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Chronique   

Myrath – Shehili


L’histoire de Myrath pourrait servir d’exemple afin d’illustrer la résilience et la faculté d’adaptation. Legacy (2016) voyait non seulement le groupe se relever après un deuil, mais également délaisser les élans progressifs, jugés trop élitistes, pour une musique plus concise et efficace, mettant en valeur sa spécificité, à savoir la culture tunisienne. Legacy est aujourd’hui l’exemple parfait du compromis qu’un groupe doit réaliser afin de voir sa popularité s’accroître sans se travestir. Myrath bénéficie aujourd’hui d’une notoriété croissante et d’une visibilité accrue qui lui a permis de se produire aux côtés de Dream Theater ou encore Symphony X. C’est un environnement bien différent qui entoure la conception de Shehili : il s’agit d’entériner le succès et de pérenniser une formule qui a désormais un nom, le « blazing desert metal ».

Non, Myrath ne revient pas à ses premières réalisations. Il faut être de mauvaise foi pour ne pas comprendre l’orientation qu’a choisie Myrath, idem pour prétendre que le groupe ne sert que de la soupe commerciale. La synthèse entre éléments accrocheurs et plans audacieux est parfaitement maîtrisée par le groupe, Shehili n’a pas à pâlir devant Legacy sur cet aspect, bien au contraire. Surtout, l’exubérance de la formation est toujours présente : le groupe n’a pas peur de rentrer dans les clichés orientaux tant que ceux-ci ont des conséquences positives. L’introduction mystique « Asl » donne directement le ton : Shehili (qui signifie sirocco, vent chaud du désert) est une incitation marquée au voyage outre-Méditerranée. « Born To Survive » ne tarde pas à rentrer dans le vif du sujet en présentant cette alchimie entre instruments traditionnels, orchestrations opulentes (joués par l’orchestre national tunisien) et riffing chaloupé. Zaher Zorgati s’illustre même en scat, rappelant ainsi Jonathan Davis de Korn. La production de Shehili est supérieure à son prédécesseur, le son ayant plus de corps, œuvre de pas moins de trois producteurs : Kevin Codfert, Jens Bogren et Eike Freese. Shehili est d’ailleurs le premier album de Myrath où le batteur Morgan Berthet a réellement participé à l’écriture, et le résultat s’en ressent : que ce soit en termes de jeu ou de son, Shehili se place un cran au-dessus rythmiquement parlant, avec un groove omniprésent, flirtant parfois avec le tribal, arrangements de percussions à l’appui (« Monster In My Closet »).

Il y a beaucoup de facettes derrière la musique Myrath, la première étant cette recherche constante de l’accroche, quitte à brider les élans des musiciens : « Dance » et « No Holding Back », suite de la trilogie de clips initiée par le single « Believer », privilégient l’aspect le plus accessible, voire « tubesque », du Myrath contemporain (quitte à accuser certains excès de zèle ou laisser une impression de recette copiée-collée entre « Dance » et « Believer »). Là où Myrath prend une autre dimension sur le plan musical, c’est lorsqu’il décide d’effectuer des collaborations avec d’autres artistes, que ce soit Pierre Danel de Kadinja (autre groupe du batteur Morgan Berthet qui vient également de sortir son album Super 90’) qui apporte une touche de guitare flamenco sur certaines chansons ou le chanteur traditionnel Lofti Bouchnak, superstar dans le monde arabe, sur la chanson « Mersal ». Myrath se permet en outre de reprendre un titre berbère très connu des frères Megri, « Lili Twil », et de lui insuffler une toute nouvelle énergie.

Derrière la profusion des mélodies et des accroches, Myrath décèle nombre d’éléments qui le rattachent toujours à ses premiers amours. La structure de « You’ve Lost Yourself » entretient une forme de complexité et une dynamique, démontrant que les affinités de Myrath avec Symphony X n’ont pas totalement disparu ; on y retrouve en outre une fusion discrète entre samples électro et l’orchestration traditionnelle. La mélodie en filigrane du refrain scandé par Zaher est l’un des meilleurs arrangements de l’opus. Shehili est un palimpseste qui laisse entrevoir l’héritage musical du groupe : « Darkness Arise » a ce riffing alambiqué propre au metal progressif ainsi que les traditionnelles prouesses au clavier ; le plaisir des musiciens est particulièrement palpable lors d’un petit détour instrumental. Le morceau éponyme est quant à lui l’occasion de s’immerger et de clore l’album dans une dimension plus cinématographique riche en éléments. Shehili regorge de subtilités qui viennent contrebalancer l’apparente « simplicité » que les fans du groupe de la première heure lui reprochent parfois aujourd’hui.

Shehili est une réussite indéniable. Myrath affine et embellit ce qu’il a initié avec Legacy : il y a une honnêteté et une audace envers les influences traditionnelles, une intelligence dans les arrangements pour favoriser l’appréhension d’une audience plus vaste et l’intégrité nécessaire pour ne pas délaisser l’essence du groupe et ses origines. Certes, Myrath pourra refroidir les apôtres de la sobriété (souvent confondue à tort avec le bon goût). Quoi qu’il en soit, Myrath fait honneur à deux cultures que rien n’oppose dans Shehili.

Vidéo live de la chanson « Born To Survive » :

Clip vidéo de la chanson « No Holding Back » :

Clip vidéo de la nouvelle chanson « Dance » :

Album Shehili, sortie le 3 mai 2019 via Verycords. Disponible à l’achat ici



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