouvait aussi s’appliquer à n’importe quelle forme d’anxiété, en essayant d’être présent, de garder du recul et de rester calme pour avancer. Je suis sûr que c’est une chanson qui, dans ma propre vie, continuera à avoir du sens et me parlera toujours dans cinq ans, quand on sera passés à autre chose par rapport à tout ça.
Penses-tu que ce soit aussi le rôle d’un artiste en des temps comme ceux-là de ne pas jeter de l’huile sur le feu et de donner du recul ou, au moins, de l’espoir aux gens ?
J’imagine que ça dépend de chaque artiste et de l’état d’esprit et de la psychologie de chacun. Pour ma part, c’est intéressant, car en tant que parolier, généralement je n’écris pas en pensant : « Oh, j’ai envie de guérir le monde. » C’est plus que j’ai envie de me guérir moi-même [rires]. C’est un peu égoïste dans le sens où je me dis : « D’accord, je vais écrire cette chanson et le récit sera comme ci parce que je peux m’y identifier », mais il faut aussi que je me souvienne de rester optimiste et de toujours avoir cette lueur d’espoir. J’apprécie beaucoup – j’ai déjà parlé de ça auparavant concernant les paroles, en particulier celles que j’ai contribué à écrire – quand les gens disent : « Ce que j’aime c’est qu’il y a toujours un niveau d’optimisme et d’espoir dans les chansons. » C’est merveilleux d’entendre ça car j’espère que ça parle à l’auditeur, mais je sais aussi ce que ça me fait. J’ai toujours été un peu du genre à voir le verre à moitié vide, un peu pessimiste, même si on ne s’en rend pas forcément compte avec certaines chansons. Donc j’écris ces choses pour essayer de me rappeler qu’il faut voir le verre à moitié plein, plutôt qu’à moitié vide, et être optimiste et plein d’espoir, car au bout du compte, c’est tout ce qu’on a. C’est un monde sombre et étrange, et je refuse de baisser les bras et de ne pas m’accrocher à une sorte d’étincelle, comme quoi les choses vont toujours s’améliorer.
Interview réalisée par téléphone le 26 avril 2021 par Nicolas Gricourt.
Retranscription & traduction : Nicolas Gricourt.
Photos : Chuck Brueckmann.
Site officiel de Myles Kennedy : myleskennedy.com
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