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Interview   

Napalm Death : 30 ans d’harmonie


Barney Greenway (dit « l’ours » pour certains) fait aujourd’hui tellement partie de l’identité singulière de Napalm Death, autant par sa participation à ce son effroyablement extrême qu’aux expérimentations, qu’on peut oublier que les premiers pas mythiques du groupe se sont faits sans lui. Enfin, presque. Car le jeune Barney était le premier à répondre présent dans la fosse pour se délecter de son « groupe préféré ».

En 1989, suite au départ de Lee Dorian parti à l’extrême opposé en fondant Cathedral, Barney passe de la fosse à la scène. Une nouvelle ère s’ouvre en 1990 avec l’album Harmony Corruption, son premier album avec Napalm Death, enregistré aux célèbres Morrisound Studio de Tampa, en Floride, en pleine effervescence death metal. Pour le meilleur et pour le pire.

A l’occasion de cet anniversaire, nous avons interrogé Barney sur ses premiers pas dans Napalm Death et sur quelques marqueurs de ses dix premières années au sein du groupe, et même avant.

« Ce qui est étrange c’est maintenant, en fait, depuis Enemy Of The Music Business, parce que c’est difficile de trouver des retours négatifs concernant Napalm. »

Radio Metal : Il y a trente ans Napalm Death sortait Harmony Corruption. C’était ton premier album avec le groupe. Comment était la transition entre le départ de Lee Dorian et ton arrivée ?

Barney Greenway (chant) : Ça c’est fait dans un très court laps de temps, disons ! La transition a été spontanée. Lee est parti et je suis arrivé deux ou trois jours plus tard je crois. J’étais ami avec les gars ainsi qu’avec Lee, et quand Lee est parti, j’ai littéralement reçu un appel téléphonique de Mickey [Harris], le batteur, pour me demander : « Eh, ça te bancherait de rejoindre le groupe ? » Et j’étais là : « D’accord ! » Nous avons fait quelques répétitions. Il n’y avait que Jesse [Pintado] à la guitare à ce moment-là, Mitch [Harris] est arrivé quelques mois plus tard. Quelqu’un m’a demandé dans ma dernière interview : « Comment c’était de remplacer Lee ? » Eh bien, je n’allais jamais remplacer Lee. Lee faisait partie de cette époque du groupe que j’adore, c’était un super frontman pour Napalm Death, mais je ne suis pas Lee, je suis moi-même et j’allais forcément faire les choses à ma manière. Ce qui était le plus important pour moi à cette époque et ce qui est toujours important pour moi aujourd’hui, c’est ma manière d’aborder ce que je fais dans Napalm Death. Je ne suis pas obligé d’être à la hauteur des standards de quelqu’un d’autre ou de me mettre à la place de qui que ce soit, ce n’est pas nécessaire à mes yeux.

Comment était le jeune Barney de vingt et un ans qui a enregistré Harmony Corrumption ?

J’étais putain de défoncé la majeure partie du temps durant l’enregistrement à cause d’une certaine personne qui m’a entrainé dans une certaine voie [petits rires], mais ouais j’ai adoré. J’ai rencontré plein de personnes sympas qui n’étaient pas très conventionnelles et étaient assez excentriques. C’était une bonne époque, sans l’ombre d’un doute. J’aurais juste aimé que l’enregistrement se passe légèrement différemment, mais Harmony Corruption est l’album préféré de plein de gens. Jamais je ne le réenregistrerai parce que c’est un témoin ou un document de l’époque, et on ne devrait pas tripoter ce genre de chose, il faut le laisser tel qu’il est.

Harmony Corruption a été enregistré au Morrisound Studio et possède la marque de fabrique sonore typique de ce studio…

Malheureusement, oui [rires].

C’était l’époque où toute la scène de Tampa prospérait, vous aviez même Glen Benton et John Tardy sur « Unfit Earth ». Etait-ce une décision consciente de la part de Napalm Death de se conformer à cette scène ?

Je le contesterais, car nous ne nous sommes jamais conformés à aucune scène. Le truc, c’était que nous avions clairement des amis dans cette scène, mais il y a plusieurs choses à dire à ce sujet. En fait, au départ, nous ne voulions pas aller au Morrisound, c’est vraiment Earache qui nous a poussés à y aller. Au départ, nous étions là : « Pourquoi est-ce qu’on ne pourrait pas faire l’album au Royaume-Uni ? On n’a pas besoin d’aller au Morrisound. » Mais évidemment, il y avait une grosse hype autour du Morrisound à l’époque. Donc ouais, d’accord, nous avons été tentés par l’idée de passer trois semaines dans un climat vraiment somptueux… Il ne faut pas oublier que deux d’entre nous qui venions du Royaume-Uni n’avaient jamais été nulle part de leur vie, nos familles n’avaient jamais pu se permettre d’aller en vacances dans des lieux de ce genre, donc au final, nous étions là : « Ouais, et puis merde ! Allons profiter du soleil ! » [Rires] Mais en fait, le son qui en est ressorti sur cet album, ce n’est pas celui dont nous voulions, nous voulions le son de Napalm Death, mais sans vraiment comprendre ce que nous voulions à ce moment-là – il ne faut pas oublier que nous étions un nouveau line-up, une nouvelle incarnation du groupe. Nous avons laissé Scott Burns faire ce qu’il pensait être la bonne chose à faire. A ce moment-là, ça ne s’est pas avéré être le bon choix. Sans manquer de respect à Scott, je ne minimise pas du tout l’importance de l’apport de Scott, c’est juste que ce n’était pas ce qu’il fallait pour Napalm, le son n’était pas celui de Napalm. Je l’ai toujours dit depuis le premier jour. Donc non, nous ne nous sommes jamais conformés à cette scène, nous ne nous conformons à rien. Nous avons clairement des éléments de death metal dans le son, autant que nous avons des éléments de punk hardcore ou de rock alternatif, mais non, nous n’avons jamais vu la moindre raison de nous conformer à quoi que ce soit. Je dirais que ce n’était pas le cas. Les gens ont pensé que nous avons délibérément essayé d’aborder l’album sous un angle commercial, à cause de la compression et de la maigreur du son mais ce n’est tout simplement pas vrai, ce n’était pas du tout l’intention. C’est juste ainsi que les choses se sont passées au final.

« Si Napalm a deux ou trois caractéristiques, c’est d’être agressif, rentre-dedans et extrême. Si les morceaux ne répondent pas à ces trois critères, alors pour moi, il faut les retravailler ou reprendre de zéro. »

D’un autre côté, cet album a eu un gros impact sur la scène grindcore américaine. Au final, ce choix d’enregistrer au Morrisound n’a-t-il pas mis Napalm Death en lumière en Amérique ?

Peut-être bien, mais je ne juge pas Napalm Death – selon mon expérience personnelle, parce que j’adore le groupe et que je l’ai toujours adoré – d’après l’accessibilité aux pays. Je persisterais dans mon opinion que l’album aurait pu être bien meilleur avec un son différent. Bien sûr, tu as raison : ça nous a probablement ouvert des portes, mais c’est moi qui dois vivre avec cet album. Ne te méprends pas, quand je dis ça, on dirait que je le jette complètement à la poubelle, mais ce n’est pas le cas. Je me demande juste quelles auraient été les possibilités s’il avait eu un son plus tapageur et agressif, vraiment. A savoir si le son nous a ouvert des choses, je ne sais pas, je n’en suis pas totalement sûr.

Au-delà du son, les compositions elles-mêmes sur cet album étaient moins grindcore et plus influencées par le death metal…

Je ne suis pas complètement d’accord. A certains égards, oui, mais à la fois, Napalm a toujours eu des influences death metal, même si on remonte à Scum. Enfin, peut-être que cinquante pour cent de Scum, c’est Celtic Frost ! Ce qui est du death metal en soi. Je ne sais pas. Je comprends pourquoi les gens disent ça, mais ça n’était pas mon intention. J’adorais le death metal à cette période ; plus trop maintenant. Je trouve que ce n’est plus la même chose depuis les vingt dernières années, tout le feeling, toute la mécanique du genre n’est plus comme avant. Mais je vois pourquoi les gens disent ça mais ça n’était pas l’intention, en tout cas pas me concernant.

Le groupe est revenu à un style plus grindcore sur Utopia Banished mais ensuite a de nouveau changé pour opter pour un style plus groovy, avant de se stabiliser avec Enemy Of The Music Business. Dirais-tu que lors de tes dix premières années dans le groupe Napalm Death traversait une crise d’identité ou essayait de se trouver ?

Je n’irais pas jusqu’à dire ça. Je n’étais pas vraiment responsable de la musique durant ces années. Ou plutôt, je devrais dire que je n’avais pas forcément une grande influence sur la musique. Le groupe expérimentait comme il expérimente aujourd’hui. Je soutiendrais que nous sommes plus focalisés maintenant et que le résultat semble meilleur. Ceci étant dit, « crise d’identité » sonne comme quelque chose de négatif. Même s’il y a quelques trucs qui m’ont posé problème à l’époque dans certains des albums auxquels tu fais référence, avec le recul mon opinion a changé parce que je trouve que l’album Fear, Emptiness, Despair est sacrément brut, si tu écoutes les guitares et ce genre de chose. Il y a des trucs pas mal groovy dessus, si tu veux appeler ça comme ça, mais un bon pourcentage de la musique a aussi une approche à la Napalm traditionnelle, rapide et furieuse. On ne peut pas réduire tous ces albums à une seule chose, ils sont tous très différents. Je ne pense même pas que nous ayons eu une crise d’identité. Je pense que les gars qui, à l’époque, composaient la musique avaient des idées bien précises de ce qu’ils voulaient faire. C’est juste la manière dont ça a été reçu par l’extérieur qui était parfois super, parfois pas si super, comme c’est le cas pour beaucoup de groupes. Ce qui est étrange c’est maintenant, en fait, depuis Enemy Of The Music Business, parce que c’est difficile de trouver des retours négatifs concernant Napalm. Je veux dire, merde, je n’arrive pas du tout à le comprendre parce que généralement avec les groupes et les albums, on entend toujours les deux côtés de la barrière s’exprimer, mais pas tellement avec les quelques derniers albums de Napalm ; c’est quasiment cent pour cent d’avis positifs et c’est dingue, parfois il faut que je me pince pour le croire ! [Petits rires]

Napalm Death a connu de fortes dissensions durant l’époque de Fear, Emptiness, Despair et Diatribes. Tu as même quitté le groupe pendant un bref moment. Quel a été l’impact de cette période agitée sur le reste de la carrière du groupe ? Penses-tu que ce clash a été nécessaire pour mettre les choses à plat et repartir du bon pied ?

Parce que c’était une très courte période, je ne pense pas que ça a eu énormément d’influence. J’ai eu des problèmes avec la musique, je trouvais que certaines chansons que nous avons faites n’étaient pas assez agressives pour du Napalm Death. Si Napalm a deux ou trois caractéristiques, c’est d’être agressif, rentre-dedans et extrême. Si les morceaux ne répondent pas à ces trois critères, alors pour moi, il faut les retravailler ou reprendre de zéro. Il y a quelques trucs sur ces albums de milieu de période pour lesquels je me dis : « Je suis désolé, mais ce n’est pas… Napalm a toujours un coup d’avance en matière d’extrémité et là ce n’est pas le cas. » J’ai vraiment eu du mal avec certains de ces morceaux. Mais ce qui me posait encore plus problème était probablement ce qui se passait autour du groupe, ce qui par moments était difficile à comprendre. L’organisation globale autour du groupe était assez éprouvante par moments. Je ne sais pas si ça a eu beaucoup d’effet sur le groupe. Enfin, j’étais hyper furax et ça a clairement eu un effet sur moi, mais je ne sais pas trop.

« J’ai simplement ouvert la bouche et est sorti ce qui est sorti. Ça ne va vraiment pas plus loin. […] Je voulais juste chanter de la manière la plus extrême possible. »

Si on compare Diatribes et Inside The Torn Apart, ces albums n’étaient pas si différents que ça, et pourtant tu es revenu pour faire Inside the Torn Apart…

Oui. Je pense que Diatribes, en termes de son, était clairement plus brut qu’Inside The Torn Apart. Inside The torn Apart, c’est là que je suis parti un petit moment et que je suis revenu. J’ai du mal à me souvenir d’un certain nombre de trucs qui se sont passés à ce moment-là. Je trouve que l’album possède de très bonnes chansons et nous en jouons encore deux ou trois aujourd’hui. Il y a quelques passages qui auraient peut-être pu avoir plus d’impact, à mon avis, mais mon avis a changé à propos de ces albums au fil des années, comme je l’ai dit, avec le recul. Peut-être que, d’une certaine manière, ils ne sont pas ce que je croyais qu’ils étaient à l’époque.

Ton style de chant est devenu une des marques de fabrique de Napalm Death et personne ne sonne comme toi. Comment as-tu commencé à chanter comme ça ?

J’ai simplement ouvert la bouche et est sorti ce qui est sorti. Ça ne va vraiment pas plus loin. Je pense que le chant, c’est en grande partie lié à notre anatomie. On peut avoir un agencement particulier dans l’anatomie de notre système respiratoire qui peut affecter le son. Car le son, c’est complètement une question de créer des formes sur les surfaces par le biais d’instruments, c’est comme ça qu’on crée des sons et si ton anatomie a une forme particulière, tu produis un son particulier. Je me suis donc juste contenté de produire un son. Evidemment, au fil du temps j’ai commencé à davantage expérimenter et à m’adapter à différents styles dans les albums, mais au début sortait ce qui sortait. Je voulais juste chanter de la manière la plus extrême possible. J’avais mes influences : Tom [Gabriel Fischer] de Celtic Frost, le chanteur de Siege, Cal [Kelvin Morris] de Discharge et tout un tas d’autres personnes. Je voulais obtenir une combinaison de tout ça.

Shane Embury a dit à propos de l’intention sur la chanson « Amoral », présent sur votre nouvel album Throes Of Joy In The Jaws Of Defeatism, que c’était un hommage au « son du Napalm Death pré-Scum. » Tu n’étais pas encore dans le groupe à ce moment-là, mais quels sont tes souvenirs du Napalm Death de cette époque ?

Je me souviens à quel point le groupe était plein de vie. J’avais l’habitude d’aller les voir en concert à Birmingham et il y avait une grosse scène punk et hardcore florissante à l’époque, ainsi qu’avec du metal mélangé à tout ça, et je regardais Napalm Death qui jouait en trio et je trouvais que parmi tous les groupes, celui-ci avait quelque chose de spécial. Il y avait une vitalité, une spontanéité et un quelque chose de spécial sur lequel il est parfois difficile de mettre le doigt. Je savais à l’époque que c’était un groupe spécial. Ajoute à ça le fait que j’adorais vraiment les gars dans le groupe et autour du groupe, et c’était parfait. En gros, c’était plus ou moins mon groupe préféré à ce moment-là. J’adore les musiques qu’ils ont faites avant Scum, les premières démos, elles avaient beaucoup d’importance à mes yeux, en tant que personne qui suivait le groupe à ses débuts.

Interview réalisée par téléphone le 18 août 2020 par Nicolas Gricourt.
Retranscription : Floriane Wittner.
Traduction : Nicolas Gricourt.

Site officiel de Napalm Death : napalmdeath.org.

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