« I’ll be back ». Le festival Nancy On The Rocks, deuxième édition du nom, est de retour le 4 novembre dernier au Zénith de Nancy, avec une programmation fort alléchante et pour le moins internationale.
La palme d’or revient à la Finlande avec trois représentants, Lordi, Apocalyptica et Children Of Bodom. La Suède est également à l’honneur et arrive en deuxième position avec les filles de Thundermother ainsi que Pain, qui aura la charge de clôturer cette soirée très scandinave. Le pays au cinq Coupe du Monde nous envoie ses plus dignes ambassadeurs, en la personne de Max et Iggor Cavalera pour faire un bond en arrière avec Return To Roots. Tandis que la résistance gauloise (n’y voir aucune accointance avec un certain homme politique) est orchestrée par les locaux de Phazm.
En pleine promotion de son dernier album, Scornful Of Icon, différent de ses prédécesseurs, Phazm a la lourde tâche d’ouvrir ce festival, coincé entre l’heure du goûter et celle de l’apéro. On ressent cette envie d’en découdre, devant un public déjà bien fourni pour cette heure incongrue. La mise en place des musiciens est parfaite, Pierrick Valence harangue la salle, qui le lui rend bien. Alternant puissance et lourdeur au travers de leurs titres « Ubiquitous Almighty », « Howling For You », certains emprunts de passages rituels et chamaniques, notamment lorsque le chanteur s’empare d’un énorme tambourin sur « Ginnungagap ». Phazm conclut son set avec le titre « Scornful Of Icon » où des notes de nyckelharpa s’introduisent au milieu du morceau, lorsque Pierrick prend cet instrument traditionnel suédois qu’il a lui-même fabriqué, comme il nous l’expliquait plus tôt cette année. Un set court mais intense.
« Les Allumettes Suédoises » de Robert Sabatier, les cinq suédoises de Thundermother, l’ont-elles lu ? C’est une toute autre question, qui ne se pose d’ailleurs pas, car elles savent mettre le feu ! Du bon hard rock’n’roll. Gibson SG en bandoulière, pour celle qu’on croirait la petite sœur d’Angus Young, ça riffe dru sur scène, les titres s’enchainent sans temps mort. La chanteuse est définitivement charismatique, et dispose d’une présence sur scène remarquable, tout comme ses collègues instrumentistes qui ne sont pas en retrait. Un petit coup de slide avec la première bouteille qui se présente, et dont on ignore le contenu, et ça repart ! Pour ceux qui n’ont même jamais entendu ce nom, on pourrait cataloguer les filles de Thundermother, dont c’est la première tournée internationale en tête d’affiche, au croisement entre AC/DC et Guns N’ Roses, en cette année où Axl Rose s’est retrouvé vocaliste du combo australien. Efficace en diable, et cela fait un fabuleux chauffage de salle avant l’arrivée des premiers finlandais de la soirée.
Les monstres gentils de Lordi, terreur de Michel Drucker, il y a dix ans, lors de l’Eurovision et la victoire dudit groupe. C’est dans un décor horrifique que le groupe évolue, une scène travaillée, à base de forêt inquiétante et de toiles d’araignées, et des lumières sculptées. Les personnages des musiciens, eux aussi tous plus effrayants les uns que les autres, méritent bien ça, et la performance est au rendez-vous, à tous les niveaux. Comme chacun sait, Lordi c’est du hard rock entrainant, sans faille, bien exécuté malgré leurs accoutrements, bourré de mélodies accrocheuses. Un pape vient annoncer l’arrivée des musiciens, et toute la salle répond immédiatement présent. Il reviendra par la suite tenter d’exorciser le chanteur mais en vain, car les forces du mal semblent les plus fortes, avant d’entamer « Down With The Devil ». La messe continue avec « Hard Rock Hallelujah », et c’est de la folie, n’en déplaise à l’homme au canapé rouge. Evidemment, un tel show ne laisse que peu de place à l’improvisation mais il n’en est pas moins agréable et réjouissant.
Arrive ensuite le tour de l’énorme tête d’affiche : « Return To Roots ». Le public est clairement là pour les frangins Cavalera, vingt ans après la sortie de Roots, le dernier album de Sepultura avec Max au chant, les deux brésiliens accompagnés de leurs acolytes qui officient également dans Cavalera Conspiracy : Johny Chow à la basse et Marc Rizzo à la guitare. Le quatuor reprend en intégralité l’album sorti en 1996. Pas de surprise, les titres sont joués les uns après les autres, dans l’ordre du disque, c’est le principe à double tranchant de ces tournées « hommage » qui fleurissent sur nos scènes actuellement. D’entrée de jeu, c’est la guerre avec « Roots Bloody Roots ». En mode Bruce Dickinson, Max harangue la foule d’un « Scream for me, Nancy ! ». « Ratamahatta » prend la suite, une chanson hautement expressive sur l’album qui semble bien pâle en l’absence de toutes les percussions tribales, mais seul, Iggor ne peut en faire plus.
Certains titres comme « Lookaway » perdent également en intensité du fait de l’absence de Jonathan Davis et Mike Patton. Les titres s’enchainent sans vraiment d’âme, donnant l’impression de voir un concert en mode pilotage automatique, sans doute déjà un peu trop rôdé par la tournée américaine qui a précédé. Le public, lui n’en a cure et se fait bien entendre à chaque invective de Max. Bientôt l’heure du rappel, facile à savoir avec un album joué dans l’ordre. C’est « Ace Of Spades » qui ouvre ce rappel avec un Max sans guitare, le public chantant à tue-tête cet hymne de Motörhead. Le show se termine sur une nouvelle version de « Roots », estampillée 2016, qui est en fait la version démo de cette chanson, ultra speed, thrash, bourrée de blast-beats, mais qui en soi n’apporte rien de nouveau. Alors que penser de cette tournée, n’aurait-il pas été judicieux d’emmener deux ou trois percussionnistes afin de restituer toute l’ampleur des titres et leur donner une réelle couleur comme sur l’album ? Ou alors, jouer un autre album, moins exigeant au niveau des arrangements, mais c’est là une autre histoire car le bruit court que l’expérience pourrait être renouvelée avec d’autres disques.
C’est avec quelques minutes d’avance sur l’horaire prévu qu’Apocalyptica débute son set, et certains se sont réveillés un peu tard ! Dès les premières notes de « Master Of Puppets », le public fait office de cinquième membre du groupe en chantant toutes les paroles. Quelle sensation toujours étrange de voir les trois violoncellistes headbanguer, accrochés à leur instrument classique. Le premier titre réellement chanté est « I’m Not Jesus », mais Franky Perez n’étant pas là, il est remplacé par un proche du groupe, mais n’est pas Corey Taylor qui veut, le chanteur manque cruellement de charisme ! En revanche, d’un point de vue vocal, le job est fait, et bien fait. Puis s’ensuit « House Of Chains », extrait du dernier album Shadowmaker, et « Inquisition Symphony ». Le groupe s’assoit et remonte le temps avec « Nothing Else Matters », publié en 1996 sur le fameux Plays Metallica By Four Cellos, qui a lancé leur carrière. Le public s’époumone sur les paroles. Retour du chanteur, présentation des musiciens, et un « Shadowmaker », interprété de façon tonitruante, enchainé avec « Seek & Destroy ». La Marseillaise en intro de « Hall Of The Mountain King », extrait de Peer Gynt, écrit par Edvard Grieg, joué de façon survoltée, vient clore un excellent concert des finlandais.
Children Of Bodom ou COB, pour les intimes, malgré les différents changements de line-up, garde toujours sa cohérence, en partie car comme tout le monde le sait, le maître à bord est Alexi Laiho, vocaliste et guitariste du combo. « Silent Night, Bodom Night » a la charge d’ouvrir le feu, avant de prendre un uppercut « In Your Face », mais, oui car il y a un mais, le son de COB est médiocre, on ne discerne quasiment pas les instruments, c’est une véritable bouillie sonore. Ce n’est guère mieux du côté lumière, les finlandais officiant sur une scène très sombre (peut-être cultivent-ils leur mystère) baignée d’une lumière rouge dans laquelle on peine à distinguer les musiciens. Les titres s’enchainent sans réelle saveur et surtout sans relief, emmenés par un Laiho qu’on avait connu plus en forme. La musique de ces cinq-là reste parfaite pour se déchaîner et headbanguer, mais les finlandais ont peiné ce soir-là à conquérir la fosse, à une heure déjà avancée. « I Worship Chaos » rallume un peu la flamme en fin de concert, sans pour autant réussir à convaincre, malgré le statut du groupe.
Contraste : Peter Tägtgren en camisole de force débarque sur une jolie scène aux allures futuristes, sous de magnifique lumières, les plus travaillées de la soirée. « Designed To Piss You Off » est tout désigné pour ouvrir le set des suédois. D’emblée, ce qui surprend par rapport à Children Of Bodom, c’est la qualité du son, un son clair, propre où l’on distingue facilement tous les instruments. Les titres s’enchainent sans temps mort, et les quatre musiciens occupent l’espace avec énergie. L’énorme riff de début de « Monkey Business », amène ensuite la chanson sur l’aspect le plus mélodique de Pain, tout comme « A Wannabe » avec son intro acoustique, ses violons et sa mélodie lancinante. Les hits défilent : « Pain In The Ass », « Black Knight Satellite », ou encore « Dirty Woman », qui donne toujours l’impression que Bon Scott, chante planqué derrière un ampli et que Peter Tägtgren fait du playback. Mais quel bonheur ! Un set en forme de best of, raccourci à une heure pour les besoins du festival qui se termine avec Franck Sinatra, on en attendait pas moins de Tägtgren et compagnie.
En résumé, cette édition était vraiment un bon festival, ou plus de deux mille personnes sont venues assister à des concerts, d’une qualité finalement assez variable. Si l’on devait décerner les Awards de cette soirée, celui de la prestation la plus convaincante reviendrait indéniablement à Pain, tandis que Children Of Bodom s’est avéré nettement plus décevant. Mais qu’importe, on attend la troisième édition avec impatience. Nancy On The Rocks, on se voit en 2017 !